Au Space 2024, nous avons croisé Patricia Le Cadre, directrice du Cereopa et spécialiste des marchés des matières premières agricoles. L’occasion de revenir sur les tendances de prix et les perspectives pour le marché du tourteau de soja, entre demande mondiale en huile, impact des maladies animales et flou autour du règlement européen anti-déforestation.
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00:00Alors sur le retour de soja, on est à peu près aujourd'hui à un prix moyen sur la campagne
00:092024-2025 de 428 euros la tonne. Ce qu'il faut savoir c'est que sur les dix dernières années,
00:15on est sur un niveau beaucoup plus bas puisqu'on était à 402 euros la tonne et qu'on a connu deux
00:19années avec des prix très élevés et puis finalement on a quand même perdu 50 euros la
00:24tonne depuis la campagne dernière. Donc c'est déjà quelque chose d'intéressant pour forcément un
00:30éleveur. Moi je reste baissière en fait sur ce marché là. D'abord parce qu'au niveau de
00:35l'ensemble des oléagineux qui sont produits au niveau mondial, il y a dix oléagineux qu'on
00:38suit de près, on va être un peu en overdose, notamment à cause du soja puisque le soja on
00:43va en avoir beaucoup plus que ce que la demande requiert. Donc globalement sur l'ensemble des
00:50oléagineux mondiaux, on va peut-être monter de 30 millions de tonnes et on va avoir une demande
00:55qui peut suivre pour 15 millions de tonnes peut-être. Donc la graine de soja aujourd'hui a
00:58plutôt tendance à rebaisser en termes de prix sur le marché de Chicago. On revient sur des niveaux
01:02qu'on a pu connaître entre 2014 et 2020 donc c'était des niveaux relativement bas. Il y a vocation à
01:08poursuivre cette baisse sauf si effectivement on a un taux de change entre l'euro et le dollar qui
01:14bouge beaucoup mais bon ça c'est des éléments effectivement macroéconomiques qu'il faudra
01:19intégrer à un moment donné. Ce qui se passe en fait c'est que vous ne pouvez pas réfléchir au
01:27marché du tourteau de soja sans d'abord vous intéresser au marché de l'huile puisque les
01:31oléagineux on les produit pour de l'huile. Et donc le marché de l'huile c'est un marché
01:35mondialement qui est en déficit. Donc en fait on a d'abord essayé de répondre à la demande au
01:42travers de l'huile de palme puisque c'est le meilleur rendement en termes d'huile mais on va dire
01:47que c'est un compartiment qui a été plus ou moins épuisé en fait qui ne pourra pas donner plus que
01:50ce qu'on veut. Donc après on est parti sur des graines qu'on dit riches en huile donc le colza
01:54et le tournesol puisque vous avez à peu près 50% d'huile et puis on a un peu épuisé ça aussi
01:58sachant qu'en fait on rentre dans une année on aura moins de tournesol et moins de colza trituré
02:02dans le monde. Donc on sait déjà qu'en fait on n'aura pas cette ressource aussi disponible qu'on
02:07a pu l'avoir l'année précédente. Donc une fois qu'on a épuisé ce compartiment là aussi on passe
02:11sur le soja et le soja on a beaucoup moins d'huile dans une graine. Donc si vous voulez mettre la
02:15même quantité d'huile que si vous aviez trituré une graine de colza il va falloir triturer deux
02:21fois et demi plus de soja. Donc on va se retrouver à avoir une demande en huile à satisfaire et donc
02:30à triturer beaucoup pour l'huile. Donc ça va nous mettre beaucoup de tourteaux sur le marché au
02:34niveau mondial. La limite de l'exercice c'est qu'il faut quand même qu'un triturateur ait une marge
02:39de trituration correcte. Donc il faut que le prix de l'huile reste très élevé pour que ça ne soit
02:43pas le tourteau qui aille chercher la marge. Mais globalement ce que je dirais c'est que le
02:47marché du soja, du tourteau de soja, il est dans un marché plutôt lourd. Il ne faut pas non plus
02:52perdre de vue tous les problèmes qu'on peut avoir globalement en termes de demande qui sont à risque.
02:56Parce qu'en France particulièrement on a quand même la fièvre cataractique, on a la peste porcine
03:02qui est quand même à nos portes, on a eu la grippe aviaire alors on a des vaccins certes mais il faut
03:07quand même rester très vigilant. Donc voilà il faut quand même faire très attention à ce risque
03:11là sur la population animale. Mais globalement on n'a pas vraiment de raison pour imaginer que
03:17le marché ne puisse pas encore perdre en fait quelques euros quand même à la tonne.
03:28Une chose qui est assez spécifique au marché européen c'est le fait qu'on a un blocage aujourd'hui du marché et
03:33qu'il y a très peu de cotations à partir du début de l'année 2025, ce qui n'a jamais existé.
03:39Enfin moi je suis tombée dans cette marmite des matières premières depuis plus de 40 ans et c'est
03:43une situation assez ubuesque où effectivement plus personne ne donne de cotations. Alors il y en a
03:48quelques unes qui sortent un peu mais avec des niveaux de prix qui sont des niveaux où les gens
03:52prennent des assurances importantes donc c'est un peu compliqué quand même, surtout dans un marché
03:56que moi j'estime baissier. Alors c'est une bonne chose aussi parce que les gens qui se seraient
04:00couverts, enfin qui auraient acheté il y a 3-4 mois, finalement comme le marché a perdu 50 euros la tonne,
04:07ils se seraient mal couverts. Aujourd'hui ce qu'on sait c'est qu'il y a des négociations au niveau
04:13européen pour reporter la mise en application de la réglementation européenne sur la déforestation
04:20importée. Il y a beaucoup de tractations, il y a les tractations sur le Mercosur qui ont repris,
04:26il y a des pays qui demandent effectivement un report. La France n'est pas prononcée officiellement
04:31comme ça mais c'est vrai qu'en fait il y a un problème de flou sur les applications et que c'est
04:36un enjeu très fort pour les négociants et les importateurs donc on peut comprendre aussi qu'ils
04:40aient besoin d'avoir la visibilité sur la façon dont en fait tout ça va être géré. Ils sont prêts
04:45autrement. Le problème c'est que tout le monde est prêt parce que, et notamment tout le bloc de
04:50l'alimentation animale française a énormément travaillé depuis des années donc en fait on est
04:53complètement prêts.
04:59Globalement c'est un soja qui va valoir on va dire 20 à 25 euros de plus la tonne parce qu'il
05:06faut bien sûr payer cette traçabilité puisque je rappelle que contrairement à ce qu'on a pu faire
05:10auparavant on a besoin de tracer la graine dès l'origine, dès la parcelle. Donc vous imaginez
05:15qu'il faudrait ça, il faut savoir ce que l'aliment que vous allez donner à votre port, de quelle
05:20parcelle au Brésil est issu, c'est un truc de fou voilà. Donc pour autant vu la volatilité des
05:28marchés, cette prime de 20 euros la tonne, tout dépend à quel moment vous vous positionnez sur
05:34le marché. Au final elle est en partie absorbée oui et non et puis le marché européen c'est quand
05:39même un des drivers en termes de demandes sur le tourtour. Donc le marché va aussi s'adapter si
05:45justement à cause de cette prime c'est plus compliqué d'arriver sur l'Europe et bien on va
05:49peut-être faire baisser les prix un petit peu plus aussi pour aller capter un marché.