• il y a 2 mois
Nous l’avions interviewé en 2021, peu après la création de l’association « Donner des ELLES à la santé », la chirurgienne urologue Géraldine Pignot revient sur les évolutions dans l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans le secteur de la santé et la lutte contre les violences à caractère sexiste et sexuel.
Texte : Récemment, le #MeToo à l’hôpital à beaucoup fait parler. L’association « Donner des ELLES à la santé » en sait quelque chose puisque cela fait maintenant 4 ans qu’elle agit pour faire avancer les choses sur le sujet. Qu’en est-il en 2024 ? Et le monde de la santé est-il plus égalitaire entre les femmes et les hommes ? Réponse avec la présidente d’honneur et co-fondatrice de l’association, Géraldine Pignot, également et surtout chirurgienne urologue.
Durant son parcours pourtant brillant, plusieurs freins dus à son genre ont parasité son évolution. Elle milite maintenant pour que ceux-ci n’existent plus pour les générations futures. Un engagement qui lui a valu, ainsi qu’a la vice-présidente et psychiatre Pr Coraline Hingray, la nomination dans l’ordre national du Mérite au grade de Chevalier.

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Transcription
00:0080% des femmes à l'hôpital se sentent discriminées du fait de leur genre
00:03et 75% sont victimes de comportements sexistes et sexuels.
00:07C'est encore valable en 2024.
00:16Une reconnaissance et une belle visibilité pour l'association.
00:19Ce grade de chevalier, je l'ai au titre de mes activités associatives
00:22et donc c'est surtout une fierté pour ce que l'association a pu développer
00:25depuis cinq ans, depuis sa création.
00:31C'est une association qui a été créée en 2020
00:33qui a pour but de promouvoir l'égalité professionnelle
00:36femmes-hommes dans le milieu de la santé et notamment à l'hôpital.
00:40Également de lutter contre les discriminations
00:42et les comportements sexistes encore présents à l'hôpital.
00:44Et vraiment dès le départ, l'idée c'était de pouvoir faire travailler ensemble
00:48des médecins avec leur vision pratique aux pratiques du terrain
00:51et puis les directeurs d'hôpitaux ou les membres de direction hospitalière
00:54pour pouvoir justement voir quels sont, à l'échelon de l'établissement,
00:58les actions qui sont possibles de mettre en place.
01:03Tout ce qui est lutte contre les violences sexistes et sexuelles,
01:05on en a beaucoup entendu parler récemment
01:07parce qu'il y a eu le hashtag MeToo à l'hôpital
01:09avec Karine Lacombe effectivement qui a beaucoup fait parler.
01:11Et on a été sollicité par les ministères
01:13pour les aider à travailler sur des actions concrètes.
01:15On a effectivement toute une feuille de route et des actions
01:17qui vont permettre une libération de la parole
01:19mais surtout derrière des sanctions qui vont venir en face
01:22et qui vont permettre effectivement d'éviter l'impunité
01:24et l'omerta qui régnait encore à l'hôpital.
01:26Dans les actions qu'on mène, on a aussi une action de mentorat
01:28qui va être développée cette année.
01:29L'idée c'est justement d'aider les femmes à accéder au poste à responsabilité,
01:32les guider dans leur parcours, dans leur carrière
01:34pour essayer d'identifier les freins et de lever les obstacles éventuels.
01:41C'est de dire on ne va pas s'en tenir simplement à
01:44on dénonce derrière il faut des actions.
01:45Aujourd'hui les signalements sont trop peu nombreux
01:47mais ce qui est surtout très embêtant c'est que quand il y a un signalement
01:50il y a très peu de chances que derrière il y ait une sanction
01:52et que cette sanction survienne dans des délais convenables.
01:55Donc ce qu'on veut vraiment mettre en place, c'est une transparence du process,
01:58qu'il soit indépendant avec l'affaire judiciaire qui peut parfois être en cours
02:03mais pour qu'il y ait des sanctions qui soient disciplinaires et ordinales,
02:05totalement indépendantes.
02:10Dans ma carrière de chirurgienne urologue,
02:12j'avais un petit peu occulté les freins qui étaient présents
02:15au cours de l'évolution de ma carrière
02:16puis finalement j'ai réussi à avancer.
02:18Mais je me rends compte, peut-être un petit peu tard,
02:20que cette change-là que moi j'ai eue, d'autres ne l'ont pas eue
02:23et ça vaut le coup effectivement de changer un peu les choses,
02:25de changer les règles du jeu et de regarder un peu en arrière
02:28pour se dire finalement comment est-ce qu'on peut aider maintenant les jeunes générations.
02:34Ce qui a beaucoup changé, c'est la prise de conscience
02:36puisque depuis 2021, l'association Donnez des ailes à la santé
02:39communique via un baromètre qu'on fait avec Ipsos
02:42et ce baromètre permet justement de chiffrer les choses.
02:4580% des femmes à l'hôpital se sentent discriminées du fait de leur genre
02:48et 75% sont victimes de comportements sexistes et sexuels.
02:52C'est encore valable en 2024 puisque ce baromètre est réalisé de manière annuelle.
02:56Donc depuis 2021, ce qui a changé, c'est vraiment cette prise de conscience.
02:59Les gens savent maintenant, ce qui reste à faire, c'est les actions concrètes
03:02et c'est ce qu'on continue à porter aujourd'hui.
03:07Pour faire avancer les choses, il faut des volontés institutionnelles et politiques.
03:11Alors les volontés institutionnelles, elles commencent à être là
03:13puisqu'on échange beaucoup avec le CNG,
03:15qui est le Centre National de Gestion, qui nomme les PH.
03:18On échange beaucoup aussi avec la conférence des DG de CHU
03:21et les conférences de DG de CH.
03:22Également avec les ministères et avec les associations d'étudiants.
03:29C'est à peu près 60% des effectifs à l'hôpital qui sont des femmes.
03:32Et quand on voit la féminisation des professions et dans toutes les spécialités,
03:36on voit que les étudiantes en médecine sont à peu près,
03:38en deuxième année de médecine, 80% des effectifs.
03:40L'erreur, c'est de se dire que logiquement, comme il y a cette féminisation,
03:44les postes à responsabilité vont également se féminiser.
03:46C'est faux et ça, on le constate depuis 20 ans,
03:48même dans les spécialités les plus féminisées.
03:51On est entre 20% à 30% de chefs de service
03:54et seulement 24% de PU-PH femmes.
03:57Et donc, on voit qu'il y a un énorme décalage.
03:58Probablement qu'une des raisons, c'est beaucoup d'autocensure de la part des femmes.
04:02Alors, on peut bien imaginer que quand on a vécu des violences sexistes et sexuelles,
04:06on est peut-être moins à même de se sentir légitime pour aller demander un poste.
04:10Et puis, il y a tout le poids culturel.
04:12Les femmes ont été élevées avec ce qu'on appelle le syndrome de la tiare,
04:15c'est-à-dire l'impression qu'il faut attendre qu'elles vont faire la bonne élève,
04:19qu'elles vont faire le job et puis qu'un jour, on va venir leur placer la couronne sur la tête.
04:22Mais ce n'est pas comme ça que ça marche en milieu professionnel.
04:24Il faut parfois savoir réclamer.
04:26Et donc, il y a tout un enseignement à faire et c'est là que le mentorat peut avoir un intérêt.
04:33Aujourd'hui, c'est 50% des internes en neurologie qui sont des femmes.
04:36Donc, les choses vont peut-être changer.
04:38En neurologie, s'il n'y a pas de rôle modèle féminin,
04:40eh bien, il n'y a pas de femmes qui montent.
04:42On voit que les choses bougent.
04:43On voit qu'il y a des femmes qui commencent depuis deux ans à être nommées sur des postes de professeurs.
04:47Également, des femmes qui arrivent au comité d'administration de la spécialité.
04:54Jamais rien lâcher parce qu'effectivement, la facilité, c'est de se dire qu'on baisse les bras,
04:57que les choses n'avancent pas assez vite.
04:59C'est vrai que les choses avancent lentement, mais elles avancent.
05:01C'est ça qui compte.
05:01Comme le disait Simone de Beauvoir, il suffit d'une crise politique, économique ou religieuse
05:06pour que les droits des femmes reculent.
05:08Donc, ne lâchons rien.
05:09Il faut rester vigilante et il faut continuer à avancer.
05:12Même si la route est longue, les choses se font et c'est le principal.
05:17C'est ça, c'est ça, c'est ça.

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