Mercredi 30 avril 2025, retrouvez Roland Kaloyan (Responsable de la stratégie actions européennes, Société Générale CIB) dans SMART BOURSE, une émission présentée par Grégoire Favet.
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00:00Générique
00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg, chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir c'est celui des actions européennes face aux tarifs commerciaux et aux incertitudes tarifaires également
00:20et leurs conséquences pour les entreprises européennes cotées.
00:23Nous en parlons avec Roland Calloyan, responsable de la stratégie Action Européenne de Société Générale CIB.
00:28Bonsoir Roland.
00:29Bonsoir, je vous revois.
00:29Merci beaucoup d'être avec nous.
00:31C'est redevenu un classique les entreprises face aux tarifs douaniers.
00:36Si je ne dis pas de bêtises, on a 10% aujourd'hui, c'est ça, pour accéder au marché américain.
00:42Et puis des tarifs sectoriels qu'il faut pondérer parce que je crois que sur le secteur auto on est à 25%
00:47mais il y a un certain nombre d'exemptions en cours ou à venir qui libèrent quand même une partie de ce secteur
00:53pour les importations sur le territoire américain.
00:57Une fois qu'on a dit ça, comment est-ce que vous avez réfléchi, remis à jour d'ailleurs peut-être
01:03les conséquences de ces tarifs Trump 2.0 sur les entreprises européennes ?
01:09Avec des conséquences directes et aussi indirectes Roland ?
01:12Alors évidemment il y a les conséquences directes.
01:15Nous on estime que l'impact sur la croissance européenne est aux entours de 0,5 point de PIB.
01:23Donc à la baisse évidemment.
01:24Donc c'est effectivement quelque chose qui va peser sur la croissance cette année.
01:31Alors ce qui est difficile quand on commence à regarder au niveau des valeurs, c'est qu'effectivement il y a des exemptions
01:37et puis ensuite il faut regarder pays par pays, secteur par secteur, j'ai envie de dire même boîte par boîte.
01:42Parce qu'il y a des entreprises par exemple, on parlait de l'automobile, tel modèle est directement fabriqué aux Etats-Unis
01:49pour le marché américain et il y a des modèles de marques allemandes qui sont fabriqués aussi en Allemagne.
01:54Donc ce n'est pas évident, on ne peut pas mettre un chiffre sur absolument tout.
01:59Et puis toujours si on reste au niveau des valeurs, qui va payer ces tarifs ?
02:05Est-ce que ça va être le consommateur américain ?
02:08Donc est-ce que les entreprises vont avoir du pricing power, c'est-à-dire vont être capables de monter les prix de 10%, de 25%, voire plus, c'est possible.
02:16Ou est-ce qu'elles vont accepter de rogner une partie de leur marge ?
02:19Donc je monte mes prix que de 5 par exemple.
02:23Et donc ça veut dire que j'ai un impact sur ma marge.
02:27Et comment ce choix va se faire, entreprise par entreprise ou secteur par secteur Roland ?
02:31Après ça va décider secteur par secteur.
02:34Évidemment que si tout le monde va augmenter les prix, on va avoir un impact sur l'inflation.
02:42Mais il se peut effectivement que certains vont essayer de chercher à gagner des parts de marché.
02:48Donc j'ai envie de dire que ça dépend aussi dans le secteur.
02:50L'élasticité du prix va être très importante.
02:53Parce que sur certains secteurs, le prix est très important.
02:55Dans d'autres secteurs ou dans d'autres gammes de produits, quand on pense à l'automobile, c'est le plus évident, on peut être moins sensible au prix.
03:07Finalement quand on veut ce modèle de voiture premium, on veut ce modèle de voiture premium.
03:12Le prix est moins important.
03:14Est-ce qu'on pourrait retrouver des comportements de marge comme ceux qu'on a vu pendant le Covid ?
03:20C'est-à-dire des entreprises sans réel pricing power, structurel, fondamental, se dire l'occasion est trop belle.
03:29Puisque de toute façon il y a une telle confusion autour des tarifs, le consommateur, je caricature, mais le consommateur il verra que du feu.
03:35Hop, j'en profite pour mettre moi aussi en place quelques hausses de prix.
03:39Est-ce qu'on a vu les marges de profit tirées à la hausse par les effets inflationnistes du Covid ?
03:44Est-ce qu'on peut revoir ce genre de comportement ?
03:46Alors, oui, mais de manière assez limitée.
03:50Parce que le Covid c'était une problématique de supply chain mondiale, chaîne d'approvisionnement.
03:57Donc il n'y avait pas assez de pièces en gros pour tous les fabricants.
04:01Si on reprend encore l'exemple de l'automobile dans le monde, mais c'était vrai aussi pour les industriels, etc.
04:05Donc tout le monde augmentait les prix.
04:06Là, attention, parce que si on reste sur les voitures vendues aux Etats-Unis,
04:13celles qui vont être fabriquées aux Etats-Unis auront un avantage compétitif.
04:16Donc là-dessus, effectivement, si elles décident d'augmenter aussi leurs prix,
04:22elles vont augmenter leurs marges, c'est possible.
04:25Mais je ne pense pas qu'on est totalement dans la même configuration.
04:30Ce que cherche aussi l'administration américaine, c'est donner un avantage compétitif à ceux qui produisent aux Etats-Unis.
04:39Il y a une histoire derrière aussi, c'est la réindustrialisation des Etats-Unis.
04:43Et je pense qu'il est encore un petit peu trop tôt.
04:45Je n'ai pas vu encore de grandes annonces industrielles en disant,
04:50je parle depuis les annonces de tarifs, d'aller rebasculer complètement la production aux Etats-Unis.
05:00Après, à moyen terme, je pense que les entreprises vont s'adapter.
05:03Elles ne font que cela depuis le Covid.
05:05Covid, crise énergétique, guerre.
05:07Donc elles savent s'adapter, elles s'adapteront.
05:11Et je pense, effectivement, qu'on risque de voir une partie de réindustrialisation aux Etats-Unis.
05:16Oui, on oublie, on sous-estime souvent l'agilité des entreprises face à ces chocs et cette économie de choc.
05:24Il y a les conséquences directes pour les entreprises européennes qui cherchent un accès au marché américain.
05:30Et puis il y a les conséquences indirectes, avec pour le coup une concentration de la guerre commerciale sur la Chine,
05:35qui va avoir des répercussions.
05:37Alors c'est la question, conséquences positives et ou négatives pour des entreprises européennes sur leur marché européen,
05:45mais peut-être aussi des conséquences et des opportunités sur le marché chinois, Roland.
05:50Alors oui, surtout l'Europe a une relation avec la Chine très spéciale, j'ai envie de dire.
05:55C'est même mis en avant par Mario Draghi dans son rapport, en disant,
05:58pendant des années, les Chinois ont été un peu nos clients,
06:02et maintenant ils deviennent même des compétiteurs.
06:05Donc c'est vrai que là-dessus, pour beaucoup d'entreprises et beaucoup de secteurs, ça reste un client important.
06:13Et c'est vrai que la guerre commerciale se focalise entre les Etats-Unis et la Chine pour l'instant.
06:20Il faut savoir qu'on parle quand même de, quand on voit les exportations chinoises vers les Etats-Unis,
06:24on parle de 439 milliards de dollars.
06:2612% d'exportations chinoises vers les Etats-Unis.
06:30Donc si demain ce marché est fermé, quasiment fermé, où vont partir les produits ?
06:37Là où ça sera plus facile de les écrire.
06:38Voilà, donc l'Europe reste évidemment une région où on pourrait voir plus de produits chinois.
06:46Et ça, ça peut être effectivement un risque sur les entreprises, pour les entreprises européennes aussi,
06:50de voir une arrivée de produits chinois.
06:52Donc on a un petit peu regardé, nous, quel peut être l'impact.
06:56Ce qu'on a fait, c'est qu'on a regardé un petit peu les secteurs qui exportaient aux Etats-Unis.
07:00On a regardé aussi l'élasticité au prix, parce que c'est souvent ce type de produit.
07:04Là où il y avait aussi de la surcapacité, parce que c'est là aussi où on peut avoir des prix.
07:08Après, on a trouvé des choses qui sont finalement, en termes sectoriels, au niveau du marché relativement limité.
07:14On parle bien d'équipement électronique, bon, les entreprises européennes,
07:20enfin c'est pas un gros secteur dans le marché européen.
07:24Pareil pour l'électroménager.
07:26Encore une fois, quand je parle des marques, on pense peut-être plus à des marques coréennes
07:30ou des marques japonaises, quand on va acheter sa télé ou son nouvel ordinateur.
07:37Les batteries, on n'a quasiment plus non plus de batteries en Europe.
07:40Il y a tout ce qui est panneau solaire, mais ça, j'ai envie de dire, c'est déjà le cas.
07:44C'est déjà la réalité.
07:45Exactement.
07:46C'est déjà la réalité.
07:46Et puis il y a l'automobile.
07:48Alors l'automobile, là aussi, ça a déjà commencé.
07:51Et puis ce n'est pas vraiment la conséquence des tarifs, parce qu'en fait, il y a déjà des taxes de douane très importantes sur les importations.
08:00Il n'y a que 120 000 véhicules qui sont exportés entre de la Chine et aux Etats-Unis.
08:03En Europe ? Vers l'Europe ?
08:04Non, vers les Etats-Unis.
08:05Oui, Chine, qui pourrait se reporter.
08:07Oui, je comprends.
08:08Et là, c'est la première fois dans les données, cette année, qu'on a vu un inversement entre l'Europe et la Chine dans la balance commerciale sur l'automobile.
08:18C'est-à-dire qu'historiquement, on exportait plus de voitures en Chine qu'on importait de Chine.
08:25Et là, ça a basculé.
08:28Et en plus, si on parle vraiment des marques, il y a le projet quand même de BYD de s'installer en Hongrie et de commencer la production dès la seconde partie de l'année.
08:36Donc là, effectivement, ce n'est pas une conséquence directe non plus des tarifs, mais voilà un secteur qui pourrait être effectivement sous pression.
08:44Le marché américain étant déjà verrouillé pour l'automobile chinoise, il n'y a pas besoin de se reporter massivement sur l'Europe qui est déjà une terre de conquête pour les marques chinoises.
08:55Donc vous dites, au final, ACP de secteur européen qui serait exposé à une intensité concurrentielle nouvelle, délirante, venant de Chine.
09:05Alors après, ça sera sur des produits sélectifs. Je pense aux semi-conducteurs, je pense à la chimie, je pense aux textiles.
09:12Donc ça peut être effectivement des sous-compartiments. Il faudra avoir aussi l'agressivité de la Chine.
09:17Et ça sera sur certains produits. Parce que les européens, les entreprises semi-conducteurs européennes et chinoises...
09:25Ils n'ont pas toute la même gamme.
09:26Exactement. Donc est-ce que les chinois vont monter en gamme pour concurrencer les européens ?
09:32Donc voilà, ça c'est effectivement une question qu'il faudra avoir. Là, ça sera plus une question industrielle, j'ai envie de dire.
09:38Comment vont se positionner les chinois ?
09:39Alors que les européens deviennent des clients, des producteurs chinois, c'est une chose.
09:43Mais la Chine reste quand même aussi en partie un client pour bon nombre d'entreprises européennes.
09:49Est-ce que cette guerre commerciale et cet affrontement concentré entre les Etats-Unis et la Chine,
09:53est-ce que c'est l'occasion pour des entreprises européennes de retrouver une partie des parts de marché qu'elles ont pu perdre ces dernières années en Chine ?
09:59Oui, et par rapport aux entreprises américaines. Parce que comme les chinois mettent aussi des taxes de douane en réponse aux Américains,
10:08ça va être plus compliqué aussi pour les Américains de continuer à gagner des parts de marché en Chine.
10:17Et pareil, on peut se dire que sur le marché américain, il y aura des opportunités aussi.
10:22Donc quelque part, l'Europe, quand on regarde un petit peu son positionnement, c'est pour ça qu'il n'y a pas eu de représailles.
10:27Elle se donne le temps de réfléchir. Je ne sais pas si c'est voulu en tout cas, mais elle veut plutôt chercher à négocier
10:36et ne pas se mettre à dos ni les Chinois ni les Américains.
10:43Effectivement, il peut y avoir aussi des parts de marché qui sont gagnées par les entreprises européennes dans ces deux zones-là.
10:50Une fois qu'on a dit ça et qu'on a fait tout ce travail effectivement sur les tarifs et les conséquences pour les entreprises européennes,
10:57comment vous regardez le marché, les actions européennes aujourd'hui, les grands indices actions en Europe aujourd'hui ?
11:06Ça traite à quel niveau, pour quel type de scénario est-ce qu'on est positionné, notamment de scénario de croissance bénéficiaire des entreprises ?
11:14Alors on est encore au début, dans la première partie de la saison de publication de résultats,
11:19mais comment est-ce que vous trouvez le niveau de valorisation du marché européen là aujourd'hui par rapport à ces perspectives ?
11:24Alors moi je trouve que le marché aujourd'hui il est valorisé d'une manière totalement, on dit fair value, c'est-à-dire plutôt correct.
11:33Pour vous donner par exemple un chiffre qui est assez intéressant, on a entre 13 et 14 fois quand on regarde les bénéfices,
11:40quand on regarde les ratios de multiples, c'est la moyenne depuis 2009 pour l'arche européenne.
11:45Et pourquoi on a l'impression que c'est pas cher ? On a l'impression que c'est pas cher parce que le marché américain, lui, se traite sur des primes beaucoup plus importantes
11:54et même par rapport à son historique.
11:57Donc c'est vrai, on regardait ça depuis 2009, depuis la grande crise financière, l'Europe est en gros à sa moyenne,
12:05les Etats-Unis sont bien au-dessus de leur moyenne, et par exemple le Japon, le côté value est en dessous de sa moyenne.
12:11Mais voilà, sur l'Europe c'est dur de dire aujourd'hui, l'Europe est vraiment peu chère, par rapport aux Etats-Unis, oui.
12:19Ensuite, la croissance bénéficiaire, depuis deux ans, on n'en a pas, c'est zéro.
12:23Alors c'est pas négatif, mais c'est zéro.
12:26On était sur une croissance bénéficiaire attendue en 2025, avant les annonces de tarifs, autour de 5-6%.
12:31Donc là effectivement, il y a les résultats.
12:33Et ce qu'on voit dans les estimations flash, c'est-à-dire que si vous prenez en compte les derniers changements des analystes,
12:43les tout derniers changements d'estimation,
12:46on commence à voir effectivement que les choses sont en train de s'effriter, effectivement.
12:52Il y a plusieurs raisons, il y a évidemment les tarifs, il y a la croissance, l'euro-dollar aussi, qui pèse.
12:58On estime qu'à peu près 10% de baisse du dollar, c'est environ 4% au niveau du marché de baisse des BPA.
13:04Donc tout ça effectivement fait qu'on pourrait voir dans les prochaines semaines des révisions baissières.
13:10Merci beaucoup Roland. Merci d'être venu nous voir pour parler de ces actions européennes.
13:13Roland Caloyant, responsable de la stratégie Action Européenne de Société Générale,
13:17CIB était avec nous l'invité de ce dernier quart d'heure de Smart Bourse.
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