Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Pascale de La Tour pour débattre des actualités du jour.
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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal de la Tour Dupin.
00:06On va parler de la situation au Liban et cette nouvelle frappe israélienne sur Beyrouth.
00:10Cet après-midi, il y a au moins 12 morts et des dizaines de blessés.
00:13Israël affirme avoir éliminé une dizaine de commandants du Hezbollah, dont Ibrahim Akil, chef d'une unité d'élite.
00:20Cet homme fait partie de la plus haute instance militaire du Hezbollah.
00:25Akil était par ailleurs l'un des principaux membres de l'organisation du djihad islamique
00:29qui a revendiqué des attentats à la bombe contre l'ambassade des Etats-Unis à Beyrouth en 1983,
00:33celui contre la caserne des marines américains en octobre 1983.
00:37Il a aussi dirigé la prise d'otages américains et allemands au Liban et les y a détenus.
00:44Voilà pour, pardonnez-moi l'expression, un peu le CV de cette personne.
00:49L'attention continue donc à se tendre dans la région.
00:52C'est dans ce contexte que je voulais entendre Frédéric Ancel qui est géopolitologue.
00:56Bonsoir Frédéric Ancel.
00:58Bonsoir.
00:59Vous êtes docteur en géopolitique, maître de conférence à Sciences Po Paris,
01:02auteur de 100 mots de la guerre disponible aux éditions Que sais-je.
01:06Est-ce que le mouvement chiite a les moyens d'organiser une riposte contre l'Etat hébreu dans les jours qui viennent ?
01:11Ah mais ça les moyens il les a.
01:14Mais un, quelle sera l'ampleur de cette riposte en termes d'efficacité ?
01:17Est-ce qu'elle sera dissuasive face à de nouveaux coups de force d'Israël ?
01:20Certainement pas, à mon avis.
01:22Et deux, est-ce que politiquement elle sera intéressante ?
01:27Je veux dire par là, est-ce que l'Iran aura intérêt à envoyer son meilleur allié, pardonnez-moi l'expression, au casse-pipe ?
01:33Et c'est ça, si vous voulez, qui est intéressant.
01:35C'est quand on me parle d'escalade ces derniers mois, à laquelle je n'ai absolument jamais cru,
01:39je veux dire une escalade régionale en tout cas, je n'y ai jamais cru et je continue de ne pas y croire.
01:42Pourquoi ? Parce que dans une escalade il y a des échelons.
01:45Or les derniers échelons de violence, je veux dire les derniers échelons de force de frappe,
01:49de capacité de propulser de la force chez l'autre, n'appartiennent pas au Hezbollah.
01:53Ils appartiennent à Israël.
01:55C'est-à-dire que, je le dis d'un mot, si le Hezbollah maintenant devait franchir ce qui est aux yeux d'Israël,
01:59et une ligne rouge, c'est-à-dire frapper Haïfa, voire même Tel Aviv,
02:02il en a la possibilité le Hezbollah, sans aucun problème et avec plusieurs milliers d'engins.
02:06À ce moment-là, est-ce qu'il ne risquerait pas la destruction militaire totale ?
02:10Je pense que oui.
02:11Mais faut-il craindre une escalade qui débouche sur un conflit de haute intensité ?
02:15D'après ce que vous dites, Frédéric Ancel, et vous me corrigez si je me trompe, non, pas pour l'instant.
02:20Non, non, mais je n'y crois pas, faute de combattants.
02:23Non pas que le Hezbollah n'ait pas de combattants très aguerris,
02:26il en a, il l'a montré à moindre reprise depuis sa création ex-Nilo par la République islamique d'Iran en 82.
02:31Bon, d'ailleurs une partie de ses combattants ont assassiné, je le rappelle quand même,
02:3458 soldats français gardiens de la paix, en quelque sorte, à l'époque en 83.
02:38Donc ça, il peut riposter.
02:40Mais, encore une fois, à terme, à la fin des fins, pour quels résultats ?
02:45Si vous entamez, si vous êtes aujourd'hui Hezbollah,
02:48et que vous entamez une riposte ou une attaque,
02:50enfin, appelez ça comme vous voulez, très massive contre Israël,
02:53via à peu près tout ce que vous avez,
02:55un, est-ce que ça va être efficace, sachant que, dans les environs,
02:59il y a deux escadres américaines qui sont capables d'arrêter, d'interdire,
03:03comme on dit chez les militaires, une partie importante, en tout cas, de vos missiles,
03:06et que les Israéliens sont capables d'en abattre une autre partie ?
03:09Bref, quelle efficacité, d'une part et d'autre part ?
03:11À quoi, vous, devez-vous attendre, à ce moment-là, en contre-riposte d'Israël ?
03:16Et c'est là où je dis qu'à la fin des fins,
03:18le Hezbollah, dirigé par des fanatiques, mais pas du tout par des imbéciles,
03:21c'est un mouvement qui sait très bien jauger des rapports de force.
03:25Emmanuel Macron a posté une vidéo à destination du peuple libanais.
03:29Le président dit qu'un chemin diplomatique est possible.
03:32Est-ce que vous pensez vraiment que la voie de la France
03:34peut encore peser dans le conflit ?
03:37Alors, deux questions en une.
03:39D'abord, la voie diplomatique, elle est toujours possible.
03:42Je crois que c'est plus difficile que jamais,
03:44parce qu'on est en pleine opération militaire.
03:46Premier point. Deuxième point, qui m'aura un peu sceptique.
03:49Diplomatique avec qui ?
03:50L'État libanais, aujourd'hui, n'existe pas.
03:52Il est vampirisé par le Hezbollah.
03:53Le Hezbollah, aujourd'hui, en ce moment,
03:55ce n'est vraiment pas son timing pour des négociations,
03:58et d'ailleurs, c'est vrai aussi pour Israël,
04:00qui préfère pousser son avantage.
04:01Alors, avec qui, parmi les belligéens ?
04:03Donc, moi, pour l'instant, à court terme, en tout cas,
04:05j'ai quand même le sentiment que c'est une façon un petit peu optimiste
04:08de voir les choses.
04:09Maintenant, concernant l'influence de la France,
04:11elle est bien moindre, par exemple, que l'influence des États-Unis.
04:14C'est une évidence.
04:15Mais elle est beaucoup plus importante
04:17que l'influence que pourraient avoir
04:19pratiquement 185 autres pays.
04:21Donc, moi, je pense qu'avec les relais que nous avons au Liban,
04:24avec les relais que nous avons en Jordanie,
04:26une base militaire française en Jordanie,
04:27avec les relais que nous avons chez nos alliés des Émirats Arabes Unis,
04:30avec nos relais politiques à la fois en Égypte,
04:32en Israël et donc dans d'autres États de la région,
04:35oui, la France garde quand même, d'une certaine manière,
04:38une certaine influence.
04:39Une certaine influence de la France.
04:42Frédéric Ancel, nous sommes sur Europe 1,
04:44et je voudrais qu'on revienne quand même sur cette opération
04:47spectaculaire qui a été menée par Israël
04:51cette semaine.
04:52On le disait, 37 morts et près de 3 000 blessés
04:55après avoir réussi à faire exploser
04:59des Bipers et des Tokiwokis du Hezbollah.
05:03On l'a dit, c'est une opération inédite,
05:06on n'a jamais vu ça.
05:08À votre avis, d'après vos informations,
05:11Israël préparait cette opération depuis combien de temps ?
05:14Moi, j'ai lu quelque part que ça remontait à 2009.
05:16Oui, c'est ça, c'est plusieurs années, oui.
05:18Oui, oui, pour une raison très simple,
05:19c'est que c'est quand même extrêmement difficile,
05:21enfin, c'est difficile, en tout cas, oui, c'est difficile,
05:23mais c'est surtout très long d'établir,
05:25d'abord d'infiltrer l'adversaire ou les adversaires,
05:28surtout qu'infiltrer le Hezbollah, si vous voulez,
05:30ce n'est quand même pas une mince affaire.
05:32Ensuite, deux, manifestement, on a eu affaire
05:36à la pénétration d'une chaîne de fabrication,
05:41donc ça prend aussi beaucoup, beaucoup de temps.
05:43Trois, les Israéliens ont réussi à intervenir,
05:48alors d'une manière ou d'une autre,
05:49je ne sais pas exactement comment,
05:51mais dans la chaîne de distribution.
05:53Et enfin, il faut avoir réussi à récupérer
05:57l'intégralité de ces codes,
06:00si vous voulez, tout ça prend beaucoup de temps.
06:02Et j'ajoute un dernier point qu'on oublie trop souvent,
06:03je le dis d'une phrase,
06:04on a souvent l'impression que les États,
06:06et parfois même des groupes,
06:07et éventuellement des groupes terroristes,
06:08peuvent appuyer sur un bouton quand ça leur vient
06:10et lancer une opération militaire, stratégique,
06:13mais non, c'est très difficile.
06:14Il faut être sûr que l'efficacité sera au rendez-vous,
06:18donc on préfère parfois, et c'est le cas d'Israël,
06:20prendre son temps, et être à peu près certain
06:24que son coup va réussir.
06:25Pourquoi Israël a décidé de lancer cette opération
06:29à ce moment-là, la semaine dernière ?
06:31Alors, pour des raisons liées à de l'opportunité.
06:35C'est techniquement, logistiquement, politiquement
06:38extrêmement compliqué de choisir un moment.
06:42Donc moi je pense que ça n'a pas été choisi
06:44pour une date anniversaire,
06:45ou parce qu'il faisait beau ou moche.
06:46Évidemment, il a fallu une fenêtre d'opportunité
06:48où on était enfin techniquement à peu près sûr,
06:52on n'est jamais sûr de tout,
06:53notamment sur les questions stratégiques et militaires,
06:55mais de toucher le maximum de combattants
06:58et de militants du Hezbollah au même moment.
07:00Bref, réunir toutes les conditions
07:02pour que ça réussisse.
07:03Mais je ne pense pas que le moment ait été
07:05en quelque sorte symbolique.
07:06Sauf que, j'ajoute quand même une nuance à votre question,
07:08enfin si on m'a répondu,
07:09sauf que depuis le massacre du Hamas
07:13qui a perpétré le 7 octobre en Israël,
07:15l'état-major, le gouvernement,
07:17les services de renseignement doivent impérativement
07:20recréer ce que j'appelle une crédibilité dissuasive.
07:24Parce que sinon, à terme, c'est la fin de l'état hébreu.
07:27Et je pense que du coup, là,
07:28peu de temps après le 7 octobre d'une part,
07:31et face au Hezbollah,
07:32donc l'un des plus implacables et les plus efficaces adversaires
07:36ou ennemis d'Israël d'autre part,
07:37c'était maintenant qu'il fallait le faire.
07:39Oui, c'est-à-dire qu'en quelque sorte,
07:40l'état hébreu a rassuré la communauté juive du monde
07:45qui avait été effarée, c'est ce que vous nous dites,
07:47le 7 octobre,
07:48par ces opérations terroristes épouvantables.
07:51Et par cette opération,
07:53vous dites que l'état hébreu reprend de la vigueur, c'est ça ?
07:57Mais peut-être plus encore que les communautés juives
08:00ou que la population israélienne.
08:01L'état d'Israël rassure ses alliés présents
08:04et potentiellement futurs.
08:06Parce que lorsque vous prenez un coup terrible,
08:08comme le 7 octobre,
08:09vos alliés, qu'est-ce qu'ils se disent ?
08:11C'est ça Israël ?
08:12Est-ce qu'ils sont aussi efficaces,
08:13aussi intéressants militairement ?
08:15Est-ce que leurs services de renseignement sont aussi bons ?
08:17On va réfléchir à deux fois.
08:19Mais lorsqu'Israël réussit ce coup absolument spectaculaire,
08:22qui à mon sens, je peux me tromper,
08:24ne pouvait pas être organisé par aucun des 192 autres états sur Terre.
08:29Les Etats-Unis, je ne sais même pas.
08:31Quand vous réussissez ça,
08:32vous rassurez vos alliés,
08:34non seulement présents,
08:35mais éventuellement ceux qui s'intéresseraient
08:37à vos capacités.
08:38Et cerise sur le gâteau,
08:39vous intéressez vos alliés arabes.
08:43Et quand on voit ce que des états arabes,
08:45comme les Emirats Arabes Unis, le Maroc,
08:47d'autres états,
08:48achètent déjà à Israël
08:50comme service ou comme matériel militaire,
08:53on comprend mieux pourquoi c'est aussi très important
08:55pour Israël d'avoir réussi ce coup de force.
08:57C'est passionnant.
08:58Merci beaucoup Frédéric Ancel,
09:00docteur en géopolitique,
09:01maître de conférences à Sciences Po, je le disais.
09:03Alors pour les auditeurs d'Europe 1
09:05qui ont entendu des cris de mouettes derrière vous,
09:08je crois que vous êtes aux rencontres géopolitiques
09:09de Trouville-sur-Mer.
09:11Merci en tout cas d'avoir été en direct avec nous.
09:14Absolument.
09:15Parce qu'on peut se demander ce que font ces mouettes.
09:17L'entrée est totalement libre.
09:18L'entrée est libre.
09:19C'est le 9ème rencontre géopolitique
09:20et l'entrée est totalement libre.
09:21Absolument.
09:22Merci beaucoup Frédéric Ancel
09:23et évidemment nous nous mobiliserons
09:25à l'approche du 7 octobre
09:26pour revenir sur ces attaques terroristes épouvantables.
09:29J'espère bien que vous reviendrez
09:31dans Europe 1 soir ou week-end.
09:34Je compte sur vous Frédéric Ancel.
09:36Nous aurons beaucoup de choses à dire.
09:38Merci infiniment en tout cas
09:39d'avoir été avec nous ce soir.
09:41Il est 19h42 sur Europe 1.
09:44N'oubliez pas les nouveaux rendez-vous
09:46de notre station tous les week-ends
09:48samedi et dimanche de 16h à 17h.
09:50Sophie Davant vous raconte
09:51les histoires d'amour extraordinaires
09:53et demain elle vous raconte
09:54l'histoire interdite de Micheline
09:56tombée amoureuse d'un prêtre.
10:01Ça vous fait rire Paul Melun ?
10:02Non mais c'est un cas qui arrive assez fréquemment.
10:06On ne va peut-être pas disserter là-dessus.
10:08Il a proposé un sujet de dissertation
10:10Science Po dans un instant.
10:12Ça on aime bien.
10:13Il va avoir un nouveau directeur.
10:15Ça ne change pas beaucoup.
10:16C'est encore un énarque.
10:18Elle a effectivement la tête de Science Po
10:21pour prendre un camarade de promotion
10:24d'Emmanuel Macron.
10:25Il va avoir du travail.
10:27Je ne suis pas sûr qu'il va continuer
10:29la même lignée que prend Science Po
10:31depuis Richard Descoin.
10:33Il est encore nommé Jules.
10:34Arrêtez de faire ça.
10:35J'ai le droit d'être inquiet.
10:38Très.
10:39On va en parler tout de suite.