Valentin Houinato : "Quand on voit tous les athlètes au village olympique, on réalise de plus en plus"

  • il y a 3 mois
Valentin Houinato, judoka et porte-drapeau français pour les Jeux olympiques de Paris 2024, est l'invité du 7h50. Il évoque sa préparation, l'ambiance au village olympique et la montée de tension à l'approche du grand jour. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-24-juillet-2024-2673866

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00:00Il est 7h45 et notre invité ce matin est l'un des 10.500 athlètes des Jeux de Paris 2024.
00:06Il est même porte-drapeau de sa délégation et c'est aussi un collègue, figurez-vous.
00:11Valentin Winato, bonjour !
00:13Bonjour !
00:13Vous êtes judoka, vous conduirez la délégation du Bénin vendredi lors de la cérémonie d'ouverture
00:19avec votre collègue, l'athlète Noélie Garrigo.
00:22C'est ça !
00:23Et vous êtes journaliste à Radio France, notamment chez nos amis de France Info.
00:27Vous avez bataillé, Valentin, pour arriver jusqu'ici, jusqu'aux Jeux olympiques.
00:32Ça y est, vous y êtes.
00:33Vous dormez au village olympique ?
00:34Oui, depuis deux jours.
00:36Vous arrivez à réaliser que vous y êtes vraiment ?
00:38De plus en plus, ça a été dur, franchement, de faire la bascule entre la vie de tous les jours,
00:42le quotidien, les galères et se dire « bon, ça y est, on est qualifié ».
00:46Mais là, quand on voit tous les athlètes au village, qu'on voit l'ambiance monter petit à petit,
00:51oui, ça va, on arrive à réaliser de plus en plus.
00:53Portes-drapeaux, en plus, alors ça, vous n'y attendiez pas forcément.
00:57À Paris, vous avez grandi en France, vous êtes franco-béninois, ça c'est la cerise sur le gâteau.
01:02C'est incroyable, pour tout vous dire, on était reçus à l'ambassade hier, avant-hier, avant-hier,
01:08et on m'a dit trois minutes avant de faire un discours que c'était nous les portes-drapeaux.
01:13Voilà, vraiment, on nous a chuchoté dans l'oreille ça, c'était la surprise,
01:18mais évidemment, c'est un plaisir immense.
01:20J'ai la chance d'avoir plein d'amis qui seront là, donc ils guetteront le bateau bénin.
01:25Oui, parce que ce sera sur la scène, on n'aura peut-être pas pensé qu'ils l'auraient loupé.
01:27Votre premier combat sur le tatami, ce sera le 30 juillet ?
01:3230 juillet, 10 heures, oui.
01:33Comment vous faites pour rester concentré sur l'objectif sportif, malgré tout ce qu'il y a autour ?
01:38C'est vraiment le piège, ça pareil, on n'est pas vraiment préparé à ça,
01:41parce que dans le village, il faut savoir que ça ressemble à un parc d'attractions qui était gratuit, à disposition.
01:46Oui, on était dans la cantine tout à l'heure, avec les cuisiniers, dans l'ombre des champions de notre série.
01:50Restaurant ouvert 24 heures sur 24, donc on a très envie de manger tout le temps,
01:54mais bon, il faut essayer de rester concentré, de toute façon les entraînements continuent.
01:59Moi, je continue à aller dans mon club, voir mes entraîneurs,
02:02donc j'ai la chance d'avoir un entourage qui a aussi, pour certains, fait les JO,
02:07donc qui me garde les pieds sur terre.
02:08Certains autour de vous ont déjà cette expérience ?
02:11Oui, j'ai des entraîneurs qui ont participé aux Jeux à Pékin en 2008,
02:16donc ça va, ils savent me cadrer, ils me connaissent un petit peu, ils y arrivent.
02:19On parlait tout à l'heure du village olympique, vous disiez que les athlètes, ça y est, étaient là.
02:23Je pensais à des sportifs français qui ont fait part de leur expérience à Barcelone, à Atlanta, à Sydney,
02:29qui disent que c'est incroyable d'être là, de croiser Michael Jordan, Raphaël Nadal, Alison Félix,
02:36ça vous fait ça aussi, vous avez croisé des grands champions ?
02:39Moi, je voulais absolument voir Raphaël Nadal, et c'est le premier que j'ai vu en arrivant aux acclimatisations.
02:43Tout le monde s'est arrêté d'un coup en disant « regardez, regardez », et c'était Rapha,
02:48donc le pauvre il fait beaucoup beaucoup de selfies, je vous donne l'info comme ça,
02:52mais non, c'est vraiment fou, c'est fou de voir Alison Félix traîner, de voir Raphaël Nadal, de voir Andy Murray,
02:58c'est des gens que je voyais à la télé quand j'étais enfant, donc se dire qu'on est parmi eux maintenant,
03:06c'est assez fou de se dire qu'on a tenu sa promesse d'enfant.
03:09Et ils font la queue avec vous pour récupérer leurs accréditations, comme tout le monde ?
03:13Raphaël est passé un petit peu rapidement, mais en tout cas on mange dans le même réfectoire,
03:17là il vient un peu plus tard, je crois qu'il en a marre des photos, mais on mange au même endroit en tout cas.
03:21Vous parlez de ces yeux grands ouverts que vous avez au village olympique,
03:25parce que vous êtes amateur en réalité, comme la grande majorité des sportifs des Jeux,
03:30les sportifs professionnels, les très grands champions qui gagnent très bien leur vie avec ça,
03:34c'est une petite minorité dans tout cela ?
03:36Oui, nous, en plus en judo il n'y a pas tellement d'argent,
03:39en France, parce que je suis binational, les numéros 1 et 2 des catégories arrivent à en vivre,
03:44mais tout le reste, on a pour la plupart un travail à côté.
03:48Certains sont profs de judo, d'autres journalistes.
03:50Comme vous !
03:52Donc c'est vrai que pour nous, c'est assez spécial d'être pris en charge comme ça à ce point-là,
03:58et de se concentrer sur d'autres sports, c'est très agréable,
04:01mais c'est vrai que la plupart des athlètes ont une autre vie à côté.
04:04Ça vous change parce que d'habitude vous vous débrouillez tout seul,
04:08ou presque, avec une petite délégation, vous êtes combien ?
04:10Vous êtes moins d'une dizaine d'athlètes ?
04:12On est cinq.
04:12Cinq dans la délégation béninoise, c'est une petite fédération qui n'a pas beaucoup de moyens.
04:17Voilà, vous n'êtes pas Usain Bolt, vous n'avez pas de médecin personnel,
04:21vous n'avez pas de préparateur mental, vous n'avez pas de chauffeur privé.
04:24Non, je n'ai pas tout ça, j'ai mes entraîneurs, mais c'est vraiment dans mon club,
04:28et c'est ceux que je finance moi-même, ce n'est pas ceux de la fédération.
04:32Ils ne sont pas avec moi au village olympique, donc ça c'est un peu compliqué de se retrouver un petit peu aisselé.
04:37Heureusement, on est à la maison, donc je peux quand même sortir du village.
04:40Mais c'est vrai que là, d'un coup, on arrive et tout est pris en charge.
04:44On porte nos valises, c'est un peu gênant au début, on s'y fait très vite malheureusement,
04:48mais on prend nos valises, on nous installe, on nous donne absolument tout,
04:52et on est concentré seulement sur le sportif, et c'est plutôt cool.
04:55Je parlais de votre statut d'amateur, vous sentez quand même que malgré la professionnalisation,
05:01malgré le règne de l'argent quand même de plus en plus aujourd'hui,
05:06ça reste ça les Jeux, ces valeurs, cet esprit amateur ?
05:09En tout cas, tous les athlètes qui se baladent dans les rues, tout le monde a l'air juste trop content,
05:15tout le monde est tout sourire, tout le monde fait des photos, des vidéos,
05:19il y a vraiment une joie de la part de tout le monde de participer à ces JO.
05:24Alors après, la plupart sont des grosses délégations, tout le monde est assez bien loti je pense, ils ont l'air en tout cas.
05:30Donc il n'y a plus tant d'amateurs que ça, mais en tout cas tout le monde est très content de participer aux JO,
05:36on sent vraiment que c'est une compétition différente des autres.
05:38Et vous ne sentez pas de hiérarchie entre les très petites délégations comme la vôtre et les grosses ?
05:45Tout le monde est mélangé, il n'y a pas de mépris particulier ?
05:48Non, il n'y a pas de mépris, après nous on n'a pas de balcon à la délégation béhémoise, contrairement à beaucoup d'autres,
05:54mais non ça va, les chambres sont très correctes, tout se passe très très bien, on est très bien accueillis.
05:58Les lits en carton recyclé, c'est comment ?
05:59Le lit en soi est très bien, le matelas est un poil ferme, je ne vous cache pas, mais on s'y fait aussi,
06:06on est au village olympique donc en fait il n'y a rien qui peut nous déranger.
06:09Est-ce qu'on sent une responsabilité supplémentaire quand on est cinq à représenter un pays comme le Bénin,
06:16de 13 millions d'habitants, qui n'est pas habitué aux médailles olympiques, qui va vous regarder, comment on vit cela ?
06:24C'est vrai que ça a été une surprise aussi parce qu'on a reçu beaucoup de messages de la part de Béninois, de Béninoises,
06:30et des ministres, et un peu de tout le monde au pays, et c'est vrai que tout le monde compte très très fort sur nous,
06:36donc on est très contents, on est très fiers, mais c'est vrai qu'on n'est pas beaucoup, donc les attentes sont concentrées sur assez peu de personnes.
06:42Je pense que, moi pour ma part je suis assez outsider, mais Noélie qui est porte-drapeau avec moi fait troisième au championnat du monde en selle cette année,
06:49elle est très habituée à ce genre de compétition, donc je pense qu'elle aura un poil plus la pression que moi.
06:54Noélie Yarrigaud, c'est ça sa spécialité.
06:58Je parlais tout à l'heure de préparation mentale, c'est aujourd'hui pour les grands champions un aspect essentiel de la réussite sportive,
07:07sauf qu'il faut avoir les moyens en général.
07:10Vous, vous êtes seul ou presque, enfin vous êtes entouré, mais vous n'avez pas de préparateur mental proprement dédié à cela,
07:17j'imagine qu'il y a un côté vertigineux à se dire, ça y est, je vais disputer ce tournoi olympique dont je rêve depuis que je suis enfant.
07:24Comment vous faites pour rester dans votre bulle et éviter de vous disperser jusqu'au 30 juillet et votre entrée en lice ?
07:31C'est vrai que mon préparateur mental n'est pas là, donc on peut encore s'appeler, bon lui est en vacances dans le sud, on lui passe le bonjour,
07:36mais on peut quand même discuter, on peut s'appeler, j'ai un de mes entraîneurs que je dois appeler là dans la journée aussi parce que c'est lui qui a fait Pékin en 2008.
07:45Ils m'ont surtout dit de déjà m'autoriser à prendre du plaisir, c'est compliqué d'arriver dix jours avant la compétition et déjà être stressé et focus,
07:53de toute façon on ne peut pas, c'est tellement merveilleux et vertigineux qu'il faut quand même prendre ce plaisir-là je pense,
08:02je me l'autorise encore quelques jours et après la cérémonie il me restera quatre jours avant mon entrée en compétition,
08:08c'est là que je pense que je switcherai complètement, pour l'instant je bascule entre les deux.
08:13En parlant de prendre du plaisir, vous êtes passionné de sport en général, comme journaliste, comme homme, vous regardez beaucoup de sport, je le sais.
08:23Vous me faites bien informer.
08:24Oui, oui, parce qu'on se croise effectivement dans la maison de la radio de temps en temps.
08:29Est-ce que vous allez réussir à profiter des Jeux aussi à côté, en dehors de vos épreuves à vous ?
08:36J'aimerais beaucoup, alors à priori on n'a pas le droit d'assister à d'autres épreuves, les badges sont très très serrés et il y a des petits logos dessus,
08:43je ne perds pas espoir de gruger du côté de Roland-Garros ou du stade de France,
08:48en faisant les yeux doux, je ne sais pas, s'il vous plaît, peut-être, j'aimerais beaucoup voir un match de Nadal et Alcaraz par exemple,
08:55donc je vais essayer de négocier ça.
08:57On vous le souhaite.
08:59Je disais tout à l'heure que votre parcours jusqu'ici a été difficile pour arriver jusqu'aux Jeux Olympiques,
09:04ça a été beaucoup de galère, vous avez dépensé beaucoup de temps, beaucoup d'argent, un peu aussi de votre santé physique et mentale, il faut bien le dire,
09:11vous l'avez raconté dans un podcast qui est disponible sur franceinter.fr qui s'appelle « La Prépa » de Valentin Ouinato,
09:18est-ce que le risque, ça peut être aussi naturellement, une fois qu'on est là, de se relâcher ?
09:22Complètement, il y avait déjà cet effet-là sur la plupart des compétitions parce qu'il y a tellement de galères en amont,
09:28d'administratives, de prises de billets d'avions, d'hôtels, qu'au moment d'arriver à la compétition, on peut être tenté de se dire « ah ça y est, je suis arrivé »,
09:37et c'est le piège, après c'est humain, et là avec beaucoup d'amis on s'est dit ça, c'est-à-dire qu'une fois qu'on est rentré au village,
09:44on se dit « bon bah ça y est, on est parmi les 10 000 athlètes », et c'est là qu'il faut réussir à mettre le dernier coup de collier parce qu'il reste une semaine
09:50et ce serait trop dommage de passer à travers sa compétition, donc il faut essayer de faire abstraction de ça, même si ça a été vraiment dur de balayer
10:01ou en tout cas de tourner la page de ces deux dernières années qui ont été très très dures et physiquement et mentalement.
10:05Vous vous fixez un objectif ou pas, pour le tournoi de judo ?
10:08Alors moi j'aime beaucoup les médailles, je les accroche chez moi comme ça, et l'or me va bien autant, mais nous en judo on est classé quand on est dans les 7 premiers,
10:17c'est un tableau, on gagne, on avance, donc ça serait déjà exceptionnel d'être dans les 7 premiers vu que la catégorie est très très très très forte.
10:25Après il y a beaucoup de gens qui me disent « ah c'est super de participer », en fait c'est dit très gentiment parce qu'ils savent que ça a été compliqué
10:33et le Bénin est une petite nation de sport pour l'instant, mais j'aime bien les médailles quand même.
10:38Bon, on espère que vous reviendrez dans les couloirs de Radio France à la rentrée avec une médaille autour du cou. Vous reviendrez, hein ?
10:45Je sais pas, je serai là, c'est ça, je serai là.
10:49Valentin Ouinato, judoka, porte-drapeau du Bénin et donc journaliste à Radio France, à France Info en particulier, merci beaucoup d'être passé nous voir sur France Inter ce matin
11:00On vous souhaite tout le meilleur pour vendredi, la cérémonie d'ouverture et pour la compétition.

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