La guerre pour contrôler les ressources du XXIe siècle a déjà commencé. Et l'Afrique, comme à l'accoutumée, est aux premières loges. Depuis des décennies, la France n'est plus la seule à avoir des vues sur le continent. Dès les années 1960, la découverte d'immenses gisements de pétrole dans le golfe de Guinée attire un nouvel acteur aux besoins inextinguibles, les États-Unis. Peu à peu, la première puissance mondiale s'implante en Afrique.
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00:00Les forces armées françaises ont apporté cet après-midi leur soutien aux unités maliennes pour lutter contre ces éléments terroristes.
00:17Janvier 2013, 4000 soldats français sont déployés au Mali. Leur mission, arrêter l'avancée vers Bamako de rebelles djihadistes et indépendantistes tuaregs.
00:37Pourtant, l'opération Serval est différente de la longue série des interventions de la France dans ses anciennes colonies. Les français ne sont plus les seuls à avoir des intérêts dans la région. Ils doivent maintenant composer avec les investisseurs chinois et, de nouveau venus, les américains.
01:07La France-Afrique est devenue le monde-Afrique car l'Afrique est maintenant un pion essentiel sur l'échiquier mondial du XXIe siècle.
01:26De la Libye à la Centrafrique et du Soudan du Sud au Mali du Nord, les conflits, la terreur et le chaos se sont répandus sur tout le continent. Au cœur de cet embrasement, un territoire est stratégique, le Sahel. Cette vaste région qui englobe le Sahara au nord et les savannes au sud est devenue le nouveau front de la guerre internationale contre le terrorisme.
01:52Mais le récit officiel de la guerre contre la terreur masque-t-il une bataille d'une toute autre envergure ?
02:02« Il y a des ressources en abondance. Il y a du gaz, du pétrole, du coltan, de l'or, du cuivre et la liste ne s'arrête pas là. »
02:13« Toute la période actuelle est marquée par ce qu'on pourrait appeler un « New Scramble for Africa », c'est-à-dire un nouveau partage de l'Afrique. »
02:23La guerre pour contrôler les ressources du 21e siècle a déjà commencé.
02:53Au cœur de cette région tourmentée du Sahel, il est une nation, le Mali, parmi les plus pauvres au monde. Le chômage y est endémique. La majorité de la population peine à survivre.
03:12Déjà au 13e siècle, l'Empire du Mali s'étendait sur une grande partie de l'Afrique occidentale. Il était fabuleusement prospère.
03:24Le sel, l'ivoire et l'or en avaient fait un carrefour majeur du commerce de l'époque. Mais très vite, ses richesses ont attisé les conquêtes.
03:34« Nous avons le sentiment d'être en continuité d'une histoire. Nous sommes la transition entre l'Afrique du Nord et l'Afrique qui touche l'océan, l'Afrique forestière.
03:48Ce point de vue fait que nous avons une position stratégique essentielle. Qui contrôle le Mali contrôle l'Afrique de l'Ouest, pour ne pas dire l'Afrique. C'est absolument clair.
04:02Et donc, cet espace devient un espace de convoitise. »
04:09Les puissances européennes colonisent et se partagent le Mali et le reste de l'Afrique à la Conférence de Berlin en 1885.
04:19« La colonisation s'est présentée comme une véritable rupture. Rupture, je veux dire, c'est même une césure, comme on dit, c'est-à-dire une opération presque chirurgicale. »
04:30La Grande-Bretagne, la Belgique, le Portugal, l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie et la France prennent chacun leur part.
04:42L'Empire colonial français s'étend sur une grande partie de l'Ouest et du Nord de l'Afrique.
04:47Il va fournir les matières premières, comme le pétrole en Algérie, nécessaires à l'essor industriel et militaire de la France de l'après-guerre.
05:00Le 13 septembre 1960, la France fait exploser sa première bombe atomique à Régane, dans le Sahara algérien.
05:12« Le fil rouge, c'est le pétrole et l'uranium. L'uranium, c'est l'uranium du Niger.
05:17Quand on parle d'uranium, c'est pas simplement l'uranium, on pense toujours aux centrales d'Areva maintenant,
05:23mais l'uranium, c'était pendant très longtemps surtout de l'uranium militaire pour la force de dissuasion nucléaire française.
05:30Donc on voit bien que c'est intéressant de voir que finalement le Sahara, c'est quand même toujours le minerai le plus stratégique de la puissance nucléaire.
05:38Et quand la France, si elle a eu son fauteuil et son poste au Conseil de sécurité des Nations unies,
05:44c'est non seulement parce que c'est une puissance nucléaire, mais aussi pour ses intérêts en Afrique.
05:50Et les deux sont liés, c'est-à-dire l'Afrique nucléaire, et c'est ce qui donne à la France finalement son rôle de puissance moyenne. »
05:58Mais les vents de l'indépendance soufflent sur l'Afrique. La France perd ses colonies.
06:05L'indépendance de l'Algérie en 1962 est particulièrement problématique en raison de ses intérêts pétroliers stratégiques.
06:12Mais après huit années de combats sanglants, les Français sont contraints de se retirer.
06:19« Il ne faut pas oublier que quand la France s'est fait virer de l'Algérie,
06:24c'est vrai qu'il fallait trouver pour la France, pour de Gaulle, il fallait trouver du pétrole ailleurs,
06:30et il a trouvé ce pétrole en Afrique subsaharienne, en particulier dans les pays comme le Gabon, le Congo. »
06:41Malgré l'indépendance, les nouveaux états africains restent étroitement liés à l'ancien colonisateur.
06:47La France y conserve des troupes et garde une influence politique sur son ancien empire colonial.
06:53La France afrique est née.
06:56« C'était tellement un système intégré politique, militaire, économique,
07:01qu'il n'était pas question qu'il y ait un contrat important qui échappe à la France,
07:06non seulement dans son précaré, mais même hors de son précaré.
07:09À partir du moment où elle était puissante sur le plan sécuritaire,
07:13il suffisait de passer un coup de fil à un chef d'état pour avoir les contrats,
07:16sans appel d'offres bien évidemment, puisque la France était le gendarme de l'Afrique
07:20et défendait l'Occident dans toute cette région. »
07:26Mais le monopole de la France ne va pas durer.
07:29Dans les années 60, la découverte de gigantesques réserves de pétrole dans le golfe de Guinée
07:35attire un nouvel acteur dont les besoins sont énormes.
07:38Les États-Unis.
07:42« Pendant toute la période de la guerre froide,
07:44les Français et les Américains étaient en concurrence sur le continent africain.
07:48Les grands groupes comme Total, contre des groupes comme Exxon et autres,
07:51il y avait toujours des enjeux stratégiques dans le domaine du pétrole important. »
08:00Les États-Unis investissent économiquement,
08:02mais aussi militairement sur le continent africain,
08:05devenu le nouveau champ de bataille de la guerre froide.
08:09Pour contrer les intérêts soviétiques,
08:11les Américains soutiennent secrètement des rébellions armées en Ethiopie et en Angola.
08:21Après l'effondrement de l'Union soviétique,
08:23les États-Unis restent la seule superpuissance au monde.
08:27Ils lancent en 1992, dans le cadre de l'ONU,
08:30une intervention dite « humanitaire » dans la corne de l'Afrique,
08:34un territoire hautement stratégique.
08:39Ils envoient en Somalie 28 000 soldats dans le but de mettre un terme à une guerre civile.
08:52L'opération, qui prend fin deux ans plus tard, se termine par un désastre.
08:57Des soldats américains sont capturés et tués,
09:00et les images de leurs corps mutilés sont diffusées par les médias du monde entier.
09:07Pour les États-Unis, c'est une humiliation.
09:10L'armée se retire.
09:13Durant ces années-là, l'Afrique est devenue un enjeu du terrorisme islamique.
09:19Les attentats de 1998, contre deux ambassades américaines en Afrique,
09:23donnent l'alerte à Washington.
09:27Au Kenya et en Tanzanie, l'explosion de voitures piégées
09:30provoque la mort de plus de 200 personnes et fait des milliers de blessés.
09:35La revendication vient d'être annulée.
09:37Son chef, encore méconnu, Oussama Ben Laden,
09:40devient l'ennemi public numéro un de l'Amérique.
09:43Sa traque ne fait que commencer.
09:47L'attaque du World Trade Center reconfigure l'échiquier mondial.
09:51Une guerre débute en Afghanistan qui va se propager bien au-delà.
09:57C'est la première fois que l'armée américaine
10:00va se battre contre le terrorisme islamique.
10:04Après le 11 septembre, la menace terroriste
10:07était bien réelle pour les Américains.
10:10Et sur le plan politique, on cherchait à repérer précisément
10:14où elle allait frapper.
10:23Quelques mois après le 11 septembre,
10:26les Américains s'installent durablement dans la conte de l'Afrique.
10:30Ils établissent leur première base militaire à Djibouti,
10:33au camp le Monier, un ancien fort de la Légion étrangère.
10:40Rudolf Attala dirigeait alors le programme de lutte
10:43contre le terrorisme en Afrique
10:45pour le département de la Défense américaine.
10:50Le Sahel a joué un rôle clé en ce qui concerne
10:53la circulation des armes, des combattants venus de l'étranger,
10:58et le crime organisé.
11:00A la même époque, de grandes quantités de cocaïne
11:03ont également commencé à transiter par le Sahel.
11:06Donc tout cela suscitait beaucoup d'intérêt
11:09et il n'a cessé de se développer.
11:15En 2002, le Pentagone a dressé une série de cartes
11:18qui délimitaient toute cette partie de l'Afrique
11:21comme un couloir terroriste.
11:23Le discours officiel du Pentagone était que ces terroristes
11:26étaient venus d'Abyanistan,
11:28dont ils avaient été chassés par les forces américaines.
11:31On sait maintenant que c'était faux.
11:33Ils étaient passés par le pays de Ben Laden, le Soudan,
11:36et pour rejoindre des terroristes en Afrique du Nord,
11:39ils étaient arrivés par cette ceinture en forme de banane.
11:47Dix ans plus tard,
11:50Jeremy Keenan, un professeur et essayiste britannique,
11:53a passé 40 ans à étudier le Sahara.
11:56Il soutient que le discours de l'engagement militaire
11:59des Etats-Unis pour la région n'est pas seulement sécuritaire.
12:06Il y a eu à cette époque aux Etats-Unis
12:09quelque chose de plus important peut-être que le 11 septembre.
12:12La publication de ce qu'on appelle communément
12:15le rapport Chenet.
12:17C'était le premier ordre exécutif donné par le président Bush
12:20après son arrivée au pouvoir.
12:22Et il consistait à faire le point sur la crise énergétique aux Etats-Unis.
12:25En 1997, l'importation de l'énergie et du pétrole
12:28dépassait le niveau de 50 %.
12:31Psychologiquement, c'était un seuil critique.
12:34Ce rapport se focalisait sur les futures ressources de pétrole
12:37et naturellement sur l'Afrique,
12:40qui promettait de devenir le premier fournisseur de pétrole
12:43du monde.
12:45Et de devenir le premier fournisseur de pétrole de qualité
12:48susceptible d'alimenter les infrastructures américaines.
12:51Encore plus que le Golfe.
12:54Si bien que, d'un seul coup,
12:57l'Afrique a pris une importance cruciale
13:00pour la classe politique à Washington.
13:03Et plus particulièrement le Sahel,
13:06avec au nord, en Algérie et en Libye,
13:09les plus grandes réserves pétrolières d'Afrique,
13:12comme celle du Golfe de Guinée.
13:15De surcroît, le Sahara serait riche
13:18de gisements pétrolifères encore vierges.
13:24En 2003, une première prise d'otages spectaculaires
13:27renforce la présence militaire américaine.
13:32Une trentaine de touristes européens ont disparu
13:35dans le Sahara algérien depuis plusieurs semaines,
13:38sans guide.
13:43C'est le premier acte terroriste
13:46contre des étrangers dans le Sahara.
13:49Une immense chasse à l'homme est lancée.
13:52Pendant cinq mois, les kidnappeurs échappent
13:55à leurs poursuivants.
13:58Au final, les touristes sont libérés
14:01contre une rançon payée par le gouvernement allemand.
14:04Quatre jours plus tard,
14:08un vétéran de l'armée algérienne,
14:11qui se donne pour surnom El Para, le parachutiste,
14:14revendique l'enlèvement.
14:17Les Algériens, alliés privilégiés des Américains,
14:20disent-ils des fuites sur cet inconnu
14:23devenu soudain un terroriste aguerri.
14:26El Para devient une aubaine pour l'administration Bush,
14:29qui en fait l'homme de main de Bin Laden.
14:37On s'est mis à parler officiellement
14:40du développement d'Al Qaïda dans cette région d'Afrique.
14:43Et c'est ce qui a permis aux États-Unis
14:46de justifier un nouveau front
14:49contre le terrorisme en Afrique.
14:52Une gigantesque chasse à l'homme a été organisée
14:55pour capturer le chef des terroristes, Abderrazak El Para.
14:58Il se baladait avec environ 5 millions d'euros
15:01et représentait une menace potentielle pour l'avenir.
15:07Le département de la défense a réfléchi
15:10et nous avons abouti à ce programme appelé PSI,
15:13le Pan Sahel Initiative.
15:16Il s'agissait en gros de travailler avec des pays du Sahel
15:19comme le Mali, le Niger, le Tchad et la Mauritanie
15:22et de leur fournir l'équipement de communication élémentaire
15:25qui leur permettrait de se parler par-delà les frontières.
15:28Des choses simples pour qu'ils nous aident à capturer El Para.
15:32El Para finit par être capturé avec l'aide des États-Unis.
15:35Les forces armées américaines ont maintenant un pied au Sahara
15:38et elles en veulent davantage.
15:51Pourquoi ne pas développer ce petit programme appelé PSI
15:54pour en faire quelque chose de plus consistant ?
15:57On l'a donc élargi à tous les pays de la région sahélienne
16:00et c'est devenu le TSCTP,
16:03le programme transsahélien antiterroriste.
16:06L'idée était de mobiliser tous ces pays
16:09avec pour objectif commun la lutte contre le terrorisme.
16:12Donc on les a entraînés et équipés.
16:15Et une fois que c'était fait, on leur a demandé
16:18de se livrer tous ensemble à un exercice de terrain.
16:31On a donc fait tous ensemble cet exercice de terrain
16:34et roulé des mécaniques dans la région, comme pour dire
16:37« Tenez-vous à carreau, on travaille tous de concert
16:40pour vous tenir à l'œil ».
16:43Résultat, tout le monde au Patagone a dit
16:46« Bravo, c'est une vraie réussite, mais est-ce qu'on ne pourrait pas
16:49faire encore mieux ? »
17:01Ils se sont dit qu'il leur faudrait
17:04un poste de commandement séparé,
17:07un QG qui se concentrerait sur l'Afrique.
17:10Le gouvernement Bush, c'est Donald Rumsfeld
17:13qui était à la tête du Pentagone à l'époque,
17:16a décidé de créer ce poste de commandement exclusif.
17:21Les États-Unis sont le seul pays au monde
17:24à avoir divisé la planète en deux.
17:27Les États-Unis sont le seul pays au monde à avoir divisé la planète
17:30en secteurs militaires distincts qu'ils surveillent
17:33et dans lesquels ils possèdent des bases.
17:36Il y a Northcom, PACOM, Southcom,
17:39UCOM, CENTCOM et maintenant
17:42AFRICOM.
17:49Derrière ses intentions déclarées de lutter contre le terrorisme
17:52et de fournir de l'assistance humanitaire,
17:55AFRICOM s'est implanté sur tout le continent
17:58en organisant des exercices militaires
18:01avec un nombre croissant de pays africains.
18:07Mais est-ce la seule raison d'être d'AFRICOM ?
18:10Je pense qu'il y a une corrélation totale
18:13entre la lutte antiterroriste et les intérêts américains sur le continent.
18:16Ça n'a pas évolué. Dans un premier temps,
18:19les Américains laissent la France
18:22assurer la sécurité dans leurs anciennes colonies
18:25mais à long terme, ils restent présents
18:28parce que la bagarre à long terme sera vraiment avec la Chine.
18:36Pékin s'est fermement établi comme un contrepoids
18:39aux intérêts français et américains sur le continent.
18:42A partir des années 2000, la Chine va les prendre de vitesse
18:45comme dans le reste du monde
18:48en devenant le plus gros partenaire commercial de l'Afrique.
18:52Les Chinois sont arrivés sur ce continent
18:55au moment où toutes les puissances occidentales
18:58et en particulier les Français
19:01étaient en train de donner des leçons aux Africains
19:04en disant qu'il fallait faire des élections,
19:07qu'il fallait aller à la démocratie
19:10et qu'il y avait les plans d'ajustement structurel
19:13du FMI et de la Banque mondiale.
19:16Les Chinois sont arrivés et ont dit aux Africains
19:19nous on ne vous donne pas de leçons,
19:22on ne s'ingère pas dans vos affaires politiques,
19:25les dettes, on vous donne tout l'argent,
19:28les Occidentaux, c'est très bien,
19:31ils ont annulé les dettes, ils ont passé l'ardoise
19:34mais auprès de nous, on vous donne des prêts énormes
19:37à taux zéro.
19:40Donc ils ont fait le contraire de ce qu'ont fait
19:43les Français et les Occidentaux
19:46parce qu'ils ont le droit du pétrole,
19:49ils ont accès à toutes les matières premières stratégiques.
19:53Dans ce câble diplomatique de 2010 révélé par Wikileaks,
19:56un assistant du secrétaire d'Etat américain
19:59qualifie la Chine de concurrent économique agressif,
20:02pernicieux et dépourvu de morale.
20:06L'objectif réel des Etats-Unis en Afrique
20:09est de mettre en place des mécanismes
20:12qui assurent l'accès à des ressources stratégiques essentielles
20:15aux industries clés américaines
20:18ainsi que l'accès au pétrole
20:21afin de se poser comme contrepoids à la Chine.
20:27La Chine se livre de l'argent
20:30et de l'argent de la Chine.
20:33La Chine se livre elle aussi à une course
20:36pour acquérir le plus de minerais, de pétrole
20:39et d'autres ressources naturelles possibles pour ses industries.
20:42Les Etats-Unis, bien qu'ils ne soient peut-être plus
20:45une puissance industrielle majeure,
20:48ont une industrie militaire qui dépend largement
20:51de minerais qui ne se trouvent qu'en Afrique.
20:55Africom va être le moyen de consolider
20:58les intérêts américains sur le continent africain.
21:01Mais quand le Pentagone veut installer
21:04son poste de commandement sur le terrain,
21:07les choses ne se passent pas comme prévu.
21:10Les Américains cherchaient à établir le siège d'Africom
21:13ainsi qu'un siège de la CIA pour l'Afrique au Mali.
21:16Le problème, c'est que les Africains
21:19ont une position commune actuellement
21:22de refuser l'établissement de nouvelles bases militaires.
21:26Cette opposition a obligé les Américains
21:29à installer la base de commandement d'Africom
21:32à des milliers de kilomètres de là,
21:35à Stuttgart en Allemagne.
21:38La résistance contre toute présence militaire américaine
21:41est longtemps menée par un leader africain
21:44charismatique et fort riche,
21:47le même qui a depuis des décennies
21:50une sérieuse épine dans le pied de l'Occident.
21:53Dès le début de sa carrière en tant que dirigeant politique,
21:56Muammar Gaddafi s'est opposé
21:59à toute présence militaire étrangère en Afrique.
22:02Une des premières choses qu'il a faites
22:05après son arrivée au pouvoir en 1969
22:08a été d'expulser les bases militaires britanniques
22:11et américaines de Libye.
22:14Et la position de Gaddafi jouissait
22:17d'un soutien politique considérable sur le continent.
22:20Nelson Mandela partageait quasiment le même point de vue.
22:23Il n'était pas question que des forces africaines
22:26soient commandées par des représentants militaires étrangers
22:29ni que des militaires étrangers occupent une partie de l'Afrique
22:32ou opèrent sur son sol.
22:39Gaddafi a joué une partie complexe avec les pays occidentaux.
22:42Le président Ronald Reagan
22:45le qualifie de chien fou du Moyen-Orient
22:48et tente de l'assassiner en 1986
22:51en bombardant son palais.
22:54Sans succès.
22:57Les immenses réserves pétrolières que Gaddafi a nationalisées
23:00quand il a pris le pouvoir
23:03lui assurent une véritable indépendance
23:06et un ascendant sur l'ensemble du continent.
23:09À partir des années 1990,
23:12Gaddafi est devenu une sorte de sommité,
23:15une voix prépondérante et sûrement l'une des plus fortes
23:18à défendre l'intégration africaine absolue.
23:21Il était considéré dans toute l'Afrique
23:24comme le successeur de Kwame Nkrumah
23:27en ce qui concerne la vision de l'unité africaine.
23:30Et ce n'était pas que des belles paroles.
23:33Gaddafi tenait non seulement
23:36à accélérer ce processus d'intégration
23:39mais aussi à le financer.
23:43L'argent du pétrole libyen
23:46permet à Gaddafi de développer des projets ambitieux.
23:49300 millions de dollars
23:52pour le premier satellite panafricain RASCOM
23:55et 30 milliards
23:58pour le plus grand système d'irrigation au monde.
24:01En puisant dans les immenses réserves d'eau douce sous le Sahara,
24:04il transforme des dizaines de milliers d'hectares
24:07de déserts libyens en terres agricoles.
24:11Gaddafi démontre ainsi que l'Afrique peut se développer
24:14sans passer par les banques occidentales
24:17ou le Fonds monétaire international.
24:23À coût de dizaines de milliards de dollars,
24:26la Libye a financé un grand nombre d'institutions économiques
24:29comme la Banque africaine de développement
24:32ou le Fonds monétaire africain.
24:35L'Afrique allait développer ses propres solutions,
24:38mettre en place ses propres programmes.
24:44Donc l'Afrique, du point de vue de Gaddafi
24:47et sous son leadership,
24:50est ainsi devenue de plus en plus un bloc
24:53et non plus une série de nations individuelles disparates
24:56avec lesquelles on pouvait négocier en tête à tête
24:59et qu'on pouvait monter les unes contre les autres.
25:03Lorsque Gaddafi est élu président de l'Union africaine en 2009,
25:07les Américains s'inquiètent.
25:10Dans un câble révélé par Wikileaks,
25:13ils notent que la Libye va chercher à utiliser
25:16la présidence de Gaddafi pour le glorifier
25:19et promouvoir son projet d'États-Unis d'Afrique.
25:22Les multinationales américaines ont aussi leurs problèmes
25:25avec le dirigeant libyen.
25:28En particulier lorsqu'ils décident d'annuler un contrat
25:31avec Bechtel, la plus grande entreprise de travaux publics
25:34aux États-Unis, qui entretient des liens étroits
25:37avec Washington.
25:40Le fait qu'une compagnie ayant le savoir-faire
25:43et l'assise financière de Bechtel ne soit pas parvenue
25:46à décrocher ce contrat est un avertissement
25:49pour les entreprises américaines et occidentales
25:52qui cherchent à s'implanter sur le marché libyen
25:55en pleine expansion, ainsi que pour les autres entreprises
25:58qui ne veulent pas partir.
26:03Gaddafi se met aussi à dos la France.
26:06Après avoir été courtisé par le président Nicolas Sarkozy,
26:09le dirigeant libyen annule de gros contrats d'armement.
26:16On oublie à quel point Sarkozy avait déroulé
26:19le tapis rouge à Colonel Gaddafi en décembre 2007
26:22et le Colonel Gaddafi, en échange, lui avait promis
26:2514 milliards de dollars de contrats.
26:28Il y avait une shopping list absolument incroyable.
26:31Finalement, Gaddafi a ridiculisé Nicolas Sarkozy
26:34parce qu'il n'y a rien eu du tout ou très peu de choses
26:37par rapport à ce qui avait été promis.
26:43En mars 2011, alors que le printemps arabe
26:46se répand en Afrique du Nord, la France
26:49et les États-Unis décident d'agir.
26:55Le Conseil de sécurité des Nations Unies donne son aval.
26:58La protection des droits de l'homme justifie la guerre.
27:02Nos forces aériennes s'opposeront à toute agression
27:05des avions du colonel Gaddafi
27:08contre la population de Benghazi.
27:23C'est la première guerre d'Africom
27:26et son commandant en chef est le premier président afro-américain.
27:30Pour reprendre les mots du gouvernement Obama,
27:33le rôle des États-Unis dans la guerre contre la Libye
27:36consistait à diriger par derrière.
27:39Mais le plus intéressant, c'est que la guerre a été ouverte
27:42et dirigée d'abord par Africom,
27:45puis la mission a été reprise par l'OTAN.
27:53En d'autres termes, ceux qui mènent les opérations à l'OTAN
27:56sont eux-mêmes dirigés par les États-Unis
27:59qui commandent officiellement l'OTAN.
28:02En plus de ça, après l'arrêt des bombardements
28:05et avoir fait l'éloge des alliés en Libye,
28:08Obama a révélé qu'un certain nombre de bombardements français
28:11avaient en réalité été effectués par des pilotes américains.
28:15L'intervention en Libye est aussi une façon d'envoyer un message
28:18aux autres États-nations africains.
28:21S'ils se lancent dans un processus de défiance radicale
28:24visant à une indépendance radicale
28:27dans un processus nationaliste et anti-impérialiste,
28:30il pourrait y avoir des conséquences
28:33qui ne sont plus de l'ordre des États-Unis,
28:36mais de l'ordre des États-Unis.
28:39Cela revient à envoyer le signal clair aux États-Africains
28:42qu'il y a des limites dans lesquelles ils doivent opérer
28:45et qui ont été fixées par les opérations militaires américaines.
28:59Qadhafi n'est plus là.
29:02Un énorme obstacle pour les États-Unis
29:05est le fait qu'il n'y ait plus d'opportunités
29:08d'intervention militaire.
29:11Un obstacle majeur à la pénétration militaire américaine en Afrique
29:14a de fait été éliminé.
29:29La chute de Qadhafi provoque une onde de choc
29:32dont les conséquences vont se répercuter bien au-delà de la Libye.
29:38Malheureusement, les 40 000 armes que possédait Qadhafi
29:41n'ont pas été très bien contrôlées.
29:44Très vite, on s'est rendu compte
29:47que plus de 35 000 de ces armes s'étaient volatilisées.
29:50Elles avaient disparu.
29:53Puis on a découvert qu'une partie de ces armes
29:56avait fait leur réapparition dans le nord du Mali,
29:59au sud de l'Algérie, dans le sud de la Libye, Niger.
30:02Il y en avait partout.
30:05Une partie des armes est tombée aux mains des rebelles libyens.
30:11L'autre partie de cet arsenal,
30:14dont des missiles antichars et antiaériens,
30:17est tombée aux mains des combattants tuaregs
30:20qui s'étaient battus aux côtés de Qadhafi,
30:23lequel avait soutenu leur revendication d'autonomie au Sahara.
30:27Il y a toujours eu un irrédentisme tuareg.
30:30Il y a toujours eu énormément de difficultés avec les tuaregs
30:33qui constituent une communauté de 3 millions de personnes
30:36qui sont de nomades, qui sont sur 3 pays,
30:39Niger, Mali et Tchad.
30:42C'est vrai que finalement,
30:45c'était une sorte de zone grise, une zone de non-droit
30:48où les gouvernements centraux
30:51les laissaient faire un peu leur business.
30:54Le grand protecteur des tuaregs dans la région,
30:57c'est le Colonel Qadhafi.
31:00Finalement, le grand parrain de la région a disparu.
31:03Ils sont rentrés chez eux et les revendications qu'on a connues,
31:06que ce soit au nord du Niger ou au nord du Mali,
31:09au cours des années précédentes ou des décennies précédentes,
31:12ont ressurgi.
31:18Fortement armés, les tuaregs forment une nouvelle force de combat,
31:21le MNLA, et lancent une offensive
31:24contre le gouvernement de Bamako en janvier 2012.
31:28Le rêve ancestral de création de l'Azawad,
31:31un pays tuareg indépendant qui s'étendrait sur tout le Sahara,
31:34semble à portée de main.
31:38Mais les tuaregs ne sont plus les seuls combattants dans le désert.
31:41Des groupuscules terroristes islamistes
31:44apparus une dizaine d'années plus tôt
31:47sont devenus des forces bien armées.
31:51Hakmi, Mujao et Ansardine
31:54se battent au nom de la guerre sainte
31:57et recrutent parmi les populations locales.
32:03Les islamistes, ou je ne sais pas comment il faut les appeler,
32:06ceux qui étaient au nord,
32:09ils ont fait à peu près 10 ans dans le nord du Mali,
32:12sans être inquiétés.
32:15Le nord du Mali était presque ingouvernable,
32:18il n'y avait plus d'abstractions, il n'y avait plus rien là-bas.
32:21Donc ces gens-là ont trouvé un terrain fertile.
32:33Mais l'islam radical prêché par les djihadistes
32:36n'a rien à voir avec celui pratiqué depuis des siècles dans la région.
32:42L'islam qui est là, c'est un islam modéré,
32:45c'est un islam pacifique.
32:49Même si la population est à 80% musulmane,
32:52elle n'est plus musulmane, c'est des pratiquants.
32:55Ce ne sont pas des gens qui s'explosent.
32:58Ils ne connaissent pas les explosifs,
33:01ils ne connaissent pas les attentats,
33:04ce sont des choses qui sont carrément étranges.
33:09Tout musulman sait que le mot djihad,
33:12dans la compréhension de l'islam,
33:15c'est quelqu'un qui combat pour une cause noble,
33:18une cause de Dieu.
33:21Alors si vous acceptez vous-même de les appeler djihadistes,
33:24je crois que ça c'est une erreur.
33:27Quand vous acceptez que c'est des djihadistes,
33:30ça veut dire que vous vous mettez vous-même dans la logique
33:33de créer une sympathie entre eux et les autres musulmans.
33:39Qui sont ces gens ?
33:42Essentiellement dans la région,
33:45tout le leadership est algérien.
33:48Beaucoup étaient des anciens militaires algériens qui ont déserté.
33:51Et parmi les combattants, et c'est très intéressant,
33:54il y a tous qui viennent de Somalie,
33:57peu nombreux, ils viennent du Pakistan ou autre,
34:00et leur but dans ce cas n'est pas de se battre,
34:03mais d'encourager moralement,
34:06de dire nous venons de très loin,
34:09nous venons de montrer que la cause est importante.
34:12La plupart des combattants sont locaux,
34:15les marginalisés, les gens qui n'ont aucun espoir
34:18de trouver un travail, descendent.
34:22Mettant leurs différences idéologiques de côté,
34:25les islamistes et les séparatistes tuaregs
34:28passent une alliance de convenance.
34:31Je crois que le MNLA, qui d'un point de vue idéologique
34:34est totalement opposé au groupe terroriste djihadiste,
34:37a saisi cette opportunité parce que le MNLA,
34:40son ennemi principal, ça reste l'État malien.
34:43Donc toutes les bonnes volontés qui s'agrègent autour de lui
34:46pour combattre l'État malien sont les bienvenues.
34:49Et là, c'était vraiment une alliance de circonstances
34:52et avec, in fine, un renversement au profit des groupes terroristes.
34:57Dans plusieurs villes de garnisons isolées dans le nord du pays,
35:00les forces rebelles unies lancent une offensive
35:03contre les soldats de l'armée malienne.
35:07Des soldats qui ont suivi des années d'entraînement par AFRICOM.
35:10Rien ne se passe comme prévu.
35:15Les troupes maliennes formées par les États-Unis
35:18ont été les premières à se rébeller
35:21utilisant les bonnes méthodes de leur formation
35:24pour se battre contre l'armée nationale à Bamako.
35:28Donc les unités formées se sont disloquées
35:34et se sont mises à se battre du côté des rebelles.
35:40Le pire reste à venir.
35:43Quand 90 soldats maliens sont capturés
35:46et sommairement exécutés dans une attaque rebelle.
35:49A Bamako, des officiers de l'armée se mutinent
35:52contre un gouvernement incapable de contrôler cette situation.
35:58Le putsch est mené par un des élèves modèles d'AFRICOM,
36:01le capitaine Amadou Sanogo.
36:04Il a bénéficié d'un solide entraînement par les Américains.
36:08Sanogo a été formé comme officier d'infanterie
36:11et officier de renseignement dans les bases américaines
36:14de Virginie, Géorgie, du Texas et de l'Arizona.
36:19Les Américains l'avaient formé,
36:21ils avaient investi du temps et de l'argent sur lui
36:24et il a rendu la situation au Mali dix fois pire.
36:28Les revers s'enchaînent pour AFRICOM.
36:31Les Touaregs et les islamistes envahissent les principales villes du nord du Mali
36:35qui opposent peu de résistances.
36:38En à peine deux semaines, le pays est coupé en deux.
36:47La division du pays, du moins pendant un temps,
36:49a tiré la sonnette d'alarme à Washington.
36:52Le commandement africain avait passé des années
36:55à entraîner les forces armées maliennes.
36:57Mais quand elles se sont retrouvées face à cette rébellion dans le nord,
37:00elles ont tout simplement pris la fuite.
37:12En dépit d'années d'entraînement et de millions dépensés,
37:15la grande peur de l'Occident devient réalité.
37:18Un état islamique dirigé par des terroristes
37:21est instauré dans le nord du Mali
37:23et la loi de la charia est imposée.
37:28Nous sommes là pour le djihad,
37:30pour propager le message du prophète Mohamed.
37:33On est prêts à défendre la religion jusqu'au dernier degré.
37:36On est prêts à combattre la France, les Etats-Unis, tous les pays de l'OTAN.
37:40Les organisations djihadistes
37:44qui avaient imposé leur pouvoir dans les villes du nord Mali,
37:49à Gao, à Tombouctou,
37:52détruisant des tombeaux très anciens,
38:01martyrisant la population,
38:04ce n'est pas une invention, c'est quelque chose de tout à fait réel.
38:08Et donc il y avait un sentiment, surtout dans le climat actuel,
38:12où l'ennemi de la civilisation, c'est l'islamisme.
38:16Dans ces conditions-là, il y avait une forte lutte
38:19Imaginez sauver les jeunes filles, les femmes maltraitées du nord Mali.
38:29Il y avait un second argument, c'est qu'il fallait aller très vite,
38:33parce que les colonnes de pick-up de ces combattants djihadistes
38:38avançaient vers le sud à grande vitesse.
38:42Les combattants djihadistes,
38:45avançaient vers le sud à grande vitesse
38:49et allaient prendre Bamako.
38:53Personne ne croyait à une avancée de quelques centaines,
38:58il faut donner les chiffres,
39:00c'est quelques centaines de combattants djihadistes
39:04qui allaient prendre une ville de 3 millions d'habitants
39:08où ils n'ont aucune implantation significative.
39:14Ça n'avait pas beaucoup de sens.
39:17Ça a d'ailleurs suscité un certain scepticisme.
39:25Face au danger, la France vient à la rescousse.
39:28En 48 heures, le gouvernement Hollande déploie 4000 soldats au Mali.
39:33Les Américains, quant à eux, restent en retrait.
39:36Ils fournissent des renseignements militaires
39:39et un soutien logistique pour le transport des troupes françaises.
39:44L'opération Serval, de mon point de vue d'observateur,
39:48de sous-directeur pour l'Afrique occidentale,
39:51a été une décision très pragmatique liée aux circonstances.
39:54Notamment l'offensive des terroristes vers le sud
39:57a conduit le président Hollande à prendre une décision
40:00qui correspondait à ce que la France devait faire.
40:03Elle était la seule à pouvoir répondre militairement
40:06et avec les moyens qu'elle avait.
40:08C'était probablement la meilleure réponse à avoir.
40:11En intervenant en Libye,
40:14en intervenant quelques mois plus tard au Mali,
40:20la France veut réaffirmer son rôle de puissance internationale
40:27qui a droit de siéger comme membre permanent au Conseil de sécurité.
40:32Je crois qu'on ne le dit pas souvent,
40:34mais je crois que l'objectif essentiel de la France
40:37est de dire que nous sommes une grande puissance.
40:40Peut-être que nous n'avons pas la puissance économique que nous avions avant,
40:44mais nous sommes un grand acteur pour la paix et la stabilité dans le monde.
40:52L'avancée des rebelles est stoppée.
40:54Deux semaines suffisent pour que les Français reprennent le nord du pays.
40:58L'armée française déclare avoir tué des centaines de terroristes.
41:02Quant aux autres, ils se sont évaporés dans le désert.
41:06L'ancienne puissance coloniale est devenue le sauveur du pays.
41:15Mais l'opération Serval est-elle tout ce qu'elle a semblé être ?
41:21Dans ces confrontations en Normalie,
41:24personne ne sait exactement ce qui s'est passé
41:26puisque les médias ont été tenus à l'écart de la guerre.
41:32Donc, il n'y a pas d'image autre que celle qui a été livrée par l'armée française.
41:39Il fallait montrer que l'armée française était extrêmement efficace.
41:44Son matériel militaire, c'est mieux que le salon du bourget.
41:48On dit les avions, etc., c'est beaucoup mieux de les voir en opération.
41:51Donc, les opérations, le renseignement, tout ça était magnifiquement préparé
41:58et c'est pour ça que ça donnait à la France un label d'efficacité.
42:09Kona, ou ce qu'il en reste aujourd'hui.
42:12La ville est un endroit clé pour comprendre ce qui s'est réellement passé
42:16pendant l'opération Serval.
42:18Kona a été le théâtre d'une bataille décisive
42:21avec les combattants islamiques du groupe Ansardine.
42:24C'est ici qu'ils ont été encerclés par les troupes françaises.
42:29Un mémorial en hommage aux premiers soldats français tués pendant ces affrontements
42:33a été érigé sur l'unique route qui permet d'entrer et de sortir de la ville.
42:39Mais ce qui n'a pas été immortalisé est le fait que sur cette même route,
42:43un convoi de véhicules transportant des centaines de combattants islamiques
42:47et leur chef, Iyad Aghali, a réussi à s'échapper sous le feu.
42:52Sur le terrain, de nombreux témoins du conflit se posent des questions.
43:00L'attaque de Kona.
43:02On a considéré que la France ne voulait pas exterminer les islamistes.
43:08Les islamistes ont été repoussés sur le terrain.
43:11On a considéré que la France ne voulait pas exterminer les islamistes.
43:15On a considéré que la France ne voulait pas exterminer les islamistes.
43:19Les islamistes ont été repoussés, c'est tout.
43:22Ils sont repartis d'où est-ce qu'ils sont venus.
43:25Ils sont rentrés par les grandes portes du Sahara du Nord, du désert du Nord.
43:30Et ils sont là encore dans le Nord.
43:38On n'a pas envoyé 150 000 hommes, donc c'est sûr qu'il était impossible.
43:42Il suffit de regarder un peu la superficie de la zone.
43:44Ce n'est pas avec 6 000 soldats qu'on pouvait quadriller tout le désert.
43:49Mais l'objectif n'était pas celui-là.
43:51L'objectif était dans un premier temps de stopper l'avancée vers le Sud,
43:54ce qui a été fait assez rapidement.
43:56Dans un deuxième temps, de déstabiliser les bases arrières des groupes terroristes,
43:59ce qui a été fait dans un deuxième temps.
44:01Et dans un troisième temps, de permettre la libération du territoire malien
44:05le plus au Nord possible, ce qui a été réalisé.
44:09La question qui saute aux yeux, c'est ces pick-ups.
44:12Qu'est-ce qu'ils sont devenus au lendemain du début de l'intervention Serval ?
44:17Il n'y a qu'une seule route qui conduit vers le Nord.
44:19Il aurait été facile, avec les moyens aériens dont dispose la France, de les intercepter.
44:24Donc, il semble bien qu'il y a eu une dimension politique très forte
44:29dans cette intervention qui a été plus importante que la dimension militaire.
44:39Dans cette guerre de l'ombre, quel intérêt la France aurait-elle eu
44:43à ménager les forces qu'elle était censée combattre ?
44:48Les Français, à travers la firme Areva, exploitent les mines d'Arlit,
44:55qui sont à 300 km de la frontière malienne, en face du Nord du Mali.
45:01Donc, ça a été invoqué comme une des causes de l'intervention française
45:04parce que c'est une région sensible.
45:07Et en même temps, au sud d'Arlit, il y a d'énormes gisements inexploités d'uranium.
45:13Et du point de vue de la France, il y a la volonté de garder la main sur les ressources d'uranium
45:19qu'elle n'exploite pas pour le moment ou dont elle retarde l'exploitation,
45:24mais pour empêcher d'autres d'avoir accès à ces ressources.
45:29Les Français étaient favorables et travaillaient à une certaine autonomisation du Nord-Mali,
45:36Touareg, par rapport à Bamako.
45:41Pour forcer le Sud à accepter, à être plus docile au diktat de la France
45:48et dire au Nord, c'est grâce à nous que vous avez cette autonomie,
45:53donc on travaille la main dans la main.
45:55C'est trouver dans ces deux partenaires des avantages.
46:04Dans cette partie d'échec, la France n'est pas seule.
46:07Et c'est bien loin du Sahara que se décide le futur économique de la région.
46:12Des représentants des groupes pétroliers, des experts du capital risque
46:16et des responsables africains en charge de l'énergie se retrouvent à Londres,
46:20capitale financière de l'Europe,
46:22pour discuter de contrats et rêver de gros profits.
46:29Bonjour Mesdames et Messieurs et bienvenue à ce 11ème forum de l'Afrique indépendante.
46:35Malgré le chaos, les guerres et les révolutions,
46:38l'intérêt des Occidentaux reste considérable pour ce qui pourrait être
46:42la plus grande réserve non exploitée de pétrole sur le continent.
46:46L'Eldorado du Sahel, le bassin de Taoudeni,
46:50qui s'étend de la Mauritanie à l'Algérie, couvrant le Nord-Mali.
46:56Il existe des gisements en quantité non négligeable,
46:59mais dans une zone très vaste, peut-être plus grande que le Texas
47:02ou équivalente aux deux tiers de l'Europe.
47:04Il y a donc très peu de puits dans cette zone,
47:06en tout cas pas assez pour faire une estimation.
47:09Il faudra beaucoup de temps pour connaître les ressources exactes de ce bassin.
47:15Malgré un déclin récent de l'importation de gaz et de pétrole africain vers les Etats-Unis,
47:20les intérêts des grands groupes énergétiques américains pour l'Afrique n'ont pas diminué.
47:24Les besoins de l'Asie et de l'Europe ne cessent de croître.
47:28Près de 2000 milliards d'investissements dans le pétrole et gaz africain
47:32sont prévus au cours des deux prochaines décennies.
47:38On sait tous qu'on va vers une raréfaction des ressources pétrolières
47:43et que ces derniers grands bassins pétroliers d'Afrique
47:51vont avoir une importance croissante au fil des années
47:54et qu'il est très important de se prépositionner pour l'exploitation de ces ressources.
48:05En mai 2014, Obama annonce qu'il va consacrer 5 milliards de dollars supplémentaires
48:10à la lutte contre le terrorisme mondial.
48:13Mais à travers une mission de formation et d'advice en Afghanistan,
48:17notre présence réduite là-bas nous permet d'adresser plus effectivement
48:20les menaces émergentes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
48:25Donc, plus tôt cette année, j'ai demandé à mon équipe de sécurité nationale
48:27de développer un plan pour un réseau de partenariats
48:30de l'Asie du Sud vers le Sahel.
48:35Cette stratégie a été très persuasive.
48:38De plus en plus de gouvernements africains ont signé une collaboration
48:41avec le programme AFRICOM.
48:43Comme au Niger, où l'armée américaine a rassemblé des forces africaines
48:47composées de 1000 soldats provenant de 17 pays
48:50afin de pratiquer les arts de la guerre.
48:56FINKLOCK est un exercice international.
48:59Cette année, il est mené dans différentes régions d'Afrique.
49:02C'est l'occasion formidable de travailler ensemble
49:05et d'apprendre les uns des autres.
49:08Au cours de cette seule dernière année,
49:11AFRICOM a organisé 10 exercices sur le modèle FINKLOCK,
49:1455 opérations et 400 séminaires sur la sécurité,
49:18avec 49 États africains.
49:21Les États-Unis ont également installé des bases de drones de surveillance
49:25à Djibouti, au Niger, au Kenya, en Éthiopie, en Somalie,
49:29au Soudan du Sud, au Burkina Faso et au Seychelles.
49:37En septembre 2014, les États-Unis annoncent l'envoi de 4000 soldats au Libéria
49:42comme soutien durant la crise Ebola
49:44et pour la coordination d'autres activités militaires non spécifiées.
49:53Pour ne pas être en reste, la France annonce alors
49:56qu'elle compte accroître sa présence militaire au Sahel
49:59avec le redéploiement de 3000 soldats.
50:08Cette militarisation croissante fait de l'Afrique
50:11une nouvelle source de profit très convoitée par le complexe militaire ou industriel,
50:16avec à la clé des millions de dollars de nouveaux contrats
50:19pour les fabricants d'armes et les entrepreneurs privés.
50:29Imaginez-vous s'il y a la paix et la stabilité dans la région,
50:34ça veut dire quoi ?
50:36Ça veut dire diminuer le budget de la défense.
50:39Beaucoup de gouvernements dans notre région ne veulent pas que le budget de la défense diminue.
50:44La paix, ça veut dire plus de pression populaire pour des élections libres et transparentes.
50:51Donc beaucoup de gens ne veulent pas de paix.
50:54Donc il y a des tas d'intérêts multiples
50:59qui encouragent l'instabilité pour justifier le reçu du pouvoir,
51:06pour justifier l'utilisation des fonds publics pour les achats d'armements,
51:11pour les dépenses de renseignements, de collecte de renseignements, et ainsi de suite.
51:16Et je n'exclue aucun pays.
51:22Les Nations Unies ont établi une force de la paix de 12 000 soldats.
51:26Afin d'aider à stabiliser le Mali.
51:28On compte parmi ces soldats des membres de l'armée chinoise,
51:31ainsi que de pays africains formés par Africom.
51:37L'arsenal de ces gardiens de la paix comprend des drones de surveillance
51:41et des hélicoptères d'attaque Apache.
51:45Ça sera une espèce de super police
51:48avec des inégalités extraordinaires entre les pauvres et les riches.
51:54Et la nécessité de contenir les classes dangereuses,
51:58les zones de non-droit pour protéger les zones en développement.
52:04Donc il y a véritablement ce que les Américains appellent les small wars.
52:11Une espèce de cavalerie destinée à maintenir la paix
52:18pour les affaires occidentales.
52:22Pour les affaires occidentales sur le continent africain.
52:31130 ans après la conférence de Berlin,
52:33un nouveau partage du continent africain s'effectue
52:36pour garantir l'approvisionnement en pétrole, en minéraux stratégiques,
52:40en terres arables et même en eau sous les sables du désert.
52:45Comment des grandes puissances mondiales se mettent ensemble
52:51pour des gens qui ne sont qu'en réalité des groupuscules à travers le monde
52:56et ils pensent qu'ils sont dans une guerre sans fin ?
53:00Ça veut dire qu'en réalité on ne veut pas poser les véritables problèmes.
53:04C'est comme si l'Occident vuit des guerres.
53:08Il faut nécessairement créer des guerres.
53:11Il faut qu'il y ait une guerre pour justifier sa puissance, quelle qu'elle soit.
53:20La guerre contre la terreur au Sahara est bien plus complexe qu'il n'y paraît.
53:25Les batailles actuelles s'inscrivent dans une guerre sans fin,
53:29à la fois géopolitique et géoéconomique.
53:32Et ce, dans un monde où les ressources sont de plus en plus rares et convoitées.
53:41La guerre contre la terreur
54:11C'est ce que j'ai fait, c'est ce que j'ai fait, c'est ce que j'ai fait, c'est ce que j'ai fait, c'est ce que j'ai fait, c'est ce que j'ai fait.