Regardez Le débat du 03 janvier 2024 avec Yves Calvi.
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00:02 Yves Calvi
00:06 RTL matin jusqu'à 9h. Il est 8h20, bonjour Luc Ferry. Bonjour Yves Calvi.
00:12 Philosophe, ancien ministre de l'éducation, votre dernier livre "La frénésie du bonheur" est paru aux éditions de l'observatoire.
00:16 En ce début d'année Luc Ferry, je voulais vous faire réagir à notre tout dernier sondage
00:21 "Toluna à risque interactif" pour RTL. Il révèle que
00:24 54% des français sont optimistes pour cette nouvelle année.
00:28 C'est pas encore la frénésie du bonheur mais quand même.
00:30 Alors... Ça vous surprend ? Non, quand vous demandez aux gens...
00:34 Moi je sais pas si vous êtes comme moi mais moi quand on me demande est-ce que ça va, je dis oui oui moi ça va très très
00:39 bien, ça va formidablement. Mais alors le pays, ça va pas du tout.
00:42 Ou le monde ne va pas bien, voilà. Et donc je pense qu'il y a une très grande différence entre la vie privée qui souvent se
00:49 porte bien parce qu'on aime sa famille,
00:51 on est souvent heureux en famille et donc on a une vie privée qui fonctionne assez bien finalement et qui est assez agréable.
00:58 Et en revanche, je pense que le pessimisme sur le monde est très grand. Vous savez dans tous les sondages
01:04 internationaux, la France est
01:07 parmi les trois pays les plus pessimistes du monde sur l'avenir. Et ça, ça reste vrai.
01:12 Alors plus surprenant encore 72% des français de moins de 35 ans se montrent optimistes
01:19 allant qu'on ne cesse de leur dire que leur futur sera compliqué pour ne pas dire d'ailleurs difficile.
01:23 Toujours pareil, optimiste sur quoi ? Voilà, moi je pense, moi j'ai écrit un livre où vous aviez la gentillesse de le citer,
01:31 "La frénésie du bonheur", je pense qu'il y a une quête du bonheur qui a pris la place des grands objectifs qui étaient
01:35 ceux des grandes religions qui se sont effondrées. Le communisme et le christianisme se sont littéralement effondrés en France
01:41 entre 1950 et aujourd'hui. Et la quête du bonheur a pris la place des grandes religions, voilà.
01:46 Psychologie positive, développement personnel.
01:49 Et je pense que ça, ça renvoie à la vie privée, si vous voulez. La quête du bonheur, c'est la quête du bonheur privé,
01:53 c'est pas le collectif. Sur le collectif, les jeunes ne votent plus pratiquement, ils sont très
01:58 abstentionnistes, ils s'intéressent très peu à la vie politique.
02:00 Et donc ils sont assez optimistes sur leur vie privée, mais très pessimistes sur la vie, ou plutôt très désintéressés.
02:07 C'est pire que le pessimisme d'une certaine manière. Ils sont désintéressés. Vous savez, moi j'ai trois filles, je vois bien à la maison,
02:11 comme elles sont très ravissantes, il y a beaucoup de garçons qui viennent à la maison.
02:16 Ils sont d'ailleurs adorables, très gentils, donc je suis entouré de beaucoup de jeunes. Alors la politique est la dernière chose qui les intéresse.
02:23 - 2024 est une année pourtant d'échéance. Les élections européennes sont en ligne de mille heures. J'aimerais revenir sur vos propos hier.
02:29 Marine Le Pen, nous dites vous, c'est désormais la droite populaire et républicaine.
02:32 Elle n'est plus ou pas d'extrême droite, pour dire la chose très simplement ?
02:36 - Bien sûr, c'est ce qu'a dit mon ami Marcel Gauchet, il a tout à fait raison.
02:39 L'extrême droite, vous savez, il faut quand même un peu de philosophie politique, ça fait pas de mal.
02:45 Et d'histoire politique. L'extrême droite, elle est contre-révolutionnaire. Elle naît de la contre-révolution.
02:50 Elle naît du romantisme
02:53 contre-révolutionnaire, de la haine des Lumières et de la Révolution Française.
02:56 - Elle est réactionnaire, pour dire la chose très simplement ?
02:58 - Elle est réactionnaire au sens philosophique du terme.
03:00 Elle est anti-républicaine, elle est par ailleurs raciste, antisémite,
03:04 et elle veut prendre le pouvoir par les armes. Elle est violente, elle assassine les opposants.
03:08 Marine Le Pen, c'est une droite populiste, une droite populaire, c'est une droite nationaliste, c'est une droite souverainiste.
03:13 Elle est absolument républicaine, elle n'est pas contre-révolutionnaire,
03:18 elle n'est pas contre l'héritage des Lumières, elle n'est ni raciste ni antisémite.
03:22 Donc encore une fois, je disais, ça a choqué mon ami Henri Guaino, que j'aime beaucoup,
03:26 j'ai dit "elle n'est pas plus à droite que le RPR des années 70".
03:30 - Ah bah oui, vous avez cité Pandreau, Pascua, en disant "ils étaient plus à droite que Marine Le Pen".
03:35 Vous vous posez pas un peu là ? C'est une évidence ?
03:37 - C'est une évidence.
03:39 Moi, je suis bien plus vieux que vous, je les ai connus.
03:41 Je sais que le RPR des années 70, c'était la vraie droite,
03:44 ils étaient très souvent anti-européens, très souverainistes,
03:48 même des gens comme Philippe Seguin étaient très souverainistes, très nationalistes, très anti-européens.
03:52 C'est leur droit, moi je ne critique pas.
03:54 Mais je dis simplement, ne confondons pas la droite populaire,
03:58 d'ailleurs on a vu la même chose en Italie, Madame Mélanie, ce n'est pas mussoliniste, absurde.
04:02 Et donc encore une fois, il existe en France de l'extrême droite,
04:06 il existe des petits groupuscules d'extrême droite,
04:08 les héritiers du GUD, si ça vous dit quelque chose, d'Occident.
04:12 Ça, c'est la vraie extrême droite, ça n'a rien à voir avec Marine Le Pen.
04:15 - Vous pouvez vous retrouver dans l'ORN version 2024 ?
04:17 - Pas du tout, je suis gaulliste jusqu'au bout des ongles, pas du tout.
04:19 - Alors, j'allais vous dire, je rappelle que je pose la question à un ancien ministre de Jacques Chirac.
04:22 - Je suis gaulliste jusqu'au bout des ongles.
04:24 Moi, je soutiendrai une alliance entre Xavier Bertrand et David Lysnard,
04:28 ou quelque chose comme ça, voilà.
04:29 Je suis gaulliste jusqu'au bout des ongles.
04:31 Gaulliste, ça veut dire quoi ? Parce que plus personne ne sait ce que ça veut dire.
04:33 Ça veut dire républicain à l'achevènement en politique et libéral en économie.
04:38 - Donc, vous ne voterez pas pour Marine Le Pen en 2027, que les choses soient claires ?
04:41 - Non, certainement pas.
04:42 - Vous avez fait une analyse de ses relations politiques.
04:44 - Évidemment.
04:45 - Oui, mais je pense que c'est important de vous faire préciser les choses.
04:47 - Non, mais attendez, je vais vous expliquer les choses, si vous permettez.
04:48 C'est très important, parce qu'il y a beaucoup de confusion.
04:51 Si on veut critiquer Marine Le Pen, critiquons-la à juste titre.
04:54 Voilà, son programme économique est catastrophique.
04:57 On part serait de 3 000 milliards d'euros de dettes à 4 000 milliards d'euros.
05:01 Le zéro TVA sur les produits de première nécessité, c'est absurde.
05:06 Parce que ça aide autant les milliardaires que les pauvres.
05:09 Donc, ça n'a pas de sens, vous voyez.
05:10 Donc, je pense qu'il y a mille choses à critiquer dans le programme économique de Marine Le Pen.
05:14 Peut-être aussi dans un certain nombre d'autres questions.
05:18 Mais si vous critiquez à tort les 42% de personnes qui ont voté pour elle,
05:22 vous les rendez teigneux et à la limite, vous allez les rendre racistes.
05:25 Voilà, donc c'est idiot.
05:26 - Vous êtes parfaitement clair.
05:27 - Je ne peux pas vous dire mieux.
05:28 Maintenant, je reste un vieux gaulliste, c'est-à-dire une espèce de chevènement politique et un libéral.
05:35 Alors, la différence avec chevènement, c'est que je suis très libéral en économie.
05:38 Parce que pour partager les richesses, il faut d'abord les produire.
05:40 - Pendant qu'on y est, vos bons points du moment, quand même, qui m'ont amusé,
05:44 ils sont attribués à Gabriel Attal et Jordan Bardella.
05:46 C'est un drôle d'attelage, non ?
05:48 - Non, parce qu'il faut être honnête.
05:50 C'est toujours la même chose.
05:51 L'honnêteté, ça consiste à reconnaître les talents.
05:53 - Ce sont deux jeunes racistes à la politique talentueuse.
05:54 - Exactement, voilà.
05:55 Alors, j'ai évidemment beaucoup plus de sympathie pour Gabriel Attal, que je ne cesse de soutenir.
06:01 Je lui apporte mon soutien.
06:02 - Il est très rare, un ancien ministre de l'éducation avec un autre.
06:04 Je me permets de le préciser.
06:05 - Généralement, le ministre de l'éducation dit "j'ai été précédé par un crétin et suivi par une andouille".
06:10 Mais je vous évite cette phrase.
06:13 Et donc, j'ai beaucoup de sympathie pour le courage et la lucidité de Gabriel Attal.
06:17 - Il peut être un grand ministre de l'éducation.
06:18 Et du coup, c'est quoi un grand ministre de l'éducation ?
06:20 - C'est d'abord le bon sens.
06:22 Écoutez, je vous dirais ces deux choses, c'est le bon sens et le courage.
06:25 Donc, c'est le retour aux fondamentaux.
06:27 Lire, écrire, compter.
06:29 Et puis, les valeurs fondamentales de la République, c'est-à-dire la laïcité.
06:33 Donc, c'est le retour aux fondamentaux et c'est le courage.
06:35 Voilà, c'est le bon sens et le courage.
06:37 Voilà, c'est pour ça que je dis, j'ai plus d'admiration pour Jean-Pierre Chevènement que pour...
06:42 Voilà, je ne vais pas citer d'autres noms, ce n'est pas à peine désagréable.
06:44 Mais je trouve que la première décision de Gabriel Attal, qui est de revenir à la laïcité,
06:50 revenir à la loi de 2004, de revenir aux fondamentaux,
06:53 les dédoublements de cours préparatoires, la lutte contre l'illettrisme,
06:56 tout ça, c'est du bon sens, c'est du fondamental.
06:58 Et je pense que c'est exactement ce dont on a besoin aujourd'hui.
07:01 - Tout autre sujet, Luc Ferry, l'affaire de Pardieu qui divise nos artistes.
07:05 Est-ce que vous comprenez tout ce bruit ?
07:07 Et que nous dit finalement le philosophe ?
07:09 - Il faut éviter ce que les philosophes appellent l'antinomie,
07:13 c'est-à-dire de choisir entre deux thèses qui sont fausses.
07:15 C'est ça le problème.
07:17 Alors, dès qu'on dit ça, on a l'air arronnien, on a l'air d'être le bon sens.
07:20 - C'est pas mal.
07:21 - Oui, moi j'aimais beaucoup Arron, j'avais beaucoup d'admiration pour lui.
07:24 Mais simplement, médiatiquement parlant, quand vous n'êtes pas anguleux,
07:29 ça passe moins bien, vous le savez, c'est pas à vous que je vais l'apprendre.
07:32 Et donc je pense que les deux positions sont fausses.
07:34 J'ai des amis qui défendent l'esprit gaulois en disant,
07:38 "Je suis désolé, je préfère l'esprit français."
07:40 Dans le genre coureur de jeune fille, j'aime mieux Jean Dormesson
07:44 plutôt que Gérard Depardieu, pour dire les choses clairement.
07:46 - Vous n'auriez pas signé de tribune pour dire les choses ?
07:48 - Non, évidemment pas !
07:49 - Faites qu'elles soient !
07:50 - Évidemment ! Non mais c'est pas ça, j'ai trois filles !
07:52 Et si j'entendais quelqu'un parler d'une gamine de 12 ans
07:55 comme Gérard Depardieu en a parlé,
07:57 je lui foutrais de baffe pour dire les choses franchement.
07:59 Et en même temps, je suis évidemment contre la "cancel culture",
08:02 la culture de l'annulation.
08:03 Simplement, je vous dis des choses,
08:04 c'est exactement ce que les philosophes appellent une antinomie,
08:07 les deux thèses sont fausses.
08:08 Donc pourquoi voulez-vous que je choisisse ?
08:10 - Je vous ai toujours connu, comment dirais-je, optimiste en tout cas,
08:13 volontariste.
08:14 Qu'avez-vous envie de dire aux jeunes français qui préparent leur avenir,
08:17 vous, ancien ministre de l'Éducation ?
08:19 Et ce sera ma dernière question.
08:21 - D'abord, j'aurais envie de leur dire,
08:23 ne comptez que sur vous et sur vos parents,
08:25 surtout pas sur les politiques.
08:26 Et donc, choisissez des voies d'excellence,
08:30 faites des études d'abord,
08:33 on n'est plus dans les années 60 où on pouvait s'en sortir sans avoir le bac,
08:37 c'est plus le cas aujourd'hui.
08:38 - Du diplôme.
08:38 - Voilà, il faut des diplômes et choisissez des filières
08:42 dans lesquelles il y a un véritable avenir.
08:43 Par exemple, moi ce que je conseille,
08:45 j'ai une fille qui est dans une école hôtelière,
08:47 par exemple, je trouve ça formidable,
08:49 et si j'avais des enfants qui sont doués pour les sciences,
08:52 je leur dirais,
08:53 choisissez des filières dans lesquelles on va pouvoir
08:58 s'intéresser à l'intelligence artificielle, c'est l'avenir.
09:01 L'intelligence artificielle va changer le monde
09:03 comme aucune autre révolution industrielle dans l'histoire de l'humanité.
09:06 Et donc, je dirais à des jeunes,
09:09 allez de ce côté-là, allez du côté de l'intelligence artificielle,
09:12 allez du côté des sciences,
09:13 on va avoir comme jamais besoin de scientifiques,
09:14 si vous en avez le talent, choisissez ces voies-là.
09:17 - Eh bien, votre intelligence n'a rien d'artificiel,
09:19 merci beaucoup Luc Ferry.
09:20 "La frénésie du bonheur", votre dernier livre est paru aux éditions de l'Observatoire.
09:23 Le simple titre est une invitation que...
09:25 de la population.
09:26 [SILENCE]