• il y a 2 mois
C'est une rentrée singulière avec un gouvernement démissionnaire mais qui assure les affaires courantes et un nouveau Premier ministre qui se fait attendre. Dans quel état d'esprit les chefs d'entreprise français abordent-ils cette reprise ? Laurent Vronski, vice-président de l'association "Croissance plus" et directeur général de Ervor, est l'invité de Yves Calvi.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 27 août 2024.

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Transcription
00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:04Il est 18h42, l'invité d'RTL Soir pour tout comprendre, c'est vous Laurent Bronski.
00:08Vous êtes chef d'entreprise, vice-président de l'association d'entrepreneurs Croissance Plus.
00:12Quel est l'état d'esprit de nos entreprises dans cette rentrée bien particulière ?
00:16Je ne sais pas comment la qualifier, chaotique, floue, incertaine, bancale ? Choisissez le terme.
00:20C'est déjà pas mal, je pense que je sais un petit peu tout à la fois.
00:24Je pense que si je devais, vous savez que la concision est l'âme de l'esprit, donc je vais la résumer en un mot,
00:28c'est qu'il y a beaucoup d'incertitudes. Il y a beaucoup d'incertitudes par rapport à ce qui peut se passer,
00:32par rapport à ce qui va se passer au niveau de l'avenir.
00:36Et pour les entrepreneurs, c'est un problème, parce que nous, notre métier, c'est de prendre des risques.
00:40Mais la différence, c'est que le risque se mesure et que l'incertitude ne se mesure pas.
00:44Et là, on est vraiment dans l'incertitude. Je veux dire, prendre des marchés, investir,
00:48embaucher du personnel, ça c'est prendre des risques. Donc là, on sait faire un calcul.
00:52Mais là, je veux dire qu'on est rentré dans une espèce de brouillard politico-économico
00:56qui, à mon avis, est très préjudiciable au climat des affaires
01:00à un moment où, je le souligne quand même, il y avait une économie assez fragile.
01:04L'incertitude est le pire ennemi de l'entrepreneur ?
01:08Absolument. Parce qu'il ne peut pas projeter ? Parce qu'il ne peut pas projeter.
01:12Que vous disent les patrons, les entrepreneurs ? Ils sont inquiets ?
01:16Est-ce qu'ils ont espoir de voir les choses s'améliorer dans les semaines à venir ?
01:20Ou au contraire, vous avez la tête dans le tunnel, si je puis dire ?
01:24Est-ce que vous voulez que M. Macron mette la lumière, d'une certaine façon ?
01:26Non, je pense qu'on doit vraiment compter sur nous-mêmes.
01:28Je veux dire, notre métier, je vais vous dire, c'est vraiment d'être une éponge,
01:32d'aspirer le négatif et de restituer du positif.
01:36De toute façon, on vient de traverser, collectivement, depuis 2020,
01:40donc depuis le Covid, sept crises systémiques.
01:44Donc, si on est optimiste, et je veux dire, nous, on n'a pas le droit de ne pas l'être,
01:48ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Donc là, on a un phénomène, la bonne nouvelle,
01:52c'est quelque chose de très hexagonal. Ça n'est pas une crise mondiale.
01:56Ce que nous avons vécu, par contre, les sept crises systémiques étaient des crises mondiales.
02:00Donc, j'ai plutôt bon espoir que, à la française, un petit peu comme quand on lit Astérix,
02:04je veux dire, vous savez, au début, à la fin, ça commence, tout le monde fait un banquet,
02:08puis après, on se tape dessus, mais finalement, globalement, on arrive...
02:10On reprend le banquet.
02:12Alors, j'espère que, passé cet épisode, je dirais qu'il intervient au plus mauvais des moments.
02:18Je le répète, l'économie en 2024 est quand même assez fragile.
02:22Vous avez des secteurs qui sont vraiment dans des situations très précaires.
02:26Le bâtiment, par exemple, c'est sans doute l'un des pires.
02:28Tous les commerces de détail, aujourd'hui, connaissent des difficultés.
02:32On a quand même vu des sociétés emblématiques qui ont déposé le bilan.
02:34Là, cet été, on vient de battre un triste record de dépôts de bilan et de faillite.
02:38Donc, on voit bien qu'on n'est pas, si vous voulez, dans une économie florissante.
02:416000 défaillances d'entreprises en juillet, 32 000 emplois menacés,
02:44c'est donc du jamais vu depuis une vingtaine d'années, c'est ce que vous venez de nous dire.
02:47La situation est grave, docteur Wronski ? Vous comprenez mon inquiétude ?
02:52Je pense qu'elle n'est pas grave, mais elle est préoccupante.
02:56Et nous allons avoir sans doute le dénouement du scénario dans les semaines à venir.
03:01En tout cas, ce que je peux vous dire, c'est de la concrétude,
03:04parce que nous, on est dans la concrétude, chef d'entreprise,
03:06c'est que depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée,
03:09vous avez littéralement des projets qui n'ont pas vu le jour.
03:13Vous avez des embauches qui sont sur poses.
03:15Ça, c'est du concret.
03:17Quelle est l'angoisse, exprimons-le avec simplicité,
03:20quelle est l'angoisse de nos chefs d'entreprise ?
03:23Arriver de l'extrême gauche au pouvoir ?
03:25Je vais vous dire.
03:26Disons les choses simplement.
03:27Croyez-moi, je vais être très simple et très concret.
03:29Je veux dire que depuis à peu près six semaines, on a entendu tout et n'importe quoi.
03:33Et donc, beaucoup de gens se disent, on a des choses absolument hallucinantes,
03:36donc n'importe quoi pourrait finalement se réaliser.
03:40Dans ce climat, je dirais où finalement il y a une espèce de surenchère
03:44du concours Lépine de la bêtise,
03:46parce qu'il y a des mesures économiques qui sont, vous voulez de la simplistique,
03:49qui sont particulièrement stupides.
03:50Lesquelles ? Dites-nous les choses.
03:52Je veux dire, par exemple, quand vous avez...
03:54Les entreprises françaises, au niveau de l'OCDE,
03:58sont parmi celles qui ont les marges les plus faibles.
04:00Les fonds propres les plus faibles.
04:02Donc, il y a un grave problème de financement.
04:04Vous avez beaucoup d'entreprises qui ne le trouvent pas.
04:06Elles sont plus fragiles.
04:07Elles sont plus fragiles que les autres.
04:08Donc, je veux dire que d'annoncer, par exemple, qu'on va retirer la flat tax,
04:12qu'on va instituer l'ISF,
04:14c'est un tue-l'amour pour les investisseurs.
04:17Je veux dire, on va accroître les difficultés
04:21pour ces entreprises à trouver des financements,
04:23à faire venir des gens de l'extérieur.
04:25Donc, c'est bien l'instabilité politique
04:27qui, en ce moment, menace nos entreprises.
04:29Et les éventuels projets qui vous inquiètent.
04:31Exactement.
04:32Voilà ce qu'en dit le gérant d'une PME de 25 salariés,
04:35en tout cas croisée cet après-midi par Pierre Herbulot.
04:37C'était à la rencontre des entrepreneurs de France,
04:39organisée à Longchamp par le MEDEF.
04:42Alors, nous, en tant que chef d'entreprise,
04:44on aime bien avoir un peu de visibilité.
04:46Parce qu'on a quand même, soit un investissement,
04:48que ce soit en termes d'hommes ou de matériel,
04:51on a besoin de savoir où on va.
04:52Et actuellement, on n'a absolument aucune idée
04:54de la feuille de route du gouvernement à venir, effectivement.
04:57Donc, on ne sait pas à quelle sauce les uns et les autres vont être mangés.
05:00Qu'est-ce que, si vous aviez Emmanuel Macron,
05:02vous lui diriez, si vous pouviez vous dépêcher, ce serait bien ?
05:05Oui, ce serait bien de se dépêcher et de choisir intelligemment, on va dire.
05:09Bon, je vous vois rire. Pourquoi ?
05:11Parce que vous pensez exactement la même chose ?
05:13Évidemment, on pense tous la même chose.
05:15Je dois vous dire que, compte tenu des conséquences économiques
05:18qui ont déjà commencé, je le précise,
05:20parce que cette incertitude, si vous voulez,
05:22a fait mettre sur pause beaucoup de projets.
05:24Donc, pourquoi attendre aussi longtemps ?
05:27Je veux dire, on sait très bien que ce genre,
05:31surtout dans une rentrée qui est une rentrée délicate,
05:33je le répète.
05:34Donc, je veux dire, ça sert à quoi d'attendre ?
05:38Pendant ce temps-là, on se dit qu'il y a peut-être des perspectives
05:41qui sont un peu plus positives.
05:43Est-ce que vous les voyez à moyen terme ?
05:44Ou est-ce qu'en ce moment, vraiment, vous êtes barré ?
05:46Non, mais, monsieur Kelly,
05:48moi, je dirige une entreprise industrielle.
05:50Je suis le dernier de mon secteur.
05:51Donc, si vous voulez, je dis ça très modestement,
05:52mais les flammes, je les ai traversées depuis 30 ans.
05:54Donc, de toute façon, je sais que je vais m'en sortir
05:56parce que je n'ai pas le choix.
05:57Moi, j'ai le dos à la mer.
05:58Donc, il y a beaucoup de chers entreprises
06:00qui ont cet état d'esprit.
06:01Simplement, aujourd'hui, moi, je fais face à une concurrence mondiale
06:04puisque j'exporte 90% de mes produits en dehors de la zone euro.
06:07Donc, la dernière chose dont j'ai besoin,
06:09c'est d'avoir les pieds entravés par des mesures hexagonales
06:12qui nous mettent en défaut par rapport à nos concurrents.
06:14Mais, au moment où nous parlons,
06:15est-ce que, pour vous, les perspectives sont bonnes ?
06:17On oublie le climat politique qui vous inquiète.
06:19Au-delà de ça, est-ce que vous pensez
06:21que les perspectives peuvent être bonnes ?
06:23Je n'en ai aucune idée.
06:24Vous n'en avez aucune idée ?
06:25Aucune idée.
06:26Qu'est-ce qu'on fait quand on est dans cette situation-là ?
06:28Quand on ne peut pas voir ce qui se passe demain, après-demain
06:30et dans une semaine ?
06:31Écoutez, on fait ce que nous, nous faisons depuis le Covid
06:34où on a dû gérer des espaces-temps qui étaient réduits à la semaine.
06:39Donc, on a une certaine habitude.
06:41Si vous voulez, on prend des risques plus importants qu'à l'accoutumée.
06:45Surtout, on se démène pour essayer de remplir le carnet de commandes.
06:48C'est ça, le véritable indicateur.
06:50Le carnet de commandes et, bien sûr, les règlements.
06:52Vous avez licencié ?
06:53Absolument pas.
06:54Et on n'a pas du tout l'intention de licencier.
06:57Vous comprenez ma question.
06:58Mais, croyez-moi, je comprends très bien votre question.
07:02La France reste-t-elle un grand pays industriel ?
07:06La France a été un grand pays industriel.
07:08Et, justement, moi j'ai un engagement.
07:10Alors, je mets ma casquette croissance plus.
07:13Si vous voulez, depuis 30 ans, je me suis battu
07:15parce qu'on a oublié que la France est à l'origine de nombreuses inventions,
07:19a eu un très grand passé industriel
07:22et on a toujours pointé du doigt notre voisin Germain
07:25comme un exemple.
07:26Mais je veux dire que la France peut redevenir un très grand pays industriel.
07:29Rien n'est perdu.
07:31Simplement, il faudrait peut-être faire avec l'industrie et l'économie
07:35ce qu'on a fait avec les Jeux Olympiques et nos champions.
07:37C'est-à-dire ?
07:38Être positif, pouvoir, si vous voulez, créer un climat
07:41qui leur permet justement de faire de la performance
07:44et pas sortir des lois qui, parfois, n'ont ni queue ni tête.
07:48Vous avez un message à notre président et peut-être à notre futur Premier ministre ?
07:51Oui, bien sûr.
07:52Être simple et efficace, pragmatique, pas de dogmatisme.
07:54Ça veut dire quoi, concrètement ?
07:56Exactement ce que je viens de dire.
07:58Ça veut dire que plutôt que d'avoir, si vous voulez, de pondre des idées
08:01par des grands technocrates qui n'ont jamais mis les mains dans le cambouis,
08:04de se rapprocher du terrain et de pouvoir aider les entreprises à fructifier.
08:09C'est assez simple.
08:10Politiquement, ça veut dire aussi éventuellement ouvrir à droite et à l'extrême droite ?
08:13Mais...
08:15C'est au cœur du problème, vous savez très bien.
08:18Quand les idées sont bonnes, cher monsieur,
08:21elles n'ont pas de couleur politique.
08:23Moi, je ne fais pas de politique, je fais de l'économie.
08:25Mais est-ce qu'elles sont bonnes aussi à l'extrême droite ?
08:27Est-ce que vous pensez que l'extrême droite est capable de diriger notre pays aujourd'hui
08:30pour que des entreprises puissent y vivre normalement ?
08:34Ou est-ce que c'est une inquiétude ?
08:36Ou seul l'extrême gauche vous inquiète ?
08:38Cher monsieur, nous avons examiné, nous avons passé à la loupe
08:41tous les programmes économiques, tous les partis.
08:44Donc, dans le programme économique de l'extrême droite
08:48comme dans le programme économique de l'extrême gauche,
08:50il y avait des aberrations.
08:52Donc les extrêmes restent pour vous un danger absolu ?
08:54Absolument !
08:56C'est une évidence.
08:57Qu'est-ce que vous diriez aujourd'hui à un jeune entrepreneur qui a envie de se lancer ?
09:01Il y a des courageux !
09:04Mais si vous voulez, encore une fois,
09:07ce qu'il faut bien comprendre,
09:09et j'ai souvent cette question de la part de jeunes entrepreneurs,
09:12c'est que c'est avant tout un mode de vie.
09:15On a dressé une image hollywoodienne de l'entreprenariat,
09:18j'ai une idée géniale, je vais dans un incubateur,
09:21au bout d'un mois j'ai levé 3 millions d'euros,
09:24je fais fructifier ma vatte et je suis multimillionnaire au bout de 5.
09:27Non, ça ce n'est pas la vraie vie.
09:29La vraie vie, et justement, c'est un mode de vie très particulier.
09:32Il y a des gens qui ne sont pas faits pour être entrepreneurs.
09:35Parce qu'on doit gérer ce genre de situation,
09:38ou je dirais, gérer ce genre de situation,
09:40ça veut dire que vous ne dormez pas bien toutes les nuits.
09:43Mais c'est le choix que vous avez fait, jamais je ne reviendrai en arrière.
09:47Je vous souhaite une bonne nuit.
09:49Merci d'être venu, voire deux jours.
09:51Merci beaucoup Laurent Wronski, vous êtes chef d'entreprise,
09:53vice-président de l'association d'entrepreneurs Croissance+.
09:56Très bonne soirée et bon travail à vous et à Recoll Laborateur.
09:59Merci beaucoup.
10:00Dans un instant, Marc-Antoine Lebray pour nous détendre et nous surprendre.
10:03Ce n'est pas compliqué d'étendre.

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