Philippe Brun, député socialiste de l'Eure, vice-président de la commission des finances. Pas convaincu par la proposition de budget pour 2025, Philippe Brun refuse de « retomber dans la spirale de l'austérité ». Il veut même lancer une enquête sur le dérapage des finances publiques. S'il y a une motion de censure, son parti, le PS, la votera-t-il ?
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 11 octobre 2024.
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00:00RTL Soir. Yves Calvi et Agnès Bonfillon. Il est 18h43. Bonsoir Philippe Brun.
00:05Bonsoir Yves Calvi. Vous êtes député socialiste de l'heure, vice-président de la commission des
00:10finances de l'Assemblée Nationale et voilà que vous voulez enquêter sur le dérapage de nos
00:14finances publiques. Une enquête pour quoi faire Philippe Brun ? Écoutez, on a un dérapage des
00:19finances publiques qui est absolument inédit dans l'histoire de notre pays. On a deux points de
00:24PIB qui ont été perdus, qui sont partis dans la nature. Même lors de la reconstruction de la
00:30France après 1945, on n'avait pas un tel dérapage entre le budget qui était voté et le budget qui a
00:36été effectivement exécuté. On est le seul pays européen, le seul pays développé qui a eu une
00:42telle dérive de ses comptes. On ne voit ça nulle part ailleurs dans le monde. Alors il faut aujourd'hui
00:47en trouver les raisons. Il y a des raisons qui sont avancées par le gouvernement mais ces raisons,
00:52elles ne convainquent personne. Pierre Moscovici lui-même, le premier président de la Cour des
00:56Comptes, a dit qu'il fallait une enquête parce que lui-même n'avait pas compris exactement de quoi il
01:02retournait. Et puis surtout, il faut en tirer les leçons pour l'avenir car il est hors de question
01:06que le budget que l'on vote là soit lui aussi finalement soumis à ces mêmes difficultés et
01:11qu'on ne se retrouve pas à nouveau l'année prochaine avec un trou dans la caisse de plusieurs
01:16milliards d'euros. Ce sont nos 100 milliards en neuf mois qui méritent une enquête. Vous soupçonnez
01:21le gouvernement de nous avoir caché les chiffres ? Oui, nous soupçonnons effectivement le gouvernement
01:26de nous avoir caché les chiffres. Moi je me suis retrouvé dans le bureau du ministre du budget,
01:31c'était Thomas Cazenave à l'époque en septembre dernier, et avec Christine Pierres-Beaune et
01:35d'autres députés socialistes, nous l'avions alerté sur la dérive des finances parce que nous nous
01:40regardons une note qui s'appelle la situation mensuelle du budget de l'État qui est sur le
01:44site de Bercy et qui donne chaque mois l'état effectif des recettes. Et on voyait qu'il y avait
01:49une vraie chute des recettes de TVA parce qu'il y avait une vraie chute de la consommation et une
01:53chute aussi de l'impôt sur le revenu parce qu'il y avait une moindre augmentation des salaires. Et
01:59ça le gouvernement nous a dit, ah mais c'est une erreur de calcul, en vérité les recettes
02:03continuent de progresser. La vérité c'est que le gouvernement probablement nous a fait voter un
02:07budget insincère en 2024, en nous cachant la réalité de la situation financière du pays. Et
02:13aujourd'hui la vérité éclate. Je vous interromps, on vous a menti, on a essayé de vous cacher un
02:21glissement de nos finances publiques. Absolument et ce que je constate c'est qu'hier France 2 a
02:27interrogé Bruno Le Maire qui a répondu par sms à la journaliste de France 2 en disant la vérité
02:32éclatera un jour. Et bien nous notre rôle de parlementaire, représentant du peuple,
02:37des contribuables, c'est de faire éclater cette vérité. Et nous sommes là pour nous assurer du
02:44bon emploi des deniers publics, pour consentir à l'impôt au nom des citoyens. Et donc il est
02:49de notre rôle de demander à l'administration de rendre des comptes et c'est ce que nous
02:53voulons faire. Et justement Philippe Brun, vous pensez que cela explique le départ de Bruno Le
02:57Maire ? Peut-être que cela explique le départ de Bruno Le Maire. Je crois qu'il a une vérité à
03:03donner et je crois que nous devons aussi l'entendre. Nous devons entendre les directeurs
03:07des finances publiques, le directeur du budget, le directeur du Trésor, les différentes agences
03:12de l'État. Nous n'avons pas aujourd'hui tous les éléments et je crois que nous devons les
03:17comprendre. Je crois aussi que cette situation financière elle est aussi la raison de la
03:20dissolution. Car vous savez que la raison pour laquelle Macron a dissous c'est parce que LR
03:25menaçait une motion de censure sur le budget. Aujourd'hui c'est LR qui se retrouve à devoir
03:31gérer cette situation avec certains ministres macronistes. En tout cas nous sommes d'accord
03:35sur un constat, un tel dérapage budgétaire c'est du jamais vu dans notre histoire récente.
03:39C'est du jamais vu dans notre histoire récente et dans notre histoire ancienne. Quand Pierre
03:45Mondès France démissionne du gouvernement au provisoire du général de Gaulle, il était à
03:49l'époque ministre des finances, le trou était beaucoup plus faible. On n'a jamais eu un tel
03:54décalage entre le budget voté et le budget exécuté. C'est tout à fait anormal pour un pays
04:00aussi développé que la France, une économie aussi importante, un pays qui a des systèmes
04:06informatiques très performants, une administration fiscale probablement une des meilleures d'Europe.
04:11Un tel décalage c'est nécessairement une décision politique et c'est cela que nous
04:16devons mettre à jour lors des auditions que mènera je l'espère cette commission d'enquête.
04:19Pour résumer on dépense beaucoup plus que ce qu'on a ?
04:22On a dépensé durant l'année 2024 beaucoup plus que ce qu'on avait et finalement qu'est-ce que
04:30cela met à jour aussi ? C'est qu'il y a eu 50 milliards de baisses d'impôts, en particulier
04:35pour les plus aisés d'entre nous, non financés chaque année depuis 2017. Ce sont des cadeaux
04:41fiscaux qui n'ont plus été financés par de la dette. Et bien à un moment la dette on finit par
04:46la payer et quand la conjoncture se retourne, ce qui est en train de se passer en ce moment,
04:49et bien la facture est très lourde.
04:51Mais le transfert d'une commission parlementaire en commission d'enquête c'est légal ?
04:54Oui c'est légal. C'est un article de l'ordonnance de 1958 qui nous le permet,
05:00qui permet à une commission, en l'occurrence la commission des finances, d'exercer les pouvoirs
05:04d'une commission d'enquête. Quels sont ces pouvoirs ? Et bien c'est le pouvoir de contrôle
05:08sur pièce et sur place dans les ministères. On va pouvoir aller regarder ce qui se passe
05:12et récupérer un certain nombre de données. Et puis c'est un pouvoir aussi d'audition sous serment.
05:17Si bien que si nous souhaitons auditionner Bruno Le Maire par exemple, il devra donc se présenter
05:22à nous et il devra prêter serment.
05:23Et le budget présenté par Michel Barnier, vous allez le voter ?
05:27Écoutez, je crois qu'à ce stade, si vous écoutez les auditions en commission des finances,
05:33je crois qu'à peu près personne ne veut le voter à ce stade, y compris même les membres
05:37de la majorité. J'entendais ce matin un député qui s'appelle Charles Rodwell qui disait que ce
05:42budget était récessif parce qu'il y avait trop d'impôts dedans et à l'inverse d'autres membres,
05:47notamment de LR, qui disaient que ce n'était pas possible de désindexer les retraites ou
05:50d'augmenter la taxe sur l'électricité. Ce qui va se passer, c'est qu'il y a un débat
05:54parlementaire qui va s'ouvrir où chacun va faire des propositions, où chacun va essayer
05:58de trouver une majorité pour faire valoir son point de vue et ses propositions. Et donc nous,
06:02les socialistes, comme le reste de la gauche je le pense, nous déciderons au moment où la copie
06:07finale nous sera présentée, de voter ou non ce budget en responsabilité, car le pays a vraiment
06:13besoin d'un budget pour finir l'année et pour commencer l'année qui vient.
06:17Un oui, un non, ça suffira ? On n'échappera pas à des hausses d'impôts ?
06:20En tout cas, des hausses d'impôts pour les plus aisés, c'est évident, il faut le faire. Il faut
06:26aujourd'hui redonner des moyens à nos services publics, la suppression de l'ISF, la suppression
06:31de la taxation normale des revenus du capital, un certain nombre de cadeaux fiscaux inconsidérés.
06:37Donc la réponse c'est oui ?
06:38Oui, pour les plus aisés d'entre nous. Ce que je ne souhaite pas, c'est qu'on taxe les plus
06:45pauvres de ce pays. Ce que je ne souhaite pas, c'est qu'on désindexe les retraites de gens qui
06:49sont à la mutualité sociale agricole avec 900 000 euros de retraite. C'est profondément injuste.
06:54Moi, je ne souhaite pas non plus qu'on casse et qu'on supprime des postes dans l'éducation
06:58nationale. Là aujourd'hui, je vous appelle depuis ma permanence à louvier dans l'heure. J'ai un
07:03collège dans lequel il n'y a pas d'enseignement de français ni de maths pour toute une classe
07:07de sixième depuis maintenant six mois. Donc voilà, on a besoin aujourd'hui d'une autre
07:12vision pour ce budget, c'est ce que nous allons porter.
07:14Merci beaucoup Philippe Brun, député socialiste de l'heure, vice-président de la commission des
07:18finances de l'Assemblée. Bonne soirée à Louvier. À l'horaire de votre week-end, on va tout vous
07:22dire sur une spécialité du nord de la France qui revient à la mode, la chicorée. Elle a pris une
07:27nouvelle jeunesse et nous sommes avec le dernier torréfacteur artisanal français de Chicorée.