Le Nouveau Passé-Présent avec Michel Chandeigne - Le premier tour du monde

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Magellan est le plus connu des navigateurs, son voyage, la plus extraordinaire des aventures, mais des dizaines d’erreurs et d’approximations, invariablement reprises de livre en livre, circulaient malheureusement dans tous les ouvrages, même réputés sérieux, notamment la biographie de Zweig. Les sources directes sont pourtant relativement nombreuses, mais elles sont éparses dans une bibliographie complexe et n’avaient jamais été rassemblées dans leur ensemble. C’est le travail qu’a effectué notre invité Michel Chandeigne et qui a donné en 2007 un ouvrage intitulé "Le Voyage de Magellan (1519-1522) - La relation d'Antonio Pigafetta & autres témoignages" paru aux éditions Chandeigne.

La Revue d'Histoire européenne : https://bit.ly/3MJpT57
Transcription
00:00Générique
00:21Chers amis téléspectateurs, bienvenue dans Passer Présent, l'émission historique de TVL présentée en partenariat avec la revue d'Histoire Européenne.
00:29Magellan est le plus connu des navigateurs, son voyage la plus extraordinaire des aventures,
00:35mais des dizaines d'erreurs et d'approximations, invariablement reprises de livre en livre,
00:40circulaient malheureusement dans tous les ouvrages, même réputés sérieux, notamment la biographie de Zweig.
00:46Les sources directes sont pourtant relativement nombreuses, mais elles sont éparses dans une bibliographie complexe et n'avaient jamais été rassemblées dans leur ensemble.
00:55C'est le travail qu'a effectué notre invité et qui a donné en 2007 un ouvrage intitulé
01:00Le voyage de Magellan, 1519-1522, la relation d'Antonio Pigafetta et autres témoignages parus aux éditions Chandaigne.
01:09J'ai donc le plaisir de recevoir Michel Chandaigne, qui est l'éditeur en question, mais aussi l'un des auteurs sous le pseudonyme de Xavier de Castro.
01:17Michel Chandaigne, bonjour. Je vous ai reçu il y a quelques semaines pour évoquer avec vous certaines idées reçues sur les grandes découvertes,
01:24ceci sur la base du livre que vous avez publié dans votre propre maison d'édition.
01:29Je rappelle à nos téléspectateurs que vous êtes un spécialiste de l'histoire des pays lusophones, les pays de langue portugaise, et des grandes expéditions,
01:37mais vous êtes également libraire, la librairie portugaise à Paris d'un cinquième arrondissement, et éditeur, je viens de l'indiquer, maison d'édition,
01:45donc édition Chandaigne, qui a reçu cette année le prix Roger Caillois.
01:49Je vous reçois aujourd'hui pour raconter un voyage, certainement l'un des plus connus, celui de Magellan.
01:55Sur ce sujet, vous avez publié, donc je le disais, en 2007, un ouvrage qui fait référence, et réédité en 2022 pour une troisième édition révisée.
02:04Donc révisée, c'est-à-dire qu'il y a encore des nouveautés depuis 2007.
02:07Dans notre maison d'édition, à chaque fois que l'on réédite, on supprime, il y a parfois quelques erreurs, voire coquilles,
02:16et de temps en temps, on a des informations, pas nouvelles, mais à reformuler différemment,
02:22donc à chaque édition, on essaye de relire et de raffiner encore plus l'ouvrage.
02:31On a continué de dire le tour du monde de Magellan, et nous allons le voir, finalement, ce dernier ne l'a jamais bouclé.
02:39Oui, il ne l'a jamais bouclé, les gens le savent à peu près, mais ce qui est un peu troublé, c'est qu'il ne l'a jamais envisagé.
02:48Et même, il avait l'ordre de ne pas le faire, d'une certaine manière.
02:51Effectivement, nous allons y venir. Tout d'abord, un petit rappel, qui est Magellan ?
02:57Magellan est portugais, de la petite noblesse, on sait, et c'est assez récent, qu'il est né à Porto du Nord,
03:04on ne sait quasiment rien de sa jeunesse, sauf qu'il part à l'âge de 25 ans, en gros, on ne sait pas la date de sa naissance,
03:12aux Indes, en 1505, et qu'il va y rester 8 ans, avec un compagnon de voyage qui va être très important,
03:22qui s'appelle Francisco Serran, il va passer 8 ans dans une relation très amicale avec Serran,
03:28qui va jouer un rôle vraiment déterminant dans sa vocation.
03:31Il va se battre aux Indes, il va faire du commerce...
03:34Il est quoi ? Il est navigateur ? Il est marin ?
03:36Non, il est, disons, officier, il est officier, sous-officier, il n'a pas un poste très important,
03:43mais il commande des hommes, et il navigue sur des navires...
03:49C'est-à-dire qu'il a une expérience de la navigation, ce qui fait qu'il apprend beaucoup de choses en voyageant,
03:54puisqu'on va le retrouver à Sofala, actuel Mozambique, à Goa, à Diu, en Inde,
04:01et qu'il va faire partie de l'expédition qui va conquérir Malacca en 1511.
04:07Malacca qui se trouve ?
04:08Alors c'est le détroit de Malacca, c'est le détroit de la Sonde, c'est la plaque tournante du commerce entre la Chine et l'Inde,
04:16Malacca, donc c'est la Malaisie aujourd'hui, au-dessus de l'île de Sumatra.
04:21Et c'est là où les Portugais envoient une flotte aux îles aux Épices, très très à l'est,
04:26les îles de Banda où pousse la Buscade, et les îles Molucs où pousse le Girofle.
04:33Et là il va rester à Malacca, on ne sait pas s'il fait partie de ce voyage,
04:37mais son ami Francisco Serran, lui, va à Banda, fait naufrage au retour,
04:43et Serran prend un navire, va se retrouver sur l'île de Seram, un peu plus au nord,
04:49et là il va prendre un bateau qui va l'amener aux îles Molucs, celles où poussent les Épices,
04:54les Molucs par exemple, et nulle part ailleurs, nulle part ailleurs au monde.
04:58Et Serran, dès Moluc, va écrire des lettres à Magellan, dont on a des échos chez certains chroniqueurs,
05:05et ce sont les lettres de Serran qui vont donner envie à Magellan de rejoindre son ami,
05:13mais pas par l'est, parce qu'il estime les Molucs beaucoup trop à l'est,
05:17et donc ils ne sont pas dans le domaine portugais, il faudra en dire un mot.
05:23Et que le voyage de Magellan, c'est une chose que personne n'a vraiment développé,
05:31c'est que c'est avant tout une histoire d'amitié.
05:34Il s'agissait pour lui de retrouver son ami, d'une manière ou d'une autre,
05:38et je pense que c'était ça sa principale motivation au départ.
05:41– Il combat aussi, il participe à la conquête des côtes africaines par les portugais ?
05:48– Oui, il revient en Portugal en 1513, et il se bat au Maroc, à Azémour,
05:53dont Manuel est engagé dans une guerre quasiment sainte contre l'islam barocain.
05:57– Donc Manuel, le roi du Portugal.
06:00– Donc le roi du Portugal, en effet, et à Azémour, disons, il perd son cheval,
06:07il demande réparation, il ne l'obtient pas,
06:10et puis il est mêlé à un trafic de bétail, quelque chose d'un peu obscur,
06:16qui fait que Magellan va avoir sa carrière militaire, disons un peu bloquée,
06:21un peu bridée au Portugal, qu'il était compromis ou non,
06:25il a mauvaise réputation, et le roi va refuser d'augmenter sa solde,
06:30ce qui va faire que Magellan ira chercher, changera de patrie,
06:37ira chercher en Espagne de quoi poursuivre sa carrière,
06:41avec un projet grandiose, voyant qu'au Portugal, sa carrière est bloquée.
06:46– D'ailleurs, avant de parler de l'Espagne,
06:48un petit mot justement sur le traité de Tordesillas,
06:51qui partage le monde en deux.
06:53– En deux, avec des conséquences encore aujourd'hui,
06:56mais en 1488, le Portugal double le Cap de Menespérance,
07:00avec Bartholomew d'H.
07:01En 1492, le Colomb arrive dans les Caraïbes,
07:05et du côté portugais comme du côté espagnol, on pense être arrivé en Asie,
07:11du côté portugais, l'Inde est à portée de main,
07:14donc le pape leur demande, aux espagnols et aux portugais,
07:18de ne pas se faire la guerre en Asie,
07:21et donc de se partager le monde en deux.
07:23Chacun, ça se fait l'air d'influence.
07:25– Donc il y a un méridien.
07:26– Donc le pape propose un méridien,
07:28les portugais écartent la médiation du pape, ça se rend oublié,
07:31négocient directement avec les espagnols,
07:33et en 1494, il y a un méridien qui passe au milieu de l'Atlantique,
07:37sur 180 degrés à l'est, on est dans le domaine portugais exclusif,
07:41dans 180 degrés à l'ouest, dans le domaine exclusif espagnol.
07:45Ce faisant, en 1494, ils ne se partageaient pas l'Amérique,
07:49qui n'était pas connue, on venait juste de la teinte,
07:52on mettra 15 ans à reconnaître que c'est un nouveau continent.
07:56Non, ce qui se partage, c'est l'Asie.
07:59Les espagnols sont sûrs d'avoir, avec ce traité,
08:02le Japon et la Chine en gros, arrivés jusqu'en Inde,
08:05et les portugais pensent avoir l'Afrique,
08:07et arriver au moins sur la côte occidentale indienne.
08:10Donc en 1494, le partage du monde, c'est le partage de l'Asie.
08:14Bon, 1507, l'Amérique,
08:171513, on découvre la mer du Sud, le Pacifique,
08:20et en 1512, les portugais vont jusqu'aux Molucs,
08:25et s'aperçoivent que la Chine n'est pas du tout aussi étendue vers l'est,
08:28et donc dans les cartographies portugaises de l'époque,
08:31on voit le Pacifique apparaître dans ses véritables dimensions,
08:34avant même le voyage de voyage-côte Gaba.
08:36Alors, voilà les données.
08:38Magellan pense que les Molucs, sur la foie des lettres de Serran,
08:42sont très très à l'est, donc dans la partie du monde espagnol.
08:45Donc, s'il veut rejoindre son ami, il ne peut proposer qu'au roi d'Espagne.
08:50Et là, une des erreurs, une des idées reçues,
08:52c'est qu'il va proposer le voyage vers l'ouest pour découvrir un passage au sud
08:57au roi du Portugal, qui refuse.
08:59Ça c'est une idée complètement fausse.
09:01Les gens confondent avec Colomb,
09:03qui a fait en effet cette proposition au roi du Portugal.
09:06Et donc, pour lui, le seul moyen de rejoindre les Molucs,
09:10c'est de proposer à la firme concurrente, au roi d'Espagne,
09:13ce voyage, et il est bien reçu en Espagne,
09:15parce que c'est le premier projet qui semble pouvoir apporter quelque chose à la couronne.
09:19– Donc, ils vont chercher des girofles.
09:21– Des girofles.
09:22– Pour moi, le clou de girofle, je m'en sers pour piquer un oignon
09:25quand je fais cuire des lentilles.
09:27– Et autrefois, on s'en servait comme anesthésique.
09:30– Un petit mot sur l'importance des épices dans l'ordre.
09:33On a le poivre, on a la girofle.
09:35– Oui, les épices, autre idée reçue, ne valaient pas leur pesant d'or.
09:41On a calculé un peu les valeurs des épices à l'époque,
09:46ça valait peut-être dix fois le prix actuel, mais au détail, pas plus,
09:50c'est pas du tout le poids d'or.
09:52Mais c'était des produits très recherchés,
09:54qui en volume ne prenaient pas beaucoup de place, très transportables,
09:58et donc sur lesquels on pouvait faire des plus-values colossales,
10:02surtout qu'on les obtenait souvent par troc.
10:04Donc, les épices, c'était un domaine où le lucre pouvait être considérable.
10:10Et en effet, un bateau qui revenait chargé de poivre des Indes,
10:14à partir de 1498, le poivre, qui était le trésor royal,
10:19en rapportait quelques tonnes,
10:21et ça correspondait à un quart ou un cinquième du budget royal.
10:26Et puis, ça ne se dégradait pas.
10:29Vous emmenez des toiles, des tissus, des porcelaines,
10:32les porcelaines se cassent, les toiles se dégradent avec l'humidité, etc.
10:35Donc, c'était quelque chose qu'on pouvait bien protéger
10:38et qui se gardait longtemps si c'était bien conditionné.
10:41Donc, il y avait un véritable enjeu financier, en effet,
10:46sur le commerce des épices.
10:48Pas beaucoup de volume, beaucoup de lucre.
10:50– Donc, comme il se met au service du roi d'Espagne,
10:52il décide d'aller au Moluc en passant par l'Ouest.
10:55– Oui, et donc de découvrir un Détroit que l'on supposait.
10:58– Oui, alors justement, quelles sont les informations ?
11:00Parce qu'on sait plus ou moins quel pacifique derrière.
11:03– Oui, on connaît l'existence d'une mer de l'autre côté du continent.
11:08Donc, Magellan, comme d'autres, comme certains cartographes,
11:12imaginent qu'il y a un passage au sud de l'Amérique
11:14comme il y a un passage au sud de l'Afrique.
11:16C'est une hypothèse, d'autant plus que la côte brésilienne
11:20s'incurve vers le sud-ouest.
11:23Donc, logiquement, on imagine qu'il y a un passage.
11:28Magellan fait ce pari, sans le savoir, mais il fait le pari,
11:32propose au roi d'Espagne, donc, avec une carte
11:35qui établit très bien les dimensions du monde et du pacifique,
11:39de trouver ce passage, de foncer sur les Molucs,
11:42d'en prendre possession au nom du roi d'Espagne,
11:45étant considéré que les Molucs sont dans le domaine espagnol,
11:47et de revenir par la même voie.
11:49Il a l'interdiction de passer dans la partie portugaise du monde.
11:53Donc, ça, c'est le projet qui est très simple,
11:55qu'il a réussi en partie, puisqu'il a trouvé ce passage,
11:58lui, il n'est pas allé aux Molucs, mais enfin, il a traversé le Pacifique
12:03et les bateaux, les survivants, vont arriver aux Molucs,
12:06vont charger les bateaux de Molucs, et un seul reviendra.
12:08– Alors, justement, les bateaux, ils partent en septembre 1519,
12:11ils sont à combien de navires ?
12:13– Il y a 5 navires, avec des petits tonnages,
12:16le plus gros fait 120 tonneaux, mais pour avoir des tonneaux modernes,
12:19il faut diviser par 2, donc c'est 60 tonneaux, le plus gros bateau.
12:22– D'accord, ce type de navire, on les appelle comment ?
12:24– Alors, ce sont des nefs portugais, c'est ce qu'on va appeler les caraques,
12:28ce ne sont pas des caravels, donc on parle des caravels
12:30de Vasco de Gama, de Magellan, les gens se trompent,
12:32la caravel, c'est un petit bateau qui a beaucoup servi en Afrique,
12:35jusqu'au voyage de Bartholomé au Dihach, mais qui ne va plus être employé,
12:39ou très très peu, comme navire d'accompagnement sur la route des Indons,
12:42c'est des nefs, c'est des bateaux beaucoup plus larges,
12:44beaucoup plus gros, à voile carrée, qui peuvent naviguer toujours par vent arrière.
12:48Donc, sur ces bateaux, on met une cinquantaine d'hommes,
12:51des canons, des vifs pour 2 ans, c'est remplir à bord,
12:54et ces cinq navires partent, chargés de 237 marins,
13:00on a établi la liste, et on les suit tous, du début jusqu'à la fin.
13:05– Est-ce qu'on a le rôle des équipages ?
13:07– On a le rôle des équipages, on a beaucoup travaillé,
13:10c'est Jocelyne Hamon qui a beaucoup travaillé sur les textes des archives de Séville,
13:14on a réussi à déterminer les 237 qui partent, leur nom, ce qui leur arrive,
13:18parfois des données biographiques, dans un petit annuaire à la fin,
13:23bibliographique, qui a beaucoup de succès d'ailleurs.
13:27Sur ces marins, il y a 31 portugais, 26 italiens, il y a 19 français,
13:38et aussi 9 grecs, il y a 10 nationalités qui partent à bord,
13:44il y a des anglais, des allemands, des irlandais,
13:47mais l'essentiel sont des nations espagnoles, dont les basques,
13:52ils sont 29, mais il y a 166 marins d'origine hispanique.
13:57– Et quel titre a Magellan ?
14:00– Magellan est le capitaine général de la flotte,
14:02mais on lui colle au dernier moment un numéro 2, Juan de Cartagena,
14:10qui est un personnage assez sombre de cette histoire,
14:14qui est très probablement le fils naturel de l'évêque de Burgos,
14:18Rodrigues da Fonseca, le grand patron d'entreprises des Indes,
14:22et qui est vraiment nommé pour tuer ou se débarrasser de Magellan
14:27à la première occasion et prendre le commandement de la flotte.
14:30Les espagnols ne supportent pas que ce soit un portugais qui le commande.
14:33– Donc il part de Séville, c'est ça ?
14:36– Il part de Séville, les Canaries, pour déjà réparer les navires,
14:41prendre des lignes, il y a 4 marins qui montent à bord,
14:43un qui descend, donc ils repartent à 240 des Canaries,
14:47et ils foncent sur le Brésil.
14:49– Donc ils foncent sur le Brésil.
14:51– Ils descendent le long de la côte africaine.
14:53– Ils suivent la côte brésilienne, et là il va y avoir une première mutinerie,
14:56alors est-ce qu'on sait les causes de la mutinerie et comment ça se règle ?
15:00– Le premier problème a lieu tout de suite, dès le mois d'octobre,
15:07lors de la traversée de l'Atlantique, Juan de Cartagena refuse de saluer,
15:11avec les honneurs, Magellan un soir,
15:13et donc Magellan, qui avant des complots des Espagnols,
15:17va trouver le premier prétexte pour le mettre au fer.
15:20Juan de Cartagena va être au fer pendant 6 mois.
15:23Alors ils vont arriver au Brésil, là ça se passe bien,
15:27le pilote portugais retrouve sa compagne indienne et son jeune fils Métis,
15:31qu'il avait eu 7 ans auparavant, et ce fils va monter sur le bateau.
15:34Et puis ça se passe bien, sauf que le maître italien est exécuté
15:39pour péché contre nature, donc c'est quand même un peu tragique.
15:44Mais bon, dans l'ambiance des Indiennes, des Indiens, tout est doux, tout est bien.
15:49Ils vont descendre tous ensemble, Cartagena est toujours au fer,
15:53explorer pendant 3 semaines le Rio de la Plata,
15:56qui était connu mais qui n'avait pas été exploré complètement,
15:59et certaines cartes, notamment allemandes, montraient un passage vers le Pacifique
16:02au niveau du Rio de la Plata.
16:04Ça, ça avait certainement influencé Magellan,
16:06parce qu'il va passer 3 semaines à l'explorer
16:08si vraiment il n'y a pas un passage.
16:09Il n'y en a pas.
16:10Ils descendent le long de la côte argentine en explorant toutes les baies,
16:14et ils arrivent au port de San Julian, fin mars 1521, 1520,
16:23et là ils vont hiverner, parce que c'est l'hiver austral,
16:27et c'est là où a lieu tout de suite, va éclater une mutinerie,
16:30menée par les Espagnols, et une mutinerie qui va...
16:33Sous quel prétexte ?
16:35De destituer Magellan, et de revenir...
16:38Il n'y a pas de maladie, il n'y a pas de mauvais traitement en particulier ?
16:40Non, non, tout le monde va bien.
16:43Il s'agit de se débarrasser de Magellan,
16:45et sans doute de revenir à Séville, on ne sait pas très bien,
16:50mais en tout cas de prendre le commandement de la flotte,
16:52et de se débarrasser de Magellan.
16:53Et cette mutinerie manque de réussir.
16:55Il suffit de très peu de choses pour que les mutins gagnent.
16:59Mais Magellan, dans les circonstances qui sont expliquées,
17:02il retourne à la situation, grâce à son prévôt,
17:04le capitaine des gendarmes, Gomes de Espinoza,
17:07qui est le grand, grand personnage de cette histoire,
17:09complètement oublié.
17:11Et donc, en une journée, 24 heures,
17:14il reprend le contrôle de la situation.
17:16Un des chefs des mutins a été assassiné pendant la révolte.
17:23Magellan fait un procès, il y a 40 condamnations,
17:26dont Elcano, qui est un des mutins,
17:31qui a pris le commandement d'un des bateaux,
17:33et il va en faire exécuter qu'un,
17:36qui va être exécuté d'ailleurs par son valet,
17:39en échange de la grâce du dit valet.
17:43Et là, Magellan amnistie les 40 autres,
17:47dont Elcano, le futur héros.
17:50Mais Cartagena, non, il ne peut pas continuer avec Cartagena.
17:54Donc quand ils vont partir de ce port,
17:564 mois plus tard, il va abandonner Cartagena
17:59et son confesseur sur leur rivage,
18:02d'une manière décrite par Pigafetta,
18:04pour en dire un mot,
18:06d'une manière assez somptueuse,
18:07où on l'abandonne avec du vin et du pain,
18:10un peu de pain, un peu de vin,
18:11pour qu'il puisse lire une dernière messe,
18:13et deux épées, et il l'abandonne à la mort.
18:17– Et là, on est censé laisser la mort assurée ?
18:18– Oui, oui, sans doute.
18:20À moins qu'il rejoigne les indiens,
18:22qu'ils avaient rencontrés peu avant,
18:23les patagons, ces géants,
18:25et que Cartagena rentre dans la famille patagone.
18:28Enfin bon, ça c'est du roman.
18:31Alors, on a parlé de Pigafetta,
18:33parce que le voyage de Magellan est connu,
18:35parce qu'il y a un italien qui est monté à bord,
18:38Pigafetta Antonio,
18:40qui est une belle famille patricienne,
18:43qui n'est pas un marin,
18:44mais qui monte avec un goût de l'aventure,
18:46et l'espère en tirer quelques gloires,
18:48s'il écrit le récit.
18:50C'est une démarche très très moderne pour l'époque,
18:52qui n'existe pas dans les autres navires de cette époque.
18:55– Comme un vrai reporter.
18:57– Oui, comme un vrai, quasiment reporter.
18:59Et c'est grâce à Pigafetta,
19:01qui est un des survivants,
19:03qui va faire le tour du monde,
19:04que l'on connaît le récit du voyage,
19:06le plus complet,
19:08et c'est ce récit qui sera d'ailleurs
19:10redécouvert au fond qu'au 19ème siècle,
19:13que la notoriété, la beauté du voyage de Magellan
19:17va pouvoir se diffuser au 20ème siècle.
19:20Et si on n'avait pas eu le récit de Pigafetta,
19:23on n'aurait pas cette vision du voyage de Magellan,
19:28et de toutes les anecdotes,
19:30et les faits qu'il rapporte.
19:32– Donc après avoir abandonné Cartagena,
19:35ils arrivent finalement au bout du continent sud-américain,
19:39enfin au bout du continent américain.
19:41Et là, ça doit être fabuleux,
19:43on voit un chenal qui s'ouvre sur la droite.
19:45– Oui, ce qui est amusant,
19:47c'est que là où ils sont hivernés pendant 4 mois,
19:49puis 2 mois de plus,
19:50parce qu'il y a un des bateaux qui fait naufrage,
19:52ils sont obligés de…
19:54Pendant 6 mois, ils sont à 3 ou 5 jours du détroit,
19:58mais ils ne le savaient pas,
19:59ils auraient pu le passer 6 mois avant.
20:03Mais bon, ils descendent un petit peu,
20:05ils trouvent l'entrée,
20:06et là les bateaux, les 4 bateaux vont rentrer,
20:09puis de proche en proche,
20:10vont rentrer dans le détroit de Magellan,
20:12d'abord vers l'ouest, ensuite vers le sud.
20:14Au milieu du détroit, ils sentent,
20:17oui ça sent bon,
20:18ils sentent que c'est de l'eau de mer,
20:21c'est de l'eau de mer, le passage est là.
20:23– Et là, on est à quelle époque ?
20:24Parce que nous, quand on pense au détroit de Magellan,
20:26on imagine tout de suite un temps absolument épouvantable.
20:29– Oui, alors on est en printemps,
20:31même au début de l'été,
20:32on est en 1520, oui,
20:36en octobre 1520.
20:38– Donc l'été austral.
20:39– Et Magellan a des bonnes conditions.
20:41D'ailleurs, il va mettre 38 jours à traverser,
20:46si on retire les 14 où il a dû faire une escale forcée au milieu,
20:50ça fait 24 jours pour traverser le détroit,
20:52c'est le détroit des traversées les plus rapides de l'histoire,
20:55alors qu'il s'est attendu, c'est très curieux.
20:57Il ne sera battu que par Francis Drake plus tard.
20:59– Et là, donc, ça veut dire qu'il y a,
21:01quand on regarde la carte,
21:02il y a des bras de mer à droite et à gauche.
21:03– Voilà, donc il les explore à droite et à gauche,
21:05puis ils avancent, ils avancent.
21:06Et là, il y a le fait très important
21:08qui avait été un peu sous-estimé par les historiens,
21:12c'est la désertion d'un des bateaux,
21:14le plus gros bateau au désert.
21:16Le pilote portugais prend le pouvoir,
21:18il sent qu'on a découvert le détroit,
21:20mais son idée, c'est que l'expédition de Magellan,
21:23en plus il a déporté Cartagena et voué à l'échec,
21:28il va revenir à Séville, dénoncer Magellan,
21:31on va lui donner une flotte et lui va vraiment,
21:33avec une flotte puissante, traverser le détroit
21:35et aller au Moluc et à lui la gloire.
21:37Bon, ses plans ne marcheront pas,
21:39mais un bateau désert va revenir à Séville.
21:42– Ce bateau-là, c'est le Saint-Antonio.
21:44– Le Saint-Antonio, il y a 57 personnes qui désertent,
21:482 vont mourir en route, 55 arrivent à Séville,
21:50donc tout de suite on peut dire,
21:52il y a 55 survivants à ce moment-là du voyage de Magellan,
21:54on les oublie souvent.
21:56Et cette désertion aurait dû provoquer
21:59le désastre absolu du voyage,
22:03parce que c'était le plus, d'abord,
22:05beaucoup d'hommes à bord, des canons, des vivres,
22:08c'est le bateau qui avait le plus de vivres.
22:10– C'est-à-dire qu'on se repassait les vivres d'un bateau à l'autre.
22:12– Celui qui avait la plus grosse capacité.
22:14Donc, sur le papier, la désertion devait impliquer mécaniquement
22:19l'échec et le désastre du voyage.
22:21Mais paradoxalement, c'est ce qui va sauver l'expédition.
22:24Pourquoi ? Parce que Magellan voit qu'un bateau ne réapparaît pas,
22:28on est au milieu du chenal,
22:32les 3 bateaux attendent,
22:34ils trouvent une petite anse, Port-Galant,
22:37où ils vont attendre le bateau,
22:39on envoie la Victoria en arrière,
22:41voir si le bateau ne s'est pas échoué,
22:43il n'a pas des problèmes.
22:44Le Victoria, pendant une semaine, refait le chemin à l'envers,
22:47ils ne le trouvent pas,
22:48et ils ont conclu que très certainement,
22:50le San Antonio, il y avait déjà des bruits, a déserté.
22:53Et donc, au bout de 14 jours, Magellan doit constater
22:56qu'un bateau a déserté, il demande l'avis à ses hommes,
22:59est-ce qu'on continue ?
23:01De toute façon, même s'il avait eu un avis contraire,
23:03il aurait continué.
23:05Et ils prennent la mer,
23:07ils sont 166 sur 3 bateaux,
23:10et ils vont traverser le Pacifique.
23:12Alors, dans les récits de Pigafetta,
23:15on dit qu'il y a eu 18 morts pendant la traversée,
23:1819 morts pendant la traversée.
23:20Tous les gens disent, c'était une hécatombe, le scorbut,
23:23alors ça, on le prouve, d'après la liste des morts,
23:26qui est une liste, il n'y a eu que 9 morts.
23:29Et ils sont tous sur la Victoria,
23:31et c'est pas le scorbut, sans doute,
23:33c'est beaucoup plus la famine que le scorbut.
23:34Donc c'est la traversée la moins mortifère de tout le Pacifique.
23:37Et ça, c'est expliqué par l'escale de Port-Galant.
23:41Le bateau déserte, ils sont contraints de s'arrêter,
23:44et Port-Galant, comme dans toutes les petites Zanses du Détroit,
23:48pour les gens qui y sont allés,
23:50il y a une herbe qui pousse en abondance,
23:52qui est du céleri sauvage.
23:54Et le céleri, les hommes en trouvent,
23:56ils ne mangent que des pingouins,
23:58des manchots à moitié pourris depuis 6 mois,
24:01c'est quasiment leur seule nourriture.
24:04De la verdure, du céleri...
24:06Malgré le ravitaillement qu'ils avaient pu faire le long de la côte argentine.
24:09Le ravitaillement, il n'y a pas de plantes,
24:11il n'y a pas d'abrutis, il n'y a rien.
24:13C'est des phoques et des manchots qu'ils tuent.
24:16Et puis un peu de poisson de temps en temps.
24:18Un peu de poisson frais, pas beaucoup, qui donne un peu de vitamine.
24:21C'est-à-dire qu'ils mangent...
24:23Alors ils tombent pendant 14 jours sur un endroit où il y a de la fraîche...
24:26Parce que le scorbut, c'est véritablement l'ennemi numéro 1.
24:30Oui, parce que ça se déclare au bout de 64 jours de carence en vitamine C.
24:35Et donc ils n'ont pas beaucoup de sources de vitamine C.
24:38Mais là, à Port-Galant, il y a plein de céleri,
24:40puis ils en mangent naturellement parce qu'ils en ont besoin, c'est bon.
24:44Il y a un texte qui n'est pas connu qui dit qu'ils en font des conserves dans du vinaigre.
24:48Alors le vinaigre conserve la vitamine C.
24:50Donc là, ils font provision de vitamine C.
24:53Ce qui fait que quand ils vont partir,
24:56le scorbut va sévir un peu au bout d'un moment.
24:59Ils vont mettre 100 jours pour la traversée, mais pas autant qu'il aurait dû.
25:03Et cette désertion du centre d'Ogneau, en provoquant l'escale forcée,
25:07a provoqué à son tour, par enchaînement, par effet domino,
25:13la consommation de céleri, qui fait qu'il n'y aura que 9 morts
25:16pendant la traversée sur les 166 marins.
25:199 morts, et tout sur la Victoria, qui est le bateau qui a dû chercher l'eau.
25:22Donc les marins ont pu moins s'approvisionner en vitamine C.
25:25C'est l'explication.
25:27Et pour montrer comme cette traversée a été miraculeuse,
25:31et provoquée par la désertion,
25:33il suffit de voir la seconde.
25:35Avec Elcano, le héros de la première Tour du Monde,
25:38il arrive avec 7 bateaux devant le détroit de Magellan.
25:41Il n'y en a que 3 qui vont arriver à traverser
25:44parce que les conditions sont épouvantables.
25:46Il met 48 jours à traverser le détroit.
25:48Les 3 bateaux partent dans le Pacifique.
25:53Et il n'y a que le bateau d'Elcano qui va réussir à traverser
25:57au bout de 100 jours de navigation.
25:59Mais là, sur ce bateau où il y a 72 hommes,
26:02il y aura 40 morts.
26:04Donc Elcano, c'est une expédition qui a eu lieu combien de temps ?
26:064 ans après.
26:08Donc pourquoi il y a eu 40 morts sur 72 marins ?
26:11Parce que là, ils n'ont pas fait escale,
26:14et pas de provision de céleri.
26:16Ils ont été décimés par l'escorbut.
26:18Mais Elcano dont nous allons parler,
26:20lui n'avait pas l'expérience de cette première traversée.
26:22Oui, mais ils n'avaient pas fait le lien de cause à effet
26:25entre le céleri et la protection contre l'escorbut.
26:29Ça avait été un réflexe de marins de manger des choses fraîches.
26:32Mais Elcano, en 48 jours,
26:34elle a eu des conditions épouvantables.
26:36Des attaques d'indiens, des incendies à bord,
26:38des vents contraires, des courants contraires.
26:40Donc ils n'ont pas eu une seconde pour faire escale,
26:42se reposer.
26:4448 jours traversés, et ils ont été décimés.
26:46Et ça, c'est une des grandes nouveautés de notre travail.
26:49C'est de montrer toutes ces relations de cause à effet.
26:51Et que cette traversée,
26:53il n'y a eu que 9 morts.
26:55Ça s'est établi, et non pas 19.
26:5719, c'est le chiffre de Pigafetta.
26:59Mais lui, il compte jusqu'à l'arrivée aux Philippines,
27:01beaucoup plus tard, 40 jours plus tard,
27:03où il y a eu 19 morts, en effet.
27:05– Vous dites donc, effectivement,
27:07la désertion sauve l'expédition.
27:09Je voudrais m'attarder sur...
27:11Magellon, lui, va nommer les endroits,
27:13notamment la Terre de Feu.
27:15Pourquoi est-ce qu'il l'appelle la Terre de Feu ?
27:17– Oui, c'est pas lui.
27:19Lors de la traversée,
27:21il y a un des...
27:23parmi la vingtaine de témoignages directs,
27:25qui dit,
27:27nous vîmes des fumées
27:29de l'autre côté du détroit.
27:31Donc, au retour,
27:33les cartographes qui interrogent les marins,
27:35on leur signale, c'est fumée, c'est feu.
27:37On sait maintenant que c'est les indiens
27:39Kavechkar qui occupaient ces contrées,
27:41qui faisaient ces feux.
27:43Et donc, chez les premières cartes,
27:45de 1523, au retour,
27:47on apparaît Terre de los Humos,
27:49la Terre des fumées,
27:51qui devient vite Terre des Feux,
27:53et Terre du Feu,
27:55et non pas Terre de Feu.
27:57Et là, ça apparaît, dès les cartes,
27:59on voit les mots, Terre de Feu,
28:01Terre des Fumées, 1523, 1526, 1529.
28:03Et c'est ces fumées aperçues
28:05des indiens Kavechkar
28:07qui va donner le nom à la Terre de Feu.
28:09– Et d'ailleurs, pendant la traversée, il a des contacts
28:11avec les populations locales ou pas ?
28:13– Non, il voit que les fumées au loin,
28:15– Donc, 38 jours après,
28:17il est au milieu du détroit,
28:19il consulte,
28:21quelle est sa méthode, entre guillemets,
28:23de management ?
28:25– Oui, après la mutinerie de San Julian,
28:27il se sent obligé
28:29de consulter les officiers
28:31et les marins.
28:33Lui, il les consulte,
28:35mais il sait très bien qu'il ne peut pas revenir en Espagne.
28:37Il a fait tuer
28:39un capitaine espagnol,
28:41déporté Cartagena, surtout.
28:43Il est obligé, comme Cortès,
28:45il doit réussir ou mourir.
28:47Donc, il les consulte,
28:49mais d'ailleurs, c'est un des seuls textes
28:51transcrits de Magellan, qui a été fait
28:53par un chroniqueur, que l'on naît,
28:55où il montre
28:57qu'il faut continuer
28:59pour la gloire du roi, etc.
29:01Mais en effet, on sent qu'il n'a pas d'autre solution.
29:03C'est-à-dire que même si les marins avaient dit non,
29:05il les aurait contraints à continuer.
29:07Parce que pour lui, revenir, c'était mourir.
29:09– Donc là, un mois après son entrée
29:11dans le détroit, 38 jours après,
29:13il arrive enfin dans le Pacifique.
29:15Donc là, c'est la première fois
29:17que des hommes pénètrent dans le Pacifique
29:19par cette porte,
29:21la porte étroite de Magellan,
29:23comme vous dites dans un article que vous signez
29:25dans le Figaro Histoire.
29:27J'imagine
29:29quelle méthode de navigation
29:31pour se diriger vers les Molucs ?
29:33On y va au pif ?
29:35Parce qu'il y arrive par l'autre côté, finalement.
29:37– Oui, oui. Alors, la porte étroite,
29:39c'est pas mon titre, moi j'avais mis Magellan
29:41traverse les Andes, mais ça c'est l'éditorialiste
29:43qui a préféré la porte étroite.
29:45Oui, parce qu'il a traversé les Andes, finalement.
29:47Alors,
29:49il sait où sont les Molucs,
29:51c'est situé sur l'équateur,
29:53et il prend une route qui est assez bonne
29:55dès le début, mais il va arriver d'abord au Marianne.
29:57Là, ils vont s'approvisionner,
29:59d'ailleurs par la force,
30:01et combattent les indigènes
30:03pour leur prendre tout ce qu'ils trouvent.
30:05– Mais au Marianne, ce ne sont pas les premiers contacts
30:07avec les Européens ?
30:09– Non, les premiers contacts avec des indigènes,
30:11de l'autre côté, il va arriver au Fili…
30:13– Je veux dire, pour les indigènes, ce sont les premiers contacts
30:15avec les Européens ?
30:17– Au Marianne, oui, c'est la première fois qu'ils voient
30:19des Européens, et ça se passe très mal,
30:21puisque les habitants des Mariannes,
30:23leur volent une chaloupe, en représailles,
30:25les Européens débarquent à terre,
30:27brûlent tous les villages, s'emparent des biens,
30:29donc pour les Mariannes, Magellan
30:31n'est pas une figure positive de l'histoire,
30:33et il célèbre
30:35ça d'une manière
30:37tout à fait particulière.
30:39– C'est-à-dire ? – Hostile,
30:41c'est le premier geste d'hostilité
30:43des Européens à leur égard.
30:45Au Philippines,
30:47Magellan arrive au Philippines,
30:49qu'il découvre, l'île de Saint-Lazare,
30:51puis de proche en proche, va se retrouver
30:53dans un royaume
30:55de Cebu, une ville
30:57assez importante, assez riche.
30:59– Encore une fois, inconnu des Européens ?
31:01– Oui, les Européens n'étaient pas
31:03arrivés, aucun Européen n'était arrivé
31:05aux Philippines à cette époque.
31:07Et donc il crée
31:09une sorte de traité, d'amitié, d'alliance,
31:11mais ce qui est très typique,
31:13c'est que Magellan,
31:15il avait l'ordre d'aller directement au Moluc,
31:17c'est un homme discipliné,
31:19et il n'y va pas.
31:21Il traîne, pendant 42 jours,
31:23il arrive, il n'est pas loin des Molucs,
31:25il va remonter vers le nord, il va traîner d'île en île,
31:27il va rester une semaine
31:29sur une île, donc on sent qu'il est
31:31complètement indécis,
31:33et c'est une attitude très étrange
31:35d'un homme qui, on sent qu'il ne sait pas
31:37trop quoi faire. Et on
31:39donne l'explication de ce comportement,
31:41enfin, on apporte des pierres
31:43à une hypothèse qui est développée
31:45depuis, c'est que
31:47si on lit le journal
31:49de bord du dénommé Albo,
31:51c'est un grec qui a rapporté un journal de voyage
31:53à Séville,
31:55sur la Victoria, mais ce journal de voyage
31:57avait disparu complètement des archives,
31:59à l'époque il n'est pas cité. On va le redécouvrir
32:01au 19ème, c'est un journal compliqué
32:03dont on a donné une version
32:05simplifiée. Eh bien, dans le journal d'Albo,
32:07on a des indications
32:09de longitude à partir
32:11de la ligne de démarcation
32:13de Tordesillages, et donc on voit que
32:15depuis la ligne de Tordesillages,
32:17constituée en gros au niveau du riveau de la Plata,
32:19c'est pas vrai, mais à l'époque,
32:21eh bien Magellan, quand il arrive,
32:23il calcule la longitude,
32:25bien sûr elle est estimée, elle n'est pas calculée,
32:27eh bien, dans le journal d'Albo,
32:29quand il arrive aux Mariannes,
32:31aux Philippines,
32:33on est à plus de 180 degrés, donc,
32:35dans le journal d'Albo,
32:37si Magellan en a connaissance,
32:39il sait que
32:41il a pénétré dans la partie portugaise du monde,
32:43ce qui lui interdit, il sait que
32:45les Molucs appartiennent aux Portugais,
32:47et donc, on peut penser
32:49qu'il ne sait pas très bien quoi faire,
32:51est-ce qu'il faut aller aux Molucs tout de suite ?
32:53Non, il dit je vais plutôt faire des alliances
32:55avec des rois dans des zones
32:57où les Européens ne sont pas arrivés,
32:59d'abord il pense à son propre
33:01sécurité, par le contrat,
33:03il a 20% sur tous les contrats qu'il va,
33:05pour aller vite, qu'il va signer
33:07avec les royaumes locaux, donc,
33:09il a besoin, vis-à-vis du roi du Portugal,
33:11de dire, bon, les Molucs, on en parlera plus tard,
33:13mais au moins j'ai créé des alliances
33:15ici et là, mais
33:17il traîne, et à ce bout,
33:19on a l'impression que son esprit
33:21bascule, parce qu'il sait qu'il a échoué,
33:23trouve des petits royaumes
33:25pas très riches, et il va commettre
33:27l'irréparable.
33:29– L'irréparable ?
33:31– Bah oui, il va
33:33faire, il va,
33:35il crée
33:37une alliance assez forte
33:39avec le roi de Cebu, il le convertit
33:41au catholicisme, enfin bon, au moins d'apparence,
33:43et le roi de Cebu
33:45se plaint d'un petit roi sur une île
33:47en face qui refuse cette allégeance,
33:49refuse de prêter
33:51allégeance, et donc Magellan
33:53lui dit, mais je vais le combattre,
33:55et un petit peu
33:57comme un matamor, va un peu,
33:59avec quelques hommes, soixantaines d'hommes,
34:01partir en chaloux pour aller
34:03défaire ce roi tlé
34:05irascible, et il va
34:07y mourir. – D'accord, donc lui,
34:09il est mort au combat ? – Il est mort au combat,
34:11alors que dans les ordres royaux, il est interdit
34:13de combattre les indigènes, donc il désobéit
34:15aux ordres royaux. Ensuite, quand on regarde tous les textes
34:17de l'époque, on voit qu'il…
34:19tout le monde
34:21lui dit, mais n'y allez pas,
34:23tout le monde veut l'accompagner,
34:25il dit, non, non, restez là, et il débarque
34:27avec une poignée d'hommes face à
34:29mille
34:31indigènes très
34:33armés, qui vont les
34:35défermer, ils ne vont même pas atteindre la plage,
34:37ou à peine, et
34:41Magellan va être tué avec
34:43sept de ses hommes,
34:45et cette mort est
34:47complètement absurde, puisqu'il était
34:49près du but, il désobéit aux ordres,
34:51il se bat
34:53contre cent,
34:55on a la vraie impression, vraiment,
34:57que cette bataille,
34:59ce combat, est un acte manqué,
35:01d'un homme qui ne sait plus quoi faire,
35:03qui préfère mourir
35:05en soldat, que de
35:07revenir dans les geôles espagnoles,
35:09ou d'être tué par les portugais,
35:11il sait qu'il y a une flotte portugaise qui le cherche pour le détruire,
35:13il sait que s'il revient en
35:15Espagne, vu ce qui s'est passé
35:17à San Julián, la déportation de
35:19Cartagena, et que les Molucs ne sont pas dans la
35:21zone espagnole, il risque tout aussi
35:23d'être exécuté, donc pour lui,
35:25il a échoué,
35:27les Molucs sont dans la zone portugaise,
35:29encore une fois, c'est une hypothèse, mais le journal
35:31d'Albault semble l'indiquer,
35:33et donc,
35:35comme on disait à l'époque,
35:37une belle mort
35:39permet de
35:41glorifier toute une vie,
35:43et au fond, on a l'impression
35:45qu'il préfère
35:47mourir les armes
35:49à la main, en effet, que d'avouer son échec
35:51et de revenir piteusement en Europe,
35:53des deux côtés, il sait que ça tournera mal,
35:55il se souvient que Christophe Colomb est revenu
35:57enchaîner lors du troisième voyage,
35:59tout ça, c'est une hypothèse qui tient la route,
36:01c'est une hypothèse, encore une fois,
36:03l'autre hypothèse, c'est que c'est un homme qui n'est plus lucide
36:05au bout de deux ans de voyage, et qui
36:07commet, disons, une faute stratégique,
36:09ce qui est tout à fait
36:11possible,
36:13ou peut-être les deux, d'ailleurs.
36:15– Mais le voyage va poursuivre,
36:17sans lui, donc qui prend le commandement
36:19à ce moment-là ?
36:21– C'est deux officiers,
36:23un qui est portugais,
36:25Duarte Barbosa,
36:27un de ses cousins,
36:29et puis Juan Serrano,
36:31un espagnol, mais ils vont être massacrés
36:33quatre jours après, il y a un grand banquet
36:35à Cebu, et
36:37il y a vingt officiers qui vont être massacrés,
36:39dont les deux capitaines de la floc,
36:41les survivants rembarquent précipitamment
36:43sur les… plus de vingt,
36:45d'ailleurs, vingt-six, je crois,
36:47les survivants rembarquent,
36:49et là, c'est un nouveau capitaine général,
36:51Juan Lopez de Carvalho, qui va être nommé,
36:53et sur ce massacre,
36:55qui aussi a frappé
36:57les esprits,
36:59Pigafetta dit que c'est l'esclave de Magellan,
37:01son esclave malé, qui l'avait rapporté,
37:03qui était très fidèle,
37:05qui n'a pas supporté d'être maltraité
37:07après la mort de son maître,
37:09et qui va les trahir.
37:11D'autres hypothèses plus simples,
37:13c'est qu'il y a des marchands musulmans,
37:15qui savent très bien qui sont les portugais,
37:17qui remontent le roi de Cebu
37:19en disant, profitez de leur faiblesse
37:21pour vous emparer de ses richesses et de ses navires,
37:23car de toute façon, ils viendront vous envahir.
37:25C'est une théorie qui a lieu,
37:27qui est développée par les chroniqueurs
37:29de l'époque également, et puis il y a une théorie
37:31que j'en cite, c'est dans un petit texte pas connu
37:33de Martyr d'Anguera, qui interroge
37:35au retour des quelques survivants
37:37du tour du monde,
37:39un italien, un marin italien,
37:41un italien comme lui,
37:43qui se massacre.
37:45Et le marin italien, il dit très clairement,
37:47nous avons été massacrés à cause du viol des femmes
37:49que nous commétions.
37:51C'est sans doute une raison également
37:53savaleuse.
37:55Alors après, ils repartent, il y a un capitaine portugais,
37:57ils vont aller à Bormineu.
37:59On n'avait plus que trois navires.
38:01Donc il y a le Saint-Antonio qui est reparti,
38:03avant le passage du détroit,
38:05le plus petit.
38:07Donc il y a trois navires à traverser.
38:09Après le massacre de Cebu,
38:11il n'y a pas assez d'hommes,
38:13ils ne sont plus que 102.
38:15Donc il faut
38:17brûler un navire,
38:19et là il le brûle vraiment.
38:21Et deux navires,
38:23sous l'ordre du portugais
38:25Jean Lopez de Carvalho, vont remonter
38:27vers le nord, parce qu'ils vont aller
38:29vers l'île de Borneu, et surtout
38:31vers le sultanat de Brunei,
38:33qui est déjà très
38:35régissime à l'époque, pour faire
38:37des accords commerciaux.
38:39Mais ils vont dans la direction opposée au Moluc.
38:41Et là à Brunei,
38:43il y a un épisode tout à fait sensationnel
38:45qu'on n'a pas le temps d'en parler.
38:47Ils vont repartir, ils vont se livrer
38:49à des actes de piraterie,
38:51ils vont capturer
38:53des jeunes femmes nobles philippines,
38:55que Jean Lopez de Carvalho va violer
38:57et se réserver comme esclave.
38:59C'en est trop, il est destitué,
39:01c'est Gomes de Espinoza,
39:03le héros de la mutinerie, je peux dire,
39:05qui va être le dernier capitaine général
39:07de la flotte. Et Elcano,
39:09qui vivait dans l'ombre depuis la mutinerie,
39:11après la mort de Magellan, va reprendre un peu
39:13du grade, va devenir
39:15capitaine de la Victoria.
39:17Quand ils vont arriver au Moluc, les deux navires
39:19vont charger de Girofle,
39:21passer des accords.
39:23Et puis Gomes de Espinoza,
39:25obéit aux ordres, il revient
39:27par la même voie,
39:29par le Pacifique,
39:31non, il repart dans le Pacifique,
39:33il repart,
39:35après, il envoie la Victoria
39:37par la voie portugaise,
39:39par sécurité, parce qu'il voit que le Pacifique,
39:41c'est une mer vide,
39:43ils n'ont rencontré aucune île, donc très dangereuse,
39:45donc par sécurité, il envoie la Victoria
39:47et qu'Elcano par le sud, avec une route
39:49très au sud. Et puis là, ils sont dans la zone
39:51portugaise. Oui, donc le bateau
39:53va descendre très très loin au sud,
39:55passer pas loin
39:57de l'île d'Amsterdam.
39:59Mais Gomes de Espinoza
40:01part plus tard des Molucs, puisqu'il y a des avaries sur le bateau,
40:03qu'importe, il essaye de traverser le Pacifique,
40:05là, le Scorbun va décimer l'équipage,
40:07ils partent à 50,
40:09ils vont revenir à 20 au Moluc,
40:11vraiment, ce sont des morts vivants,
40:13mais là, ils vont être faits prisonniers par les
40:15Portugais qui viennent d'arriver au Moluc.
40:17Et parmi ces 20,
40:19il y en a qui vont s'échapper,
40:21il y en a qui vont mourir de maladies, beaucoup,
40:23mais il y en a 5, quand même, qui vont être ramenés
40:25à Lisbonne, sur des bateaux
40:27portugais, prisonniers, ils vont arriver en 1526,
40:29parmi eux, Gomes de Espinoza,
40:31qui va redoubler
40:33ses vies et continuer sa carrière à la Casa
40:35da India. C'est un personnage tout à fait
40:37étonnant.
40:39Elcano, lui, va poursuivre
40:41cette voie qui n'était pas du tout prévue,
40:43et qui était même contraire aux ordres,
40:45et ce bateau va arriver,
40:47va faire le tour
40:49du monde. C'est ça qui va frapper
40:51les esprits.
40:53Et ils vont faire
40:55escale à Timor,
40:57là, il y a des gens qui vont déserter,
40:59il y a pas mal de choses qui se passent,
41:01et de Timor, ils vont faire
41:03une route 150 jours
41:05sans faire escale, c'est-à-dire que c'est un record à l'époque,
41:07c'est 50 jours de plus que la traversée du Pacifique,
41:09pour arriver au Cap-Vert.
41:11Là, ils ont faim, ils n'en peuvent plus,
41:13ils sont obligés de faire escale au Cap-Vert.
41:15Et 150 jours, c'est vraiment une traversée
41:17sans escale, une navigation
41:19sans escale qui est une sorte de record à l'époque,
41:21ça va pas être battu avant
41:23deux ou trois siècles. – Le Cap-Vert, c'est portugais.
41:25– Oui, c'est portugais, c'est ça le problème.
41:27Et ces 150 jours sans escale,
41:29le scorbut aurait dû les ravager,
41:31dès le 60ème jour. Or, c'est pas le cas.
41:33Ils commencent à mourir dans la remontée
41:35de l'Atlantique vers le Cap-Vert.
41:37Et on a la cause, on a trouvé la cause,
41:39c'est qu'ils chargent leur navire de noix de coco,
41:41en Asie.
41:43Noix de coco, des vachecots de gamins,
41:45ils ont trouvé que c'était très bien,
41:47ils ont commencé à boire. Et ce qu'ils savaient pas,
41:49c'est que la noix de coco, il y a de la vitamine C.
41:51Et c'est ce chargement de noix de coco
41:53pour les marins qui va les protéger de la vitamine C
41:55et leur permettre d'arriver sans trop
41:57de morts, il y en aura quand même
41:59une dizaine au Cap-Vert.
42:01Et là, les portugais
42:03s'aperçoivent qu'ils viennent des Indes, c'est interdit.
42:05La chaloupe qui a débarqué
42:07de douze Européens,
42:09ne reviendra pas, prisonnier des portugais.
42:11Et le canot repart
42:13à la hâte, avec
42:15dix-neuf hommes,
42:17un va mourir en route,
42:19et ils vont être dix-huit
42:21arrivés à Séville, quasiment
42:23trois ans après. C'est pour ça que dans
42:25l'esprit des gens, en gros, il y a eu 250
42:27marins, il n'y a que dix-huit survivants.
42:29Alors que non. Ah non, parce qu'il y a les douze,
42:31il y a les cinquante-cinq de la désertion,
42:33il y a les cinq qui vont revenir plus tard,
42:35et il y a les douze du Cap-Vert
42:37qui eux vont revenir
42:39prisonniers à Lisbonne trois semaines plus tard,
42:41en gros, l'un un peu plus.
42:43Et
42:45qui vont se retrouver à Séville.
42:47Donc c'est dix-huit
42:49plus douze. Il y a trente marins qui
42:51ont fait le tour du monde, sur la Victoria,
42:53les derniers un petit peu
42:55décalés, et dans ces trente marins, il y a un français.
42:57Un français, un charpentier
42:59d'Evreux, qui s'appelle
43:01d'ailleurs Bruno
43:03d'Hallouin, qui a étudié
43:05tous les français
43:07qui sont partis sur le...
43:09C'est un livre, les compagnons français de...
43:11Un compagnon de Bruno d'Hallouin qui a fait une étude
43:13sur tous les français embarqués, finalement on arrive
43:15avec pas grand chose
43:17à trouver beaucoup d'éléments, et
43:19il s'appelle Richard de Faudis,
43:21charpentier
43:23d'Evreux, son frère a été menuisier
43:25à Evreux, ça c'est les archives qui le disent,
43:27et c'est le français qui a fait le tour du monde.
43:29On va dire qu'il y en a un deuxième, c'est un
43:31homme de Villonne,
43:33Étienne Villonne, ou
43:35Billan, on sait pas trop,
43:37du Croisic, et qui
43:39va être le dernier à mourir juste avant
43:41d'arriver à Séville, mais il a croisé la route
43:43Allée au Cap Vert, donc
43:45lui aussi a fait le tour du monde, ce petit
43:47marin, ce mousse du Croisic
43:49qui est devenu marin en route,
43:51et c'est le deuxième français qui a fait le tour du monde
43:53mais il n'est pas
43:55arrivé jusqu'au bout.
43:57Alors,
43:59nous allons conclure, nous arrivons
44:01au terme de l'émission, très rapidement
44:03la postérité de ce
44:05voyage, est-ce que tout de suite il y a un retentissement,
44:07ils ont fait le tour du monde, et puis
44:09la découverte du Détroit, combien de temps
44:11va-t-il servir jusqu'à ce qu'on trouve le Cap Horn ?
44:13Ben ça c'est un des paradoxes
44:15de l'histoire, c'est ce voyage absolument
44:17sensationnel, il a duré 3 ans,
44:19la découverte du Pacifique,
44:21du Détroit de Magellan, mais ça va ne servir à rien.
44:23Il y aura un deuxième voyage par le
44:25Détroit avec Elcano, qui va être,
44:27j'en ai parlé, un échec, un désastre absolu,
44:29et puis
44:31ce Détroit va être abandonné,
44:33finalement les Espagnols,
44:3550 ans plus tard,
44:3740 ans plus tard,
44:39créeront la ligne Acapulco-Manille, au Mexique,
44:41et donc
44:43abandonneront le Détroit de Magellan.
44:45Ils vont s'y intéresser de nouveau, parce que
44:47Francis Drake, lui, va l'employer
44:49pour aller piller toutes les
44:51villes de la côte chilienne, donc dans ce cas-là,
44:53les Espagnols, à partir de ce moment-là, voudront
44:55un, coloniser le Détroit, ce sera un désastre,
44:57mais au fond, ce Détroit,
44:59il n'y a que, pendant un siècle, il n'y aura que 100 navires
45:01qui vont le traverser,
45:03donc très très peu, et des petits navires,
45:05beaucoup de fibustiers, et donc il va être
45:07abandonné, et puis après,
45:09on va découvrir les Hollandais, le Cap Horn,
45:11et là aussi,
45:13cette route est beaucoup trop longue,
45:15dangereuse, et la route du Cap Horn va être
45:17très peu utilisée, et le Détroit,
45:19quasi abandonné, très très peu de bateaux,
45:21ils ne vont jamais réussir à
45:23coloniser cette zone, donc c'est une découverte
45:25un peu inutile,
45:27du point de vue des découvertes géographiques, de l'image du monde,
45:29c'est colossal, mais,
45:31ce qui est de la rentabilité de Zouage,
45:33c'est un désastre financier, la perte de la flotte,
45:35la perte de la seconde flotte, finalement,
45:37les Molucs vont être
45:39reconnus comme étant portugaises
45:41par les Espagnols en 1529,
45:43donc, ils ont
45:45tout perdu, presque, sauf
45:47le fait que Magellan ait découvert
45:49les Philippines, et donc 40 ans plus tard,
45:51cela permettra aux Espagnols
45:53de revendiquer cette position,
45:55même si elles sont dans la partie portugaise du monde.
45:57Donc ça a eu un effet,
45:59mais cet échec, finalement,
46:01de Magellan, à titre personnel,
46:03des conséquences de son voyage,
46:05qui ne rapportent rien, au contraire,
46:07fait que Magellan est une figure magnifique,
46:09on parle de beautiful loser,
46:11de perdant magnifique,
46:13mais ça explique pourquoi les historiens
46:15l'ont dédaigné pendant des siècles,
46:17et que c'est un Chilien qui a
46:19sorti toutes les archives de Magellan
46:21à la fin du 19ème siècle,
46:23elle a fait la première biographie de Magellan,
46:25et puis que c'est un écrivain, Stéphane Zweig,
46:27qui va donner à connaître
46:29au grand public,
46:31par un livre qui est remarquablement bien écrit,
46:33bon, très dépassé historiquement,
46:35mais très très bien écrit, qui se vend toujours,
46:37et c'est Zweig, un écrivain qui fait connaître Magellan
46:39au monde entier, ça n'a jamais été d'historien,
46:41et des historiens,
46:43il ne pouvait servir aucune politique nationale,
46:45les nationalistes,
46:47sous les dictatures de Franco et de Salazar,
46:49Magellan ne servait pas les causes nationalistes
46:51d'aucun des deux pays, et c'est finalement
46:53aussi pour ça que nous,
46:55les petites maisons parisiennes,
46:57ont été les premiers au monde, simplement à réunir,
46:59à confronter toutes les sources directes,
47:01nous, enfin c'est complètement aberrant,
47:03mais c'est le personnage
47:05et le fait qu'il échappe à toute
47:07récupération nationaliste
47:09qui est responsable un peu
47:11de cet état des choses,
47:13à nos grandes joies d'ailleurs.
47:15– Merci Michel Chandaigne pour ce récit
47:17passionné et passionnant,
47:19donc le voyage de Magellan,
47:21l'audition Chandaigne, donc la relation
47:23d'Antonio Pigafetta
47:25du premier tour du monde,
47:27également les compagnons français
47:29de Magellan, et puis je rappelle
47:31les idées reçues sur les grandes découvertes,
47:33et l'expansion
47:35portugaise dans le monde.
47:37– Oui, une synthèse magistrale
47:39de Louis-Philippe Tomache,
47:41un des très grands historiens portugais.
47:43– Vous n'oubliez pas
47:45de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
47:47et de vous abonner à notre chaîne YouTube,
47:49et maintenant vous allez retrouver
47:51Magellan et sa petite histoire.
47:53Merci, à bientôt.
47:59– Aujourd'hui je vais vous conter
48:01une belle histoire.
48:03Pourquoi je dis belle histoire ?
48:05Eh bien tout simplement parce que dans cette histoire
48:07il y a des Anglais qui s'enfuient,
48:09des Anglais qui sont jetés
48:11par-dessus les fossés,
48:13des crânes d'Anglais fracassés
48:15par dizaines. Ah mais chacun
48:17trouve son plaisir où il le peut.
48:19Bref, c'est une histoire populaire
48:21mais bien réelle de la guerre de Cent Ans
48:23que j'ai le plaisir de vous présenter
48:25aujourd'hui. Mesdames et Messieurs,
48:27le Grand Ferret.
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48:51Nous sommes en 1358
48:53en pleine guerre de Cent Ans, on est
48:55deux ans avant la signature du traité
48:57de Brétigny. Le traité de Brétigny
48:59c'est le traité signé entre la France et l'Angleterre
49:01qui nous voit refiler aux Anglois
49:03la Guyenne, la Gascogne, Calais,
49:05le Poitou, le Périgord, le Limousin
49:07entre autres, en échange de la libération
49:09de notre roi Jean II
49:11le Bon qui avait été capturé
49:13et qui croupissait dans les geôles anglaises.
49:15Mais on n'en est pas encore là et ce traité
49:17n'est pas glorieux, les Anglais s'installent
49:19fermement sur notre territoire
49:21néanmoins c'est quand même un traité de paix
49:23qui va accorder une trêve au milieu de cette guerre
49:25mal embarquée pour les Français.
49:27Et justement, si on a pu en arriver
49:29à ce traité, ce n'est pas
49:31à cause des armées françaises
49:33puisque les Anglais arrivaient très bien à gérer
49:35la guerre, les batailles rangées
49:37avec nous, mais c'était plutôt
49:39les résistances populaires
49:41les farouches résistances populaires
49:43qui ont conduit le roi d'Angleterre à traiter.
49:45Et parmi ces résistances
49:47populaires, il y a l'histoire
49:49du Grand Ferret que je vais vous raconter
49:51aujourd'hui. Elle nous est rapportée par
49:53Laurent Devenette qui est le continuateur
49:55des chroniques du chroniqueur
49:57Guillaume de Nangis.
49:59Tout commence dans le petit village de Longueuil
50:01près de Compiègne en Picardie. Dans ce village
50:03alors que les Anglais n'étaient pas loin
50:05les Anglais étaient situés à Creuil
50:07dans ce village on avait peur que l'Anglois
50:09ne débarque et ne ravage la cité
50:11alors on va demander au seigneur
50:13si on peut fortifier la ville
50:15histoire de se défendre. Alors après avoir eu
50:17l'autorisation, les habitants vont
50:19fortifier le village
50:21de Longueuil et ils vont prendre
50:23pour capitaine le brave
50:25Guillaume des Alouettes. D'un même élan
50:27ils se jurèrent tous de défendre la cité
50:29face à l'embâisseur
50:31au point que les paysans
50:33des villages voisins ne vont pas tarder
50:35à accourir. Au final il sera environ
50:37200 à prendre les armes
50:39et à rejoindre le village pour
50:41le défendre face aux Anglais
50:43et parmi eux l'un des serviteurs
50:45du capitaine Guillaume des Alouettes
50:47un très grand, robuste
50:49solide paysan qu'on appelle
50:51le Grand Ferret, de son petit nom en latin
50:53Magnus Ferratus
50:55ça envoie encore plus du pâté. Apprenant
50:57que ces insolents paysans français
50:59envisageaient de défendre leur village
51:01jusqu'à la mort, les Anglais situés
51:03à Creil justement vont décider
51:05de faire une descente à 200
51:07également. Les Anglais vont arriver
51:09devant la place forte qui était très
51:11mal gardée, c'est pour vous dire, les portes
51:13étaient ouvertes alors ils y sont rentrés assez
51:15facilement et ils ont commencé à massacrer
51:17à tour de bras. Voyant ça, le capitaine
51:19Guillaume des Alouettes sonne le
51:21toxin et se met à descendre
51:23dans les rues avec ses équipiers
51:25et se met à rentrer dans
51:27la mêlée. Malheureusement il va être entouré
51:29par les Anglais et mortellement blessé
51:31C'est là qu'intervient le Grand Ferret parce que
51:33le Grand Ferret a des muscles, il est
51:35costaud, il a une grande hache mais
51:37il est quand même sensible et donc de voir
51:39son capitaine comme ça au sol
51:41gisant dans son propre sang
51:43ça a le don de l'énerver
51:45Il va donc se saisir de sa hache
51:47et foncer droit à l'ennemi
51:49avec une fureur qu'on n'avait jamais vue
51:51Jean de Venette nous
51:53dit d'ailleurs que les casques étaient
51:55brisés, les têtes fendues et les bras
51:57coupés. Avec sa hache il frappait
51:59dans tous les sens et on nous dit que pas un coup
52:01ne manquait son homme et il en tua
52:0318 à ce moment là. Franchement le Grand Ferret
52:05faut pas l'énerver. Evidemment les compagnons
52:07du Grand Ferret voyant ce spectacle
52:09magnifique, ils vont redoubler
52:11de vigueur au point de
52:13chasser l'ennemi hors du village
52:15Voyant que les anglais se mettent à déguerpiller
52:17et bien le Grand Ferret
52:19il les poursuit, il chope le porte-étendard
52:21anglais, il le tue
52:23il prend son étendard et il le refile
52:25à un de ses compagnons en lui disant d'aller
52:27jeter l'étendard dans le fossé
52:29dans la boue puisque telle est la place d'un étendard
52:31anglais. Mais là son compagnon il le regarde
52:33et puis il lui dit bah ouais Grand Ferret
52:35t'es bien gentil mais entre moi
52:37et le fossé il y a quand même une masse importante
52:39d'anglais encore je peux pas y accéder comme ça
52:41Pas de problème pour le Grand Ferret
52:43il va l'accompagner, il prend sa hache
52:45à deux mains, il frappe à droite
52:47il frappe à gauche et il se fraye un chemin
52:49tranquillement au milieu des anglais
52:51jusqu'à atteindre le fossé
52:53et y jeter l'étendard. C'était définitivement
52:55terminé pour les anglais qui ont pris
52:57leurs jambes à leur cou de plus belle
52:59et ce jour là on dit que le Grand
53:01Ferret en a tué 40 quand même
53:03Le lendemain après cette humiliation
53:05autant vous dire que les anglais ils tenaient plus
53:07ils étaient énervés, comment ces paysans
53:09ont pu nous mettre en déroute alors
53:11ils se rassemblent et ils reviennent
53:13le lendemain en plus grand nombre
53:15mais cette fois non seulement les habitants
53:17sont préparés, cette fois ils ont pas laissé les portes
53:19ouvertes mais en plus ils ont
53:21absolument plus peur puisque maintenant ils ont
53:23le Grand Ferret à leur tête et ils les
53:25attendent de pied ferme. La bataille
53:27reprend donc et comme la veille
53:29le Grand Ferret avec sa hache
53:31t'y frappe à droite, t'y frappe à gauche
53:33et il défouraille tout ce qui bouge
53:35donc nouvelle défaite pour les anglais
53:37je dis défaite pour être poli
53:39mais ce jour là, ça c'est un signe
53:41qu'ils affrontaient des paysans
53:43et bien il y a des hommes de haut lignage
53:45qui avaient été tués ou capturés
53:47et plutôt que de les échanger contre une rançon
53:49et bien les braves paysans
53:51de Longueuil les ont tout simplement
53:53abattus, pourquoi ? Parce qu'on disait que si on
53:55les abattait et bien au moins ils ne reviendraient
53:57plus nous embêter, ça c'est le bon sens
53:59paysan, on veut pas une rançon pour que
54:01le mec revienne dans une semaine
54:03on préfère y couper court tout de suite. Une fois de plus
54:05ce jour là, le Grand Ferret avait
54:07bien travaillé puisqu'il en a tué
54:09une quarantaine environ encore une fois
54:11autant vous dire qu'il s'était bien échauffé
54:13au combat et après, chaud bouillant
54:15qu'il était, il a été boire de l'eau froide
54:17et il a été pris de fièvre
54:19c'est un peu ce qui est arrivé et ce qui va
54:21entraîner plus tard la perte et la mort
54:23de Bertrand du Guéclin. Donc le Grand Ferret
54:25il est pris de fièvre, il est pas bien
54:27alors il retourne dans son petit village
54:29et il se met au lit tranquillement
54:31histoire de récupérer. Les anglais évidemment
54:33en prenant ça, ils sont en liesse
54:35et puis plutôt que de se contenter
54:37de se réjouir, ils vont dépêcher
54:3912 hommes pour venir débusquer
54:41le Grand Ferret à son domicile
54:43et pendant que le Grand Ferret est au lit, les
54:4512 anglais arrivent mais la
54:47femme du Grand Ferret veille au grain
54:49elle voit arriver les anglais, elle va prévenir
54:51le Grand Ferret qui lui, ni une ni deux
54:53il saute hors du lit, fièvre ou pas
54:55il prend sa hache qu'il avait laissée à côté
54:57et il sort dans la cour pour
54:59leur faire face. Et là il leur lance, c'est magnifique
55:01Ah brigand, vous venez pour
55:03me prendre au lit ? Vous ne me tenez pas
55:05encore. Et là il va s'adosser
55:07au mur, histoire de pas être encerclé
55:09et il va frapper, sa méthode habituelle
55:11hop hop hop et il va en tuer 5
55:13sur les 12 et puis les autres ils vont s'enfuir
55:15sans demander leur reste. Et après ça
55:17qu'est-ce qu'il fait le Grand Ferret ? Et bien il retourne
55:19au lit, sauf que cette fois il va reboire
55:21de l'eau froide après
55:23s'être réchauffé à nouveau
55:25la fièvre va redoubler
55:27il va retourner se coucher
55:29et va mourir peu de jours après.
55:31Voilà la fin du Grand Ferret, alors autant vous dire
55:33que cette histoire va devenir une véritable
55:35légende populaire. C'est
55:37une histoire parmi d'autres récits
55:39de résistance paysanne
55:41qui se répandait à l'époque lentement
55:43dans le royaume au fur et à mesure
55:45que les anglais envahissaient le territoire
55:47et quand bien même cette histoire
55:49soulève le cœur du peuple
55:51quand bien même elle est totalement différente
55:53et bien on peut dire que le Grand Ferret est en quelque
55:55sorte le précurseur
55:57d'une autre épopée qui sera
55:59d'autant plus fantastique
56:01l'épopée de Jeanne d'Arc.
56:03Bon après je l'ai dit, c'est quand même assez différent
56:05Jeanne n'était pas là avec une épée
56:07sanglante à la main en train de taper sur
56:09tous les casques anglais qu'elle croisait. Le Grand Ferret
56:11il a son propre style et on va pas
56:13lui enlever. Mais moi j'aime bien cette histoire
56:15quand je lis cette histoire
56:17ça me requinque pour la journée. Merci de m'avoir
56:19écouté, si vous voulez en savoir plus sur l'histoire
56:21du Grand Ferret, sachez que l'historienne
56:23Colette Bone, qui est d'ailleurs une spécialiste de
56:25Jeanne d'Arc, a écrit un livre aux éditions
56:27Perrin sur le Grand Ferret. Donc
56:29si ça vous intéresse, vous pouvez
56:31vous le procurer. Moi je vous dis à la semaine prochaine
56:33pour de nouvelles aventures sur
56:35TV Liberté. Salut !

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