Au menu ce samedi : la dérive du déficit public, le Royaume-Uni qui renoue avec l'Union européenne et des recommandations de livres. Et aussi la révolution du quantique. Des ordinateurs à la puissance de calcul incroyable qui ouvrent une ère d'innovations pour les entreprises. Promesse ou fantasme ?
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00:00France Inter, on n'arrête pas l'écho, Alexandra Bensaïd.
00:05Le PDG et co-fondateur de Pascal, l'une de nos 5 start-up tricolore du quantique,
00:11et l'invité du MagEco, bonjour et bienvenue Georges-Olivier Raymond.
00:15Bonjour Alexandra.
00:16Pascal, fondé il y a 5 ans avec notamment le prix Nobel à la ASPE,
00:20Georges-Olivier Raymond, vous avez aujourd'hui deux, est-ce qu'on dit usines ?
00:24Deux unités de production ?
00:26On a des usines, on peut le dire, je suis fier.
00:28Ou on fabrique des ordinateurs quantiques, des prototypes en tout cas ?
00:32On fabrique des ordinateurs quantiques, des vrais, qui résolvent les problèmes des industriels.
00:36Alors c'est encore préliminaire, mais ce sont des vrais produits, ils font des vraies choses.
00:40Donc une unité au Canada, une au sud de Paris à Massy, et donc pas loin de 300 salariés.
00:46Vous avez commencé à répondre, j'allais vous demander si l'ordinateur quantique
00:49que les physiciens, que les chercheurs poursuivent depuis 50 ans,
00:54aujourd'hui c'est encore de l'ordre du fantasme ou ça commence à devenir la réalité ?
00:58C'est un peu les deux, il y a deux échelles de temps en fait.
01:01Il y a une échelle de temps qui est celle d'aujourd'hui,
01:04où les machines, les ordinateurs quantiques commencent à rentrer dans le monde des entreprises.
01:08Et à Pascal, aujourd'hui on a eu une dizaine de cas d'usage qu'on a développés
01:12conjointement avec des entreprises.
01:14Et qui répondent vraiment à des besoins.
01:17Et ça c'est le début, et après évidemment ça va continuer, ça va progresser.
01:22L'informatique classique, elle a commencé il y a un peu plus longtemps, dans les années 70,
01:26et on continue à progresser, on continue à innover.
01:29Donc c'est pareil dans le quantique. Mais ça démarre maintenant, ça il faut bien le comprendre.
01:32Mais est-ce que vous me confirmez que l'ordinateur quantique,
01:35aujourd'hui, n'a pas encore atteint la suprématie ?
01:38C'est-à-dire qu'il n'est pas encore aussi fort qu'un ordinateur classique,
01:41traditionnel ou qu'un supercalculateur ?
01:43Alors la suprématie c'est faire mieux, et aujourd'hui avec ceux de Pascal,
01:47on fait déjà aussi bien. On fait aussi bien sur certains cas d'usage.
01:51Il faut être aussi clair.
01:52Il faut que vous nous disiez ce que c'est que ces cas d'usage.
01:54Ce n'est pas tous les cas d'usage, celui que j'ai en tête c'est dans la finance.
01:58Gestion de risque sur les crédits.
02:01Et ça on l'a démontré, on a d'autres cas d'usage aussi pour l'énergie.
02:05Ça veut dire que vous avez mis un ordinateur à disposition,
02:07dans mes souvenirs c'est le crédit agricole,
02:09et vous lui avez demandé de faire un supercalcul à cet ordinateur quantique, c'est ça ?
02:14Oui, c'est exactement ça.
02:16Et il a fait mieux ?
02:17Il a fait aussi bien.
02:19Et ça c'est un tour de force, parce que c'était le cas d'usage du crédit agricole.
02:23C'était le problème qu'ils ont aujourd'hui à affronter, à résoudre.
02:27Et on a fait aussi bien.
02:28Et ce qu'on sait grâce à ça, c'est que dans deux ou trois ans, on va faire mieux.
02:32C'est ça le message qu'il faut comprendre.
02:35Pour faire aussi bien dans deux ou trois ans, il faut y être aujourd'hui,
02:38et il faut démarrer maintenant.
02:39C'est une course.
02:40Voilà, parce que comprendre comment ça marche,
02:42comprendre comment l'utiliser pour une entreprise,
02:44et là je ne parle pas de comprendre la physique quantique,
02:46mais c'est comprendre comment utiliser ce nouvel outil, ce nouvel objet,
02:51pour les besoins qu'ils ont.
02:52Ça, ça prend du temps, ça prend deux ou trois ans.
02:54C'est pour ça qu'il faut démarrer maintenant.
02:55Alors, ça c'est votre message, mais elles font quoi en réalité les entreprises ?
02:59Est-ce qu'il y a beaucoup de notre CAC 40 qui vont voir toutes les startups,
03:02nos cinq startups françaises ?
03:04Est-ce que dans le monde, il y a beaucoup d'entreprises de taille mondiale qui disent
03:08« Bon, on sait que ça marche pas, c'est pas encore totalement au point,
03:12mais on a confiance, on veut en être, et on vient vous voir ».
03:14C'est ça qui se passe en ce moment ?
03:16Oui, c'est ça qui se passe.
03:17Les gens qui viennent nous voir, c'est des pionniers.
03:19C'est ceux qui ont compris justement que dans deux ou trois ans, ça allait être là,
03:22et qui veulent démarrer maintenant pour avoir un coup d'avance sur la compétition.
03:25Exemple ?
03:26C'est Crédit Agricole, c'est EDF, et c'est Saoudi Aramco, en Arabie Saoudite.
03:30Le géant pétrolier ?
03:31Oui, le géant pétrolier.
03:32Là, vous avez signé un accord, alors qu'est-ce que vous allez faire pour eux ?
03:35Ils sont à votre capital.
03:36Oui, on leur a vendu une machine.
03:38On leur a vendu une machine, et c'est vraiment la logique de…
03:42Ils ont compris que dans deux ou trois ans, ça allait être là,
03:44et qu'il fallait qu'ils commencent à développer leurs cas d'usage,
03:47à s'entraîner sur ces machines-là, et celles qu'on a aujourd'hui permettent de faire ça.
03:50Et dans deux ou trois ans, on aura la version d'après qui sera plus puissante,
03:53qui permettra de capitaliser sur tous les développements qui ont été faits avant.
03:56Georges-Olivier, EDF, c'est de l'énergie.
03:59Aramco, c'est du pétrole, c'est de l'énergie aussi.
04:02Projetez-nous dans le futur.
04:07Quand vous dites les cas d'usage, on dit que ça permet de résoudre des problèmes pour l'instant irrésolus.
04:12En quoi le quantique nous fait faire un saut ?
04:15Je vais prendre l'exemple qu'on a fait avec EDF.
04:17On peut se projeter dans le futur, c'est d'imaginer en France que notre voiture devienne toute électrique.
04:21Il y a un parc de 30 millions de voitures en France.
04:24Et si elles deviennent toutes électriques, il faut essayer de se projeter.
04:28À un moment donné dans la journée, vers le soir, ces 30 millions de voitures,
04:31tout le monde va les brancher sur le secteur, pour les recharger.
04:34Et si vous faites ça, ça va être très simple, ça va faire sauter les plombs.
04:38Ça va faire sauter les plombs au niveau européen.
04:40Donc ça ne peut pas marcher comme ça.
04:42Ce qu'il faut faire, c'est qu'en fait, il va falloir définir une séquence
04:45pour charger les voitures les unes après les autres.
04:48Et garantir que les 30 millions de voitures, le lendemain matin, soient toutes chargées
04:52tout en n'ayant pas fait sauter les plombs,
04:54ça c'est un problème ultra complexe que les ordinateurs classiques ont du mal à résoudre
04:59et que l'ordinateur quantique va pouvoir adresser.
05:02Ça coûte combien d'ordinateurs quantiques ?
05:04Et combien il y en a sur la planète, à votre avis, si c'est connu ?
05:08Il n'y en a pas tant que ça.
05:11C'est difficile à savoir, parce qu'il faut être capable de trier entre le vrai et le faux.
05:15Des fois, il y a un peu de survent, de commercial.
05:20Ça vaut un million ? Ça vaut plus d'un million ?
05:22Non, ça vaut plus. C'est quelques dizaines de millions.
05:24Et je pense qu'aujourd'hui, il y en a 5 dans le monde.
05:28Et sur les 5, il y en a 2 de Pascal.
05:30D'accord. Mais tout le monde est dans cette course.
05:33C'est-à-dire qu'il y a les Américains, on a parlé des mastodontes.
05:36Il y a aussi les Chinois. Eux, je pense qu'on ne sait pas où ils en sont.
05:40Et puis, il y a vous, les start-up françaises.
05:42La 5, quelques start-up européennes.
05:44Est-ce que Pascal vraiment a les moyens de concurrencer Google ?
05:49Oui, on a les moyens.
05:50Parce qu'on est au début de l'histoire.
05:52Donc, on est un peu tous à pied d'égalité.
05:54Ça, c'est le premier point.
05:56Mais c'est déjà un point étonnant, ça.
05:58C'est déjà un point étonnant, oui.
06:00Parce qu'on se dit que Google a pu mettre beaucoup plus de monde,
06:02beaucoup plus de moyens.
06:03Mais ça, c'est grâce à la technologie.
06:05Et là, on peut faire un cocorico.
06:07La technologie, elle vient du CNRS.
06:09Elle vient des labos de recherche françaises.
06:11Et ça a été dit dans le reportage au préalable.
06:13On a un écosystème fantastique.
06:15Donc, s'il y a les 5 start-up en France, c'est grâce à ça.
06:17Et la technologie, elle est là.
06:19Elle a été développée par nos scientifiques.
06:21Et aujourd'hui, on commence à avoir l'ambition.
06:23En tout cas, à Pascal, on a les moindres ambitions jusqu'à présent
06:26pour pouvoir se développer, concurrencer les géants.
06:28Ils n'ont pas des équipes plus grosses que les vôtres ?
06:30Non, c'est à peu près les mêmes tailles d'équipes.
06:33Et sur le financement, ils n'ont pas des moyens supérieurs aux vôtres ?
06:36Mais ça ne suffit pas, en fait.
06:38Il faut tout.
06:40J'ai souvent l'image, vous savez,
06:43qu'en France, on se dit qu'on n'a pas de pétrole mais on a des idées.
06:46Dans le quantique, il faut les idées et il faut aussi le pétrole.
06:48L'argent, c'est l'argent, le pétrole.
06:50Si vous n'avez que l'un des deux, ça ne suffit pas.
06:52Vous vous dites qu'on peut être le Nvidia.
06:54C'est-à-dire qu'on peut vraiment récupérer de la souveraineté grâce au quantique.
06:58Oui, et on doit le faire.
07:00J'écoutais le débat au début où on parle de la dette.
07:03En fait, les leviers qu'on a aujourd'hui pour régler ça, ça fait des gains marginaux.
07:07Je crois que c'est vous qui l'avez dit.
07:09Et avec la technologie, on peut sortir de ça.
07:12On peut vraiment créer une croissance qui résout ces problèmes-là.
07:15Si on a un Nvidia en France ou en Europe, ça va changer la vie des gens.
07:19Et Pascal va être le Nvidia.
07:21Bien sûr.
07:23On voit dans le reportage qu'il y a un sujet de financement quand même.
07:27En France, il y a le plan quantique.
07:291,8 milliard.
07:30Les Allemands, je crois qu'ils ont mis 3 milliards.
07:32Il semble qu'en France, quand on est chercheur et qu'on veut créer sa start-up, c'est le paradis.
07:37Dites-moi si c'est vrai.
07:39Et qu'ensuite, quand on doit grossir, là, il y a un sujet.
07:41Il y a un problème.
07:43C'est un très bon résumé.
07:45C'est vrai qu'on démarre bien.
07:46Il y a la BP qui est là pour nous soutenir au début.
07:48Ça a été répété plusieurs fois dans les reportages.
07:50Et c'est vrai qu'on a des conditions confortables pour démarrer.
07:54Donc ça, c'est bien.
07:56Mais jusqu'à présent, Pascal, on a bénéficié de tout ça.
07:59On a pu lever en tout plus de 140 millions d'euros pour se développer.
08:04C'est nouveau quand même.
08:06Et la question, c'est est-ce que vous allez rester français ?
08:08Et la question, c'est ensuite, comment vous allez faire ?
08:10Après, il faut trouver d'autres capitaux pour continuer cette croissance.
08:14Je voudrais quand même préciser que quand un investisseur étranger rentre au capital d'une entreprise,
08:19ça ne veut pas dire qu'il prend le contrôle.
08:21Il prend une partie du capital.
08:23Vous avez de l'argent qui est venu de Singapour, d'Arabie Saoudite,
08:27et vous avez un partenariat avec IBM.
08:29Alors là, votre plus grand concurrent, le super fortiche,
08:32en fait, vous vous mettez avec lui.
08:34C'est pour ça que je vous dis, est-ce que vous allez réussir à rester français, Pascal Georges-Olivier Raymond ?
08:38Oui, mais on s'est mis à côté de lui, d'IBM.
08:40On est à égal.
08:42Et vraiment, c'est comme ça qu'est faite la relation.
08:44Et ce qu'il faut aussi comprendre, c'est qu'on est au début de l'histoire.
08:47Je l'ai dit tout à l'heure, on a 2-3 ans du chat GPT du quantique.
08:53Du moment Spoutnik, il paraît qu'on dit ça.
08:56Oui, le moment Spoutnik.
08:57Mais pour y arriver, il faut qu'on le fasse tous ensemble.
09:00Parce qu'il faut arriver à convaincre.
09:02Et c'est ce qu'on a décidé de faire avec IBM.
09:04De s'associer pour dire, développons l'attrait, montrons ensemble que ça marche.
09:09Et une fois qu'on aura fait ça, on sera tellement content.
09:11Comme le marché va se créer, on sera content.
09:13Et là, on pourra rentrer en compétition.
09:16Mais pas trop tôt.
09:17Georges-Olivier Raymond, il y a une question dont on n'a pas encore parlé.
09:20C'est la consommation d'énergie.
09:22Est-ce que le quantique est, comme l'intelligence artificielle, un ogre énergivore ?
09:27Non, pas du tout.
09:28Et ça, c'est la cerise sur le gâteau.
09:30Je crois qu'il y a une semaine, il y avait un article dans Le Monde
09:34qui disait que pour les prochains centres de calcul de demain,
09:37on met carrément une centrale nucléaire maintenant, à côté du centre de calcul.
09:40Parce que c'est extrêmement énergivore, comme vous l'avez dit.
09:43L'ordinateur quantique est tellement efficace qu'il a besoin de très peu d'énergie.
09:47L'ordinateur de Pascal, vous pouvez le brancher dans votre cuisine.
09:50Ce n'est pas plus qu'une cuisinière.
09:52Dernière question.
09:54Vous parliez tout à l'heure, à l'instant, du CNRS et de la recherche.
09:57En ce moment, le gouvernement est en train de préparer le budget.
10:00Il est en train de vouloir faire des économies.
10:02Alors vous, le PDG de Pascal, si vous aviez un message à faire passer, ça serait quoi ?
10:06Ne faites pas d'économies sur la recherche académique.
10:08Si Pascal est là, et si les cinq startups sont là, c'est grâce à la recherche académique.
10:12Et ce n'est pas parce que les startups sont créées qu'il faut arrêter la recherche.
10:15Parce que la technologie, aujourd'hui, elle est là.
10:18Mais on veut aussi qu'elle soit là dans dix ans.
10:20Et pour qu'elle soit là dans dix ans, il faut que nos chercheurs aient les moyens de faire des nouvelles découvertes.
10:25Georges-Olivier Raymond, le PDG de Pascal.
10:28Peut-être le futur NVIDIA du quantique.
10:31Merci d'avoir accepté l'invitation d'On n'arrête pas l'écho.