Infréquentables, irrespectueux : les anars de droite ! - Le Zoom - Eric Letty - TVL

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On connait l’anarchisme de la gauche, à la fois doctrinaire et militant. Mais cela n’a rien à voir avec la famille éclatée présentée dans le nouveau Hors-série de Valeurs actuelles : "Les anars de droite".
Eric Letty, journaliste et collaborateur de Valeurs actuelles a regroupé 60 portraits d’artistes, d’écrivains qui ont tous eu comme traits communs d’être profondément attachés à la liberté et de refuser d’être des hommes-troupeaux ! Les anars de droite se sont faits, à tout risque, les défenseurs, parfois ultimes, de notre civilisation et de son identité. Infréquentables, irrespectueux, trublions ou romantiques, ils ont œuvré dans l’art, en plus de déplaire, de se faire détester. De Barbey d’Aurevilly à Jean Raspail, de Pierre Desproges à Gaspard Proust, de Céline à Sylvain Tesson, le hors série de Valeurs actuelles propose une truculente galerie de personnalités hors-normes maniant les idées anticonformistes et le panache de l’insolence. Des portraits passionnants d’une grande école, celle de la désinvolture.

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Transcription
00:00♫ Générique de fin ♫
00:06– Bonjour Éric Letti. – Bonjour Marcial Bild.
00:08– Vous êtes journaliste et écrivain, qu'est-ce qu'un anarche de droite ?
00:10On connaît l'existence de l'anarchisme de gauche, à la fois doctrinaire et militant,
00:17rien à voir avec la famille éclatée que vous rassemblez pour les besoins de la cause,
00:21bien dans un numéro de hors-série de Valeurs Actuelles
00:24auquel vous avez collaboré, les anarches de droite.
00:27Alors, ma question, elle revient en deuxième semaine, qu'est-ce qu'un anarche de droite ?
00:32– A priori, c'est un animal assez paradoxal, puisque vous dites que l'anarchie,
00:40c'est plutôt la gauche, ni dieu, ni maître, etc., on connaît bien.
00:44Et la droite, c'est l'inverse, il y a quand même l'idée d'un ordre et de valeurs
00:53qui ne correspondent pas à l'anarchisme de gauche.
00:59Donc, en fait, comme vous le dites, énormément, ça rassemble une grande famille
01:04qui n'en est pas une, un clan qui n'en est pas un,
01:09ou finalement qui est fait de bandes un peu éparses et avec des traits communs.
01:16Et ces traits communs tournent autour de plusieurs notions,
01:22dont une qui est fondamentale, qu'on retrouve chez les anarchistes de gauche,
01:28mais à mon avis, ils ont tendance quand même à l'oublier
01:33quand ils se laissent gagner par l'idéologie.
01:36La narde droite est très attachée à la liberté,
01:41et ce qui l'amène à répudier les idéologies,
01:46est le conformisme de la pensée.
01:48En fait, tous les gens dont nous traitons dans ce numéro qui est assez particulier,
01:54parce que c'est la preuve, c'est à ma connaissance la première fois
01:59qu'il y a un numéro qui traite justement de ce sujet de manière aussi exhaustive,
02:04et sur tout un dossier qui est consacré,
02:10en fait, l'intégralité même du numéro y est consacré.
02:14Ça c'est assez rare, et donc on a rassemblé un certain nombre d'entre eux,
02:19en cherchant bien pour en trouver d'autres,
02:21mais ils ont tous ce même aspect en commun qui est le refus du prêt-à-penser,
02:29et de ce qu'on appelle aujourd'hui le politiquement correct.
02:33Alors ils sont très très divers, ce sont aussi bien des écrivains
02:40que des hommes de cinéma comme Jean Carmet,
02:48que des gens comme Jean-Yann, et on y trouve donc…
02:52– On va y revenir si vous voulez bien.
02:54Ce que je note, c'est que dans son éditorial Arnaufolk reprend cette phrase,
02:57qui est celle d'Olivier Molin,
02:59un art de droite c'est une sensibilité, une ambiance, un style.
03:02Ça ne contredit pas ce que vous venez de me dire.
03:05On va, et j'ai bien noté que le premier très commun
03:08était celui d'être attaché à la liberté.
03:10On va essayer de trouver quelques autres constantes
03:12avant de rentrer dans les individus eux-mêmes.
03:16Est-ce qu'on peut parler par exemple, comme constante,
03:19d'une école de la désinvolture ?
03:21– Oui et…
03:22– Ce n'est pas la gauche, la droite, ça ne se prend pas au sérieux.
03:25– De la désinvolture, effectivement, il y a beaucoup d'ironie chez beaucoup d'entre eux.
03:30Pas tous, je ne pense pas que Léon Blois soit très ironique,
03:34mais pas un petit Pierre Despreuves, ce n'est pas exactement la même chose.
03:38Mais donc, il y a effectivement cette désinvolture,
03:43c'est une certaine insolence aussi qui,
03:47en prenant les idées dans le vent à rebrousse-poil
03:52et en sortant des chemins battus.
03:55Un des grands, un des points communs aussi des anards de droite,
04:00c'est justement le refus de la massification de l'homme troupeau.
04:04Donc, ce sont en fait des individualistes,
04:08même si, comme le rappelle Olivier Dard,
04:11le professeur Olivier Dard qui a bien voulu nous donner une interview
04:16pour présenter le numéro,
04:20même s'ils sont, beaucoup d'entre eux sont intéressés par une vision fédéraliste,
04:28par une vision, par la communauté, cette idée de la communauté naturelle, etc.
04:33Pas tous, là aussi, comme je le disais, c'est tout de même un clan dispersé.
04:40– Est-ce qu'on peut retrouver comme autre point commun,
04:42en dehors de la notion que vous avez évoquée,
04:45du refus du politiquement correct, les termes qu'on utilise aujourd'hui,
04:49est-ce qu'on pourrait dire que ce sont quand même tous aussi des défenseurs
04:52de la liberté, on l'a dit, mais aussi parfois des défenseurs ultimes
04:55de notre identité, de notre civilisation ?
04:58– Oui, alors c'est très frappant, par exemple, avec Jean Raspail,
05:04c'est un cas typique, même s'il est déçu de voir
05:10où notre civilisation est en train de partir.
05:13Il y a un regret aussi, fait beaucoup des anarchistes de droite,
05:21un regret devant le sens de la modernité actuelle
05:27de cette nouvelle civilisation qui se met en place,
05:31en brisant des valeurs traditionnelles qui leur sont chères.
05:36Ça, on le retrouve très souvent, quelqu'un comme Anouilh,
05:41c'est le cas, ou je parlais de Jean Raspail,
05:46c'est presque une constante.
05:50C'est Anouilh qui met en avant très souvent aussi le sens de l'honneur,
05:55c'est une valeur qu'on retrouve chez beaucoup d'anarchistes de droite.
05:59Si tant est que Bernanos, qui figure aussi dans ce numéro,
06:06soit totalement un anarchiste de droite, mais il l'est par son attachement
06:11à la liberté, par son refus des convenances, lui aussi,
06:16on retrouve ce sens de l'honneur.
06:19C'est un mot qui revient chez beaucoup d'entre eux, l'honneur,
06:23et qui n'est même pas galvaudé,
06:27qui est perdu aujourd'hui dans une large partie de notre civilisation.
06:31– On avance toujours sur ces traits communs
06:33qui commencent maintenant à s'épaissir au fur et à mesure de notre dialogue.
06:36Moi, j'ai trouvé aussi un autre point commun de taille,
06:40être considéré comme un anarche de droite, c'est prendre des risques.
06:43Prendre des risques, je cite Paul Vendrome,
06:45prenant tous les risques, y compris celui de se compromettre
06:47en scandalisant les prudents et les imbéciles.
06:51– Oui. – C'est plaisant, ça.
06:53– Oui, tout à fait.
06:55Et les conséquences, alors les risques que vous évoquez,
06:57la conséquence, le premier risque, c'est évidemment la mise à l'écart
07:04publique ou du champ public, la mort sociale,
07:08le fait d'avoir tout de suite une meute de bien-pensants
07:13qui s'accrochent sur la cible qui s'est offerte d'elle-même
07:21en transgressant les tabous de l'époque.
07:23Et donc, ça c'est le risque numéro un.
07:28Le risque numéro deux, en allant plus loin,
07:30et beaucoup d'entre eux, c'est la condamnation en justice.
07:36Je pense aux offenses aux chefs de l'État qui ont pu s'abattre
07:41sur Jacques Laurent, par exemple, sur Jacques Perret,
07:47enfin bon, ce sont des gens qui ont été condamnés par les tribunaux,
07:52leurs journaux aussi, évidemment les journaux
07:55qui osaient retranscrire leurs articles,
08:01enfin, publier leurs articles.
08:03Et puis, pour certains d'entre eux, la prison,
08:11pour des faits politiques, pour des délits politiques,
08:16parce qu'ils avaient passé la ligne rouge, en fait.
08:21Et là, on peut en citer, je parlais de Bernanos tout à l'heure,
08:27effectivement, à l'époque où il était chez les Camelots du Roi,
08:33avant la guerre de 14, et où il faisait partie du cercle Proudhon,
08:38ce qui est intéressant, parce qu'à l'Action Française,
08:40il y avait un cercle Proudhon qui unissait les militants royalistes
08:44et les militants syndicalistes anarchistes.
08:50Évidemment, il se coltait avec la police du régime assez régulièrement,
08:55et ça se terminait en prison.
08:57Il y en a eu d'autres qui ont fait de plus lourdes peines encore.
09:00Donc, c'est une...
09:01– Cette notion de risque, je vous pose une toute petite question.
09:04Est-ce que ce risque, il est avéré ?
09:07Par exemple, on se dit, Jean Raspail n'a jamais pu rejoindre
09:11l'Académie française où il aurait eu forcément son siège.
09:13Quand on voit ce que c'est devenu, il a bien fait de ne pas y aller.
09:16Mais ça, c'est vraiment un risque qu'il a pris,
09:19qui lui a coûté son siège à l'Académie française.
09:23– Oui.
09:24– Ça, c'est une réalité ?
09:25– Oui, bien sûr.
09:26On a vu Jacques Perret perdre sa médaille,
09:32enfin, ancien résistant qui a perdu sa médaille.
09:36Il a été châtié à ce point,
09:39selon lui, on va lui a retirer sa décoration.
09:42C'est pas mal non plus.
09:45– Est-ce qu'il n'y a pas non plus, quand même,
09:47l'idée que ce n'est pas plus mal d'être en dehors ?
09:53– Oui, c'est pas si mal que ça.
09:56Après tout, on a son public.
09:57Je pense à des gens comme Muray,
09:59je pense à des gens comme Allier, Jean Hédernalli.
10:01Par exemple, on a son public.
10:03Et après tout, d'être détesté des autres…
10:05– Oui, ils sont, effectivement, d'autant plus,
10:09surtout quand on ne veut pas être dans le bélai avec le troupeau.
10:14Oui, c'est vrai, il y a eu une certaine…
10:18Il y a eu des, enfin, certains des anarchistes de droite,
10:22certaines personnalités ont tout à fait refusé l'Académie française, par exemple.
10:28Bernanos a refusé d'entrer à l'Académie française.
10:33On lui proposait, c'est un peu les gaullistes,
10:37puisqu'il avait suivi le général de Gaulle
10:41pendant la Deuxième Guerre mondiale, il l'avait soutenu.
10:45La Légion d'honneur, l'Académie française,
10:47ce n'était pas pour lui, ça ne l'intéressait pas.
10:50Il serait rentré dans le système.
10:52Et le système le dégoûtait.
10:54C'est un éternel dégoûter, Bernanos.
10:58Quand il revient, après la guerre,
11:03il rentre en France parce qu'il était au Brésil,
11:05ce qui découvre le système de l'épuration, etc.,
11:11du marché noir, des arrangements des magouilles, etc.
11:14En fait, l'écœure aussi profondément qu'il va écœurer
11:18Anouilh, Marcel Aimé et d'autres.
11:23– Vous avez fait le choix éditorial
11:27de mettre nos anards de droite en quatre clans,
11:29les infréquentables, les irrespectueux, les trublions et les romantiques.
11:33Je me doute que ça a quand même été très difficile de les catégoriser
11:36puisqu'ils sont très individualistes, finalement, ces anards.
11:40L'un ne ressemble pas à l'autre ?
11:41– Oui, non, justement.
11:43D'où une classification qui est fatalement un peu arbitraire.
11:51C'est Arnaud Folk qui a dirigé ce numéro,
11:55qui est le rédacteur en chef, et qui donc l'a déterminé.
12:01Et on retrouve effectivement, à chaque fois, tout s'imbrique.
12:08Il y a des points communs, évidemment,
12:11entre chacune de ces quatre familles qui sont…
12:17On aurait pu faire autrement.
12:18On aurait pu imaginer d'avoir les écrivains d'un côté,
12:21les acteurs et les cinéastes de l'autre, la bande à Audiard, etc.
12:25Mais ça permet d'avoir une plus grande diversité,
12:29d'avoir quelque chose de plus vivant.
12:30– Et puis de faire venir aussi,
12:31de faire apparaître des personnages qu'on a peu l'habitude de citer,
12:36ou auxquels on ne rend pas assez hommage.
12:39Alors on commence par les infréquentables, si vous voulez.
12:40– Oui.
12:41– Ceux-là, c'est formidable.
12:42Dans l'art, en plus de déplaire, ils essaient de se faire détester.
12:45Alors en bas, on a cité Léon Bois, Céline, bien sûr.
12:50– Oui.
12:50– Et puis là aussi, vous dites, au XIXe siècle,
12:52peut-être le précurseur est assez méconnu, Barbet d'Orvilli.
12:57– Oui.
12:58– Et ma passion est Barbet d'Orvilli parce qu'assez méconnu.
13:01– Oui.
13:01On s'en tient bien souvent à son image de dandy,
13:05qui était bien réelle, qu'il cultivait volontairement.
13:08Mais c'est quelqu'un qui a souffert pour ça,
13:13parce qu'il n'était pas richissime, et cette image, il fallait l'honorer.
13:19Lui aussi, c'est un individualiste qui est l'un des maîtres à penser de Léon Bois,
13:24justement, qui est très proche de Léon Bois,
13:27qui d'ailleurs ramène Léon Bois du côté qui est plutôt un socialiste à l'époque,
13:35et qui le ramène vers la droite.
13:37Et Barbet est un personnage qui échappe à tout contrôle.
13:44C'est un royaliste légitimiste, mais personne n'a vraiment barre sur lui.
13:51Et alors, il peut être une personnalité qui est évoquée simplement
14:02par Olivier Dard, justement, dans sa présentation.
14:07C'est Balzac, qui lui aussi, pour être classé, fait les anarchistes de droite,
14:14à la même époque que Barbet, parmi les précurseurs,
14:17parce que tous les deux refusent la même chose,
14:19c'est-à-dire la masse, le conformisme, là aussi, toujours,
14:24et la bureaucratie, l'étatisme.
14:27– Il est un humour cinglant.
14:29– Chez Barbet, oui.
14:30– On lui doit… Zola, il lui est mieux fait de pas naître.
14:32– Oui, oui, oui.
14:33– Pas très délicat.
14:35– Oui, j'avais noté, c'est le Michel-Ange de la Crotte, l'appelait-il.
14:41Alors bon, Zola, on appris beaucoup.
14:45Léon Bois aussi, adressait lui un portrait qui n'était pas flatteur du tout.
14:51C'est Léon Daudet, n'en parlons pas.
14:54Il y a aussi des citations de Daudet qui, évidemment,
14:58parce que ce sont tous des polémistes.
15:00Il y a ça aussi, enfin, beaucoup d'entre eux.
15:03– C'est important, ça, comme truc comme ça.
15:05Éric Letty, ce sont aussi des gens qui ne reculent pas derrière la polémique.
15:08– Non, pas du tout.
15:09Et ils engavent…
15:10– Des brêteurs.
15:11– Oui, ce sont des brêteurs.
15:12Et donc, en plus, à plus forte raison,
15:18quand ils vivent dans des époques où ça peut se terminer sur le prêt
15:25et l'épée à la main.
15:26Donc, c'est arrivé à pas mal d'entre eux,
15:30du moins de ceux qui ont vécu au XIXe siècle.
15:33Mais ce sont donc des gens avec des formes de polémiques
15:37très, très différentes, là aussi.
15:39Puisqu'on va avoir des gens comme Barbet, comme Léon Bois,
15:44ou Bernanos, qui est très influencé par Bois et par Édouard Drumond,
15:49qui, au-delà de…
15:51On réduit toujours Drumond à l'antisémitisme,
15:53mais c'est quand même plus compliqué que ça.
15:55Quand on regarde son œuvre, on n'a pas traité Drumond,
15:59en l'occurrence, dans ce numéro.
16:01Mais Bernanos est très influencé par Bois, par Drumond, et ça se sent.
16:07Je veux dire que quand on lit
16:10« La grande peur des bien-pensants »,
16:11« Les grands cimetières sous la lune »,
16:14on retrouve les imprécations de Léon Bois,
16:21et on retrouve, par exemple, dans la dénonciation de la droite
16:27à l'époque de la guerre d'Espagne,
16:29puisque Bernanos prend le parti de l'antifranquisme,
16:35plutôt contre la répression, plus exactement, qui se passait à Mallorque.
16:39On retrouve des accents de Drumond dans « La fin d'un monde »,
16:49quand il critique la répression de la commune de Paris.
16:56Et on a un peu la même chose.
16:58Et d'ailleurs, il compare l'officier italien,
17:02enfin le général italien qui organise cette répression à Mallorque avec Gallifrey.
17:08Il y a des fausses, des constantes entre eux.
17:11On les voit jouer.
17:12Et donc, à côté de ces imprécateurs,
17:14on va avoir Anouilh, qui est dans ces pièces grinçantes,
17:19qui sont extrêmement drôles,
17:20les poissons rouges, l'urluberlu, etc.,
17:23mais qui font mouche, qui ne sont pas optimistes non plus,
17:28mais qui sont, là aussi, c'est de l'ironie,
17:33mais on est toujours dans la polémique.
17:35Et puis bon, des gens comme Despreuves, etc., qui sont très drôles.
17:39– Alors, on va venir sur les irrespectueux, sur les autres catégories,
17:43parce que se défier, se moquer de tout, y compris d'abord de soi-même,
17:48eh bien, ça avance devant nous, cette fois-ci, les irrespectueux.
17:50Alors, j'ai mis Odiard, parce que c'est à la bas de soi.
17:56Qui d'autre ?
17:57Moi, j'ai eu, par exemple, Bardot.
17:58Moi, j'aurais mis plutôt la libertaire.
18:01– Oui, elle est libertaire, effectivement.
18:03Il y a une belle citation que j'ai mise un peu de côté,
18:06parce que je ne l'ai pas prise par cœur quand même,
18:08mais à propos de la liberté, elle disait,
18:13elle dit plutôt,
18:14« j'ai toujours placé ma liberté au-dessus de tout.
18:17Dans ce pays privé de liberté, je continue à être moi-même,
18:21libre de tout entrave et fier de mon chemin de vie. »
18:24Cette idée d'être soi-même libre de tout entrave,
18:28on la retrouve chez les anards de droite, c'est une constante.
18:33– Est-ce que nous pouvons passer sur les trublions ?
18:35Alors, les trublions, là, j'ai eu l'impression que c'était plutôt
18:38réservé aux acteurs et humoristes,
18:41de Jean Carmet à Jean Hianne, bien évidemment,
18:43Pierre Desproges en passant par Gaspard Proust aujourd'hui,
18:46des trublions ou des provocateurs ?
18:50C'est exactement la même chose.
18:51– Oui, c'est un…
18:54De fait, un peu des deux, ce n'est même pas 50-50,
19:00c'est beaucoup plus abriqué que ça.
19:01C'est le…
19:03Oui, ce sont des provocateurs qui savent, très bien sûr,
19:10je pense que certaines provocations de Desproges
19:14ne passeraient absolument plus à l'heure actuelle,
19:17et c'est une manière d'ailleurs de mesurer le chemin
19:22qui a été parcouru en matière de restriction des libertés,
19:26notamment de la liberté de penser,
19:29qui, selon Moyen-Anneau, est la liberté fondamentale.
19:34La première, on voit bien qu'aujourd'hui,
19:39quand on relit certains sketchs de Desproges,
19:44on se dit qu'ils ne passeraient plus.
19:47Ils ne passeraient plus, c'est un…
19:51Mais quand on relit certains textes de…
19:53Alors bon, il n'est pas classé, je crois, parmi les trublions,
19:56mais de Georges Brassens,
19:58on cite Brassens parmi les anards de droite,
20:01ça peut faire tiquer,
20:04parce qu'il ne s'est jamais réclamé de la droite,
20:06au contraire, il a même été…
20:09Le seul mouvement auquel il a adhéré brièvement
20:12pendant toute sa carrière, avant de refuser tout embrigadement,
20:16ça aussi, c'est une constante de l'anard de droite,
20:19c'est la fédération anarchiste.
20:22Donc Brassens est plutôt quelqu'un qui est considéré comme à gauche.
20:26Mais quand on s'en tient à ses textes,
20:28aujourd'hui, ça reste à prouver.
20:32Il y a énormément de choses qui, chez lui,
20:37ne relèvent pas de cette gauche, et qui ne passeraient plus.
20:40Il se prendrait le wokeisme, le féminisme, etc.
20:44sur le dos, mais tout de suite,
20:46s'il rechantait certaines de ses chansons.
20:49– Et puis il pétait en première partie de ses spectacles Pierre Dudan,
20:52qui était lui, bien connu pour être de droite.
20:54– Oui, oui, tout à fait.
20:55– Autre monde, autre gauche, en effet.
20:59Restent les romantiques, le terme semble quand même
21:01un peu antinomique de la notion de transgression.
21:04Deux noms émergent, le regretté Jean Raspail, on en a parlé,
21:08et puis aussi l'aventurier solitaire et un peu rêveur Sylvain Tesson.
21:12– Oui, justement, alors lui, il est hors des feux mains,
21:20il est hors des clous, si je puis dire, des feux mains tracés,
21:26réellement, je veux dire, dans ses activités, dans ce qu'il fait,
21:30c'est également la matière de ses livres, mais c'est ce qu'il vit,
21:33il est, c'est un aventurier.
21:35Il y a un autre aventurier qui est cité dans le numéro,
21:39qui est Henri de Monfrède, qui est avant Tesson,
21:44qui, alors lui, ce n'est pas la même chose,
21:49il est plus sulfureux encore que Tesson,
21:53beaucoup plus sulfureux que Tesson dans les faits,
21:55puisque c'était quand même, c'est plutôt un pirate,
22:00un contrebandier, mêlé, il avait son esclave,
22:04enfin bon, il y a pas mal de choses chez Monfrède qui ne passeraient vraiment pas.
22:08Aujourd'hui, les secrets de la mer rouge avaient fait l'objet d'une série télévisée,
22:15il y a pas si longtemps, c'était dans les années 70 par là,
22:19qui était très suivi, je ne suis pas sûr que le personnage de Monfrède,
22:23qui se réclame d'ailleurs de la droite quand même lui aussi,
22:27ou en tout cas qui signe des manifestations de droite,
22:32passerait aujourd'hui aussi bien que c'était le cas il y a 50 ans.
22:37Et donc, ce sont des grands voyageurs.
22:40La plupart de ces gens-là, que ce soit Tesson, que ce soit Monfrède,
22:44que ce, quelle que soit l'époque où on les prend,
22:47on parlait de Raspail, Jacques Perret,
22:50ce sont des gens où Jacques Laurent, parmi les USA,
22:56Michel Desmossis, ce sont des gens qui ont voyagé,
22:59qui sont partis, qui ont vu du pays et qui ont vécu des aventures extraordinaires.
23:06Et Tesson, il s'est blessé, c'est vraiment de l'aventure,
23:11ce n'est pas seulement de la phrase et du mot, c'est de l'action.
23:20Et il y a ce côté romantique chez lui,
23:23qui explose dans tout son amour de la nature.
23:27– Il faut vraiment qu'on lisse ce hors-série,
23:29parce que nous essayons donc, au début de cet entretien,
23:32nous essayons de tisser un lien dans cette famille qu'on a dit
23:35éclatée des annales de droite.
23:37On a retenu quand même que c'était des amoureux de la liberté,
23:42des amoureux de l'identité, des amoureux de la France,
23:45peut-être de la France d'avant, d'ailleurs, toujours celle d'avant.
23:48Et puis d'un seul coup, je lis que,
23:51c'était là aussi le professeur Olivier Dard, dans son entretien,
23:53il dit, ça m'a surpris aussi, il me dit,
23:55l'anarchisme de droite n'est pas une spécificité française.
23:58Et ça, ça m'a énormément surpris,
23:59moi je pensais que c'était une spécificité française.
24:01– Je ne suis pas sûr qu'il dise exactement ça.
24:06– Je crois qu'il cite quelques auteurs étrangers,
24:09notamment Hilaire Belloc, qui était un ami de Chesterton,
24:11mais tout de même, c'est très français.
24:13– Il n'a pas de spécificité française,
24:15il n'est pas, il n'a pas de spécificité française.
24:17Mais dans ce cas-là, il nous reste à dire quoi ?
24:21Où est-ce qu'on peut se procurer cette liste des 60 personnes
24:23qui sont brossées à travers ce numéro hors série de Valeurs Actuelles,
24:27sur les annales de droite ?
24:28Comment se procure-t-il, Éric Letty ?
24:30– Le numéro ? – Le numéro, tout simplement.
24:32– Il sera en kiosque, il est en vente.
24:37– Aujourd'hui. – Voilà, c'est ça, le 10 octobre.
24:40Et il sort, et vous pouvez le trouver dès aujourd'hui,
24:47j'allais dire dans toutes les bonnes librairies,
24:49oui, et dans tous les bons points de presse.
24:51– Tous les kiosques, tous les marchands de journaux,
24:54sur le site de Valeurs Actuelles.
24:55– Aussi, voilà, on ne le met pas sous le boisseau, au contraire,
25:04je pense que c'est un numéro qui restera, qui marquera,
25:12en tout cas, surtout aujourd'hui,
25:15où les libertés sont tellement compromises,
25:18et bien voilà, c'est une réponse, une réponse politiquement correcte.
25:22– Parfait, une réponse qui coûte 11,90 €.
25:25– Voilà. – Voilà, 11,90 €.
25:27Idées vagabondes et épanages de l'insolence,
25:30ces portraits passionnants, 60 portraits,
25:33dont des portraits et des personnalités que j'ai eues,
25:36à part le plaisir et l'honneur même de côtoyer,
25:39donc je suis très heureux de les avoir retrouvés là.
25:41– Oui, comme ADG. – Comme ADG, bien sûr.
25:43Merci Éric Letty.
25:45– Merci beaucoup, Marcel.

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