« Avec le modèle américain, les éleveurs français seraient payés 13 % de plus »

  • il y a 3 mois
Prix du lait

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00:00...
00:07Bonjour et bienvenue à tous sur l'Aspace TV.
00:09On va parler ensemble de filières laitières,
00:11d'organisations de producteurs,
00:14de politiques agricoles communes également,
00:17en compagnie de Frédéric Courleux. Bonjour.
00:20Bonjour, Arnaud.
00:21Vous êtes directeur des études
00:22au think tank Agriculture Stratégie,
00:25ex-MOMAGRI,
00:28et vous sortez une étude sur la filière laitière.
00:31Vous avez comparé, transposé
00:34le dispositif de fixation des prix
00:38pratiqué aux Etats-Unis.
00:39Vous l'avez appliqué à la France, au modèle français.
00:45Donnez-nous les 1ers éléments de réponse,
00:49de résultat de cette étude.
00:52Le sujet du partage de la valeur ajoutée
00:54au centre des EGA depuis déjà plus d'un an,
00:58on s'est intéressés à comment fonctionne
01:00la filière laitière aux Etats-Unis,
01:02qui n'a pas été touchée par la crise laitière
01:04comme ça a été le cas de ce côté-ci de l'Atlantique
01:06depuis 2014-2015.
01:09Et on s'est aperçus qu'ils avaient un système assez efficace
01:12de partage de la valeur ajoutée,
01:14basé sur des formules de prix
01:15qui permettent d'avoir un prix unique
01:18pour tous les producteurs d'une grande zone
01:20qui fait 3 à 4 Etats,
01:22qui fait que tous les producteurs de cette zone-là
01:25ont un même prix de base.
01:28Et ce prix de base est calculé en fonction de l'évolution
01:31des prix des produits industriels.
01:35Et donc, ce qu'il faut bien avoir en tête
01:37dans ce dispositif-là, c'est qu'il y a une péréquation
01:40qui fait que le lactalis local aux Etats-Unis
01:45cotise dans une caisse de péréquation
01:47pour le sodial local.
01:50Ces échanges-là peuvent faire jusqu'à 10 à 15 %
01:52de la valeur du lait.
01:54Et on a cherché à transposer ce système-là
01:56sur la Ferme France et on obtient une hausse de prix
02:00payée aux producteurs sur les 10 dernières années
02:02de l'ordre de 13 %, environ 43 € les 1 000 litres.
02:06Ca veut dire que si on transpose, pour bien comprendre,
02:09si on transpose le modèle américain
02:11de fixation des prix du lait à la France,
02:14avec la même organisation,
02:16on arrive à 43 € les 1 000 litres, en moyenne,
02:20sur les 10 dernières années.
02:21Tout à fait, c'est exactement ça.
02:24Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les Américains,
02:25là aussi, sont très pragmatiques.
02:28Ils partent du principe
02:29qu'il ne peut pas y avoir de marché sur le lait,
02:31sur le lait liquide sorti de ferme,
02:34pour la simple et bonne raison
02:35qu'on ne peut pas s'imaginer voir 3 camions-citernes
02:38se tirer la bourre dans les routes de campagne
02:41pour aller proposer un prix différent
02:43au moment d'aller chercher le lait dans les tanks.
02:47Donc ils institutionnalisent un maillon de la chaîne
02:51qui dysfonctionne pour pouvoir permettre
02:53à l'ensemble de la filière de mieux fonctionner.
02:56Mais ça veut dire que 43 € les 1 000 litres,
02:58en moyenne, sur 10 ans,
03:01concrètement, ça veut dire que la répartition
03:03de la valeur ajoutée est beaucoup plus bénéfique
03:05aux producteurs américains, dans leur système,
03:07que ça ne l'est en France,
03:10avec notre dispositif, notre système de fixation des prix.
03:16Tout à fait. On voit bien qu'on a là
03:17une défaillance assez importante.
03:19Il faut vraiment chercher à améliorer la formation des prix.
03:23Aujourd'hui, on est sur un fait assez notoire
03:29que le prix ne se forme pas spontanément
03:33et il faut y remédier.
03:35On peut faire aussi le parallèle avec l'Allemagne.
03:37L'Allemagne, pour à peu près 700 € de chiffre d'affaires
03:42pour 1 000 litres qui sort de l'industrie agroalimentaire,
03:48en France, on est à plus du double de chiffre d'affaires
03:52que la transformation réalise à partir de 1 000 litres de lait.
03:57On voit bien qu'on a aussi, par rapport à l'Allemagne,
03:59un gros problème de partage de la valeur ajoutée.
04:02On peut s'interroger, pourquoi vous sortez cette étude maintenant ?
04:07Il y a une réforme de l'APEC qui est en discussion,
04:10qui va peut-être se mettre en place plus ou moins rapidement.
04:14On verra en fonction des échéances électorales.
04:19Est-ce que ce modèle américain,
04:22vous allez nous l'expliquer, est-ce qu'il est transposable en France ?
04:25On pourrait imaginer une transposition telle quelle du dispositif.
04:29Effectivement, ça se supposerait de pouvoir aller négocier
04:32et d'avoir l'accord d'autres pays qui, aujourd'hui,
04:33sont très bien organisés
04:35et donc n'ont pas besoin de ce type de dispositif-là.
04:39En revanche, on voit bien dans les 1res propositions
04:42de la commission pour l'APEC post-2020
04:45la possibilité d'étendre la logique
04:47qui fonctionne assez bien aujourd'hui
04:49sur les fruits et légumes et sur la viticulture.
04:51Donc ces programmes opérationnels
04:53qui permettent de financer des organisations de producteurs
04:56qui sont investies de missions de régulation,
04:59notamment retrait de la production,
05:00gestion, planification de la production.
05:03On voit bien que si ce type de dispositif
05:06était transposé dans le secteur laitier,
05:09ce seraient ces grosses organisations de producteurs
05:11qui auraient à gérer ce meilleur partage de la valeur ajoutée
05:15concrètement en vendant le lait
05:19à un prix différencié en fonction des transformateurs
05:24de manière à prendre en compte
05:26le mix produit spécifique de chaque transformateur,
05:29c'est-à-dire vendre du lait moins cher au transformateur
05:34qui est moins bien placé, qui a un moins bon mix produit
05:36et inversement aller chercher un peu plus de valeur ajoutée
05:39là où elle est.
05:40Cette extension future des programmes opérationnels
05:44actuellement appliqués en fruits, légumes et viticulture,
05:47évidemment que ça pourra intéresser le secteur laitier
05:50et d'abord les éleveurs.
05:52Encore faudra-t-il que les éleveurs s'organisent davantage,
05:56si je comprends bien.
05:57Voilà, c'est tout le donnant-donnant
06:00du discours du président de la République à Rungis aussi.
06:04Le ministre Travert en a parlé ce matin également.
06:08Il y a un certain nombre d'outils, surtout du côté de la PAC,
06:12dont les producteurs doivent se saisir
06:13pour pouvoir rééquilibrer les relations commerciales.
06:16Ce ne sera certainement pas suffisant.
06:18Il faut aussi penser à des mesures de gestion de crise
06:20qui doivent relever des pouvoirs publics, c'est évident.
06:22Mais sur le partage de la valeur ajoutée,
06:24il y a des perspectives et des gains significatifs
06:29via une meilleure organisation.
06:31C'est aussi un sujet qui monte dans la filière porcine
06:34avec la perspective de voir un rapprochement
06:38des 9 organisations de producteurs en place en Bretagne.
06:43Sous la seule ombrelle d'une association
06:45d'organisation de producteurs,
06:47ce serait effectivement un moyen
06:50de rééquilibrer les pouvoirs de négociation.
06:53Et on assisterait donc, là, dans le cas du porc,
06:55peut-être aux dernières semaines ou aux derniers mois
06:58du cas de rang tel qu'on l'a connu jusqu'alors.
07:02La filière laitière, ceci dit,
07:04a une physionomie assez particulière.
07:06Il y a un peu plus de la moitié de la production,
07:08de la collecte qui est faite par les coopératives.
07:10Aujourd'hui, les coopératives refusent d'entrer
07:15dans ces échanges et ces discussions
07:17sur les organisations de producteurs
07:19en considérant que, par nature,
07:21elles sont une des organisations de producteurs.
07:25Est-ce que c'est un discours qui sera tenable à l'avenir
07:29dans le cadre de cette extension des programmes opérationnels ?
07:32Ca reste d'être compliqué.
07:34On le voit bien sur les fruits et légumes.
07:37On ne va pas pouvoir avoir
07:4050 programmes opérationnels dans le secteur laitier.
07:43L'objectif, c'est d'être efficace
07:46en termes de rééquilibrage des rapports de force.
07:49Donc on se situerait sur un nombre
07:52d'organisations de producteurs bien plus faibles.
07:54Donc effectivement, ça va faire que les coopératives laitières
07:59vont se trouver, si on peut le dire, au pied du mur.
08:02Et là, on voit effectivement 2 scénarios.
08:04Soit elles prennent le taureau par les cornes.
08:07Désolé du mauvais jeu de mots,
08:08mais elles se situent dans ce scénario-là
08:11de manière proactive pour assurer une meilleure organisation
08:15sur un bassin de production,
08:17en se positionnant de manière centrale
08:19et en assurant un rapprochement progressif
08:22avec les organisations de producteurs déjà en place.
08:24Ca, c'est le 1er scénario
08:26dans lequel la coopération et les coopératives
08:29gardent et renforcent leurs prérogatives
08:31en termes de maîtrise des volumes,
08:34de gestion de l'offre,
08:35que ce soit dans le temps ou dans l'espace.
08:38Et elles se situent là, dans ce scénario-là,
08:40au coeur du partage de la valeur ajoutée.
08:42Le scénario inverse, c'est effectivement
08:45qu'elles ne souhaitent pas se charger de ces missions-là,
08:50et auquel cas, on verrait des organisations de producteurs
08:53se constituer au sein des coopératives,
08:55et ces organisations de producteurs
08:57au sein des coopératives s'associeraient
08:59avec les autres organisations de producteurs,
09:01celles des industriels privés,
09:03dans des associations d'organisations de producteurs
09:05au niveau d'un bassin.
09:07On peut imaginer qu'il puisse y en avoir une,
09:08voire deux au niveau de la Bretagne, par exemple.
09:11Et donc, auquel cas, les coopératives
09:14se spécialiseraient dans leurs fonctions de transformation.
09:17On verra bien, dans les mois et les années à venir,
09:20comment réagiront les coopératives
09:22à ce changement réglementaire européen.
09:25Frédéric Courle, merci beaucoup.
09:27Retrouvez d'autres infos sur la politique agricole commune,
09:30la filière laitière sur webagri.fr et ternet.fr.

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