Jeff Wittenberg reçoit Roland Lescure, Ministre démissionnaire de l'Industrie et de l'Energie sur le plateau des 4 vérités.
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00:00Bonjour Roland Lescuant, merci d'être avec nous ce matin.
00:06Est-ce que vous, comme ministre démissionnaire, et d'ailleurs vous avez annoncé que vous ne participeriez pas au prochain gouvernement,
00:11vous y voyez néanmoins plus clair sur la formation de cette nouvelle équipe de Michel Barnier.
00:16Est-ce qu'elle penchera franchement à droite ?
00:18Matignon sera votre maison, a dit hier le Premier ministre au parlementaire républicain qu'il rencontrait à Annecy.
00:24Il n'avait pas été aussi chaleureux ou en tout cas explicite lorsqu'il était venu vous voir.
00:28Vous, les centristes, cette semaine lors de vos journées parlementaires.
00:32Écoutez, ce n'est pas un secret que sa famille politique, c'est les républicains, c'est la droite républicaine,
00:38et c'est les parlementaires qu'il a rencontrés hier.
00:41Ce n'est pas un secret non plus que depuis trois mois, depuis la dissolution,
00:45cette famille politique a 47 parlementaires à l'Assemblée, ce qui est évidemment loin de faire une majorité.
00:51Donc s'ils souhaitent, ce que moi j'appelle de mes voeux, depuis la dissolution,
00:55depuis que nous avons perdu 100 députés, depuis que les républicains en ont perdu 20,
00:59depuis que la gauche est ce qu'elle est.
01:02Si on veut effectivement appeler à une majorité républicaine qui rassemble les gens de gauche et de droite,
01:08il faut parler à tout le monde.
01:09Il est venu nous voir, vous l'avez dit, mardi, pour nous dire qu'il avait besoin de nous.
01:12Et il ne vous a pas dit Matignon sera votre maison ?
01:14Non, non, il ne nous a pas dit ça.
01:16Il l'a dit à la droite, donc est-ce que ça pose un problème ?
01:18Non mais écoutez, vous l'avez dit, moi j'ai dit que je ne participerai pas au gouvernement.
01:23J'ai dit aussi que ma confiance ne serait pas automatique et qu'il avait besoin de nous convaincre.
01:28Je lui donne évidemment le bénéfice du doute, mais qu'il avait besoin de nous convaincre
01:31qu'il souhaitait véritablement rassembler de manière large.
01:34Donc ça fait partie des discussions qu'on doit avoir.
01:37Il est venu nous voir pour nous dire qu'il avait besoin de nous,
01:39qu'il était prêt à travailler avec nous.
01:41Il va maintenant travailler à la fois sur le qui et le pourquoi, son gouvernement et pourquoi faire.
01:45Monsieur, vous avez fixé par exemple une ligne rouge, je recite ce que vous explicitiez.
01:51Par exemple, s'il y avait la création d'un ministère de l'immigration,
01:54si, comme on le murmure, des personnalités telles que Laurent Wauquiez ou Bruno Retailleau
01:59devenaient ministre de l'Intérieur pour succéder à Gérald Darmanin,
02:02est-ce que ça serait par exemple ça aussi une ligne rouge ?
02:04Moi je sais pourquoi je me suis impliqué.
02:06Vous l'avez dit qui, c'est pour ça que je cite des noms.
02:08Donc le qui pour moi, ce qui est important, c'est qu'on ait un gouvernement équilibré.
02:11Et surtout pourquoi faire ?
02:13Moi je me suis engagé il y a plus de huit ans.
02:15Pour une France ouverte à l'autre.
02:17Pour une France ouverte sur le monde.
02:19Et pour une France pour laquelle l'efficacité économique est un gage de prospérité
02:24qui permet de financer notre modèle social,
02:26qui permet de financer la transition écologique.
02:28Donc évidemment je serai extrêmement vigilant.
02:31Par exemple, le budget.
02:33Le budget c'est le reflet d'une ligne politique.
02:35Moi je suis ministre de l'énergie, vous l'avez dit, pour encore quelques jours.
02:38Je considère, je suis convaincu que pour décarboner la France,
02:41il faut à la fois développer le nucléaire et les énergies renouvelables.
02:45Ce n'est pas un secret de dire que Bruno Retailleau, par exemple, vous en parliez,
02:49n'est pas un grand fan des éoliennes.
02:51Mais si on souhaite véritablement développer l'industrie décarbonée,
02:54il va falloir plus d'éoliennes en France.
02:56Dès l'année prochaine.
02:58Et donc il va falloir que le budget en tienne compte.
03:00Donc ça, ça fait partie des choses sur lesquelles je serai très vigilant.
03:03Moi je sais pourquoi je me suis engagé.
03:05Ce n'est pas pour qu'on aille faire des emplettes dans le programme du Rassemblement National.
03:09Évidemment nous ne sommes pas majoritaires.
03:11Mais je souhaite que cette ligne politique soit intégrée.
03:14Je suis sûr qu'il le fera.
03:15C'est son intérêt, c'est l'intérêt de la France.
03:17– Les Républicains avec leurs 47 députés veulent,
03:19ils ne s'en cachent pas, des ministères régaliens.
03:21Je réitère ma question sur par exemple le ministère de l'Intérieur.
03:24Est-ce que vous seriez d'accord pour qu'une personnalité bien marquée à droite,
03:28vous avez cité Bruno Retailleau, on parle aussi de M. Wauquiez,
03:31accède à ce poste et donc ait une politique plus ferme en matière d'immigration,
03:35de sécurité.
03:36Est-ce que cela vous irait ?
03:37Est-ce que ce serait de nature quand même à ce que vous votiez la Conférence ?
03:41– Je l'ai dit, on a perdu 100 députés.
03:43Donc on en a une centaine, ensemble pour la République.
03:46Les anciens groupes de la majorité en ont 160, ça ne fait pas une majorité.
03:49Donc évidemment, il faut qu'on puisse avoir un gouvernement
03:52qui rassemble des personnalités de tous bords.
03:54Moi j'espère qu'on aura des personnalités de gauche,
03:56mais on aura c'est sûr des personnalités de droite, ils l'ont dit.
03:58– Aucune personnalité de gauche pour l'instant n'a répondu.
04:01– Et donc je pense que ce sera un élément important
04:03d'une majorité équilibrée, d'un gouvernement équilibré.
04:05Ensuite, l'essentiel c'est pour quoi faire ?
04:09On a parlé de l'immigration, on a voté 40 lois,
04:1340 lois sur l'immigration depuis 80 ans, une tous les deux ans.
04:16On en a voté une il y a un an.
04:18Est-ce qu'on peut l'appliquer ?
04:20Est-ce qu'on peut la mettre en œuvre avant de savoir
04:23s'il va falloir en voter une 41ème ?
04:25– Si il y en avait une 41ème, c'est non ?
04:27– Là encore, ça dépend, pour quoi faire ?
04:29S'il s'agit de faire ce qu'on n'a pas fait il y a un an.
04:31– Non mais pour durcir, alors pour quoi faire ?
04:33Je réponds à votre question, pour la durcir.
04:36– Moi je pense qu'on a déjà fait beaucoup de choses l'année dernière.
04:39On a une loi d'ailleurs portée par Gérald Darmanin qui est efficace.
04:43Ça l'a montré depuis déjà quelques mois.
04:45Moi je préférais qu'on travaille aujourd'hui sur l'immigration économique
04:47qui est un défi majeur.
04:48Dans l'industrie, on va avoir besoin d'un million d'emplois
04:51dans les 10 ans qui viennent.
04:52Il y en a une partie qui viendra de l'étranger, il faut qu'on les intègre.
04:55Il faut qu'on aille chercher ces expertises dont on va avoir besoin
04:58plutôt que de fermer les portes et les fenêtres.
05:00– On a entendu le président Macron dire cette semaine
05:04qu'il fallait prendre en compte le suffrage du peuple.
05:07Ça a scandalisé les dirigeants du Nouveau Front Populaire, de la gauche,
05:10qui y voit une provocation.
05:11Est-ce que vous comprenez leur colère, leur amertume ?
05:13Puisque je reviens à ce que vous disiez au début, 47 députés,
05:17les républicains, un Premier ministre, sans doute des ministères importants,
05:20alors que la gauche risque de ne pas être du tout représentée dans ce gouvernement.
05:24Est-ce que vous comprenez cette amertume ?
05:25– Oui, je comprends l'amertume des électeurs.
05:28Je ne comprends beaucoup moins l'amertume des dirigeants
05:32qui sont en grande partie responsables de cette situation.
05:34Quand je vois que ni Olivier Faure ni Boris Vallaud
05:38n'ont même rencontré Bernard Cazeneuve cet été,
05:41qui aurait pu être le Premier ministre de la France
05:44et qui, je pense, aurait dû être soutenu
05:46par une partie de la gauche républicaine, progressiste et européenne.
05:50Je me dis, balayez devant votre porte.
05:52Peut-être qu'on aurait pu faire les choses différemment.
05:54– Mais est-ce que la solution c'était du coup de nommer un ministre,
05:57un Premier ministre plus à droite, sans doute une équipe très marquée à droite ?
06:01– Je vais vous le dire comme je le pense.
06:02Malheureusement, oui, je pense que c'était la solution qui restait.
06:06Moi, je pense qu'on a un rendez-vous manqué cet été avec Bernard Cazeneuve,
06:10qui aurait pu faire un Premier ministre avec des soutiens à gauche et à droite,
06:14avec évidemment des soutiens du centre.
06:16La gauche n'en a pas voulu.
06:18Et on est sans doute tous responsables du résultat qui est celui qui est aujourd'hui.
06:22Maintenant, il ne faut pas oublier…
06:23– Même s'il avait voulu, par exemple, suspendre la réforme des retraites ?
06:26– Non mais tout ça, c'était des discussions…
06:27– C'est une vraie question ?
06:28– À avoir.
06:29– Vous étiez prêts ?
06:30– Si vous êtes dans une logique de compromis,
06:32il faut être capable de faire des pas en avant.
06:34Mais cette discussion, elle doit avoir lieu autour d'une table,
06:36en mettant tout sur la table.
06:37Maintenant, je ne voudrais pas donner l'impression
06:39que Michel Barnier est le diable fait homme.
06:42C'est un grand européen, c'est un grand négociateur.
06:45Il a mené une campagne des primaires très à droite qui, moi, m'a un peu rafraîchi.
06:49Mais je pense que c'est quelqu'un qui est capable de rassembler.
06:52Maintenant, il faut qu'il montre qu'il peut le faire.
06:54– Mais encore ce matin, vous n'êtes pas sûr de lui voter votre confiance
06:57s'il la demande dans quelques jours ?
06:58– J'attends le qui et le quoi, c'est normal, je pense.
07:00– Vous admettez qu'il y a des nuances dans votre camp ?
07:02– Bien sûr.
07:03– Plus que des nuances.
07:04Par exemple, on a votre collègue Aurore Bergé qui dit
07:07qu'il faudra participer à ce gouvernement d'une manière ou d'une autre,
07:09ce qui ne sera pas votre cas.
07:10On entend vos réticences ce matin.
07:12On entend, parce qu'il fait encore partie de l'ex-majorité,
07:15Édouard Philippe qui fustige les lignes rouges que vous avez vous-même marquées.
07:20Enfin, qui a dit qu'il ne fallait pas fixer de lignes rouges.
07:22– Il a dit aussi qu'il ne fallait pas supprimer la ME, si je l'ai bien entendu.
07:24Donc, comme quoi, on se retrouve là-dessus.
07:26– Vous l'avez vu en tout cas hier avec Emmanuel Macron,
07:28on sent qu'aujourd'hui, l'ex-majorité est très divisée sur cette question
07:32et ne sait plus vraiment comment elle doit se comporter en majorité ou en opposition
07:36par rapport au nouveau gouvernement, vous l'admettez ?
07:38– Non mais d'abord, on n'est plus tout à fait dans la majorité,
07:40puisqu'on l'a perdue et on n'est évidemment pas dans l'opposition
07:43parce qu'on souhaite soutenir ce gouvernement.
07:45– C'est un peu compliqué, non ? D'être ni dans l'ONU…
07:47– Je vous confirme qu'on n'est pas dans une situation très simple.
07:51Aujourd'hui, l'Assemblée est extrêmement morcelée et il faut rassembler.
07:56Ça, c'est le boulot du Premier ministre et je suis sûr qu'il va le faire.
07:59Mais effectivement, que je puisse avoir des idées un peu plus claires
08:04sur le qui et le pourquoi faire, je pense que c'est raisonnable.
08:07C'est vrai qu'Edouard Philippe, mais qui est historiquement évidemment plus proche,
08:11ils sont issus de la même famille politique,
08:13a été à fond en avant vers Michel Barnier.
08:16Moi, je vais en avant, mais j'attends aussi évidemment qu'on me rassure sur le qui et le pourquoi.
08:20Et ce n'est pas un sujet personnel.
08:22Moi, je vais être vice-président de l'Assemblée nationale, j'y serai très heureux.
08:24J'ai été élu par 273 députés de tous les bords.
08:27– 100 RN et 100 LFI, vous l'aviez rappelé.
08:29– Ce qui prouve que c'est possible.
08:30– Une dernière question et je vous demande s'il vous plaît une réponse courte,
08:33même si le sujet est très important.
08:35– Bien sûr.
08:36– L'autorité de régulation de l'énergie a annoncé une baisse de l'électricité
08:40de moins de 10% en février.
08:41Question très simple pour nos téléspectateurs,
08:43pourquoi cette baisse n'intervient-elle pas tout de suite ?
08:45Vous êtes ministre de l'énergie sur temps.
08:47– Eh bien, c'est une autorité de régulation qui régule et les tarifs régulés,
08:51il s'avère qu'ils bougent deux fois par an, en août et en février.
08:54Donc effectivement, elle a annoncé une baisse pour février.
08:57Moi, je préférais que ça puisse arriver plus vite, mais c'est comme ça.
09:00– Le gouvernement ne peut pas le décider ?
09:01– Ah non, non, c'est une autorité indépendante qui régule.
09:04Moi, je lui ai demandé de revoir sa copie parce qu'elle avait envisagé de monter les prix
09:08dès le mois d'octobre pour ensuite les baisser en février.
09:10J'ai dit, on peut peut-être éviter qu'ils montent.
09:12Ce qu'ils ont fait, je les remercie pour ça.
09:14Ça baissera en février, c'est déjà pas mal quand même.
09:16– En février, il faudra attendre février.
09:18Merci Roland Lescoeur, ministre sur temps, démissionnaire de l'énergie et de l'industrie.
09:21C'est la suite de Télématins, merci beaucoup.