Zoom - Bernard Rio : Les Bretons et la mort : croyances et traditions

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Les Bretons entretiennent des relations singulières avec la mort et les morts, tel est le constat de Bernard Rio dans son ouvrage "Les Bretons et la mort - Rites, croyances et traditions". A l’ère d’internet, les Bretons perçoivent de nouveaux intersignes annonçant les décès ou révélant la présence des "Anaon", les "âmes errantes" qui hantent les chemins et les maisons. Perdues au fond des bois, des tombes immémoriales continuent de recevoir les offrandes de visiteurs anonymes ! Quel sens donner à ces phénomènes mystérieux, révélateurs d’un véritable culte des morts et d’une croyance dans l’autre monde ? Pourquoi dépose-t-on le cercueil du défunt à la croisée du transept dans l’église ? A quoi reconnait-on la présence de l’Anaon ? Qui sont les passeurs d’âmes ? Autant de questions auxquelles Bernard Rio apporte des réponses.
Transcription
00:00Bonjour à tous et bienvenue dans notre Zoom, aujourd'hui en compagnie de Bernard Riau. Bonjour monsieur.
00:12Bonjour Pierre.
00:13Bernard Riau, spécialiste de l'environnement et du patrimoine. Vos deux derniers ouvrages, Les Portes du Sacré, ont vous aversu à cette occasion sur les mystères énergétiques des lieux saints.
00:24Ça avait fait une très belle audience. Et La forêt des celtes, du paganisme au christianisme, vous rééditez cet ouvrage.
00:30Les bretons et la mort, rites, croyances et traditions, comme d'habitude, sur la boutique de TV Liberté.
00:36Alors ces bretons qui entretiennent une relation singulière avec la mort et les morts, comment s'illustre cette singularité ?
00:46Déjà par les textes de l'antiquité, les textes grecs et latins qui mentionnent, je pense à Procope de Césarée notamment,
00:52qui mentionnent que les bretons de Bretagne continentale, non pas de Grande Bretagne, des bretons de Bretagne cantienne,
01:02se rassemblent et croient au passage d'une barque, d'une barque de nuit, qui va transporter les âmes des défunts dans l'autre monde.
01:11Alors ça fait penser tout de suite au symbolisme du roi Arthur, mortellement blessé à la bataille de Camelot,
01:17qui va être transporté sur l'île d'Avalon, l'île des pommes, avec la fée Morgane, pour y être guéri et revenir pour délivrer la Bretagne,
01:29insulaire cette fois, son royaume des saxons.
01:34Donc on a déjà des mentions dans l'antiquité, Pliny, Tacite, qui mentionnent ces phénomènes.
01:41Ce sont des sources grecques et latines qui mentionnent un rapport particulier des bretons avec l'au-delà.
01:49Et puis on a une multiplicité de légendes, de faits collectés par Anatole Lebras au XIXe siècle,
02:00qui a écrit un best-seller qui a été réédité des dizaines de fois, qui s'appelle La légende de la mort chez les bretons d'Armorique,
02:08donc publié de mémoire en 1893, et qui recense effectivement ces phénomènes.
02:15Donc moi, ce qui m'intéressait, c'était de reprendre le travail d'Anatole Lebras, voir si ces phénomènes perduraient,
02:21et s'ils avaient cessé pourquoi, et s'ils perduraient pourquoi.
02:27Donc j'ai recensé ces phénomènes avec cette prégnance de la mort dans le folklore, dans les croyances et dans les pratiques en Bretagne.
02:40– Et même dans la réalité, puisque vous dites que les bretons auraient tendance à se suicider plus que les autres.
02:47– Oui, c'est la région de France où on se suicide le plus, c'est pas moi qui ai inventé ces chiffres, c'est l'INSEE.
02:53Pour une raison simple, c'est pas que les bretons soient plus dépressifs que d'autres, mais c'est que le rapport à la mort est différent.
03:05La mort ne fait pas peur, ou je devrais dire, la mort ne faisait pas peur, parce que les mentalités ont évolué, en particulier.
03:15On est passé dans une société beaucoup plus rationnelle.
03:19Mais la mort ne faisait pas peur, donc on abrégeait effectivement sa vie.
03:23– Est-ce que c'est la vie qui n'avait pas forcément la même valeur qu'aujourd'hui ?
03:29– Le passage à l'acte était facilité par une culture.
03:36– Parce que l'Église catholique le condamne, le suicide.
03:39– Bien sûr, mais l'Église catholique condamnait les suicidés, mais ça n'a jamais empêché un suicidé de passer à l'acte.
03:48– Vous dites d'ailleurs que l'Église catholique n'a toujours pas été rejetée en Bretagne,
03:53mais en tout cas, elle n'a pas eu le rôle de mission en Bretagne aussi important qu'ailleurs.
04:00– Dans ce sens où elle n'a pas éradiqué ces croyances.
04:06L'Église catholique a normalisé les rites funéraires avec les messes des défunts, etc.
04:17Mais elle a intégré à son corps défendant des pratiques non chrétiennes,
04:25que ce soit les tombes de mémoire, que ce soit l'usage du mêle béniguet,
04:32très intéressant le mêle béniguet, littéralement le marteau béni.
04:35Alors c'est une boule de granit qui a été utilisée et référencée par des ethnologues
04:42comme Zacharie Le Rousique entre la région de Carnac, grosso modo,
04:47et le haut du Blavet au sud de Pontivy.
04:50Donc tout au long sur la vallée du Blavet, on a ce marteau béni qui était entreposé dans les chapelles.
04:56Et lorsqu'il y avait une personne qui agonisait, le singe de village
05:07était contacté par la famille pour qu'on vienne poser le mêle béniguet sur le sommet du crâne de l'agonisant.
05:15Alors des folkloristes ont écrit que les Bretons étaient des barbares
05:24et qu'ils fracassaient les crânes des agonisants.
05:28– Ça n'a rien à voir. – Ça n'a rien à voir.
05:31– Les Bretons sont très sensibles à ce que vous expliquez, aux énergies.
05:35– Voilà, c'était un usage symbolique.
05:37Donc le mêle béniguet c'est, selon la croyance populaire,
05:41l'âme à la naissance intègre le corps par la fontanelle.
05:47Parce qu'effectivement, le nouveau-né, le crâne n'est pas soudé.
05:52Donc l'âme intègre le corps par la fontanelle.
05:58Et il faut logiquement, au décès, que l'âme reparte par le même chemin.
06:03Donc symboliquement, on va ouvrir en posant ce mêle béniguet,
06:07ce marteau béni, sur le sommet du crâne, trois fois,
06:11pour ouvrir symboliquement et libérer l'âme, pour qu'elle s'en aille.
06:16C'est à la fois connu dans les traditions populaires,
06:21mais aussi connu dans l'histoire de l'art,
06:24puisqu'on a une magnifique fresque représentant la mort de Saint-Main,
06:30dans l'abbaye de Saint-Main-le-Grand, en Ile-et-Vilaine,
06:34où on représente le saint avec l'âme qui s'échappe par la fontanelle.
06:39Donc on est aussi dans l'histoire chrétienne, là.
06:41– Ça c'est assez curieux, puisque vous nous expliquez
06:44qu'en fait, l'âme préexiste avant le corps.
06:48– Selon les croyances populaires, tout à fait.
06:51– Ça c'est pas du tout ce qu'on apprend quand on fréquente l'Église catholique.
06:56– Oui, tout à fait.
06:57– Ça veut dire qu'elle serait déjà créée avant le corps qu'elle va intégrer.
07:02– Dès la conception, voilà.
07:05C'est-à-dire que neuf mois avant, l'âme intègre déjà,
07:11selon les croyances populaires, c'est pas un dogme,
07:17l'âme intègre le corps dès la conception.
07:22– Donc elle descend dans le ventre de la maman.
07:25– Tout à fait.
07:27Alors là, les défenseurs de la vie ont trouvé un argument supplémentaire
07:32dans les traditions populaires bretonnes,
07:34puisqu'effectivement, dès la conception, avant de naître,
07:39l'enfant porte un corps.
07:40On va retrouver ça dans la mythologie irlandaise,
07:43où dans le cycle de Fintan, par exemple, ce héros mythique de l'Irlande,
07:50il intègre son âme dès la conception.
07:56On a la même chose avec la naissance de Merlin.
07:59L'âme de Merlin, enfantée d'une vierge et d'un succube…
08:05– C'est quoi un succube ?
08:07– C'est un diable.
08:08– D'accord.
08:09– C'est un démon.
08:10Il y a les incubes et les succubes.
08:12C'est pour ça que le personnage de Merlin est ambivalent,
08:16parce qu'il est né d'une vierge et d'un succube.
08:20– Les croyances.
08:21– Alors non, ce n'est pas les croyances, c'est le cycle littéraire.
08:26– Alors vous évoquez les anahons ou les anons,
08:29je ne sais pas comment vous prononcez.
08:31– Anahons.
08:32– Ces âmes qui hantent les chemins, qui hantent les maisons.
08:36Est-ce que ça relève du folklore ou est-ce que dans votre livre de témoignages,
08:41vous avez des gens qui ont constaté des apparitions ou des manifestations ?
08:49– Alors oui, ça relève du folklore et non, ça ne relève pas que du folklore.
08:55C'est-à-dire qu'on va retrouver la croyance dans l'anahone
09:00à la fois dans les légendes, dans les traditions populaires,
09:03dans les guerjus, les mélopées chantées en Bretagne,
09:08mais on va aussi avoir ce phénomène dans une pratique quotidienne.
09:15C'est-à-dire qu'on va croire à l'anahone, c'est le mot de l'âme en fait.
09:22Donc l'anahone est une âme errante,
09:25c'est une âme qui, après le décès, n'est pas partie dans le delà.
09:29Donc elle n'est pas montée au ciel ou elle n'est pas descendue en enfer,
09:33elle est restée là.
09:35Et donc il y a des passeurs d'âme, il y avait, il y en a toujours,
09:40qui vont avoir la chance, c'était d'abord la rôle du prêtre,
09:44donc le prêtre avait aussi intégré cette dimension bretonne
09:48de la croyance dans ces âmes qui restaient là et qui n'avaient rien à y faire,
09:51ce qui n'est effectivement pas très catholique.
09:53Et donc ils passent à l'âme, donc le rite…
09:57– Le rite de passeurs d'âme a disparu.
09:59– Oui, parce qu'il y a une…
10:01– Enfin en tout cas au sein de l'Église.
10:03– Le clergé ne croit plus forcément, le clergé est devenu très cartésien.
10:09– Vous disiez en préparant cette émission,
10:11le clergé ne croit plus forcément en Dieu, ni au diable.
10:13– Ni au diable, oui.
10:15Malheureusement on a des prêtres qui ne font plus leur office.
10:21Mais donc il y a des particuliers qui y croient
10:26et qui passent les âmes en Bretagne.
10:28Donc entre la mention de Procope de Césarée
10:33et puis un témoignage intéressant d'Anatole Lebrun
10:38sur le naufrage d'un navire à la fin du 19ème siècle à Gorgone,
10:46donc c'est référencé, sourcé, daté, un navire disparaît
10:51et au même moment, en mer avec ses marins,
10:55au même moment, le passeur de la rivière du Trieux
10:58à l'ézard de Rieux dans les côtes d'Armor
11:00est réveillé la nuit pour passer la rivière.
11:06Et donc il se lève et on lui intime l'ordre effectivement de passer.
11:13Il y avait une cargaison et c'est des marins.
11:15Donc il voit des marins en costume de marins, Ruyslando,
11:21monter dans sa barque et il passe la rivière.
11:24Sauf que ce n'est pas la rivière qu'il passe.
11:27Donc il raconte qu'effectivement il est passé dans l'autre monde.
11:31– Oui mais moi dans le quotidien je veux savoir
11:33s'il y a des manifestations, des apparitions.
11:35Vous évoquez les histoires de tostopes fantômes,
11:38les fameuses dames blanches quoi.
11:40– Oui, oui, alors il y a des dames blanches qui apparaissent.
11:43– Vous avez rencontré des gens
11:44qui ont vu des apparitions comme ça sur la route ?
11:46– J'ai même référencé un article du journal Le Télégramme
11:51sur une dame blanche du côté de l'Andévenec.
11:55Donc même la presse en parle.
11:57Le tostopes fantôme, on en a plusieurs exemples également en Bretagne.
12:01Donc on a des témoignages effectivement.
12:03– De plusieurs personnes au même endroit qui ont vu le même phénomène.
12:06– De ces apparitions, de ces phénomènes visuels
12:12qui font qu'on s'interroge sur la nature de ces apparitions.
12:18Est-ce que ce sont des hallucinations ou pas ?
12:20– En tout cas, les gens parlent d'une dame, pas d'un homme,
12:23ou pas d'un animal.
12:24– Il y a de tout, il y a aussi le…
12:27Parler des animaux, le chien de Baskerville, Conan Doyle,
12:33c'est littéralement une utilisation d'une légende
12:39dans le Dartmoor en Grande-Bretagne par Conan Doyle.
12:43Et ce chien qui hurle à la mort,
12:46c'est un animal psychopompe, le chien.
12:49– Un animal psychopompe ?
12:52– Oui, qui passe d'un monde à l'autre,
12:54qu'on va retrouver dans la mythologie avec Cerbère aussi.
12:58Mais mythologie grecque, pas bretonne.
13:01– Mais parlez-nous du réel.
13:03– Mais ces phénomènes, les phénomènes,
13:08on en a d'une manière récurrente.
13:12L'apparition, en 1914, d'une chasse sauvage
13:18dans les monts d'Arrée, visible,
13:21qui va faire qu'on annonce la guerre,
13:24donc on voit un cortège de fantômes dans le ciel,
13:30traverser le ciel.
13:32– En Bretagne ?
13:33– En Bretagne, oui, dans le Morbihan.
13:35– Et qui a été vu par…
13:37– On a un phénomène qui…
13:39– Des gens qui étaient agents ?
13:41– Alors, je vais vous donner un autre témoignage intéressant.
13:47Dans les années 1930, à côté de Malétroie, dans le Morbihan,
13:55la population, plusieurs dizaines de personnes,
13:58ont vu un château en feu.
14:02Sauf que le château n'existait pas.
14:04Donc il y a eu une sorte d'aléphination collective.
14:07Et le recteur de cette commune, de la paroisse,
14:11a relaté le phénomène dans le bulletin paroissial,
14:16en disant, plusieurs paroissiens sont venus m'indiquer
14:22qu'ils avaient vu à tel endroit un château en flamme.
14:25De quoi s'agit-il ?
14:27Il ne les raboue pas, il ne porte pas un jugement moral,
14:32il indique simplement le phénomène.
14:37Dix ans plus tard, un industriel construit à l'emplacement un château,
14:43un manoir.
14:45Et en 1944, au printemps 1944,
14:49– Le manoir brûle.
14:51– Nous sommes dans le maquis de Saint-Marcel,
14:54le manoir est incendié par les troupes allemandes.
15:01– Alors…
15:03– Là, ce n'est pas simplement une croyance,
15:06c'est un phénomène relaté, daté, localisé,
15:11le bulletin paroissial en fait foi,
15:14et vingt ans plus tard, le phénomène se produit.
15:17– Alors pourquoi ces âmes décident-elles ou ne le décident-elles pas
15:22de rester dans ce monde au lieu d'aller dans l'au-delà ?
15:26– Alors, pour des raisons à la fois qui tiennent à l'âme
15:33et qui n'y tiennent pas.
15:35La première, c'est que le rite de passage n'a pas été effectué.
15:39Donc, par exemple, si on prend les tombes de mémoire…
15:44– Alors les tombes de mémoire, c'est des tombes qui sont dispersées
15:48n'importe où dans la forêt, en dehors des cimetières.
15:51– En dehors des cimetières.
15:52Donc c'est ce que moi j'appelle des tombes de mémoire,
15:54que c'est qualifié de tombe de mémoire.
15:56Il y en a plusieurs dizaines dans toute la Bretagne,
15:59c'est des tombes qui…
16:00Certaines des plus anciennes datent du début du XVIIIe siècle,
16:03beaucoup datent de la Révolution française,
16:05ce sont des personnes qui ont été victimes d'un assassinat,
16:08qui ont été enterrées sur le lieu de leur assassinat.
16:11Donc, elles ne sont pas passées par l'Église,
16:14elles n'ont pas eu le rite de la messe des défunts
16:17et elles ne reposent pas dans la terre consacrée,
16:20la terre du cimetière.
16:21Donc, ces tombes de mémoire font l'objet d'une dévotion
16:24parce qu'il y a une double sentence, en fait,
16:27de la personne qui a été assassinée.
16:30Premièrement, elle a été victime d'un crime
16:32et deuxièmement, elle ne repose pas en paix
16:34puisqu'il n'y a pas eu le rite de passage.
16:36Et ces tombes font l'objet d'une dévotion.
16:38Donc, c'est à son corps défendant que la victime est là
16:42et c'est une dévotion qui…
16:44Alors, qui dit dévotion, dit demande
16:48et puis la demande est exaucée
16:53et puis après, on a l'ex-voto pour remercier du miracle accompli.
16:59Donc, on ne sait pas ce qui fait que la tombe va…
17:03le défunt va devenir un saint local
17:06et fait l'objet d'une dévotion.
17:08Donc, on a ce phénomène et puis on a aussi l'âme
17:12qui va être attachée à la matière
17:16et qui ne veut pas prendre conscience de son décès
17:19et qui ne veut pas partir.
17:21Donc, qui va rester attachée à ses biens terrestres.
17:24Donc, je cite dans le livre l'exemple d'un témoignage
17:28qui m'a été donné et que j'ai pu vérifier
17:32d'une maison du côté de l'Oudéac,
17:36en centre-Bretagne,
17:38où l'ancien propriétaire est toujours là.
17:41Donc, il se manifeste.
17:43C'est un fumeur de pipe.
17:45Donc, on sent dans cette maison…
17:48– Une odeur de tabac ?
17:49– Une odeur de tabac hollandais à certains moments.
17:53Et effectivement, c'est alors…
17:55– Et vous l'avez constaté par vous-même ?
17:56– Je l'ai constaté, tout à fait.
17:58Et donc, ce n'est pas une âme malveillante.
18:02Elle est bien là, elle ne veut pas partir.
18:04Et donc, elle protège aussi un peu les habitants de la maison
18:07qu'elle a adoptés.
18:08Par contre, c'est une âme qui n'aime pas certaines personnes.
18:13Donc, la propriétaire de la maison m'expliquait
18:16qu'il y a certains de ses invités qui viennent passer la soirée…
18:20– Et qui se sentent mal ?
18:21– Et qui se sentent très mal.
18:24Elle me parlait d'un couple qui avait passé la nuit chez elle
18:27qui n'avait pas réussi à dormir de la nuit
18:29parce qu'ils avaient été effrayés toute la nuit par des apparitions.
18:33Donc, ce fantôme voulait les faire partir.
18:36Vous voyez ?
18:37Bon, on va dire, ça, c'est des biveusés, c'est des fadaises.
18:43Peut-être, mais c'est mieux qu'on y croit.
18:45Et puis, de toute façon, peu importe si on y croit ou on n'y croit pas.
18:49Les gens qui sont là y croient.
18:51– Alors, vous expliquez…
18:52– Moi, je ne prends pas un jugement en disant
18:54que ce sont des gens qui ont des hallucinations,
18:56que ce sont des malades mentaux.
18:58Non, moi, je collecte les témoignages, j'ai collecté les témoignages.
19:03Je les ai comparés à ceux que je trouvais dans les légendes,
19:07dans les traditions qui datent du Moyen-Âge, voire de l'Antiquité.
19:11Et je fais aussi une année symbolique de ces phénomènes.
19:16– Alors, vous expliquez aussi pourquoi on installe le cercueil d'un défunt
19:21au centre du transept.
19:23Donc, dans l'Église, c'est le carrefour entre la partie horizontale
19:27et la partie verticale d'une église.
19:29– Tout à fait.
19:30– On a tous vu comment s'organise un…
19:32– La nef, le transept et le cœur, voilà.
19:34– Pourquoi on met ça là, alors ?
19:36– Parce que dans l'architecture sacrée, on a des points d'énergie.
19:43Et à la croisée du transept, vous avez ce qu'on appelle la pierre des morts.
19:48Là où on posait le cercueil, pour la cérémonie, la messe des défunts.
19:52Et la messe des défunts, elle est sous l'apanage de l'archange Saint-Michel,
20:00qui est représentée avec une balance.
20:02Dans l'abbaye du Mont-Saint-Michel, l'archange tient une balance.
20:06Parce que l'archange Saint-Michel va peser l'âme.
20:09– C'est le Saint-Baptiste de la France, d'ailleurs.
20:11– Oui, c'est la pesée de l'âme.
20:13Donc la messe des défunts, c'est le passage à l'église,
20:16littéralement, le passage à l'église.
20:18– Pour savoir quel chemin on emprunte après.
20:20– Exactement.
20:21La bonne âme va monter et la mauvaise âme va descendre.
20:25Elle va passer un petit moment au purgatoire,
20:28puisqu'inventé Jean Delumeau l'a parfaitement expliqué.
20:31Mais sinon, elle va descendre en enfer.
20:34Et donc on a ce point d'énergie qui se trouve à la croisée du transept.
20:38Il est matérialisé même dans certaines églises.
20:40Je pense à la chapelle Saint-Fiacre-aux-Fabouettes.
20:44Vous avez un cercle de granit à la croisée du transept qui matérialise.
20:51Et les gens un peu sensibles peuvent se placer sur ce cercle
20:55et vont sentir effectivement un courant froid les traverser.
21:00Parce qu'effectivement, on est sur un…
21:02Les géobiologues appellent ça des vortex.
21:04Donc on est sur un vortex, une sorte d'ascenseur énergétique
21:09qui va faire qu'on va monter et descendre.
21:11Donc voilà. Alors on est dans la croyance, là.
21:15On est aussi dans la pratique.
21:17On est dans le ressenti aussi, oui.
21:19Mais moi, je constate là aussi qu'on a matérialisé
21:24dans certains sanctuaires cette pierre des morts.
21:27Et donc ce mélange entre la liturgie chrétienne
21:31avec la pesée de l'âme et la croyance populaire.
21:34On ressent bien dans votre livre à quel point
21:38Issyba et au-delà coexistent.
21:41Comment aussi l'au-delà influence l'Issyba.
21:45Comment vous expliquez la connexion ?
21:49De tout temps, l'homme s'est posé la question
21:53de l'immortalité de l'âme.
21:55Enfin, déjà de l'âme.
21:59Et de l'immortalité de l'âme.
22:01Donc on s'est posé la question.
22:03Pythagore pose la question.
22:06Et tous les auteurs de l'Antiquité posent cette question.
22:10Jules César, dans La guerre des Gaules,
22:12indique que les Gaulois croient à l'immortalité de l'âme.
22:17Donc c'est toujours la question qui se pose.
22:23Pourquoi ? Pourquoi suis-je sur terre ?
22:26Pourquoi suis-je ici, là ?
22:28Et que va-t-il se passer après ?
22:31Y a-t-il quelque chose après la mort ?
22:34Donc l'abbé Prune en a beaucoup parlé aussi dans ses ouvrages
22:39sur l'existence d'un au-delà.
22:42C'est une question récurrente que l'homme se pose.
22:45Et les croyances populaires et les rites populaires
22:51ont permis peut-être de rassurer l'homme,
22:57le vivant, par rapport à l'avenir.
23:00C'est aussi un code moral.
23:03On croit que le bien qu'on a pu faire dans ce monde
23:08pèsera dans l'au-delà,
23:10permettra d'aller au paradis
23:13et que le mal nous condamnera à aller en enfer.
23:16Donc c'est une sorte de code social.
23:20Déconne pas, quoi.
23:22Et puis tout d'être...
23:24On a aussi dans les phénomènes,
23:27c'est l'âme qui va demander à ses enfants,
23:36à ceux qui restent, aux survivants,
23:39d'accomplir, de régler une dette
23:42pour la libérer et passer dans l'au-delà.
23:45Elle a une dette, c'est une dette karmique,
23:48dirait les hindous.
23:50Et donc il faut accomplir cette dette.
23:53Alors parfois faire un pèlerinage,
23:55il faut faire quelque chose.
23:57On a dans le commun au monde celtique
24:00et au monde latin,
24:02l'interdit de déplacer les bornes de l'arpenteur.
24:06Ne pas voler la terre de l'autre.
24:08– J'ai une dernière question pour vous, Bernard Riaud.
24:11Vous montrez bien qu'il s'agit pour l'homme d'apprendre
24:14comment atteindre l'état le plus élevé de la conscience
24:17que vous appelez l'intuition de l'existence pure.
24:21Qu'est-ce que c'est ça ?
24:23– C'est la croyance que nous avons à la fin un libre-arbitre,
24:31et ça, ça différencie les catholiques des protestants,
24:37mais que nous ne sommes pas aussi déterminés, voilà,
24:42que nous avons ce libre-arbitre
24:45et que la mort est le milieu d'une longue vie.
24:51Et donc, il y a un au-delà.
24:54Et cet au-delà, il peut être une permanence
25:01ou une résurrection ou une réincarnation.
25:05Alors là, on a différentes écoles d'interprétation de cet au-delà.
25:09Est-ce que l'âme se réincarne ?
25:13Est-ce que l'âme ne se réincarne pas ?
25:16En tout cas, la croyance, dans l'immortalité de la croyance,
25:25dans l'âme et dans l'immortel de l'âme,
25:27est prégnante depuis l'Antiquité en Bretagne,
25:31mais pas qu'en Bretagne, dans le monde européen.
25:33– Vous avez peur de la mort, Bernard Ria ?
25:35– Pourquoi ?
25:37– Les Bretons et la mort, rites, croyances et traditions,
25:43ouvrages pour ceux qui aiment les phénomènes mystiques.
25:47Merci à vous, Monsieur.
25:48– Merci, Pierre.

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