POLITIQUE - Patrice Duhamel est l'invité de Amandine Bégot

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Journaliste et historien de la vie politique française, Patrice Duhamel passe au crible les discours de politique générale. Il a notamment publié "Le chat et le renard, Présidents et Premiers ministres", aux éditions de l'Observatoire.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 01 octobre 2024.

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00:00RTL Matin
00:02Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto. Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud, des premiers ministres qui ont voulu changer le monde grâce à
00:09leur discours de politique générale. Ouh là là, il en a vu passer. Ce matin, vous avez choisi, Amandine, de recevoir un des meilleurs spécialistes de
00:15notre vie politique. Il en connaît la petite et la grande histoire. C'est Patrice Duhamel. Bonjour et bienvenue à vous.
00:20Bonjour. Bonjour Patrice Duhamel. Mémoire de notre vie politique
00:23française. Je rappelle au passage le titre de votre dernier livre, le chat et le renard. Président et premier ministre, deux ou trois choses que je sais
00:31d'eux justement sur ce couple parfois atypique entre président et premier ministre. Le discours politique général, c'est un passage obligé pour tout
00:39premier ministre. Avant de vous entendre, petit extrait. C'est le courage de dire la vérité aux Français. C'est avec une ambition claire, dire la vérité.
00:49Je dirai donc la vérité aux Français. Je veux dire aux Françaises et aux Français la vérité. Je vous dois la vérité parce qu'elle est au cœur de la rupture.
01:01Je tiendrai le discours de la vérité. Ma méthode est claire, elle reste la même. Dire les choses. Dire la vérité même quand ça fait mal.
01:08Dire la vérité, ça fait 40 ans qu'il et elle le martèlent. 27 premiers ministres. On risque d'entendre ça, dire la vérité dans la bouche de...
01:17Oui, surtout qu'il l'avait dit devant le jeune Gabriel Attal quand il a pris ses fonctions, il y a une quinzaine de jours. Donc effectivement, j'imagine qu'il va dire la vérité.
01:27Et c'est aussi le moyen quand un premier ministre ou une première ministre dit je vais vous dire la vérité. En général, ça s'accompagne de choses extrêmement désagréables sur les prédécesseurs.
01:37Même quand ils sont dans le même camp.
01:39Sur les prédécesseurs, pas forcément sur ce qui va venir parce que dire la vérité, c'est aussi un moyen de faire passer l'alpélive, non ?
01:45Oui, c'est ce que va faire Michel Barnier cet après-midi, notamment sur la fiscalité. Il va expliquer qu'il ne peut pas faire autrement.
01:52La méthode, le style, il y a un style Barnier d'après vous, Patrice Duhamel ?
01:57Oui, je le connais depuis très longtemps. On avait une vingtaine d'années quand on s'est connu. Il parlait déjà beaucoup de la montagne, de ses randonnées dans Savoie.
02:06Je pense qu'il va faire une référence d'ailleurs à ses grandes randonnées montagnardes.
02:12Sobre, sérieux, et puis je pense qu'il aura deux ou trois mots personnels, notamment sur sa mère qui a beaucoup compté sur lui.
02:22Il adore raconter une anecdote où Chirac était venu le soutenir dans une campagne électorale.
02:28Il répondait aux questions du public et une femme avait levé la main en posant une question un peu désagréable.
02:33Chirac s'était tourné vers Barnier et lui avait dit « Mais qui est cette emmerdeuse ? » et Barnier avait répondu « C'est ma mère ».
02:40Vous le connaissez, vous dites, depuis longtemps. Vous auriez imaginé un seul instant qu'il soit cet après-midi à la tribune, à l'Assemblée ?
02:49Récemment, non. Mais j'aurais eu tort de ne pas l'imaginer parce que ce que l'on sait maintenant, c'est qu'à l'Élysée,
02:56notamment le tout-puissant, surpuissant et trop-puissant Alexis Colère, secrétaire général, était en contact avec lui depuis le début de l'été.
03:08Ils se parlaient beaucoup depuis le mois de juin et au mois de juillet. C'était le choix d'Alexis Colère, c'est devenu le choix du Président de la République.
03:14Revenons sur ce discours de politique générale. S'il y a une erreur à ne pas commettre, ce serait laquelle d'après vous ?
03:19Trop long.
03:20Trop long ? Donc là on nous annonce un discours plutôt court, une heure ?
03:22Si c'est une heure, ça va. Mais en général, c'est une heure sans les interruptions, soit les applaudissements, soit les sifflets ou les vociférations de part et d'autre.
03:33Et alors c'est quoi un bon discours de politique générale ? Qui a été le meilleur par exemple d'après vous ?
03:38Alors pour les plus anciens, mais vous avez beaucoup de jeunes qui vous écoutent, donc Jacques Chabord-Helmas en septembre 69.
03:47Et bien justement, on va l'écouter.
03:48Au-delà de ces épisodes, c'est la transformation de notre pays que nous recherchons. C'est la construction d'une nouvelle société fondée sur la générosité et la liberté.
04:02La nouvelle société de Jacques Chabord-Helmas, pour vous c'est le meilleur discours ?
04:06Oui, qui n'avait pas du tout plu au président de la République, Georges Pompidou. Ce qui fait que deux ans et demi après, c'est une des raisons pour lesquelles deux ans et demi après, il s'est fait virer et qu'il a été remplacé par un gaulliste fidèle, l'ancien ministre des armées de De Gaulle qui s'appelait Pierre Mesmer.
04:21Pourquoi ce discours d'après vous est le meilleur de ces discours de politique générale ?
04:25Parce que c'était le plus ambitieux, parce qu'il avait beaucoup de souffle, parce que c'est devenu d'ailleurs, c'était en 69, donc 55 ans plus tard, toujours le discours de la nouvelle société, parce qu'il avait trouvé le mot qui rassemblait un peu toutes ses idées.
04:40Et parce que malgré sa voix un peu nazillarde, il était à l'aise, mais il était à l'aise parce qu'il avait été pendant des années président de l'Assemblée, donc il connaissait, contrairement à d'autres qui le font pour la première fois, ce mur qu'ils ont devant eux.
04:55Moi je les ai tous connus, c'est pour ça que j'en parlais dans le livre dont vous avez dit un mot, je les ai tous connus les premiers ministres de la 5ème, donc on en est au 27ème.
05:05Quand ils parlent de ces discours-là, ils disent toujours on est devant un mur, c'est extraordinairement impressionnant.
05:11Ça n'a rien à voir avec ce qu'on voit à la télévision, c'est-à-dire ils sont vraiment collés aux députés, ceux qui applaudissent, ceux qui font la gueule, ceux qui regardent un papier, etc.
05:20C'est très impressionnant. Et ne parlons pas des deux femmes, les malheureuses, qui ont eu vraiment à affronter des horreurs absolues.
05:29Édith Cresson et Elisabeth Borne.
05:31Elisabeth Borne, moi j'ai trouvé que son discours de politique générale était très bon, mais elle était interrompue sans interruption, c'était absolument effrayant.
05:41Il a vraiment eu des difficultés, il fallait qu'elle pousse la voix, c'est un exercice presque physique le discours de politique générale.
05:48Exercice physique, vous évoquez ce mur, et là ça va être encore plus compliqué peut-être pour Michel Barnier, parce qu'il est face à une assemblée, on l'a bien comprise, qui ne lui est pas acquise,
05:58et qui, pour beaucoup en tout cas, ne cherche qu'une chose, c'est à le faire tomber.
06:02Il va s'adresser au Bloc Central et à LR, qui sont à peu près 215 ou 220, quelque chose comme ça, et puis en gros, tous les autres, a priori, sont hostiles, sauf peut-être le Rassemblement National.
06:16Mais c'est compliqué, parce que s'il dit sur l'immigration quelque chose qui plaît au Rassemblement National, ça va être des hurlements de l'autre côté.
06:23Donc comme on vit dans l'inédit depuis le 9 juin à 21h, ça va être encore quelque chose d'inédit, parce que jamais un discours de politique générale n'aura été prononcé devant une assemblée de cette nature.
06:36C'est-à-dire, a priori, ingouvernable.
06:38Vous nous avez dit qu'elle était, d'après vous, le meilleur discours de politique générale, celui de Jacques Chabond-Helmas en 1969. Le pire, c'est lequel ?
06:47Écoutez, je pense qu'il l'a dit lui-même. C'est la même époque.
06:52Alors un peu avant, c'est Georges Pompidou qui n'avait jamais parlé à la tribune de l'Assemblée Nationale.
06:58Il avait été directeur de cabinet du général de Gaulle, il avait ensuite été banquier chez Rothschild.
07:05Et il a dit lui-même que ça avait été très difficile.
07:08Alors qu'après, quand il est rentré dans ses fonctions, puisqu'il a été 6 ans Premier ministre de Gaulle, là il était beaucoup plus à l'aise.
07:15Et quand il était président, il faisait tant qu'il n'était pas malade, et très malade, et il faisait des discours de très grande qualité.
07:21Mais il y en a qui ont été très sincères et qui ont dit qu'on n'était pas prêt, etc.
07:24Alain Juppé, par exemple, a dit, moi j'ai reçu, j'avais 10 jours pour préparer mon discours, j'ai reçu des notes techniques de tout le monde.
07:31On est obligé de mettre ça comme ça dans un papier de 25 pages, et c'est extraordinairement difficile.
07:38Sans doute le discours le plus difficile ?
07:41Ah oui, oui, le discours de politique générale, absolument.
07:45Parce que tout le monde attend ça pour porter un jugement définitif alors que c'est le début.
07:50C'est ça le sujet.
07:51Et c'est tout le paradoxe, et on n'a pas fini de le commenter.
07:54Merci beaucoup Patrice Duhamel d'être venu nous voir ce matin.
07:57Je rappelle le titre de votre dernier livre, Le Chat.

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