• il y a 3 mois

Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, 200 hommes signent une tribune pour "en finir avec la domination masculine".

Vous voulez réagir ? Appelez-le 01.80.20.39.21 (numéro non surtaxé) ou rendez-vous sur les réseaux sociaux d’Europe 1 pour livrer votre opinion et débattre sur les grandes thématiques développées dans l'émission du jour.
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Transcription
00:00À 12h18, nous allons changer de sujet et comme je vous le disais, parler des hommes tous pourris, je le mets entre guillemets.
00:06200 hommes ont signé une tribune dans Libération pour, je cite, en finir avec la domination masculine.
00:10L'affaire Pellico nous l'a prouvé, la violence masculine n'est pas une affaire de monstres, c'est une affaire d'hommes,
00:16de monsieur tout le monde, est-il écrit. Le chanteur Renaud a aussi apporté son soutien à Gisèle Pellico.
00:22Je souhaite apporter mon soutien total, ainsi que mon admiration à Gisèle Pellico dont la vie me bouleverse.
00:27J'espère de tout mon cœur que le courage d'avoir demandé des audiences publiques fera enfin bouger cette société patriarcale
00:34et nous, les mecs, quant aux violences faites aux femmes et aux enfants, il serait temps aussi que le gouvernement prenne ses responsabilités
00:40et s'engage concrètement dans cette lutte.
00:44Fatima Benomar est avec nous, elle est militante féministe. Bonjour Madame Benomar.
00:51Est-ce que Madame Benomar est là ?
00:53Oui, je suis là.
00:55Bonjour et merci d'être avec nous. Vous êtes également présidente du collectif Coudes à Coudes
01:01et je voulais savoir comment vous aviez interprété et lu cette tribune de 100 hommes qui signe une tribune d'enlibération pour en finir avec la domination masculine.
01:13Je vois bien qu'il y a des tentatives de contribution des hommes à cette espèce d'après-me-tout qui continue à se dérouler.
01:25Je vois bien que ça tâtonne, mais je me réjouis du moins qu'il y ait cette réflexion.
01:31C'est vrai que je suis militante féministe depuis très longtemps, ça commence à dater, depuis 2009.
01:37J'ai vu des étapes se dérouler, toujours plutôt à l'impulsion des mouvements féministes, de l'opinion publique, plutôt du côté des femmes.
01:46Et c'est vrai qu'il y a quelque chose que j'attends dans l'étape suivante et j'ai l'intuition que ça viendra d'une prise en charge du débat par les hommes.
01:54Souvent il y a eu des tentatives de le faire de manière en se distanciant des agresseurs, c'est-à-dire moi je ne le ferai pas, du coup je soutiens les femmes et je montre du doigt les agresseurs, ce qui était une étape.
02:08C'est vrai que ce qui est intéressant, en tout cas ce qui est troublant dans ce procès, c'est qu'il nous donne l'opportunité de regarder une scène presque métaphorique dans cette file d'hommes
02:19qui vient démonter les stéréotypes sur les violeurs, qui sont en général quelque chose qu'on repousse vers la marge de la société, c'est-à-dire les psychopathes, les migrants, les machins.
02:29Ce n'est pas un problème du cœur de la société, c'est un problème de la marge de la société.
02:34Et là on voit effectivement cette file de Monsieur Tout-le-Monde qui peut inviter en fait à une réflexion globale.
02:40Je vais dire des choses un peu crues et j'espère que vous me reconnaîtrez dans la manière de les dire, que vous voyez que je n'essaye pas de ménager moi-même mon image ou de me protéger,
02:50dans le sens que moi, le jour où je quitterai ce monde, je n'ai pas envie de me dire que ma contribution au débat public, ça a été juste de dire des choses confortables.
02:57J'ai envie de dire que dans cette phrase par exemple, est-ce que les hommes ont un problème fondamental avec le viol ?
03:05Moi je n'ai pas cette réponse à cette question, parce que je ne suis pas un homme, et que je ne sais pas si c'est une phrase que vous pourrez dire totalement vraie,
03:13complètement fausse, partiellement vraie, partiellement fausse, et je pense qu'il y a un moment où on doit vous déléguer en fait à cette question,
03:24et que vous vous disiez, attendez, s'il y a des productions culturelles, s'il y a des publicités, s'il y a des mangas, s'il y a des BD,
03:32s'il y a la publicité, Vive Saint Laurent qui à un moment a quasiment presque mis en scène un début de viol collectif, et que ces choses-là nous ciblent en tant qu'hommes.
03:41Et là, ce sont des marketeurs, ce ne sont pas des gens qui font de l'idéologie, ce ne sont pas des militants, ce sont des gens qui veulent faire du fric.
03:48Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose qu'on doit regarder face à notre miroir ?
03:52Qu'est-ce qui a fait dans les étapes de construction de notre masculinité, qu'on a niché en nous un fragment d'agresseur,
03:59et que c'est ça qu'il va falloir démonter. Et pour moi, tant que ça s'est passé, ce débat va tourner en rang pour encore longtemps.
04:07Voilà ce que je peux vous livrer.
04:09La difficulté, c'est la généralisation, c'est les hommes. Il y a certains hommes qui ont été tout simplement bien élevés,
04:15il y a certains hommes qui ont, dans leurs cellules familiales, reçu des injonctions,
04:23qui ont entendu la parole justement des femmes, qui ont parfois aussi entendu la parole de leur père,
04:35et qui n'étaient pas exactement dans la situation que vous décrivez.
04:41C'est la généralisation, les hommes, c'est ça qui peut effectivement poser, en tout cas réflexion, ou poser sujet à discuter.
04:50Pour tout vous dire, pour tout vous dire.
04:52C'est votre rôle, là. Vous, vous pouvez me dire. Votre réponse, c'est que c'est une question de bien élevé, mal élevé.
04:57Si moi je vous dis qu'après avoir accompagné des centaines, peut-être des milliers de dossiers,
05:02il y avait des hommes d'une parfaite éducation, au-dessus de tout soupçon, charmant, société,
05:07et qui avaient l'air, dans leur culture, dans les livres qu'ils ont lus, dans les oeuvres qu'ils ont vues,
05:12dans l'élégance des idées qu'ils pouvaient avoir avec moi au débat, quelque chose où je n'aurais jamais soupçonné
05:18les violences sexistes et sexuelles qu'ils auraient fait.
05:20Est-ce que la misogynie apprise n'est pas autre part que dans une question, pour le coup, généralisée de la bonne éducation ?
05:27Alors votre analyse, c'est quoi ? C'est l'ADN ? C'est quand même la culture ?
05:31Non, certainement pas ! Certainement pas !
05:33Donc c'est la culture et c'est la société !
05:35Exactement !
05:37Mais moi je vous rejoins pour tout vous dire, je connais les hommes depuis toujours, puisque j'ai grandi avec eux,
05:43j'étais dans des équipes de football depuis toujours, et j'ai souvent, je le dis vraiment, un peu eu honte du comportement de certains hommes.
05:52Je ne peux pas vous dire autre chose parce que je le pense.
05:54Et effectivement, j'ai découvert moi-même, qui connaissais bien les hommes pourtant,
06:00j'ai découvert avec Mithou des comportements que je n'imaginais même pas.
06:05Pour une raison simple, c'est qu'on ne sait jamais comment un homme se comporte dans l'intimité, par exemple avec vous, Fatima,
06:12ou je pourrais dire la même chose avec Géraldine, par définition, je ne sais pas ce qu'il vous dit.
06:15Je ne sais pas ce qu'il vous dit quand il vous raccompagne un soir devant votre porte,
06:23je ne sais pas ce qu'il vous dit lorsqu'il vous offre un cadeau, je ne sais pas ce qu'il vous dit lorsque vous dînez ensemble.
06:29Je sais comment je pouvais parler, j'ai l'impression d'être très majoritaire, que tous mes amis étaient pareils,
06:37c'est-à-dire que mes amis, quand nous avions 15 ans, 17 ans, 18 ans, on était plutôt timide avec les jeunes femmes,
06:43et tant qu'un signal n'avait pas été envoyé, on ne bougeait pas beaucoup, pour tout vous dire,
06:48parce qu'on n'avait pas envie ou d'importuner ou même d'être humilié par un refus.
06:52Moi j'ai plutôt l'impression que la majeure partie des hommes sont comme ça, ceux que j'ai rencontrés,
06:57mais il y a effectivement des gens pour qui, lorsque tu leur dis non, ça les excite, visiblement,
07:04et puis il y a effectivement des gens qui agressent.
07:06J'ai le sentiment que c'est une infime minorité.
07:09Maintenant, Fatima, je ne connais pas la vie des...
07:14Et si je vous dis qu'il y a beaucoup d'hommes que j'ai vus, qu'effectivement dans le procès il a été mis en avant leur extrême timidité avec les femmes et tout,
07:23et que quand ils ont eu une opportunité, notamment avec des femmes dont on pouvait contourner le consentement du fait d'une soirée alcoolisée et tout,
07:31et bien c'est là qu'ils sont passés à l'acte de contournement du consentement.
07:36Je vous donne des brides parce que très franchement, j'ai commencé cette intervention en disant que je vous délègue,
07:41vous me faites votre réponse qui est à l'instant T, qui est j'ai l'impression que c'est ultra minoritaire.
07:46Moi, peut-être que c'est biaisé mon positionnement du fait de mes fonctions,
07:50j'ai l'impression que c'est loin d'être minoritaire,
07:53mais ouvrons au moins cette discussion, ne l'ouvrons pas avec des débats souvent sous forme de clash ou lapideur.
08:00Non, non, mais il y a une phrase que j'aime bien, les gens sont ce qu'ils font.
08:03Moi, je traverse la vie avec quelques phrases, dont celle-là, les gens sont ce qu'ils font.
08:07Donc ceux qui violent, ils ont violé, ceux qui ont agressé, ils sont agressés,
08:10et ce sont des agresseurs. Mais ceux qui n'ont pas violé et ceux qui n'ont pas agressé,
08:15ce ne sont pas des violeurs et ce ne sont pas des agresseurs.
08:19Donc, par exemple, les contenus pornographiques, les contenus culturels
08:25qui sont très clairement habités par des sous-entendus de viol,
08:29ils s'adressent à une niche, ils s'adressent à une minorité, on ne sait pas pourquoi.
08:33Et très franchement, à un moment, je m'étais pliée à cet exercice,
08:37c'était bien pénible d'analyser plusieurs contenus pornographiques en voyant ce qu'étaient les sous-entends.
08:43Vous trouvez que la représentation des films pornographiques, globalement,
08:48c'est dans cette expression qui est souvent employée, c'est la culture du viol, c'est votre analyse ?
08:54Il y avait des choses qui revenaient quand même très souvent.
08:56Le fait de montrer que la fille était trop stupide pour comprendre ce qui se passe,
08:59de l'habiller comme une fille mineure avec des couettes, avec une direction d'actrice comme quoi, voilà.
09:04Je ne parle même pas des scènes de violences en montrant des systèmes inégalitaires,
09:09genre l'élève qui a besoin d'une bonne note, la bonniche qui est...
09:14Enfin, si, je suis désolée, un peu de sincérité là-dessus.
09:18Non, mais je ne suis pas un spécialiste pour tout vous dire des films pornographiques.
09:23Vous dites oui, oui, oui, vous êtes extraordinaire !
09:27Je veux dire, Fatima, vous dites oui, oui, oui !
09:30Qu'il voit de quoi je parle alors !
09:32Mais je vais vous dire, ce qui est vrai, et alors peut-être que c'est...
09:36Moi, il se trouve que j'ai quatre filles, donc peut-être que ma sensibilité est différente.
09:39Souvent, je dis toujours la même chose.
09:41Ceux qui nous écoutent régulièrement, ils doivent se dire,
09:43« Pro, il dit toujours la même chose. »
09:45On ne sait jamais votre vie, en fait.
09:48Et on a découvert la vie des femmes presque avec la séquence Me Too.
09:53Mes filles me racontent parfois des choses, des mecs qui leur envoient des photos, etc.
09:58Je trouve ça tellement invraisemblable.
10:00J'ai une autre fille qui me dit « je rentre dans le métro, je regarde mes pieds »
10:04Donc forcément, tu es peut-être plus sensibilisée que d'autres,
10:08mais tu es surpris du comportement de certains hommes.
10:12Mais évidemment, pas de tous les hommes !
10:14Il est 12h28, et c'est souvent la conversation que j'essaye de mener avec les uns et les autres.
10:19Il est 12h28, vous restez avec nous, Fatima Benomar, militante féministe.
10:25Et je rappelle, parce que je ne sais pas ce que c'est que cette association,
10:27vous allez me le dire, sans doute l'association « Coudes à coudes ».
10:31Comme son nom l'indique, c'est une association qui organise la solidarité,
10:35mais entre plusieurs luttes, notamment féministes, écologiques, antiracistes,
10:40contre l'exploitation de classes.
10:43Je ne vais peut-être pas participer tout de suite à toutes les luttes.
10:47Même si ces thèmes-là devraient être rassembleurs, l'écologie ça devrait être rassembleur,
10:51l'antiraciste qui n'est pas antiraciste, tout ça devrait être abordé d'une manière,
10:59peut-être pas comme ça l'est abordé non plus dans l'espace public.
11:02Mais bon, il est 12h29 et vous allez pouvoir continuer avec nous,
11:05et puis pourquoi pas réagir à ce qu'a dit Fatima Benomar.
11:08A tout de suite.
11:08Au 01.80.20.39.21, 11h13h, vous écoutez Pascal Praud et vous sur Europe 1.
11:1311h13h, Pascal Praud sur Europe 1.
11:17Fatima Benomar, qui est militante féministe, qui est avec nous,
11:21est-ce que vous acceptez, Fatima, qu'une jeune femme entre en conversation avec vous
11:26et vous apporte pourquoi pas la contradiction ?
11:30Isabelle est avec nous, bonjour Isabelle, vous êtes habitée le Ménéloir.
11:34Oui, bonjour Pascal Praud.
11:36Et vous nous écoutiez tout à l'heure dans notre échange avec Fatima Benomar,
11:39et peut-être avez-vous une question ou une interprétation à proposer ?
11:42Oui, alors je dis bonjour à Fatima, déjà avant tout, voilà.
11:46Moi ce qui me... voilà, je ne pense pas que tous les hommes sont des violeurs potentiels,
11:52je ne sais pas pourquoi il y en a qui violent, pourquoi qui agressent, sincèrement je ne sais pas.
11:57Une chose qui est sûre, c'est que ça se trouve dans toutes les classes socioprofessionnelles,
12:01ça c'est clair, ça voilà,
12:03et par contre je suis contre le mouvement de récupération par les mouvements féministes par rapport à ça,
12:11parce que déjà quand on baigne que dedans, on a tendance à voir des violeurs partout,
12:15et la société n'est pas ainsi faite, pour ma part, j'en suis intimement convaincue,
12:22et je voulais dire aussi à Fatima qu'il ne faut pas oublier qu'il y a des hommes aussi
12:25qui vivent de la maltraitance de la part des femmes,
12:28et il n'y a pas d'organisme qui protège les hommes par rapport à ça.
12:37Je pense que pour Mme Pellicot, qu'elle soit récupérée par un mouvement féministe anti-viol,
12:43cela me dérange énormément, et je vais vous expliquer pourquoi Mme Fatima...
12:56Je ne mets pas les hommes dans tous le même panier,
12:59ils ne sont pas tous des violeurs potentiels.
13:01Ce que dit Fatima, et je peux l'entendre, c'est que la société depuis des siècles
13:08a mis en place des conditions où le viol ou la domination masculine était...
13:15Alors c'est le continuum, on va parler de la domination masculine d'abord,
13:18et que le viol est un continuum, était en place,
13:21et c'est difficile de dire le contraire,
13:25c'est-à-dire que la domination des hommes à travers les siècles,
13:27il y a 50 ans par exemple à Europe 1, il y avait que des hommes qui travaillaient,
13:30et qu'il faut mieux être une femme à Europe 1 en 2024 qu'en 1974,
13:36parce qu'il y avait des comportements, des possibilités, des humiliations pourquoi pas,
13:44des choses qui se mettaient en place, des chantages aussi sans doute qui se mettaient en place,
13:48qui sont le fruit de siècles de culture masculine.
13:54Voilà ce qu'elle veut dire, Fatima.
13:57Mais elle ne dit pas que tous les hommes sont des violeurs,
14:00c'est ce que je lui disais tout à l'heure, moi je lui ai dit que tous les hommes ne sont pas comme ça.
14:03Mais la culture dominante, elle penche du côté des hommes.
14:07Alors moi je vais vous dire une chose, Pascal Praud, la culture a quand même changé,
14:11puisque jusque dans les années 70, une femme qui était mariée
14:15ne pouvait pas avoir un compte bancaire sans l'autorisation de son mari.
14:18Nous disons, mais c'est il y a 50 ans, mais c'est hier !
14:23Voilà, oui, c'est hier, mais Pascal Praud, depuis maintenant à 50 ans,
14:31ça a énormément changé, croyez-moi.
14:33Et moi je vois beaucoup de jeunes gens, de jeunes hommes et d'hommes,
14:36qui me disent je ne sais plus comment aborder mes femmes.
14:38Alors ça c'est vrai aussi, et vous avez raison.
14:40Ils me disent j'ai peur, j'ai peur.
14:42Et je vais vous dire Pascal Praud, j'ai même des jeunes en couple,
14:45où le jeune homme me dit je fais attention,
14:47parce que j'ai peur que si je fais un geste ou que je dise quelque chose,
14:52ça se retourne contre moi.
14:54Donc il faut être modéré.
14:56Il faut être modéré.
14:58J'entends ce que vous dites, et bon Fatima,
15:00je vais être porte-parole de votre mouvement, si ça continue.
15:06Non mais que les choses aient changé, bien évidemment,
15:10et je ne serais pas militante si je n'avais pas une vision optimiste d'histoire,
15:13parce que je me dirais que militer ça ne sert à rien.
15:15Tout ce qui a été construit par l'esprit,
15:17peut être déconstruit par l'esprit.
15:19Il n'y a aucun problème.
15:21Et je milite pour qu'il y ait de nouvelles générations
15:23qui construisent d'autres rapports
15:25de genre,
15:27à baser sur l'égalité de respect et de consentement.
15:29Vous avez dit d'autres rapports de domination,
15:31parce que j'ai cru que vous vouliez dire
15:33que vous vouliez que les femmes prennent le pouvoir.
15:35Pour abolir les rapports de domination.
15:37Pour abolir les rapports de pouvoir, ce qui ne sera pas facile.
15:39Ce que vous dites sur les hommes qui sont victimes des femmes,
15:41bien entendu qu'il y a des hommes qui sont victimes de violences
15:43de la part de femmes.
15:45Ce que je veux dire, c'est que, comment on fait la différence
15:47entre quelque chose, des violences qui sont systémiques
15:49ou qui ne le sont pas, c'est que franchement,
15:51demandez autour de vous combien d'hommes, en marchant dans la rue,
15:53voient au loin un groupe de femmes
15:55et disent, ah là là, comment je vais faire ?
15:57Est-ce qu'il faut que je mette des écouteurs ?
15:59Est-ce qu'il faut que je fasse semblant de parler au téléphone ?
16:01Est-ce qu'il faut que je tourne dans la rue ?
16:03Est-ce qu'il y a assez de violences féminines pour que les hommes aient peur
16:05la nuit de tomber sur des femmes ?
16:07Est-ce que quand on a un date,
16:11on est prêt en ligne ou quoi ?
16:13Est-ce que les hommes se posent les mêmes questions
16:15en allant chez la femme que l'inverse ?
16:17Donc c'est à ça qu'on doit avoir
16:19un peu de lucidité pour comprendre
16:21quels sont les rapports de force dans la société.
16:23Par rapport à ce que vous dites sur...
16:25Effectivement,
16:27quand je dis que tous les hommes ne sont pas concernés
16:29ou quoi, moi-même, je me pose des questions.
16:31En vérité, je ne peux pas avoir la réponse
16:33absolue à ça. C'est pour ça que j'encourage
16:35à une mise en contribution
16:37mixte de la question.
16:39Je vous raconte
16:41quelque chose qui m'est arrivée
16:43il y a deux ans et qui
16:45montre parfois aussi les subtilités
16:47entre un débat théorique et
16:49une situation pratique.
16:51Si je débat théoriquement
16:53depuis longtemps avec ma mère
16:55et que je lui dis, si je te dis
16:57qu'il y a quand même une très grande part d'hommes
16:59qui peuvent agresser, peut-être plus du tiers
17:01ou quoi, elle va lever
17:03les yeux au ciel, elle va me faire
17:05exactement la même réponse que Pascal, genre
17:07tu dis, tu vas trop loin, n'importe quoi.
17:09Il s'est passé il y a deux ans une question
17:11pratique. Je vais les rejoindre en Espagne.
17:13Je ne suis pas quelqu'un qui a beaucoup d'argent, donc
17:15je vais dans une auberge
17:17le truc là,
17:19des chambres avec plusieurs lits
17:21et ma mère,
17:23dans cette chambre, il y avait trois hommes
17:25et trois femmes, dont moi. Ma mère
17:27tout de suite, instinctivement, me dit
17:29attends, tu vas être dans une chambre avec trois hommes ?
17:31Tu n'as pas peur ?
17:33C'est-à-dire qu'à ce moment-là,
17:35elle analyse instinctivement,
17:37même pas sur la base d'un positionnement
17:39idéologique ou théorique,
17:41qu'un homme sur trois
17:43est capable
17:45de s'en prendre à moi.
17:47Je vous le donne en mille, bizarrement, je lui réponds
17:49écoute maman, n'importe quoi, en plus c'est un endroit
17:51où il y a plusieurs personnes,
17:53il n'y a pas de risque.
17:55Je vais dormir ce soir-là dans cette chambre,
17:57les autres partent en tasse,
17:59il y a un mec qui reste
18:01et je subis,
18:03il s'approche de moi alors que je suis réveillée
18:05et se met à se masturber,
18:07en me regardant.
18:09C'est là, en fait,
18:11qu'il y a toute cette ambivalence
18:13dans notre façon d'appréhender
18:15l'ampleur du phénomène.
18:17Moi-même, c'est des choses, je vous le dis
18:19honnêtement, où j'ai changé d'avis plusieurs fois,
18:21où je me dis attends, je pense effectivement
18:23qu'en tant que militante, je pose une loupe
18:25sur des récits qui me sont
18:27beaucoup racontés. Il y a d'autres fois où je me dis
18:29mais non, tous les agresseurs ne sont pas en train
18:31de tomber sur les filles de Pascal Praud.
18:33Si toutes les filles de Pascal Praud témoignent,
18:35c'est que c'est le cas de beaucoup d'autres
18:37filles et d'autres hommes,
18:39et que c'est massif et que c'est endémique.
18:41Et donc, tout à l'heure, je ne disais pas que
18:43tous les hommes sont des agresseurs, je disais
18:45est-ce que chaque homme peut se dire
18:47quelle est la part d'agresseur,
18:49parce que je ne pense pas qu'on soit des êtres homogènes,
18:51je pense qu'il y a plusieurs identités en nous
18:53qui nous sont impulsées
18:55par un contexte social
18:57et qu'il y a une part qui est flattée
18:59chez les hommes
19:01de la glamourisation, de la banalisation,
19:03de l'érotisation de violences sexistes et sexuelles
19:05et qui peut aussi provoquer
19:07des passages à l'acte. Moi, c'est ma thèse
19:09de la place où je suis.
19:11Pascal me dit que lui, il pense
19:13que c'est très minoritaire, c'est sa voix.
19:15Si ça se trouve, il va changer d'avis d'ici demain.
19:17Mais au moins, posons la question honnêtement
19:19et ayons le courage de se regarder
19:21entièrement dans le miroir. Par ailleurs,
19:23si je laisse de côté le côté patriarcal,
19:25moi, sur d'autres pans,
19:27je reconnais
19:29que j'ai eu des rapports de domination et de violence
19:31envers des personnes. Notamment,
19:33j'ai grandi au Maroc. Le Maroc est un pays
19:35où il y a une grande part
19:37de racisme contre les Noirs
19:39et il m'a fallu du temps pour déconstruire
19:41et réhumaniser l'image,
19:43déshumaniser que j'avais des Noirs.
19:45C'est un travail que j'ai fait avec l'immunité. À un coup de moment,
19:47je me suis dit que ce n'était pas gentil de dire ça sur les Arabes.
19:49Les Arabes marocains
19:51ont été éduqués dans une éducation
19:53où ils dénigraient les Amazigh,
19:55notamment, population minoritaire
19:57au Maroc et les Noirs.
19:59Il faut le faire et je vous assure qu'on m'en sort
20:01meilleur et on ne sort pas en disant
20:03on m'attaque de mon identité.
20:07D'abord, ce qui est agréable
20:09avec vous, Fatima, c'est
20:11que vous mettez de la nuance
20:13dans ces sujets et ce qui est
20:15agréable aussi, c'est que
20:17vous n'avancez pas avec des certitudes.
20:19Vous dites vous-même, je m'interroge
20:21et ça, je trouve que c'est agréable
20:23quand on est dans une discussion comme cela.
20:27Ce sont des discussions
20:29effectivement très longues, parce qu'elles sont
20:31aussi paradoxales, parce que la place des femmes
20:33par exemple, dans les maisons
20:35depuis toujours, dans les familles
20:37veux-je dire,
20:39la place des femmes, même dans les familles
20:41de toutes
20:43conditions sociales,
20:45elle est très importante.
20:47C'est-à-dire que c'est les mères qui faisaient
20:49les enfants en France. Souvent, c'est les mères
20:51qui éduquaient les enfants, c'est les mères qui s'occupaient
20:53des enfants. Alors, ça veut dire
20:55quoi s'occuper ? Ça veut dire que c'est les mères
20:57qui les emmènent au sport, c'est les mères
20:59qui les emmènent chez le dentiste, c'est les mères
21:01qui les soignent, c'est les mères...
21:03Et la place
21:05de l'influence
21:07dans les sociétés, dans la sphère privée,
21:09dans la sphère privée,
21:11l'importance de la femme,
21:13et chacun peut le mesurer d'ailleurs,
21:15chacun peut le mesurer avec
21:17des relations, des amis, etc.
21:19Les choses demandent à être plus nuancées
21:21parce que la société patriarcale,
21:23comme vous dites, dans la sphère
21:25publique, dans la sphère professionnelle,
21:27elle était,
21:29il y avait une sorte de
21:31différence dans la sphère privée. Je l'ai
21:33souvent observé, et vous peut-être aussi,
21:35Fatima ?
21:36Très clairement, et encore
21:38aujourd'hui, tout ce qui est le
21:40soin, le travail invisible, c'est un peu
21:42le propre du patriarcat aussi, donc visibiliser
21:44le travail des femmes.
21:46Vous voyez, moi j'ai toujours vu, ma mère
21:48elle faisait un travail qui était à refaire tous les jours,
21:50le lendemain, c'est-à-dire
21:52le ménage, le soin,
21:54le soin à emporter aux gens, le fait que tout soit propre
21:56pour que les enfants ne tombent pas malades,
21:58on ne le voit pas. Le jour où mon père
22:00a bricolé une commode, des gens le voyaient
22:02à chaque fois que des gens venaient
22:04et c'était quelque chose
22:06qui restait, c'était pas un travail
22:08invisible et à refaire
22:10le lendemain.
22:12Bon écoutez, on arrive au bout de...
22:14Vous habitez où Fatima ?
22:16À Montreuil.
22:18Mais pourquoi vous n'êtes pas venue dans notre studio ?
22:20Il faut venir dans notre studio, parce que
22:22vraiment c'est intéressant. Vous êtes venue d'ailleurs sur le plateau,
22:24moi je vous avais reçu sur le plateau de CNews,
22:26j'ai l'impression, au départ de notre aventure
22:28CNews sur l'heure des pros.
22:30Oui, oui, je m'étais coltinée
22:32Zemmour qui avait décidé qu'il fallait
22:34que je change de prénom, c'était très agréable.
22:36Ah oui, je me souviens.
22:38Non, mais bon,
22:40qu'est-ce que vous voulez ? On est dans une société
22:42où les uns, les autres
22:44peuvent échanger.
22:46Parfois c'est d'une manière virulente
22:48et parfois de manière
22:50plus apaisée, comme ce fut le cas
22:52à l'instant. Donc je remercie
22:54Fatima Abedomar, et la prochaine fois vous viendrez
22:56en studio. Je remercie également Isabelle
22:58du Ménéloir. Et à 12h46,
23:00Laurent Tessier, qu'est-ce qu'il va se passer ?
23:02Le grand débrief, dans quelques instants.
23:04Donc on met une pause.
23:06Et un anniversaire aussi.
23:08Mais là, on pourrait
23:10dire que les chansons de Julio Y.
23:12En tout cas, c'est des stéréotypes,
23:14Fatima.
23:16Vous, les femmes, etc.
23:18Ce qui m'ennuie, moi,
23:20ce que je n'aime pas, c'est que ça devient...
23:22On peut prendre toutes les chansons de Julio
23:24et dire qu'il a une
23:26représentation ancestrale
23:28du rapport avec de l'homme et de la femme.
23:32Je suis censée réagir, c'est ça ?
23:34Non, mais vous voyez ce que je veux dire.
23:36Ce que je voulais dire, c'est qu'en fait,
23:38il y a souvent une manière, justement, pour brouiller
23:40le débat, d'opposer ce qu'on appelle
23:42un peu le sexisme bienveillant, le sexisme malveillant,
23:44la galanterie, tout ça. Mais ce qu'on peut
23:46voir, c'est que dans les pays où il y a le plus
23:48de sexisme dit bienveillant,
23:50hommage à la femme, la mettre sur un
23:52piédestal, mille hommages,
23:54qu'il y a aussi le plus de sexisme malveillant.
23:56Et en fait, c'est aussi une façon de négociation.
23:58Si vous voulez qu'on vous mette sur un
24:00piédestal, il faut que vous gardiez cette place
24:02minoritaire et différenciée dans la société.
24:04Et donc, on est emportés
24:06dans ce paradoxe qui se joue
24:08au final à notre détriment.
24:10Tu as cherché ma réponse, tu l'as eu.
24:12Écoutez, tout est politique.
24:14Mais bon, moi, je pense que dans la sphère privée,
24:16il faut peut-être laisser tomber ce côté
24:18politique.
24:20Une vie amoureuse, c'est pas un
24:22combat politique. J'ai jamais
24:24compté le nombre de
24:26fois où je descendais la poubelle.
24:28Il est 12h48.
24:30Ça vous arrive ?
24:32Merci Fatima !
24:34Merci Fatima, en tout cas.
24:36Mais pourquoi ?
24:38J'ai pas de poubelle, moi, peut-être.
24:40Evidemment que j'ai une poubelle.
24:42Vous mettez quoi dedans ? Des aliments ?
24:44Enfin, mais c'est peut-être pas...

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