Dans sa déclaration de politique générale, Michel Barnier souhaite "reprendre le dialogue" sur le projet de loi sur la fin de vie début 2025, tout en continuant l'effort sur le développement des soins palliatifs. Pourquoi ne pas s'appuyer sur le texte qui était sur le point d'être voté avant la dissolution ? Denis Labayle, médecin et co-président de l'association Le Choix, est l'invité pour tout comprendre de RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 02 octobre 2024.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 02 octobre 2024.
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00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:04Il est 18h42, bonsoir Denis Labelle.
00:06Bonsoir.
00:07Merci de nous rejoindre dans RTL Soir.
00:09Vous êtes l'un des rares médecins à avoir confié publiquement,
00:12à avoir aidé des malades à mourir.
00:13Et je renvoie d'ailleurs à votre livre,
00:15Le médecin, la liberté et la mort paru chez Plon.
00:18Un texte sur la fin de vie était prêt donc avant la dissolution.
00:21Faites-vous confiance à Michel Barnier pour aller à son terme.
00:24Hélas, ce qu'il a dit devant l'Assemblée Nationale
00:28ne nous rend pas très optimistes.
00:29Pourquoi ouvrir le dialogue ?
00:31Là-dessus, madame Yalponde-Pivet a tout à fait raison.
00:34Suffit l'héterogéversation.
00:36Écoutez, très rapidement, quelques dates.
00:398 avril 2021, les députés votent majoritairement l'article 1 du projet Falorni
00:46qui crée l'admédicalement.
00:48Seulement voilà, c'était une niche parlementaire,
00:504000 amendements et à minuit c'était terminé.
00:53196 députés demandent au premier ministre de l'époque,
00:57Jean Castex, une nouvelle ouverture du parlement.
01:00Réponse négative.
01:02Le président de la République crée la convention citoyenne.
01:06En mars 2023, 75% de ceux qui ont participé à cette convention disent
01:13on veut, on est d'accord pour la création d'une loi
01:17autorisant l'aide à mourir.
01:20Ensuite, on a ce débat à l'Assemblée Nationale
01:23et à huit jours près, la loi allait passer
01:26et on nous dit maintenant qu'il faudrait rouvrir le dialogue.
01:28Non, c'est pas sérieux.
01:29Deux choses d'une, ou le premier ministre ne connaît pas bien le dossier,
01:32ce que je ne peux pas accepter,
01:34ou alors il est contre, mais qu'il laisse alors le parlement faire son travail.
01:39Je pense qu'avec cette loi, il aurait peut-être une seule fois
01:43la possibilité d'avoir une majorité à l'Assemblée Nationale.
01:45Pardonnez-moi, vous pensez qu'il se dissimule par rapport à ses convictions ?
01:48Parce que c'est ce que vous venez de nous suggérer là, c'est ce que j'ai entendu dans votre réponse.
01:53Le premier ministre serait hostile à ce projet et il essaie de gagner du temps ?
01:59Exactement, je pense que c'est cela.
02:01Étant donné qu'il n'y avait aucune raison de rouvrir le dialogue,
02:04il suffit de demander au parlement de poursuivre son travail
02:07et de reprendre le projet de loi tel qu'il avait été voté en partie
02:12au mois de juin dernier 2024.
02:16Même en disant, et en donnant rendez-vous finalement, début 2025, vous pensez qu'il gagne ?
02:22Non, il a dit pas seulement début 2025, il a dit on rouvre le dialogue.
02:25Ça veut dire quoi le dialogue ? Qu'il laisse le parlement faire son travail.
02:29Il y a des élus qui représentent le peuple.
02:31Alors, on sait que ce choix, ce désir de changer la loi,
02:35est partagé par un grand nombre de députés de tous bords.
02:39Bon, peut-être pas le Front National qui a manifesté toujours son opposition,
02:43qui est toujours pour le peuple, sauf quand le peuple donne son avis contraire à son avis.
02:47Donc, laissons le parlement ouvrir le débat.
02:51Pourquoi est-ce si difficile en France ?
02:54On le voit dans certains pays voisins, chez nos voisins,
02:57ce droit existe, ce droit à choisir, le moment de sa mort.
03:01Pourquoi en France c'est tellement long et si compliqué ?
03:05Tous les pays autour de nous, en Europe, ont évolué, tous.
03:08Même les pays avec une influence catholique marquée.
03:12C'est ce que j'allais vous demander, quelle que soit leur imprégnation religieuse.
03:15Oui, l'Espagne, le Portugal.
03:17Mais en France, c'est surprenant.
03:19On est très satisfait de soi, on estime que les gens meurent très bien,
03:23sauf que personne ne vient chez nous pour mourir, c'est une évidence.
03:26Et on est très conservateur, il faut dire les choses telles qu'elles sont.
03:29Et on ne laisse pas le parlement travailler.
03:31Après tout, c'est au parlement de faire la loi.
03:33C'est pas seulement au gouvernement de dire voilà ce qu'il faut faire.
03:36Mais vous pensez que notre nouveau Premier Ministre est en train de gagner du temps,
03:39qu'il ne veut pas prendre, on va dire, à rebrousse-poil son électorat de droite d'imprégnation religieuse ?
03:44Que c'est une attitude profondément politique ?
03:47Son parti a en grande partie été opposé à la loi lorsqu'elle a été discutée,
03:53et le Front National qui tout de même fait partie des soutiens.
03:57Donc il y a des opposants au sein même du gouvernement ?
04:00Oui, bien sûr. Bien sûr.
04:02Mais je crois qu'il manque une occasion de faire l'ouverture,
04:06puisqu'on parle d'ouverture, de rupture.
04:08Pour la première fois, il aurait une loi qui passerait avec une majorité de gens de droite, du centre, de gauche.
04:14Ça serait une première en France.
04:16Alors qu'il laisse le parlement travailler.
04:19Il faut reprendre l'examen du texte là où il a été interrompu, c'est ce que vous dites ?
04:24Oui, absolument.
04:25Écoutez, à huit jours près, la loi allait être votée.
04:28Une loi qui n'était pas parfaite, mais qui était une porte ouverte justement,
04:32une ouverture importante et on se remettait au même niveau que nos voisins.
04:34Non mais les députés ont changé, ça ne vous a pas échappé ?
04:37Absolument.
04:38Et le rapport de force n'est pas le même ?
04:41Non, c'est ça qu'on va voir.
04:43Écoutez, tentons, jouons la carte de l'ouverture.
04:46Moi je suppose que le parlement exerce son pouvoir.
04:49Dites-moi, vous qui vous êtes engagé très tôt et en prenant des risques,
04:53ça fait combien de temps que dure ce débat ?
04:56Pardonnez-moi, mais j'ai l'impression que moi ça fait 25 ans que je vous interview sur ces questions
05:00et que ça n'évolue toujours pas en France.
05:03Vous avez raison, je crois que les premières demandes d'aide médicale à mourir dans la dignité
05:08datent de 40 ans, que depuis 20 ans,
05:11toutes les enquêtes d'opinion montrent que plus de 80% des Français souhaitent un changement de la loi,
05:17que moi-même, puisque vous me posez la question, ça fait 20 ans, plus de 20 ans,
05:20qu'il me semble logique que le malade choisisse.
05:23Voilà, c'est tout ce qu'on demande, c'est tout de même pas le Pérou.
05:26Et ça n'avance pas.
05:28Ça n'avance pas, c'est extraordinaire.
05:29On nous sort à chaque fois une loi insuffisante.
05:312005, la loi Netti.
05:322016, la loi Claes Leonetti.
05:34On a vu que ce n'était absolument pas satisfaisant,
05:36que ça ne répondait pas à la demande.
05:38Il y a une forme de lobby religieux ?
05:40Il est considérable.
05:41Moi, je dirais qu'il est très important.
05:43Vous savez, j'ai été au repas de l'Elysée,
05:45où il y avait toutes les religions monothéistes,
05:48et pour une fois, elles étaient toutes d'accord sur ce sujet.
05:50C'était formidable.
05:51C'est la première fois que j'entendais toutes les religions monothéistes se mettre d'accord.
05:55Elles étaient contre moi, mais j'étais fier d'avoir contre moi l'opinion monothéiste.
06:00Ça n'avance pas côté politique, c'est ce que vous dites,
06:02et chez les médecins ?
06:04Parce que vous vous le dites, vous l'avez toujours dit,
06:06vous avez aidé des patients à choisir le moment où ils souhaitaient partir,
06:11parce que ça devenait trop compliqué.
06:13Est-ce que vos confrères avancent sur cette question également ?
06:17Vous savez, les médecins belges l'ont intégré dans leur pratique depuis plus de 20 ans.
06:21Pareil pour les néerlandais, pareil pour d'autres.
06:24Je ne crois pas qu'on soit très différents des médecins belges.
06:27Et puis ensuite, le problème, c'est que les médecins ont deux épées de daphnéoclès sur la tête.
06:32La justice républicaine, et deuxièmement, le conseil de l'ordre des médecins,
06:36qui deux jours au lendemain peut vous supprimer votre travail.
06:39Plus de salaire, plus rien.
06:40Donc les gens, vous savez, ils ne sont pas plus courageux que les autres dans le milieu médical.
06:44Le jour où il y aura une loi, je suis certain que 60% des médecins,
06:48au bout de cinq ans, auront intégré le processus et feront des soins palliatifs,
06:52et également de l'aide médicale à mourir.
06:54Merci beaucoup docteur Denis Labelle d'avoir pris la parole ce soir,
06:57une fois de plus sur l'antenne d'RTL.
06:58Et je rappelle votre livre, Le médecin, la liberté et la mort, édité chez Plon.
07:03Dans un instant, on se détend, on respire avec Marc-Antoine Lebray.
07:06C'est le Breaking News.