Lycée Averroès : la justice valide à nouveau la fin des subventions de l’État

  • il y a 3 mois
Avec Iannis Roder, agrégé d’histoire, professeur en REP (réseau d’éducation prioritaire) depuis 25 ans, Directeur de l’Observatoire de l’éducation de la Fondation Jean Jaurès, Auteur de “Préserver la laïcité” (L’Observatoire, mars 2024).

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##C_EST_DANS_LACTU_1-2024-07-24##

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Transcription
00:00Radio, les débats de l'été, 10h-13h, Thierry Guerrier.
00:04Alors, je vous le disais, on commence par cette décision de la justice administrative qui va faire parler
00:10plus d'argent public pour le lycée musulman à Véroeste de Lille.
00:14La justice administrative, donc le tribunal administratif, a confirmé une seconde fois
00:19la décision du préfet de Lille de suspendre les financements publics,
00:23de rompre le contrat avec ce lycée privé confessionnel musulman
00:28pour, je cite, « manquement grave aux fondamentaux de la République ».
00:32Nous sommes en ligne avec Yannis Roder, bonjour Yannis Roder.
00:35– Bonjour.
00:36– Alors, vous êtes un prof, vous êtes agrégé d'histoire,
00:40professeur en réseau d'éducation populaire depuis de nombreuses années
00:44et vous êtes directeur de l'Observatoire de l'Éducation de la Fondation Jean Jaurès.
00:48Vous êtes auteur de « Préserver la laïcité » aux éditions de l'Observatoire.
00:52On va commencer déjà peut-être par quelques explications très simples.
00:56Pourquoi, au départ, le préfet dénonce-t-il le contrat
01:01entre l'État et ce lycée musulman de Lille ?
01:05– Alors, pour répondre, pour essayer d'être le plus clair possible,
01:09il y a plusieurs raisons qui ont poussé le préfet à casser ce contrat avec l'État.
01:15Donc cet établissement avait contractualisé avec l'État,
01:18c'est ce qu'on appelle un établissement privé sous contrat,
01:21ce qui signifie que l'État subventionne largement en argent public
01:28le fonctionnement de cet établissement.
01:29Alors, pourquoi le préfet a-t-il décidé de stopper ce financement ?
01:34Pour plusieurs raisons.
01:35Le premier, c'est deux refus d'inspection du CDI, du centre de documentation,
01:39qui ont été notifiés à l'équipe qui est venue inspecter l'établissement.
01:44Il y a des cours d'éthique musulmane qui posaient problème
01:47puisque les élèves étudiaient un recueil de textes religieux
01:50qui comprenaient des commentaires lesquels prônaient la peine de mort
01:54en cas d'apostasie et la ségrégation des textes.
01:56Ça, on ne peut pas prôner en France.
01:58D'abord, l'apologie de la peine de mort, c'est plus qu'une opinion.
02:04Et puis surtout, ce que vous appelez l'apostasie, il faut le préciser,
02:06c'est-à-dire qu'on a en France le droit de refuser la religion de ses parents,
02:10par exemple, ou de changer de religion,
02:12ou de réfuter le fait qu'on est catholique, musulman ou autre,
02:16quand on devient, par exemple, adulte.
02:18Exactement, c'est un des principes de base du principe de laïcité
02:22qui est un principe républicain et constitutionnel.
02:25Et c'était battu en brèche dans le lycée.
02:27Le lycée avait reussi et on a été en brèche.
02:29Il semblait, il semblerait en tout cas que c'était battu en brèche.
02:32Et je rappelle quand même qu'un établissement sous contrat
02:35ne fait pas ce qu'il veut.
02:36Il y a un article du Code de l'éducation, le 131-1 pour être précis,
02:39qui explique que l'établissement privé sous contrat
02:42doit faire partager les valeurs de la République.
02:43Et là, on est concrètement dans autre chose que le partage de la République.
02:47Et puis, il y a un troisième point, c'est la traçabilité de certains financements
02:51qui laissent à désirer.
02:53On a du mal à...
02:54Par exemple, il y a un financement, il semblerait, venu du Qatar,
02:57par exemple en 2014,
02:59et voilà, le préfet aimerait tirer au clair ces choses-là.
03:04C'est-à-dire ? Vous nous dites, Yanis Roder,
03:06qu'il y a en fait suspicion de la part des services de l'État
03:08et de la préfecture de Lille,
03:10suspicion de financement de ce lycée musulman AVROS
03:14par des puissances étrangères.
03:16Et en particulier le Qatar dont on sait le lien avec les frères musulmans.
03:20C'est ce qui est avancé en tout cas par les autorités
03:23et c'est ce qui a poussé notamment la région des Hauts-de-France
03:26à refuser de verser la subvention qui est obligatoire
03:30dans le cadre d'un établissement qui a contractualisé avec l'État
03:33au nom justement du manque de traçabilité
03:37de cet argent venu de l'étranger.
03:40Bon, mais est-ce que là, on tape très fort sur un lycée
03:43parce que c'est un lycée musulman, confessionnel musulman,
03:46alors qu'il y a des tas d'autres lycées,
03:49catholiques essentiellement, mais aussi protestants en France,
03:52qui sont subventionnés par l'État et qui sont sous contrat ?
03:55Est-ce que donc là, on tape ?
03:57Ou est-ce qu'il y a réellement un fondement, à votre avis,
03:59de la part de la préfecture ?
04:01Est-ce que c'est sérieux ces raisons invoquées pour rompre le contrat ?
04:06Vous me permettrez de dire qu'on ne tape pas sur cet établissement
04:11parce qu'il est musulman.
04:12On tape sur cet établissement parce qu'il y a des manquements,
04:18une contradiction entre ce que doit faire cet établissement
04:21au nom de la contractualisation et ce qu'il fait réellement.
04:24Ça peut être le cas pour d'autres établissements scolaires
04:27qui sont sous contrat et qui sont catholiques, par exemple,
04:32ou juifs, s'il y a manquement.
04:35À chaque fois, si vous voulez, le problème,
04:37ce n'est pas qu'ils soient musulmans, chrétiens ou juifs,
04:40le problème, c'est les manquements au contrat.
04:42Voilà, et c'est là, c'est ça qui a été notifié par le préfecture.
04:46Mais clairement, vous qui êtes un observateur de la laïcité
04:51et qui défendez la laïcité et ce grand principe républicain,
04:55vous dites parfois, en effet, certains de ces établissements confessionnels
05:00donnent des coups de canif à la laïcité
05:03et essayent de faire passer des idées qui sont hostiles
05:07à la laïcité version française.
05:09Oui, ce sont des choses qui arrivent.
05:11Alors, je me permettrais quand même de dire qu'il faut, je crois,
05:14en tout cas, j'espère que l'immense majorité des établissements
05:18confessionnels sous contrat respectent ce contrat républicain.
05:22Mais il arrive qu'effectivement, des établissements privés sous contrat,
05:25ça a été le cas avec le lycée Stanislas, par exemple, à Paris,
05:28qui a fait un peu parler de lui, lycée catholique,
05:31où des cours étaient donnés par des intervenants,
05:34intervenants extérieurs en l'occurrence,
05:36et qui condamnaient, par exemple, l'homosexualité,
05:39laquelle homosexualité est évidemment...
05:42C'est l'immense.
05:44Exactement, est évidemment un droit protégé en France.
05:47Oui, mais alors, ça nous amène à une question quand même, Yanis Roder,
05:51est-ce qu'au fond, on ne peut pas considérer,
05:54et certains ne vont pas considérer, qu'il y a deux poids, deux mesures ?
05:57C'est-à-dire que le lycée Stanislas,
05:59qui est un lieu où on forme certains enfants
06:02qui vont aller ensuite à l'ENA, par exemple,
06:05ou à Sciences Politiques,
06:07et qui sont ceux, les enfants de l'élite chrétienne,
06:10pas uniquement, mais catholique notamment,
06:13on va dire qu'il y a deux poids, deux mesures.
06:15Quand ce sont des jeunes de Lille
06:18et issus des banlieues via l'islam,
06:21ceux-là, l'État le tape dessus.
06:24Oui, c'est un risque, à mon avis, qui est avéré,
06:28et un risque de deux poids, deux mesures qui est double.
06:32D'abord, un deux poids, deux mesures sur les élites d'un côté,
06:35et un lycée qui accueille une population
06:38moins favorisée de l'autre,
06:41et puis effectivement, un lycée qui est sous contrat,
06:44mais catholique, et un lycée sous contrat musulman.
06:46Donc, il y a là un danger de perception
06:49du deux poids, deux mesures, d'où la nécessité
06:52d'œuvrer à faire de la pédagogie,
06:55et d'expliquer pourquoi il y a sanction,
06:58si il y a sanction, et si les faits sont avérés.
07:00Et pourquoi, de l'autre côté, il n'y a pas la même sanction.
07:03Je crois que c'est très important de faire de la pédagogie
07:06pour éviter, justement, de corroborer les postures
07:09victimaires de certains, dont s'emparent, par exemple,
07:12certains islamistes, les militants islamistes,
07:15qui vont jouer sur cette victimisation.
07:17Il faut faire de la pédagogie. L'État doit être ferme,
07:19d'un côté comme de l'autre, de la même manière,
07:22avec équité, mais à la condition de faire de la pédagogie
07:25pour expliquer la différenciation des sanctions,
07:27si différenciation il y a.
07:28L'avocat du lycée, Stéphane Guesguèze,
07:31maître Guesguèze qu'on a essayé de joindre d'ailleurs,
07:34et qui ne nous a pas répondu, l'avocat du lycée avait considéré
07:37au moment de l'audience devant le tribunal administratif
07:40que la rupture du contrat, c'était la synonyme
07:43de mort lente de l'établissement. C'est votre avis aussi ?
07:46Il est évident que la perte du financement
07:49par l'État, c'est une perte nette,
07:52me semble-t-il, de 500 000 euros, plus des professeurs
07:55qui sont titulaires de la fonction publique,
07:58titulaires de l'éducation nationale, qui peuvent être mis à disposition,
08:01cette perte est absolument colossale
08:04pour ce lycée, et même s'il a mis en place
08:07une cagnotte qui, jusque-là, a rapporté 483 000 euros,
08:10il semble qu'il faille un million d'euros pour qu'il puisse fonctionner
08:13à la rentrée de septembre, or il ne les a pas, donc effectivement
08:16le danger est réel de fermeture
08:19du lycée, ou en tout cas d'une partie du lycée.
08:21C'est pas un peu tard, cette décision de justice ?
08:24Elle tombe tard, on est à quelques semaines de la rentrée, quand même.
08:27Écoutez, la justice suit son cours,
08:30je ne vais pas commenter une décision du tribunal administratif,
08:33c'est comme ça que ça fonctionne.
08:36D'ailleurs, les fautes ont été un peu,
08:39d'une certaine manière, vous parliez de Maître Guizguiz,
08:42qui les a en quelque sorte reconnus, puisqu'il a dit que les cours d'éthique musulmane
08:45orientés dans le sens contraire aux valeurs de la République
08:48ont été corrigés.
08:51Ça veut bien dire qu'il y avait des problèmes.
08:54Maintenant, il faut que le lycée donne des gages,
08:57et on verra sur le fond, parce que je crois que l'affaire n'a pas été totalement
09:00jugée sur le fond, là c'est un référé au tribunal,
09:03nous verrons ce qu'il en est.
09:06Juste un dernier mot, la menace islamiste
09:09sur la laïcité, aujourd'hui, vous considérez qu'elle reste
09:12prégnante en France ?
09:15Oui, elle reste prégnante, c'est une évidence, on le voit
09:18dans les études que nous menons, notamment avec la fondation Jean Zorès
09:21et avec l'IFOP, régulièrement, que ce soit nous ou d'autres
09:24d'ailleurs, qui montrent une progression des contestations
09:27d'enseignement, c'est-à-dire de refus de certains sujets,
09:30de certains livres, de certaines lectures,
09:33de certains thèmes.
09:36Certains tableaux, on a vu qu'il ne fallait pas
09:39que les jeunes voient certains tableaux,
09:42cacher ce sein que je ne saurais voir.
09:45Merci d'avoir accepté de commenter
09:48cette décision de justice à propos du lycée AVEROS.
09:51Yanis Roder, agrégé d'histoire, professeur
09:54d'histoire depuis 25 ans en réseau
09:57d'éducation prioritaire et directeur de l'Observatoire de l'Éducation
10:00de la fondation Jean Zorès.
10:03Je rappelle que nous avons tenté de joindre à plusieurs
10:06reprises, sans succès, l'avocat du lycée AVEROS
10:09Maître Stéphane Guesgues.

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