Boris Vallaud, député PS des Landes, président du groupe PS à l’Assemblée nationale et auteur de "En permanence" (Odile Jacob, 2 octobre) est l'invité de 7h50 ce mercredi 2 octobre. Il dénonce la déclaration de politique générale "très floue" du Premier ministre Michel Barnier.
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00:007h48, Sonia De Villers, votre invitée ce matin est députée PS d'Élande et président
00:06du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale.
00:08Bonjour Boris Vallaud.
00:10Bonjour.
00:11Patrick Cohen m'apprend donc un mot ce matin, « ourvarie », synonyme de « grand tumulte
00:15», vous qui n'étiez pas devant la télévision mais bien dans l'hémicycle hier pendant
00:20que le Premier ministre prononçait son discours.
00:22Qu'est-ce que vous avez retenu de l'atmosphère qui y régnait ?
00:25Moi, je n'ai pas senti le grand chahut que vient de décrire Patrick Cohen, peut-être
00:31pour un arvoire vécu de plus ample et de plus bruyant encore.
00:35En tout cas, j'ai eu le sentiment qu'il y avait de l'écoute et que chacun a entendu
00:38le peu que le Premier ministre a dit à la représentation nationale.
00:42Entendu mais pas applaudi ?
00:44Écoutez, le sentiment que ça a donné, c'est un Premier ministre très esselé, en effet
00:49peu ou pas applaudi par la majorité qui est censée être désormais, ou la majorité très
00:52relative qui est censée désormais être la sienne.
00:55C'est-à-dire les patronistes ?
00:56Oui.
00:57Très flou.
00:58Patrick Cohen disait « mou », très flou parce qu'en réalité nous ne savons pas
01:00grand-chose de sa politique, il y a peu d'annonces, beaucoup d'intentions sans qu'on sache
01:06exactement ce qu'il y a derrière ces intentions.
01:08Les économies par exemple ne sont pas détaillées, on peut d'un côté dire que l'on veut
01:12renforcer le service public, mais si l'on ne dit pas les économies que l'on veut
01:15faire, il y a évidemment une grande difficulté à le croire, peut-être que de peur de trop
01:22en dire, il n'a pas dit grand-chose.
01:24Mais vous avez dit vous-même, en montant à la tribune après lui, qu'il incarnait
01:29le prolongement du macronisme dans sa part la plus droitière et la plus exaltée.
01:34Et pourtant pas d'envolée identitaire, pas de coup de menton autoritaire, pas d'épouvantail
01:38sur la submersion migratoire ou l'aide médicale d'État.
01:41Très clair sur l'État droit, c'est-à-dire tout ce qu'on aurait pu attendre du choix
01:45d'un Premier ministre issu des rangs républicains.
01:47Mais il n'a pas non plus dit qu'il préserverait à toute force l'AME, pour ne donner que
01:52ça l'exemple.
01:53Dans quelle situation il est ? Et qui est à rebours du suffrage universel ? Il y a
01:57d'un côté Marine Le Pen, pleine de bienveillance à l'endroit de ce nouveau gouvernement
02:02et qui prête vie d'une certaine manière, pour quelques mois peut-être, à la prolongation
02:07du macronisme.
02:08Je dis prolongation du macronisme parce que de l'autre côté, vous avez Gabriel Attal
02:10qui a en réalité fait le vrai discours de politique générale et qui a bien signifié
02:14que nous étions dans le prolongement du macronisme dans sa part en effet la plus droitière,
02:19la plus réactionnaire et la plus exaltée.
02:22Il suffit d'écouter le ministre de l'Intérieur et un certain nombre de ses envolés.
02:25Il réclame l'ordre, l'ordre, l'ordre.
02:28Mais de quel ordre s'agit-il ? De l'ordre qui tire sa puissance dans la haine ? De l'ordre
02:35qui laisse mourir en Méditerranée ? De l'ordre qui règne à Budapest ? De l'ordre qui se
02:39défie de la Constitution et de l'état de droit ? Écoutez, ce n'est pas la conception
02:43qui est la nôtre.
02:44Nous sommes dans cette situation d'avoir une majorité de députés qui a été élue
02:49dans l'élan démocratique du Front Populaire, qui n'avait qu'une seule loyauté, qu'une
02:54seule fidélité, qu'un engagement à tenir qui était de ne rien concéder à l'extrême-droite.
02:58C'est pour ça qu'au nom de votre devoir démocratique le plus élémentaire, je vous
03:02cite Boris Vallaud, nous vous censurons, c'est ce que vous avez annoncé hier à la tribune.
03:07Et pourtant, vous l'avez dit, la majorité dans ce pays, la seule majorité qui vaille,
03:11c'est celle des vies difficiles.
03:13Vous êtes député d'Elande, vous êtes député d'une zone rurale, ceux et celles
03:19qui défilent dans votre permanence, vous en avez fait leur portrait dans ce petit livre
03:22qui sort là, chez Odile Jacob, qui s'intitule « En permanence ». Michel Barnier annonce
03:26une hausse du SMIC de 2%, n'est-ce pas ? Pour eux, qu'il annonce précisément cette
03:31hausse du SMIC.
03:32Il annonce l'augmentation mécanique au 1er janvier du SMIC avec deux mois d'avance.
03:37C'est-à-dire que ce n'est en aucun cas un coup de pouce, ce ne sera à partir du 1er
03:41janvier.
03:42Absolument pas une amélioration du pouvoir d'achat de celles et ceux qui, en France,
03:46gagnent le moins bien leur vie.
03:47Vous avez raison de dire…
03:48Ça a été quand même salué par les syndicats, la CGT, la CFDT, on les a entendus dans le
03:52journal de cette heure et demie.
03:53Mais tout ce qui est bon à prendre sera pris.
03:54Et nous, nous nous mettrons toujours du côté « sera pris ».
03:57Ça veut dire quoi ?
03:58Ça veut dire que par exemple, je ne sais pas, puisque je l'ai vu se déchirer sous
04:02nos yeux, si le bloc macroniste soutiendra l'augmentation des impôts pour ceux qui
04:08sont aujourd'hui les passagers clandestins de la solidarité nationale.
04:10Et quand vous dites « tout ce qui sera bon à prendre sera pris », est-ce que vous
04:13dites comme François Hollande hier soir au journal de 20h, les socialistes devront aller
04:18dans le sens de tout ce qui va vers une justice fiscale ?
04:22Est-ce que ça signifie les socialistes…
04:23Bien sûr, nous irons plus loin que ce qu'a promis ou a esquissé le Premier ministre.
04:29Regardez la situation dans laquelle nous sommes.
04:31Le pouvoir n'est pas à l'Élysée, il n'est pas non plus à Matignon, il est
04:35au palais Bourbon.
04:36Et quelle est notre responsabilité ? De mettre sur la table tout ce qui concerne ces
04:40vies difficiles.
04:41Vous avez raison, dans mon livre, en permanence, je parle de ces vies difficiles, de ces aides
04:44soignantes, de ces gens qui sont en prise avec une administration qui ne leur permet
04:47pas de faire valoir leurs droits.
04:48Je parle de ces chefs d'entreprise qui ne dorment pas, parce qu'ils ne savent pas
04:53s'ils vont pouvoir vivre de leur travail.
04:55Mais ça signifie que si dans le projet de Michel Barnier, il y a des mesures qui vont
05:00dans leur sens, il y a des textes qui vont dans le sens de ces vies difficiles, vous
05:03les voterez ?
05:04Madame, comme nous l'avons toujours fait, mais à chaque fois que ça ira à rebours
05:07des engagements qui sont les nôtres, d'augmenter le pouvoir d'achat, d'augmenter les salaires,
05:12de partager la richesse, de limiter les écarts de rémunération, Michel Barnier a-t-il dit
05:17qu'il abrogerait la réforme des retraites qui est un impôt sur la vie ? Il n'a pas
05:21fait.
05:22Notre combat, ce sera pour préserver, il va vers la concertation, pourquoi ? Pour améliorer
05:28une loi qui, si elle a besoin d'être améliorée, c'est qu'elle est une mauvaise loi.
05:31On vous propose la concertation, vous la refusez ?
05:33Je refuse jamais la concertation, mais vous savez, ça fait maintenant 7 ans qu'on nous
05:38promet la main tendue, qu'on nous promet d'écouter tout le monde, de prendre le meilleur
05:41de l'ordre.
05:42Vous n'y croyez pas ?
05:43Je demande des preuves.
05:44Aujourd'hui, je n'en ai aucune.
05:45La seule preuve que j'ai, c'est la continuation du macronisme et le soutien de l'extrême-droite.
05:50Pardon, mais ce n'est pas les leçons du scrutin de juin et de juillet derniers.
05:55Madame, je le dis aujourd'hui, le pouvoir est au palais Bourbon, les socialistes à
06:02gauche et avec les majorités républicaines les plus larges que nous arriverons à constituer.
06:06Nous poserons sur la table la régulation de l'installation des médecins, parce que
06:09beaucoup trop de Français vivent dans des déserts médicaux.
06:11Les déserts médicaux, c'était dans le discours de Michel Barnier hier.
06:15Oui, bien sûr, et vous avez compris ce qu'il allait faire, vous ? Ben non, moi non plus.
06:19Nous, nous savons ce que nous allons faire, la régulation de l'installation des médecins
06:22pour qu'ils s'installent là où il n'y en a pas.
06:23Là, pour le coup, il y avait quand même quelques mesures concrètes, augmenter le
06:27nombre de médecins en 2025.
06:29Est-ce que ça veut dire que nous en aurons plus dans nos territoires ? J'en aurais plus
06:32dans les Landes, des médecins généralistes ? Et encourager les jeunes internes sans les
06:36obliger à s'y installer.
06:37Voilà, écoutez, c'est-à-dire que c'est exactement la même chose que ce qui se passe
06:39aujourd'hui.
06:40Nous poserons sur la table tout ce qui peut améliorer la vie des Français.
06:42Vous avez parlé de la justice fiscale.
06:44Nous, on n'est pas obsédés de l'impôt, on dit juste qu'il faut faire payer des impôts
06:48à ceux qui le peuvent encore.
06:49Pardon, Dominique Seux, je le vois réagir, mais le taux d'effort fiscal des hyper-riches
06:55est inférieur à ceux qui rentrent dans la première tranche de l'impôt sur le revenu.
06:58Et pardon, la justice fiscale, ça ne s'accommode pas de mesures temporaires exceptionnelles.
07:02Ça doit être tout le temps, et pour tous, la justice, c'est le principe de la République.
07:06Eh bien nous, nous sommes socialistes, nous sommes républicains, nous ferons avancer
07:09les causes que nous croyons justes et nous opposerons à chaque fois qu'il y aura une
07:12régression à l'état social du service public.
07:15Voilà notre ligne.
07:16Et les compromis, eh bien nous avons toujours cherché à les poser sur la table.
07:20Nous avons monté des groupes de travail transpartisans qui reprendront leurs travaux pour donner
07:24un statut aux familles monoparentales.
07:26Est-ce que nous serons suivis par d'autres ? Je l'espère, parce que nous sommes au
07:29service de celles et ceux qui ont de leur travail pour nous.
07:31C'est-à-dire qu'Olivier Faure, premier secrétaire du Parti Socialiste, en appelait la semaine
07:35dernière à la responsabilité des macronistes de gauche de faire sécession et de faire
07:38alliance avec vous sur un certain nombre de points.
07:42Mais est-ce que vous, vous êtes capable de faire sécession avec une partie de votre groupe ?
07:46Mais madame, nous ne sommes pas au service de tel ou tel parti ou quartier.
07:51Nous sommes au service des Françaises et des Français.
07:53Ce que je dis dans le livre que je sors aujourd'hui chez Odile Jacob en permanence, c'est qu'au
07:58fond, la politique qui ne parle que d'elle-même ne m'intéresse pas, qu'elle apparaît à
08:01beaucoup de Françaises et des Français comme aveugles à leur vie.
08:04Je veux redonner la vue à une politique qui est aveugle aux vies réelles, à la difficulté
08:10du quotidien, aux fins de mois qui arrivent de plus en plus tôt, à l'obscurité d'un
08:14certain nombre de politiques politiques qui paraissent faire pour personne.
08:17Donc voilà, soyons au service d'une France réconciliée et je crois à la possibilité
08:23de cette France réconciliée.
08:24Alors comment on peut être au service d'une France réconciliée quand le PS s'entre-déchire
08:28plus que jamais ? Samedi, Carole Delga, qui est présidente de la région Occitanie, a
08:32réuni dans l'eau tous les opposants à la ligne Olivier Effort, qu'ils accusent d'être
08:37trop clément à l'égard de la France insoumise.
08:40Est-ce que vous étiez censé en être ?
08:42J'ai été invité l'année dernière, je n'étais pas invité à intervenir cette
08:48année, je n'en prends aucun nombrage.
08:50Je vous dis juste une chose, là aussi, moi j'en ai ras-le-bol des débats qui consistent
08:55essentiellement à se regarder le nombril ou à s'invectiver les ananas.
08:58Je veux qu'on revienne à l'essentiel, il y aura un congrès, ça a été annoncé
09:04par le premier secrétaire lui-même, chacun fera ses offres, ses propositions.
09:08Moi je veux un congrès de réconciliation, je veux un congrès où nous revenons à l'essentiel,
09:11où nous revenons aux choses humaines, où nous faisons de la politique à l'échelle
09:14humaine.
09:15Je vous dis, tout le reste ennuie tout le monde et moi le premier.
09:18Alors, c'est vie que je fais mienne, en permanence, paraît chez Odile Jacob, merci
09:22Boris Vallaud.
09:23Merci à vous.
09:24Et merci Sonia.
09:257h58.