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Sonia Devillers reçoit Boris Vallaud, député PS des Landes et président du groupe PS à l'Assemblée nationale. Il réagit à l'adoption dans la nuit du projet de loi immigration, dans sa version remaniée avec le soutien de LR et du RN. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-20-decembre-2023-7236089

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00:00 Il est 7h48, Sonia De Villers, votre invité ce matin est député des Landes et président
00:05 du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale.
00:07 Il a d'abord voté la motion de rejet proposée par les écologistes, puis lors de la commission
00:11 mixte paritaire, il a appelé les représentants de la majorité à ne pas céder sur des mesures
00:15 cardinales, puis à l'Assemblée Nationale, il a appelé les élus de la majorité à
00:20 ne pas voter la loi immigration.
00:22 Hier soir, le texte a finalement été définitivement adopté.
00:26 Bonjour Boris Vallaud.
00:27 Bonjour.
00:28 De qui est-ce la défaite ?
00:29 Écoutez, c'est d'abord la défaite du président de la République, c'est la fin d'une en
00:33 même temps, c'est le début d'une cohabitation avec la droite d'Éric Ciotti.
00:38 C'est un président qui n'est plus maître de rien, ni des horloges ni de ses propres
00:42 textes puisqu'il les a écrits sous la dictée des républicains qui eux-mêmes se sont jetés
00:47 dans les bras de l'extrême droite et ils en sont aujourd'hui les porteurs de projets.
00:51 Voilà la réalité.
00:53 Il y a un ministre de l'Intérieur qui depuis des mois accompagne ce mouvement, il l'a
00:58 fait en rentrant en discussion exclusive avec Éric Ciotti il y a plusieurs mois.
01:02 Il l'a fait au Sénat en ne s'opposant pas par exemple à la suppression de l'AME ou
01:09 aux mesures sur les allocations familiales, les prestations sociales.
01:12 Et nous en avons vu l'achèvement hier dans la plus grande des indignités.
01:17 Si c'était à refaire, est-ce que vous voteriez toujours la motion de rejet déposée
01:22 le 11 décembre par les écologistes et adoptée à l'Assemblée nationale ?
01:25 Vous savez, je vois bien la fable qu'on raconte pour les enfants.
01:28 Nous nous disons "vous allez dans le mur" à cette majorité, à ce gouvernement.
01:34 Et nous désignons le mur et eux appuient sur l'accélérateur.
01:37 Voilà ce qui s'est passé.
01:38 Vous savez, nous aurions eu 15 jours de débats qui auraient été épouvantables avec un
01:41 ministre de l'Intérieur disposé à lâcher tout ce que la droite demandait.
01:45 A la fin, il n'y aurait probablement pas eu de majorité et à nouveau une commission
01:48 mixte paritaire avec les mêmes équilibres, les mêmes compositions, les mêmes exigences
01:52 de la droite et probablement le même résultat.
01:54 On n'est jamais obligé de céder aux idées les plus rances comme l'a fait le gouvernement.
02:04 Le gouvernement a tout négocié et il a tout cédé.
02:06 Il avait des lignes rouges, prétendait-il.
02:08 Il les a toutes passées les unes après les autres.
02:10 Donc ça n'est pas une erreur politique majeure d'avoir voté ?
02:13 L'erreur politique, elle appartient au gouvernement, à l'exécutif et à cette majorité qui
02:17 a oublié les conditions dans lesquelles, en 2017 et en 2022, Emmanuel Macron a été
02:22 élu.
02:23 Nous mêlions nos voix au leur parce que l'essentiel était en cause.
02:28 Faire barrage à l'extrême droite.
02:31 Et bien cela, ils l'ont oublié tous ces derniers mois, toutes ces dernières semaines
02:34 et encore hier soir.
02:35 Et si on regarde les faits, Boris Vallaud, à chaque étape, le Rassemblement National
02:41 s'est trouvé sans difficulté des alliés de circonstance dans l'arc républicain
02:45 pour arriver à ses fins.
02:46 Rejeter le texte de l'Assemblée Nationale pour se concentrer sur celui du Sénat et
02:51 voter finalement celui de la Commission Municipalitaire.
02:54 Mais Madame, le sujet, ce n'est pas avec qui vous avez voté hier soir.
02:59 C'est qu'est-ce qu'ils ont voté ? Ils ont voté une politique de quota dont Emmanuel
03:04 Macron, en 2022, disait encore qu'elle était sans efficacité.
03:07 Ils ont voté ce que demande Jean-Marie Le Pen depuis très longtemps, la préférence
03:13 nationale.
03:14 Vous savez ce que veut dire concrètement la préférence nationale ? Ça veut dire qu'une
03:15 maman solo, sans emploi, qui a un enfant de deux ans, n'aura pas droit aux allocations
03:20 familiales.
03:21 Il a fait quoi le gamin ? Vous croyez que c'est la meilleure des façons de plaider
03:23 pour une politique d'intégration ? Pour qu'on fabrique aussi des gens qui partagent
03:28 nos valeurs, qui partagent les valeurs de la République, qui se projettent dans l'avenir
03:31 et peut-être choisiront d'être français ? C'est le durcissement des conditions du
03:37 regroupement familial alors que le ministre de l'Intérieur lui-même nous a dit « les
03:39 chiffres n'augmentent pas ». C'est dire « on va attendre 21 ans au lieu de 18 ans
03:43 pour vivre avec sa famille ». Mais qu'est-ce que cela veut dire ?
03:47 C'est maintenant la fin de l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence, c'est-à-dire
03:53 des gens qui vont être renvoyés dans la rue, sous les tentes.
03:56 C'est une possibilité de régularisation par le travail qui a été réduite à peau
04:01 de chagrin et dont la majorité admet, avec les Républicains, que c'est plus dur que
04:08 la circulaire valse.
04:09 Mais Dominique Seuil vient de le dire, il y a une grande hypocrisie.
04:12 Moi je vous parle d'hommes et de femmes qui viennent faire le ménage dans nos bureaux,
04:17 qui ramassent nos ordures.
04:20 Je vous parle d'ouvriers et d'ouvrières de l'agroalimentaire, des gens qui s'occupent
04:22 de nos enfants aujourd'hui, qui peut-être s'occuperont de nos parents demain, qui
04:26 pour un certain nombre d'entre eux n'ont pas de papiers mais paient quand même des
04:28 impôts, quand même des cotisations sociales, participent à l'économie du pays, participent
04:32 à la solidarité nationale.
04:33 Quels sont vos leviers pour agir, Boris Vallaud, désormais ? Le Conseil constitutionnel ?
04:37 Il y a évidemment le Conseil constitutionnel.
04:39 Mais j'allais dire, la défaite morale, elle est là.
04:42 Et je le dis parce qu'il y a une colère.
04:46 C'est un sujet qui préoccupe les Français.
04:47 On ne l'a pas esquivé.
04:49 Les partis socialistes, le 4 octobre dernier, ont arrêté une position, avec trois axes.
04:54 Remettre en bon ordre le grand bazar de la politique.
04:56 L'immigration est un sujet qui préoccupe les Français, y compris vos électeurs,
05:00 y compris les électeurs de gauche qui étaient plutôt favorables.
05:02 Mais tout le monde se pose des questions.
05:04 Et on a un devoir de vérité.
05:06 On disait tout à l'heure, l'immigration a augmenté.
05:09 François Héran, professeur au Collège de France, un des meilleurs connaisseurs de
05:12 cette question, nous instruit utilement, plutôt que des fantasmes et des préjugés, remettre
05:16 en bon ordre une politique migratoire qui est devenue un grand bazar.
05:18 En particulier du fait de la stratification de 49 lois en 40 ans.
05:25 Du fait aussi d'instructions ubuesques.
05:28 Vous savez que pour obtenir rendez-vous dans une préfecture, il faut saisir un tribunal
05:32 administratif.
05:33 Ça, ça ne relève pas de la loi.
05:34 Ça relève de politiques gouvernementales.
05:36 Ensuite, faire en sorte que le travail donne droit au séjour pour sortir de l'hypocrisie
05:39 que je dénonçais.
05:40 Et puis l'intégration.
05:41 L'intégration, chacun la réclame.
05:43 Et on peut le faire par le travail, on peut le faire par l'accès au logement, à la
05:47 culture, par l'enseignement de la langue qui est très importante, par l'enseignement
05:50 de nos valeurs de la République, par cette politique de répartition solidaire de la
05:54 population dans le territoire.
05:55 Il y avait des possibilités de travailler autrement, d'autres visions du monde, pour
06:00 répondre, je vais dire, utilement aux Français.
06:03 Parce que cette loi est un grand mensonge pour les Français.
06:06 Est-ce que vous pensez qu'il y aura moins de gens qui vont prendre le risque de se noyer
06:10 dans la Méditerranée, d'atteindre les côtes européennes ? Est-ce que vous pensez qu'il
06:14 y aura moins de gens sous les tentes, moins de travailleurs sans papiers ? Non.
06:17 Et le grand tort aussi, c'est de ne pas avoir profité de ce moment pour se dire mais au
06:20 fond nous sommes en 21ème siècle, est-ce que l'affirmation de la seule souveraineté
06:23 d'un État suffit à réguler un phénomène mondial ? Je ne le crois pas.
06:27 En réalité, ce gouvernement a cédé à la facilité, il a tout cédé et il s'est
06:33 fait.
06:34 Boris Vallaud, Aurélien Rousseau, ministre de la Santé, a présenté, selon l'AFP,
06:37 sa démission.
06:38 Qu'est-ce que vous lui dites ce matin ?
06:39 Écoutez, j'imagine la difficulté qu'on a quand on est ministre à prendre cette
06:46 décision.
06:47 Je connais un peu Aurélien Rousseau, c'est un homme de conviction, de valeur et de grand
06:53 courage.
06:54 Vous vous êtes parlé ?
06:55 Nous ne nous sommes pas parlé.
06:56 Vous vous êtes parlé avec Clément Beaune, avec Patrice Vergritte, avec Sylvie Retaillot,
07:00 avec Roland Lescure ?
07:01 Non.
07:02 Non, non.
07:03 Écoutez, j'ai comme vous lu la presse.
07:06 C'est vous qui nous donnez les informations.
07:08 J'ai suivi cette chronique d'un mécontentement d'hommes et de femmes.
07:13 Qu'est-ce qu'ils doivent faire selon vous ?
07:15 Écoutez, chacun maintenant est face à ses responsabilités et à sa conscience.
07:19 Est-ce que ce qui s'est passé ces derniers jours, Boris Vallaud, est-ce que c'est
07:24 le retour du clivage gauche-droite dans la politique française ?
07:27 Il y a un clivage gauche-droite qui s'est affirmé.
07:30 Et je l'ai dit, c'est la fin d'une mystification.
07:37 Et Emmanuel Macron, vous savez, ne sait pas quoi faire de ce deuxième quinquennat.
07:42 Il est à bien des égards devenu l'exécuteur testamentaire de Nicolas Sarkozy.
07:47 Voilà.
07:48 Avec la loi sur les retraites, avec la loi sur le RSA, avec cette loi sur l'immigration.
07:52 Et avec cette réaffirmation de la gauche dans un clivage gauche-droite, est-ce que
07:57 l'union de la gauche s'impose dans un moment comme celui-ci, après les fractures
08:01 du 7 octobre ?
08:02 Est-ce que la nupesse doit se reconstituer ?
08:04 Ce que je peux vous dire, c'est que dans un moment comme cela, ce sont les républicains
08:07 qui doivent se mobiliser.
08:09 Quand j'entendais hier l'ensemble des ONG du Pacte du pouvoir de vivre, les organisations
08:14 syndicales, la CFDT, la CGT et d'autres dirent leur mécontentement et appeler à
08:19 ne pas voter ce texte, je me dis que c'est normalement l'affaire de tous.
08:22 Mais hier, Jean-Luc Mélenchon vous a appelé à suspendre votre moratoire et à re-voter
08:27 pour reformer l'union.
08:28 La question de l'union de la gauche, je la plaide, je la défends, elle est nécessaire.
08:32 Pas dans les conditions qui nous ont conduit à suspendre en effet notre participation
08:37 à cette coalition.
08:38 Mais l'avenir est évidemment à une union de la gauche.
08:43 Après cette interview, vous allez croiser Elisabeth Borne, notre première ministre,
08:47 dans le couloir.
08:48 Est-ce que vous allez lui serrer la main ?
08:49 Ecoutez, ce qui se passe dans le couloir, se passe dans le couloir.
08:52 Qu'est-ce que vous allez lui dire ? Qu'est-ce que vous avez envie de lui dire ?
08:56 Probablement rien.
08:57 Je crois qu'on n'a pas grand-chose à se dire ce matin.
09:01 Et les quelques députés, ils sont en minorité de la majorité, qui ont refusé de voter
09:08 ce texte, vous les accueillez parmi vous ?
09:10 En tout cas, ce que je peux dire, c'est qu'ils ont été courageux et dignes.
09:15 Je dois dire que je n'étais pas certain de ce qu'ils feraient, j'ai douté.
09:18 Et hier, ils ont donné une leçon.
09:22 Merci Boris Vallaud.
09:23 Merci à vous.

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