Avec Morad Aït-Habbouche, réalisateur de la série “Sale temps pour la planète”
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##COMMENT_VA_LA_PLANETE-2024-10-13##
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00:00Sud Radio, comment va la planète ?
00:03Bonjour Maurad Aïtabouche, réalisateur de la série Sale Temps pour la planète sur France 5.
00:09Alors chaque semaine, chaque dimanche sur Sud Radio, vous arpentez la France sur le front du changement climatique aujourd'hui.
00:14Vous nous emmenez en forêt.
00:16Exactement Jean-Marie, parlons de l'état de santé de nos forêts qui souffrent.
00:21Il faut quand même le rappeler, c'est le poumon de la planète.
00:23Eh bien, je vous emmène dans les Alpes.
00:27On embarque ici dans la voiture de Didier Cornevin.
00:31Il travaille pour l'ONF, l'Office National des Forêts.
00:35Ici, on est sur le massif du Grand Arc.
00:37C'est au-dessus d'Alberville, en Savoie et nous sommes sur un des points chauds de la crise euskolite.
00:43L'euskolite, c'est une petite bébête, un insecte qui peut dévorer un arbre comme l'épicéa en très peu de temps.
00:50Et avec la sécheresse, il se reproduit à une vitesse folle.
00:54Ça part dans tous les sens.
01:00On a vraiment des foyers un peu partout et on est confronté à une augmentation très forte des volumes de bois euskolite.
01:07La crise a commencé en 2019-2020 et depuis, elle n'a cessé d'augmenter.
01:11Effectivement, cet été, c'est particulièrement intense.
01:15On est à 1500 mètres d'altitude et pour se rendre dans les parcelles les plus impactées, il faut évidemment un véhicule tout terrain.
01:22Didier est au volant et il a un regard un peu périphérique.
01:25De droite, de gauche, les yeux vers le ciel et le sommet des arbres.
01:29En fait, à cette saison, tout ce qui devait mourir est mort.
01:32Là, c'est tellement énorme comme volume qui tombe d'un coup, qui meurt d'un coup, que oui, effectivement, c'est inquiétant.
01:40On s'arrête. Didier a repéré un endroit où il y aurait a priori ces fameux euskolites.
01:45On pourrait les surprendre en plein festin, mais il faut s'aventurer au milieu des ronces et des branches mortes.
01:51C'est plutôt physique, la descente.
01:53La pente est raide. On approche alors d'une parcelle où il y aurait des arbres malades.
01:58Le forestier sait comment s'y prendre pour découvrir les troncs euskolites.
02:04En gros, il y a deux façons de les voir quand ils sont encore dedans.
02:08C'est de taper dessus. Là, on entend les aiguilles qui tombent quand on tape dessus.
02:12Et ça, c'est un signe.
02:15C'est de regarder aussi s'il y a de la sueur marron de l'écorce qui tombe.
02:23Un arbre, puis un autre. Les tests se poursuivent et finalement, Didier en trouve un.
02:28Le euskolite fait à peine 7 millimètres, mais je peux vous garantir qu'il fait de gros dégâts.
02:34En fait, il agit en bande organisée.
02:37Lui tout seul, il ne va pas du tout tuer un arbre. Par contre, il va essayer de repérer un arbre faibli.
02:42Et dès qu'il trouve un arbre pas trop vaillant pour lutter contre lui, il va appeler ses petits camarades avec des substances chimiques, des phéromones.
02:49Ces phéromones vont attirer tous ses petits copains, des milliers d'insectes, jusqu'à 3000 insectes par mètre cube de bois.
02:56Et ces 3000 insectes vont attaquer l'arbre comme un seul homme, l'envahir, pondre à l'intérieur, en faire une grosse nursery.
03:03Et deux mois plus tard, l'arbre est mort.
03:05En temps normal, l'épicéa se défend. Mais avec les sécheresses à répétition, le stress hydrique, il perd en quelque sorte ses défenses immunitaires.
03:14Un arbre se défend. C'est un organisme vivant. Il a ses propres systèmes de défense.
03:19S'il est en pleine forme, qu'il est bien alimenté en eau, il va pouvoir produire des résines, produire des gommes qui noient le scolite.
03:25Mais un arbre qui a soif va moins se défendre. Et comment le scolite sait qu'un arbre a soif ?
03:30L'arbre, quand il fane, il produit des substances chimiques, des terpènes. Il a une odeur, en fait. Et ce scolite-là va être attiré par cette odeur.
03:39Le scolite déploie alors son armée. Il est bigame. Les femelles vont pondre des œufs en remontant jusqu'à la cime de l'arbre.
03:47Et tous les millimètres, entre l'écorce et le bois, la femelle dépose une larve qui va dévorer les nutriments réservés normalement au développement de l'épicéa.
03:57Attaque impitoyable.
03:59Une fois qu'il a repéré son arbre qui sent un peu la mort, il va essayer de l'attaquer. Et s'il y parvient, c'est là qu'il appelle ses petits camarades.
04:05Et l'arbre, il n'a plus aucune chance à ce niveau-là. Il est déjà mort. Il ne le sait pas encore, mais il est déjà mort.
04:08On remonte la pente. Pas facile, je peux vous le garantir, Jean-Marie. Il y a de la boue. Ça glisse.
04:13Mais Didier me dit que cette petite sortie dans les bois n'est rien à côté des agents de l'ONF qui sont plus équipés que nous.
04:22Donc là, il faut s'imaginer avec le casque, les habits de sécurité, les bottes, la tronçonneuse, la hache, le marlin, le coin, les bidons d'essence et tout ça.
04:34Tout ça, à crapahuter comme ça toute la journée. Ça, c'est la vie de bûcheron.
04:40Des bûcherons qui n'avaient jamais vu autant d'attaques de scolites que ces dernières années. Plus la température monte, plus la forêt souffre.
04:48Chaque espèce d'arbre a son propre scolite. Là, ce qui nous concerne le plus, c'est le scolite qui attaque les piscéas, les hypstipographes.
04:54Mais le sapin a aussi ses propres scolites et ils vont tous profiter de la faiblesse d'un arbre suite à une sécheresse pour attaquer les arbres.
05:02Une fois l'arbre malade abattu, il faut encore le récupérer dans des endroits pas toujours faciles d'accès. Ensuite, il faut retirer toutes les branches.
05:11Heureusement, il existe des engins qui facilitent le travail.
05:16Là, il est en train de ranger des bois scolités et les bûcherons n'ont pas tout ébranché sur la coupe pour gagner du temps.
05:23Et là, il a un appareil qui lui permet d'ébrancher en un seul passage toute la grume.
05:29Tout va très vite et c'est beaucoup moins dangereux.
05:32Très compliqué manuellement d'aller dans les pentes, abattre un arbre. Plus les branchées, c'est difficile, c'est dangereux et c'est long.
05:39Dans les Alpes, le massif du Jura, dans les Vosges, c'est un crève-cœur de voir la forêt d'Épicéa dépérir si vite.
05:46La cause, on l'a bien compris, ce sont les canicules et le réchauffement planétaire en cours.
05:51C'est difficile à vivre quand on est forestier, quand on aime son métier. J'ai tout téléphoné avec le technicien local ce matin.
05:57C'est compliqué pour lui, effectivement. Il doit gérer beaucoup de choses, gérer l'approvisionnement de la filière, évacuer les bois morts,
06:03trouver des acheteurs, trouver des bûcherons, trouver des débardeurs, trouver des transporteurs.
06:07C'est un travail immense, c'est un travail dans l'urgence et dans la crise.
06:11Et en plus, il y a sa forêt qui disparaît, donc c'est quelque chose d'assez dur psychologiquement, c'est clair.
06:16C'est le même effet qu'une tempête, en fait.
06:18Alors Jean-Marie, est-ce un drame écologique ?
06:21Oui, dans la mesure où une espèce emblématique de ces régions risque de disparaître du paysage.
06:26Surtout que c'est nos sapins de Noël.
06:28Exactement, mais quand ?
06:29C'est une petite bête de squelette.
06:31Quand ? Oui, ça touche aussi le sapin, vous avez raison.
06:34Personne n'est capable de dire quand.
06:36Mais la forêt pourra évidemment se régénérer et se reconstruire.
06:39Elle l'a toujours fait.
06:41Le drame aujourd'hui est surtout économique.
06:43Une perte colossale pour les propriétaires de bois, les privés, les communes et l'État.
06:47Un bois scolité, même s'il conserve toutes ses qualités mécaniques,
06:51ne vaut qu'un quart du prix au mètre cube d'un bois vert.
06:54Et ça, ça sera évidemment l'objet d'une prochaine chronique.
06:58Sale temps pour la planète.
07:00J'imagine bien, en tout cas, sale bête.
07:02Les sapins de Noël, ceux qui perdent leurs épines, justement, qui sentent si bon.
07:05Et en plus, c'est sale bête qui assemble avec des petits scarabées.
07:08On espère qu'on s'en débarrassera bientôt, un jour.
07:10Merci beaucoup, Moradeï Kabouch.
07:12On vous retrouve dimanche prochain pour un nouveau numéro de Comment va la planète.
07:15Et puis sur France 5, c'est dans deux semaines, lundi soir.
07:18Vous allez encore faire du sport sur les pentes de la Soufrière en Guadeloupe ?
07:21Pas du tout, mais on aura, je peux vous garantir,
07:24aussi des problématiques particulièrement difficiles à vivre pour les Guadeloupéens.
07:29J'imagine.
07:30Et des solutions.
07:31Des belles solutions.
07:32Sur France 5, dans deux semaines, lundi soir.
07:34Merci beaucoup, Moradeï Kabouch et à bientôt.