Jean-Claude Brialy raconte Jean Gabin

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00:00Gabin, c'est le nom de théâtre du père de Jean, Georges Moncorgé, dit Joseph Gabin,
00:25a abandonné son métier de charron pour devenir artiste de musicaux. Il est tombé amoureux d'Hélène,
00:32une petite chanteuse, qui est la fille d'un marchand de frites. Ils ont sept enfants. Le
00:38dernier est né au mois de mai 1904. Il s'appelle Jean, Jean Gabin. Le père Gabin aimerait qu'il
00:47devienne artiste comme lui, mais le rêve de Jean, c'est de devenir chauffeur mécanicien d'une
00:54locomotive.
01:24Pacifique 231 d'Arthur Honegger. En attendant de pouvoir entrer au chemin de fer, Jean Gabin
01:38trouve une place de grouillot à l'électricité de France. Commence alors une période de sa vie où
01:44il exerce 36 métiers. On le retrouve à la gare de la chapelle en train de porter des seaux de
01:48ciment aux ouvriers. Il améliore sa situation en devenant magasinier aux automobiles de Drancy.
01:55Rien de tout cela ne lui promet un métier intéressant. Alors Jean, Jean Gabin, finit par
02:02écouter son père. J'ai commencé tout à fait par hasard. C'est mon père qui, lui, déjà était
02:09comédien. Il avait débuté au Cap-Conse, ensuite il a joué l'opérette, tout ça. Juste avant mon
02:15service militaire, il m'a dit, fais ce truc-là, si ça te plaît, tu verras bien. Vous savez, à 18 ans,
02:19on est un peu bébête, on sait pas ce qu'on veut faire, surtout moi. A la fin de 1923, le jeune
02:26Gabin vient de se faire chasser des folies bergères pour être tombé sur la scène en plein spectacle,
02:31car il suivait des yeux une danseuse nue. Jean trouve un nouvel emploi au théâtre des bouffes
02:37parisiens. Là, il joue le rôle d'un barman au premier acte d'une comédie musicale, la dame en
02:44décolleté. Gaby Bassé, débutante à l'époque, se rappelle très bien le premier rôle de Gabin aux
02:51bouffes parisiennes. J'étais danseuse, moi, et je travaillais dans un musical qui s'appelle la
02:56Gaîté Rochechoir. Je dansais là, et un jour, une de mes copines, qui était danseuse aussi, me dit,
03:01tiens, si tu veux, j'ai deux places pour aller aux bouffes parisiennes, veux-tu venir avec moi ? Bien
03:06sûr ! Je suis allée avec elle aux bouffes parisiennes. On était placé dans une loge, près de la scène,
03:11et puis on jouait une pièce qui s'appelait la dame en décolleté. Et alors, je voyais un garçon sur
03:17scène qui était derrière un bar, il avait un tout petit rôle, qui regardait toujours de notre côté.
03:21Et je dis à ma copine, mais tu le connais, ce gars-là, il regarde tout le temps là. Elle me dit,
03:24non, je le connais pas. Je dis, moi non plus. Enfin bon, on reste là, on voit la pièce, et à la fin,
03:31ma petite amie me dit, tu sais, on va aller remercier mon copain qui m'a donné les places.
03:35Alors, on est allé dans la loge du copain, et il s'habillait justement avec cet acteur qui était
03:41en scène et qui regardait tout le temps de notre côté. Et on me dit, ben voilà, je vous présente
03:45un copain, Jean Gabin. Et Jean Gabin me regarde, puis il me dit, et bien pendant tout le temps que
03:50j'étais sur scène, je n'ai pas arrêté de regarder de votre côté parce que j'étais fascinée par vos
03:54beaux yeux bleus. Alors je me suis mis à rougir comme une cerise, et puis on a rigolé bien sûr,
04:01et il nous a dit, ben maintenant on va aller prendre un verre. Et on est allé prendre un verre
04:04ensemble. Voilà, et ça a commencé comme ça. Et puis on s'est fréquenté, on ne s'est plus quitté
04:08à partir de ce moment-là. On s'est vu souvent. Lui, il habitait chez son père. Moi, j'habitais
04:13chez une copine. Et puis bien sûr, on s'est aimé follement parce que vraiment, ça a été coup de
04:17foudre et on s'est aimé terriblement. Alors un jour, il me dit, ben ce n'est pas tout ça. Qu'est-ce
04:21qu'on fait ? On va rester ensemble, quoi. Moi, je vais quitter mon papa, puis tu vas quitter ta
04:26copine, et puis on va habiter ensemble. Et Marie-Louise Bassé, dite Gabi Bassé, épouse le 26
04:33février 1925, Jean-Alexis Gabin-Montcorgé, dit Jean Gabin. Mais voilà, c'est qu'on n'avait pas
04:40beaucoup d'argent. Alors, il fallait chercher un hôtel pas cher. On en a trouvé en rue Clignancourt,
04:45en cet hôtel. J'y suis passée dernièrement. Je ne peux pas croire qu'on habitait dans un hôtel
04:49pareil. C'était un tout petit hôtel. On avait une toute petite chambre avec des meubles, mais des
04:53meubles anciens, des vieux meubles de rien du tout. Il n'y avait pas l'eau courante. On avait un
04:58brot et une cuvette, c'est tout. Et on avait une petite lampe à alcool pour faire chauffer notre
05:02petit déjeuner le matin. C'est que on ne pouvait pas aller ailleurs. Enfin bon, on travaillait tous
05:07les deux. Je m'efforçais d'essayer de gagner ma croûte surtout. Ça, c'était important. Je ne
05:11m'occupais pas du moment que j'avais huit jours à faire là, dix jours à faire là, avec mon petit
05:16tour de champ. J'étais bien content parce que c'était la croûte assurée pour un mois ou pour un
05:21mois et demi, pour deux mois. Mais alors les fins de mois duraient 20 jours. Qu'est-ce qu'on a mangé
05:26comme oeuf dur ? Les premiers temps, on allait au restaurant bien sûr, mais dans des petits
05:30restaurants à trois francs. Ils n'étaient pas très chers. Et puis alors le 20 du mois, comme on n'avait
05:35plus de sous, on achetait des oeufs. On faisait des oeufs du haut. Alors on mangeait un café crème qu'on se
05:39partageait. Voilà. Mais on rigolait car il était très drôle à ce moment-là. Ils rigolaient tout le
05:44temps et moi aussi, on s'en foutait de pas avoir de pognon.
05:46J'ai eu une petite gosse extra. Elle est tendue d'aperca. Et la spi, c'est vraiment fantastique.
05:55Elle se met la tête sous les pieds et les doigts de pied dans le nez, brusquement au plumard. Elle fait le
06:02grand écart. Elle se met en brise à bouffer la chenille. Tout à coup, les jambes à son cou. Elle s'enroule,
06:11se met en boule et se brilote les genoux. L'amour, le caoutchouc. Avec elle, ce qu'on peut faire, oh c'est
06:20fou. Elle vous prend les tocs et tocs. On n'est plus qu'une loque. Oh, c'est pas du tocs. Elle vous dit que l'amour, le caoutchouc, c'est un drôle de p'tit bout. On la cherche en-dessus et on la trouve en-dessous. L'amour, le caoutchouc.
06:44L'amour, le caoutchouc, un grand succès de Gabin aux musicaux.
06:50La jeune carrière de Jean Gabin est interrompue par son service militaire. Ravi d'être appelé par la marine à cause de l'uniforme, il rejoint les côtes bretonnes où il fait ses classes puis embarque à bord du Voltaire.
07:12Quand Jean est parti au service militaire, ça l'embêtait de me laisser.
07:15Gabi Bassé, la jeune épouse de Jean Gabin, se souvient de ces moments-là.
07:20Alors il avait dit à son papa, prends-la avec toi, parce que ça m'embête de la laisser toute seule comme ça à l'hôtel. Alors j'habitais avec le papa Gabin, moi. Je m'entendais bien avec lui. Et alors lui, il était mobilisé à Brest, il était en marin.
07:32Alors il venait en permission. Quand il venait en permission, j'entendais le coup de sifflet dans le jardin. On arrivait, il fichait son béret en l'air, on sautait dans les bras l'un de l'autre. Oh non, c'était la bonne vie. Vous savez, on était vraiment très heureux à ce moment-là. Très, très heureux.
07:46Un peu jalouse, moi. Je foutais des épingles dans ses pompons parce que les bonnes femmes lui touchaient le pompon tout le temps. Ça m'agacait, ça.
08:02Fin 1925, Jean Gabin est démobilisé. Sans emploi, sans argent, il repart à zéro. Au théâtre, tout le monde l'a oublié. Il ne reste plus que Gabi Basset et le père Gabin pour se rappeler son début de carrière au Music Hall.
08:19Pensionnaire au Bouffe parisien, Joseph Gabin joue à ce moment-là un rôle important dans une opérette d'Yves Miranda qui s'appelle « Trois jeunes filles nues ». Il présente son fils au directeur et Jean arrive à se faire engager comme doublure.
08:34Quant à Gabi Basset, qui est devenue une véritable artiste pendant l'absence de Jean, elle décroche le rôle de la femme au homard dans la pièce de Miranda. Son talent, son humeur gai et sa personnalité marrante ont immédiatement séduit tout le monde.
08:50C'est le papa Gabin qui m'avait appelé Pépette parce que j'étais marrante alors, Jean. Évidemment, on m'appelait Pépette. Tout le monde m'appelait Pépette dans la famille.
08:57Gabi Basset se souvient de cette époque.
08:59Et un jour le père Gabin me dit, toi tu arriveras. Quant à lui, ce grand fainéant, il foutra jamais rien. Vous vous rendez compte ? Hein ? Quelle erreur !
09:27C'est le père Gabin.
09:28C'est le père Gabin.
09:29C'est le père Gabin.
09:30C'est le père Gabin.
09:31C'est le père Gabin.
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09:50C'est le père Gabin.
09:51C'est le père Gabin.
09:52C'est le père Gabin.
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10:00C'est le père Gabin.
10:01C'est le père Gabin.
10:02C'est le père Gabin.
10:03C'est le père Gabin.
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10:07C'est le père Gabin.
10:08C'est le père Gabin.
10:09C'est le père Gabin.
10:10C'est le père Gabin.
10:11C'est sûr.
10:12Avec votre chienne, je peux bien.
10:13Ma chienne, c'est un chien.
10:14Alors ?
10:15Il n'y aura pas moyen.
10:16Très bien.
10:17Miss Tinguette, à ce moment-là, demandait un jeune premier.
10:18Gabi Basset.
10:19Alors, je lui disais toujours, mais va donc auditionner chez la Miss.
10:20Va auditionner.
10:21Il ne voulait jamais y aller.
10:22Oh, dis non, je ne veux pas y aller.
10:23Je ne veux pas y aller.
10:24Finalement, il y est allé, auditionné, et elle l'a engagé.
10:25Il a joué au musical avec elle.
10:26Je ne l'ai pas vu.
10:27Je ne l'ai pas vu.
10:28Je ne l'ai pas vu.
10:29Je ne l'ai pas vu.
10:30Je ne l'ai pas vu.
10:31Je ne l'ai pas vu.
10:32Je ne l'ai pas vu.
10:33Je ne l'ai pas vu.
10:34Je ne l'ai pas vu.
10:35Je ne l'ai pas vu.
10:36Je ne l'ai pas vu.
10:37Je ne l'ai pas vu.
10:38Je ne l'ai pas vu.
10:39Je ne l'ai pas vu.
10:40Je ne l'ai pas vu.
10:41Je ne l'ai pas vu.
10:42Je ne l'ai pas vu.
10:43Je ne l'ai pas vu.
10:44Je ne l'ai pas vu.
10:45Je ne l'ai pas vu.
10:46Je ne l'ai pas vu.
10:47Je ne l'ai pas vu.
10:48Je ne l'ai pas vu.
10:49Je ne l'ai pas vu.
10:50Je ne l'ai pas vu.
10:51Je ne l'ai pas vu.
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10:53Je ne l'ai pas vu.
10:54Je ne l'ai pas vu.
10:55Je ne l'ai pas vu.
10:56Je ne l'ai pas vu.
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11:00Je ne l'ai pas vu.
11:01Je ne l'ai pas vu.
11:02Je ne l'ai pas vu.
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11:05Je ne l'ai pas vu.
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11:12Je ne l'ai pas vu.
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11:14Je ne l'ai pas vu.
11:16Je ne l'ai pas vu.
11:17Jean Gabin a du succès au musical, mais c'est vers le cinéma que sa carrière se dirige.
11:46Les producteurs s'intéressent à lui et il n'arrête plus de tourner.
11:51Le père Gabin qui voulait tant que son fils devienne comédien comme lui est satisfait.
11:56Le petit a du succès. On en fera peut-être quelque chose,
12:00mais Jean continuera seul sans les conseils du père Gabin qui meurt à ce moment-là.
12:06Paris découvre la naissance d'une star. Une nouvelle vie commence pour Jean Gabin.
12:11En revanche, Jean-Alexis Moncorgé vit les derniers instants de son premier amour.
12:17Mais le jour où il a eu gagné de l'argent, ça a été terrible.
12:20Gabi Bassé évoque ce moment important de leur vie.
12:23Et puis alors là, on a été séparés. Lui travaillait d'un côté et moi de l'autre.
12:26Puis un beau jour, ça a fait crac, on s'est quittés, mais ça n'a jamais fait crac complètement.
12:31Car on a toujours été très, très copains. On a toujours eu une très grande tendresse ensemble.
12:37Ah oui, comme elle l'aime bien Gabi Bassé, son Jean Gabin.
12:56Nous sommes en 1933. Jean Gabin a 29 ans. En deux ans, il vient de tourner 11 films.
13:04C'est déjà une petite vedette très entourée par les femmes et les producteurs.
13:08Aujourd'hui, le téléphone sonne chez Gabin.
13:11Un metteur en scène lui demande de faire ce qu'il déteste le plus, assister à un cocktail.
13:17Malgré lui, il se résigne à faire un effort pour ne pas compromettre sa carrière
13:22et celle de son dernier film qui doit être présenté au cours de la soirée.
13:26En arrêtant sa voiture Place de la Concorde devant l'hôtel Crion,
13:30Jean ne sait pas encore qu'il va, ce soir, tomber amoureux de la plus belle femme de Paris.
13:36Dorian a été une des plus belles femmes de Paris. Il était au Casino de Paris.
13:40Un grand ami des Gabins, Tino Rossi.
13:42C'était une rousse très grande, très belle, mais c'était une lionne.
13:47Jean a toujours été un peu, vous savez, c'était le dur sentimental.
13:53Dorian le terrorisait un peu.
13:57Un jour, il lui a dit, par exemple, après Pépé le Moko, il a dit, Pépé le Moko, la maison, c'est moi.
14:03Alors, évidemment, ça ne pouvait pas durer. C'était la bagarre tout le temps.
14:06Et puis jusqu'au jour où ça n'allait plus, où ils ont divorcé.
14:17Côté vie professionnelle, tout va bien.
14:20Jean Gabin tourne film sur film avec les grands acteurs de l'époque
14:24et ceux qui deviendront les stars du cinéma français.
14:27Il n'a plus besoin d'imiter Maurice Chevalier pour s'imposer.
14:31Désormais, sur n'importe quel plateau, son accent de titi parisien est respecté
14:37et ses colères commencent à devenir célèbres.
14:40C'était dans La Belle Marrainière où je l'ai vu piquer une crise terrible.
14:44Madeleine Renaud qui a tourné plusieurs films avec Gabin.
14:47Et nous avions tourné toute la journée et nous répétions et nous tournions.
14:51Et puis, tout d'un coup, à 11h30, le metteur en scène nous dit
14:55« Voilà, Madeleine Renaud, il faut que vous alliez refaire votre maquillage et vous recoiffer
14:58parce qu'on va continuer. Ce n'est pas fini. Je veux continuer plus loin. »
15:02Alors, j'ai vu mon Gabin piquer une colère.
15:04Est-ce qu'on demande à une femme de recommencer un maquillage à 11h du soir,
15:08aller là depuis 8h du matin ?
15:10Et il a envoyé un coup de pied dans le décor.
15:13Il a piqué sa colère.
15:16Et alors, tout ça s'est bien passé, mais on a arrêté le travail tout de même
15:20et on l'a repris le lendemain.
15:22Mais voilà un coup de trafalgar de mon Gabin.
15:27En 1936, Jean Gabin et Jean Renoir viennent de se rencontrer au cours du tournage d'un film
15:33auquel a participé Louis Jouvet.
15:35Il s'agit d'un film de l'époque de Jean Gabin,
15:38qui s'appelle « Le Monde du Monde ».
15:40Le film est réalisé par Jean Gabin et Jean Renoir.
15:43Le film est réalisé par Jean Gabin et Jean Renoir.
15:46Le film est réalisé par Jean Gabin et Jean Renoir.
15:49Le film est réalisé par Jean Gabin et Jean Renoir.
15:52Voici l'histoire du tournage d'un film auquel a participé Louis Jouvet.
15:55Il s'agit des bafous.
15:57Leur entente a été merveilleuse et Renoir, qui, avec Charles Spack,
16:02a une bonne idée de scénario en tête, rappelle Gabin.
16:06Il lui fait lire une histoire de soldat en captivité.
16:09C'est la Grande Illusion.
16:14Jean Gabin m'a parlé de l'ambiance extraordinaire
16:17qui a régné pendant tout le temps du tournage de « La grande Illusion ».
16:20Il m'a raconté qu'ils travaillaient beaucoup ensemble.
16:23Quand ils ont tourné les extérieurs dans l'Est de la France, ils étaient dans une
16:27caserne et ils faisaient des fêtes presque tous les soirs.
16:29Le petit vin blanc de la Moselle coulait à flot et ils s'amusaient comme des fous.
16:34Toute la bande avait Caret, Dalio, Renoir, Von Stroheim, mené par Gabin qui était célibataire
16:41à ce moment-là.
16:42Et puis il y avait à part, dans leur chambre, Yvonne Printemps et Pierre Freinet qui roucoulaient
16:47très amoureux l'un de l'autre.
16:49Chacun son point de vue.
16:50Oui.
16:54Ah, mais enfin vous ne pouvez donc rien faire comme tout le monde.
16:58Il y a 18 mois qu'on est ensemble et on se dit encore vous.
17:03Je dis vous à ma mère et vous à ma femme.
17:07Non.
17:09Alors.
17:12Cigarette?
17:13Non merci, le tabac anglais me fait mal à la gorge.
17:17Ah, décidément, les gants, le tabac, tout nous sépare.
17:23C'était une scène entre Jean Gabin et Pierre Freinet, extraite de « La grande illusion » de Jean Renoir.
17:29Dès sa sortie en 1937, « La grande illusion » fait un triomphe international.
17:36Plus de 20 ans après, en 1958, un jury de critiques réunis à Bruxelles le classera parmi les 12 meilleurs films du monde.
17:47« La grande illusion » de Pierre Freinet
17:55Toujours en 1937, Jean Gabin tourne « Gueule d'amour », un très beau film de Jean Grémillon.
18:02Puis il rencontre un autre metteur en scène qui va aussi compter beaucoup dans sa carrière, Marcel Carnet.
18:08Ensemble, il décide de tourner « Quelles les brumes » avec Michel Morgan.
18:12J'avais donc 18 ans à l'époque.
18:15Je le rencontrais pour voir si je convenais au personnage de Nelly dans « Quelles les brumes ».
18:20Michel Morgan se souvient de son premier rendez-vous avec Jean Gabin.
18:24Il avait vu « Gribouille » la veille et il avait trouvé que j'étais assez le personnage.
18:30Il avait voulu me rencontrer.
18:32J'avais donc vu Jean pour la première fois, qui était d'une très grande élégance.
18:37J'avais toujours ou un oeillet ou un bleu à la boutonnière.
18:41C'était très chic anglais.
18:43Il s'habillait très bien.
18:44Il avait beaucoup d'élégance.
18:47Et puis j'avais été frappée par l'oeil bleu.
18:50Cet oeil bleu qu'il avait, enfin ses yeux bleus, avec les cils très blonds et très fournis.
18:57Tellement content de leur film, Carnet et Gabin signent un nouveau contrat pour retravailler ensemble.
19:04Un jeune auteur, Jacques Viau, leur apporte un scénario
19:07qui a l'originalité pour l'époque de se dérouler avec des retours en arrière.
19:11Le film s'appelle « Le jour se lève »
19:14et pour le rôle principal féminin, ils choisissent Arletty.
19:18Tous les deux, nous avions certainement un sentiment.
19:22Arletty parle de son amitié avec Jean Gabin.
19:24Lui était bien plus jeune que moi.
19:26Je pense qu'il avait une dizaine d'années de moins que moi à Gabin.
19:30Et puis alors voilà, on s'est connus comme ça.
19:33Et puis ça a matché.
19:34Comme s'il avait été, malgré ses dix ans de moins, un gosse de puto.
19:38Voyez ?
19:39On se retrouvait en pays connu.
20:00En 1938, Jean Gabin réalise son rêve d'enfant.
20:05Il conduit une locomotive pour les besoins d'un film « La bête humaine ».
20:10Jean Renoir est le metteur en scène
20:13et Julien Carette son principal partenaire.
20:16Pourtant je bois pas, même pas un petit verre d'eau de vie.
20:19Quand je bois de l'alcool, ça me rend fou.
20:21Je finis par croire que je paye pour les autres.
20:24Pour les pères, les grands-pères qu'on bute.
20:28Pour les pères, les grands-pères qu'on bute.
20:31Des générations et des générations d'ivrognes qui m'ont pourri le sang.
20:34C'est eux qui m'ont donné cette sauvagerie.
20:36Le film emporte un énorme succès.
20:39Jean Gabin est consacré, une nouvelle fois,
20:42la star du cinéma français.
20:44Il est l'acteur le mieux payé.
20:46Pour le film qu'il entreprend la même année avec Jean Grémillon,
20:50les producteurs lui offrent un cachet
20:52presque deux fois supérieur à celui du grand Rému.
20:56Coquine de sort.
21:091939, la guerre.
21:12Le 2 septembre, Jean Grémillon doit interrompre le tournage de Remorque.
21:17Jean Gabin redevient le fusillé marin Jean Alexis Gabin-Montcorgé
21:23et reprend la direction de son corps d'armée.
21:25Il a été mobilisé à Cherbourg parce qu'il était marin.
21:29Quartier maître.
21:31Micheline Bonnet raconte les années 39-40 de Jean Gabin.
21:35J'avais une grande amitié pour Gabin.
21:37L'amitié était venue dans toutes ces années.
21:39Ça faisait déjà 10 ans.
21:41Je le considérais un peu comme un frère.
21:43Les sentiments que nous avions l'un pour l'autre,
21:46c'était assez curieux, mais pas équivoque.
21:49Ça pouvait pas être équivoque, c'était pas possible.
21:53Alors là, c'est sa période vraiment malheureuse.
21:57Il a obtenu une permission pour finir Remorque.
22:01C'est au mois de mai qu'il est arrivé quelque chose.
22:05C'est-à-dire que les Allemands sont arrivés à Paris.
22:08Et lui est descendu dans le midi.
22:11Puis les Allemands voulaient le faire remonter sur Paris.
22:14Il n'a pas voulu, mais tout le monde le sait.
22:17Ça a été dit noir sur blanc.
22:20Et il est parti.
22:22Il avait un vague contrat pour RKO en Amérique.
22:25On a dit qu'il était parti retrouver Michel Morgan,
22:27mais ça, c'est pas vrai.
22:29Enfin, c'est pas vrai.
22:31Je mettrais pas ma main dans le feu, quand même.
22:34T'as de beaux yeux, tu sais.
22:50April 1943.
22:53Jean Gabin est à Hollywood.
22:56Il vient de tourner deux films qu'il n'aime pas.
22:59Sa vie lui semble vide dans la cité des stars.
23:02Et lorsqu'il se retrouve chez lui,
23:05devant un bon pot-au-feu que vient de lui faire Marlène Dietrich,
23:08il se rend compte qu'il n'est pas le seul.
23:11C'est la première fois que Jean Gabin est à Hollywood.
23:14C'est la première fois qu'il n'est pas le seul.
23:17C'est la première fois qu'il n'est pas le seul.
23:19Quand Jean Gabin voit Marlène Dietrich,
23:22il pense à l'Europe en guerre,
23:25à la France occupée, à Paris sous la botte.
23:28Il se sent un peu français d'opérette
23:31par rapport à ceux qui se battent
23:34et qui meurent pour libérer ses chers bords de la Marne.
23:37Alors, pour rester ce qu'il appelle un homme,
23:40il décide de s'engager.
23:43Après la guerre,
23:46Jean Gabin traverse la période la plus difficile de sa vie.
23:49Je suis revenu d'ailleurs avec 7 ans de plus,
23:52avec des cheveux blancs.
23:55Vous savez, le public est bizarre.
23:58Ils croient dans ce métier qu'on ne doit pas vieillir.
24:01On vieillit dans ce métier comme dans tous les métiers.
24:04Évidemment, je comprends ça. Je me mets à leur place.
24:07Ils vous enviennent d'une certaine manière,
24:10alors, au retour de la guerre,
24:13je suis donc revenu avec mes cheveux blancs
24:16et je ne pouvais plus jouer les mêmes personnages.
24:19Je n'ai pas été très heureux dans plusieurs films
24:22tout de suite après la guerre.
24:25À leur réussite,
24:28pour moi, la guerre a été un coup assez dur.
24:31Si j'ose dire, j'ai perdu mes plus belles années
24:34parce que j'étais en pleine forme à ce moment-là
24:37et j'avais au moins pour 4 ou 5 ans à pouvoir me défendre.
24:40Bon, la guerre est arrivée, mais il a fallu recommencer après.
24:43Il n'y avait plus de Gabin.
24:46Autant Gabin, avant la guerre, disait
24:49« Je veux le photographe, je veux la maquilleuse, je veux tel opérateur »
24:52et tout d'un coup, il n'y avait plus rien.
24:55Michine Bonnet, l'habilleuse confidente de Jean Gabin pendant 40 ans.
24:58Il n'était même plus question à sa production
25:01qu'il dise « Je veux une habilleuse pour moi ».
25:04« Écoutez, l'amitié qui nous lie compte pour quelque chose.
25:07Je ne vous laisserai pas.
25:10Je pars avec vous. »
25:13Et je suis allée avec lui, on a fait ce que j'appelais les campagnes d'Italie.
25:16On est allé faire des films biftec en Italie en 49.
25:19Il y est allé la mort dans l'âme.
25:22On est resté même 3 ans, pas continuellement,
25:25mais de 49 à 52, on est resté en Italie.
25:28Et je savais ce qu'il fallait lui dire
25:31pour le remonter et tout.
25:34Et ça a été comme ça toute la vie.
25:49Pour Jean Gabin, 1949 est une année importante.
25:52Il ne retrouvera pas sa popularité d'avant-guerre,
25:55mais son expérience va s'enrichir
25:59d'un grand rôle au théâtre.
26:02L'auteur Henri Bernstein montre l'une de ses propres pièces,
26:05La Soif, au théâtre des Ambassadeurs.
26:08Madeleine Robinson et Claude Dauphin,
26:11tous deux rompus aux techniques du théâtre, sont ses partenaires.
26:14Des planches, Gabin ne connaît que celles du musical.
26:17Alors, pour jouer la pièce,
26:20il se sert de son expérience du cinéma
26:23et de son exceptionnelle présence naturelle
26:26qui lui permet de ne jamais forcer sa voix.
26:29Il a joué sur une scène du théâtre aux Ambassadeurs
26:32comme dans la vie.
26:35Et il a dit, si on a envie de m'entendre, on m'entendra.
26:38Henri Verneuil, qui a tourné de nombreux films avec Gabin.
26:41Et le soir de la première, alors que Bernstein était mort de peur,
26:44parce qu'il s'est dit, on ne va pas l'entendre au troisième rang,
26:47la salle avait un silence.
26:50On entendait voler les bouches, les gens tendaient l'oreille
26:54Seulement, il fallait la présence de Jean Gabin
26:57pour imposer ce silence et pour dire maintenant,
27:00si vous voulez m'entendre, taisez-vous.
27:12La pièce est accueillie très favorablement par les critiques
27:15et Jean Gabin remporte un gros succès d'estime.
27:18On s'attend un peu à ce qu'il renouvelle son expérience,
27:21peut-être après avoir été une star au cinéma,
27:24pourrait-il devenir un grand comédien de théâtre ?
27:27Le théâtre, pour moi, en ce qui me concerne,
27:30c'est trop fatigant.
27:33C'est trop fatigant parce qu'on est obligé d'aller jouer tous les soirs
27:36et puis alors, il n'y a plus de vie possible.
27:39Au cinéma, on travaille évidemment à des heures assez fantaisistes
27:42puisqu'on fait midi, 7h30,
27:45qu'il faut être au studio environ 11h et 14h30
27:49et qu'on rentre chez soi le soir vers 9h.
27:52Enfin, on peut tout de même avoir
27:55un semblant de vie privée quand même quand on tourne.
27:58Alors que quand on est au théâtre, on ne peut pas avoir de vie privée
28:01parce que, enfin, moi, je ne sais pas pour les autres,
28:04mais moi, en ce qui me concerne, quand j'étais au théâtre,
28:07vous savez, tant qu'on n'a pas joué le soir,
28:10la satisfaction du devoir accompli, quoi.
28:13Moi qui suis terriblement nerveux,
28:16je ne pouvais pas déjeuner, je ne dînais pas
28:19et je ne mangeais qu'à 1h du matin.
28:22Alors, je mangeais beaucoup trop, puis je ne dormais pas.
28:25Et alors, le lendemain, c'était pareil.
28:28Puis à les matinées, vous savez, quand il commence à faire beau temps,
28:31qu'il fait beau, puis qu'on voit tous les gens se balader,
28:34puis qu'on est obligé d'aller pointer, ben, c'est pas drôle.
28:37Et tous les soirs, c'est pareil.
28:40C'est fatigant. Moi, je trouve ça terriblement fatigant.
29:11Malgré ses succès au théâtre et quelques films,
29:14Jean Gabin a tout à fait conscience
29:17qu'il est loin d'avoir retrouvé son prestige d'avant-guerre.
29:20Il nous racontait que c'était terrible pour lui.
29:23Marie-Josée Nat, qui tournera un film avec Jean Gabin
29:26quelques années plus tard.
29:28Il allait, par exemple, à l'époque, il y avait un endroit qui était très célèbre
29:31où il y avait tous les producteurs de cinéma,
29:34qui était le Fouquet's, pour ne pas le nommer.
29:37Il avait conscience que les producteurs détournaient la tête
29:40faisant semblant de ne pas le voir. Il a beaucoup souffert de ça.
29:43Bon, il avait été absent pendant la période, etc.,
29:46et puis qu'il avait les cheveux tout blancs. Mais vous savez, c'est un métier très cruel.
29:49Et tout à coup, tout le monde pensait qu'il était fini.
29:52Je crois que ça a duré sept ans, si j'ai bonne mémoire,
29:55où il a, comme il dit, vu le drapeau noir flotter sur la marmite.
29:58Et ça a été très, très dur pour lui.
30:00Pendant toute cette période, trois femmes vont aider Gabin
30:03à surmonter ses difficultés.
30:05D'abord Micheline, son amie, habilleuse et confidente.
30:08Elle le suit sur tous les plateaux, dans toutes les salles de projection.
30:12Et il l'emmène partout.
30:14Et puis, Gabi Bassé, sa première femme,
30:17a gardé une profonde amitié pour Jean.
30:20À cette époque, elle le voit souvent.
30:22Nous sortions beaucoup ensemble, à telle enceinte que tout le monde croyait
30:25qu'on était remis, qu'on allait se remarier. Et pas du tout.
30:28On était copains, on sortait en copains.
30:30Gabi Bassé rappelle cette période.
30:32Un jour, il me dit, écoute, j'ai fait la connaissance hier d'une fille,
30:35je voudrais te la présenter, tu me dirais ce que tu en penses.
30:37Parce que je lui disais toujours, pourquoi tu restes seule ?
30:39Marie-toi, c'est pas drôle d'être seule, d'habiter dans les hôtels et tout.
30:42Alors il me dit, écoute, je vais te présenter une fille,
30:44tu vas me dire ce que tu en penses.
30:46Il me présente donc Dominique.
30:48Je lui dis, mais elle est très belle, tu devrais te marier avec elle, elle est bien.
30:50Je les fréquentais, je les fréquentais tous les deux.
30:53Et puis alors voilà, le mariage s'est fait, les enfants sont nés,
30:56je les ai tous vu venir au monde.
31:03Le mariage
31:19Le 28 mars 1949, à la mairie du 16e arrondissement de Paris,
31:25Jean Alexis Gabin Montcorgé
31:28vient d'épouser Christiane Fournier, dite Dominique, mannequin chez Lanvin.
31:33Gabin était plutôt un dragueur, dis donc attention.
31:37Micheline Bonnet parle de Gabin séducteur.
31:40Les bonnes femmes, il n'avait pas de grands efforts à faire,
31:43mais quand même, il draguait pas mal.
31:46A partir du moment où il a été marié avec Dominique,
31:51ça a été terminé.
31:54Mais alors absolument terminé.
31:56Et ça je peux le jurer, moi j'ai trop vécu avec lui,
31:59j'avais vu trop de choses, trop d'aventures pendant d'autres périodes.
32:04Alors s'il y avait eu quelque chose, je l'aurais vu tout de suite.
32:07Là il n'y avait rien, rien, rien.
32:09Ça a été sa bonne femme et ses mots.
32:27Mais comme disait Michel Audiard,
32:29le drapeau noir flotte sur la marmite chez les Gabins.
32:33Il faudra encore attendre quelques films
32:35et que Jacques Becker décide de réaliser une histoire de truand
32:39tirée d'un roman d'Albert Simonin, pour que la chance tourne.
32:43En 1953, Serge Becker décide de réaliser une histoire de truand
32:49tirée d'un roman d'Albert Simonin, pour que la chance tourne.
32:54En 1953, sort sur les écrans parisiens un film qui étonne le public
33:00et fait de Gabin à nouveau un acteur de premier plan.
33:04Jacques Becker vient de mettre en scène Touchez pas au Grisby.
33:08Et voyez comme c'est drôle encore l'histoire de Gabin pour le Grisby.
33:13Micheline Bonnet rappelle ce moment important dans la carrière de Gabin.
33:16Le rôle n'était pas écrit pour Gabin, je vais vous étonner.
33:21Mais le rôle était écrit pour François Perrier.
33:25Écoutez, avouez quand même que c'est curieux quand on se rappelle le Grisby.
33:30Comment peut-on penser que le rôle était écrit pour François Perrier
33:34plutôt que pour Gabin ? On ne comprend pas.
33:38Et pourquoi Perrier ne l'a pas fait, ça je n'en sais rien du tout.
33:41Et c'est là que Becker a pris Gabin.
33:44Et là c'était le grand départ.
33:46Touchez pas au Grisby remet Jean Gabin sur un piédestal
33:50mais le mythe change.
33:52Le truand arrivé, le flic imbattable,
33:55le bourgeois prospère vont remplacer
33:58le jeune premier fatal du front populaire.
34:211955.
34:23Voilà deux ans que le film « Touchez pas au Grisby » est sorti
34:27et a fait renaître la popularité de Gabin.
34:30Jean reste fidèle à ses compagnons d'avant-guerre.
34:33Il vient de tourner deux films avec Jean Renoir
34:36et il ne se sent bien dans les rôles que si les textes sont de prévers.
34:41Mais aujourd'hui en montant les escaliers qui mènent à l'appartement du maître
34:45en scène Gilles Grangier,
34:47il ne se doute pas de ce qu'il attend.
34:49Grangier a pour mission de lui proposer un nouveau dialoguiste.
34:54On dit qu'il est très doué
34:56mais avec Gabin les « on dit » ça ne veut rien dire.
35:00« Est-ce que tu connais Michel Audiard ? »
35:02dit Grangier à Gabin en lui ouvrant la porte.
35:16Michel Audiard
35:32Michel Audiard ce n'est pas un inconnu.
35:35Gilles Grangier et Jean Gabin ont déjà lu quelques-uns de ses articles dans les journaux
35:40et puis ils savent qu'il sert de nègre à certains écrivains célèbres.
35:44Mais pour Gabin ce n'est pas une raison pour abandonner Prévert.
35:48Prévert vit maintenant dans le midi
35:51et préfère s'intéresser aux livres pour enfants.
35:54Et puis Gazoual, le film que prépare Grangier est un policier.
35:58Ce n'est pas vraiment l'univers de Prévert.
36:01Alors pour Audiard, t'es d'accord ?
36:03demande Grangier à Gabin.
36:05L'acteur fait l'amour.
36:08Mais tu sais avant que tu répondes il faut que je te dise une chose.
36:11Audiard, c'est le beau frère du producteur.
36:14Oh, toi je te vois venir avec tes combines et tes gros sabots.
36:19En disant cela, Gabin devient furieux.
36:22Grangier laisse passer le rage
36:25et sur le dernier souffle de colère de Gabin,
36:28le metteur en scène recueille les paroles qu'il veut s'entendre dire depuis le début.
36:32Après tout, faut voir.
36:34Gabin n'aimait pas les nouvelles têtes.
36:36Micheline Bonnet parle de l'entourage de Gabin.
36:39D'ailleurs méchamment, on disait voilà la mafia Gabin.
36:43Moi j'étais l'éminence grise.
36:45Soit disant que moi j'aurais répété tout ce qui se disait.
36:49Si j'avais répété tout ce qu'on disait de Gabin, je les aurais fait battre.
36:52Il était heureux quand on arrivait dans un studio
36:55et que l'on retrouvait des machinaux ou des électro avec qui il avait travaillé.
36:59C'était un homme qui aimait voir les gens les mêmes.
37:03Sur le plateau, il s'asseyait toujours à côté du camion de son.
37:06Je lui disais mais tu peux pas te foutre ailleurs, au bar ou quelque part où tu serais mieux.
37:10Et j'ai été long à comprendre que c'est parce qu'au bord du camion de son,
37:13il entendait ce qui se disait sur le plateau.
37:15Par exemple, un gars dire va aller chercher l'autre compte.
37:19L'autre arrivait en disant monsieur Gabin, si vous permettez, ça peut être à vous dans une minute.
37:23Ça le faisait sourire d'ailleurs, mais il entendait les petits ragots,
37:26les petits trucs parce que ça chuchote tout le temps sur un plateau.
37:28Maintenant les films s'enchaînent.
37:30La valeur Gabin est solide pour les producteurs.
37:34Jean prend sa vitesse de croisière.
37:37Il se limite à deux films par an.
37:39La mauvaise passe qu'il a traversée après la guerre est oubliée par le public.
37:44Mais il se méfie.
37:46C'est pourquoi il continue à choisir minutieusement ses rôles.
37:50À un âge maintenant où je ne peux plus tourner n'importe quoi,
37:52je suis bien obligé de tourner les rôles de mon âge.
37:54Il y a une chose qu'il faut bien se dire,
37:57c'est qu'on est tributaire du goût du public.
38:00Parce qu'on fait du film pour le public qu'on fait pour des films pour soi.
38:03Si avec moi je ne tournerais plus de truands,
38:05je ne tournerais plus de poulets, je ne tournerais plus de...
38:07Les gens aiment ça.
38:09On dit, ah ben il faut.
38:10Bon ben allez, on dit quoi.
38:11Et puis si on se trompe, qu'est-ce que vous voulez faire ?
38:14Je vais vous dire une chose,
38:15est-ce que vous croyez que les gens politiques ne se trompent pas entre nous ?
38:19Et eux, ils ont le droit de se tromper.
38:21Et on ne leur dit jamais rien.
38:23Alors nous, on a bien le droit de se tromper une fois de temps en temps quand même.
38:34Au milieu d'un aéropage de propriétaires en haute forme et habit gris,
38:39un homme grave aux cheveux blancs a vissé ses yeux bleus
38:43sur les petits bouts d'une grosse paire de jumelles.
38:47Gabin suit son cheval dans la dernière ligne droite de son hypodrome personnel.
38:53Les chevaux de Jean Gabin proviennent d'une série d'animaux
38:59Les chevaux de Jean Gabin proviennent de son élevage.
39:03Paysan, c'est son second métier,
39:06et la terre, c'est ce qu'il a trouvé de plus solide
39:09pour l'héritage qu'il veut laisser à ses enfants.
39:21Mais là où Gabin réussit encore le mieux,
39:24c'est dans son premier métier,
39:26c'est-à-dire lorsqu'il se retrouve tout seul sur un plateau,
39:29sous les projecteurs, face aux caméras.
39:33Là, il peut tout se faire pardonner,
39:36même son caractère difficile.
39:39Oui, d'accord, j'ai pas un excellent caractère,
39:42mais enfin, les gens qui ont mon caractère, c'est des gens qui se laissent faire dans la vie,
39:45avec qui on peut tout faire, qui acceptent tout.
39:48Alors moi, il y a tant de trucs que je n'accepte pas,
39:50alors quand on n'accepte pas quelque chose, on a mauvais caractère,
39:53et puis c'est tout, parce qu'on n'est pas de l'avis des autres.
39:56Alors on dit c'est un emmerdeur, il a mauvais caractère,
39:59et puis voilà, bah oui, si c'est ça, j'ai mauvais caractère,
40:02et je suis un emmerdeur, c'est vrai.
40:04La pudeur et la dignité sont les deux choses
40:07qui ont vraiment primé dans la vie de Jean Gabin.
40:12Henri Verneuil parle de son ami Gabin.
40:14Timide, oui oui, c'était un timide,
40:17car derrière les gens qui sont un peu pougons comme ça,
40:21il y a toujours de la timidité, mais lui était un timide.
40:24Beaucoup de pudeur et une très très grande envie
40:30de rester toujours dans la dignité,
40:33et il est resté digne jusqu'à la fin.
40:35Aussi bien dans son comportement, dans ses réactions,
40:40dans les rôles qu'il choisissait,
40:43la dignité a été son leitmotiv, toujours.
40:52De l'ouvrier au président,
40:55Jean Gabin a joué une très grande variété de rôles.
40:58Les seuls emplois qu'il a toujours refusés
41:01sont ceux de militaire et d'ecclésiastique.
41:04Pour son dernier film, il portera quand même une soutane,
41:08mais pour interpréter le rôle d'un gangster.
41:11Ce sera dans le film de Jean Giraud, L'année sainte.
41:14Sa carrière exceptionnelle lui vaut d'être reconnue
41:18par l'ensemble de la profession et par le public
41:22comme la plus grande vedette du cinéma français.
41:25Plusieurs de ses films ont obtenu des prix importants
41:29et récemment au cours du Festival de Berlin,
41:32le jury lui a décerné avec Simone Signoret
41:35le prix d'interprétation pour l'admirable film
41:38de Pierre Grenier de Fer, Le Chat.
41:42D'un pied.
41:52Qu'est-ce que tu lui as fait, toi?
41:54Rien.
41:55M'en parle, il a le coeur qui bat.
41:57Pauvre petite bête.
41:58D'abord, qu'est-ce que tu fous dans le noir?
42:00Je regardais ce que la pauvre petite bête a fait.
42:03J'ai rien touché, pour que tu vois.
42:05Tu te fous de moi, non?
42:07Je te préviens que si tu l'emmerdes, t'auras affaire à moi.
42:09A quoi?
42:10A l'animal.
42:12Prends-te à lui.
42:13Moi, j'ai rien.
42:14Je ne peux plus rester sans rien.
42:16Alors, je veux une bête, à moi.
42:17Eh ben, t'as qu'à acheter un perroquet,
42:18comme ça on vous parlera ensemble
42:19et tu nous foutras la paix.
42:20Salaud.
42:21C'était un extrait du film Le Chat
42:23dialogué par Pascal Jardin.
42:35Au cours de l'été 1974,
42:38les hit-parades des stations de radio
42:41voient débarquer parmi les premières places
42:43de leur classement
42:45un chanteur inhabituel,
42:47Jean Gabin.
42:49Effectivement, un éditeur,
42:51Denis Bourgeois,
42:53a voulu refaire chanter Gabin
42:55comme à l'époque des Folies Bergères
42:57dans les années 30.
42:59Mais il ne s'agit pas d'interpréter un vieux succès.
43:02Jean-Loup Dabadie raconte
43:04comment il a fallu convaincre Gabin.
43:06Alors l'éditeur le talonnait,
43:08lui téléphonait.
43:09Alors, M. Gabin,
43:10quand est-ce qu'on peut retenir
43:11la séance d'enregistrement ?
43:12Il avait fait remettre les séances,
43:15il était malade,
43:17il ne pouvait pas arriver à retenir les paroles
43:20mais il ne voulait pas les lire non plus.
43:21Et puis tout d'un coup, un jour,
43:23il y avait un studio retenu rue Washington.
43:25Il est arrivé avec son cachecol,
43:28sa casquette, ses lunettes sombres,
43:31sa façon d'être magnifique avec tout le monde
43:36en ne disant bonjour à personne.
43:38Et puis, il s'est mis derrière le micro,
43:41il a dit quelque chose dans le genre
43:43« ça marche votre truc »
43:45et il nous a fait ça.
43:48Il nous a fait ça de nous enregistrer
43:50les deux titres de mémoire en deux heures,
43:52sans le texte.
43:54Il a dit quelque chose comme
43:56« en tout cas, si ce n'est pas bien, je reviendrai, part ».
43:59Quand j'étais gosse, haut comme trois pommes,
44:03je parlais bien fort pour être un homme.
44:07Je disais « je sais »,
44:09« je sais », « je sais », « je sais ».
44:17C'était le début, c'était le printemps,
44:21mais quand j'ai eu mes 18 ans,
44:24j'ai dit « je sais ».
44:26Cette fois, je sais.
44:35Et aujourd'hui, les jours où je me retourne,
44:39je regarde la Terre où j'ai quand même fait les 100 pas
44:44et je ne sais toujours pas comment elle tourne.
44:56Toute ma jeunesse, j'ai voulu dire « je sais »,
45:00seulement plus chercher.
45:03Et puis moi, je savais.
45:06Il y a 60 coups qui vont sonner à l'horloge,
45:10je suis encore à ma fenêtre,
45:14je regarde et je m'interroge.
45:19Maintenant, je sais.
45:22Je sais qu'on ne sait jamais.
45:26La vie, l'amour, l'argent, les amis et les roses,
45:31on ne sait jamais le bruit ni la couleur des choses.
45:36C'est tout ce que je sais,
45:40mais ça je le sais.

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