• il y a 2 mois
Guy Delisle pour la BD "Pour une fraction de seconde", et Léa Chauvel Lévy.

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00:00Et c'est l'heure de tout public, avec vous Matteo Maestrati.
00:07Bonjour Lucie, bonjour à tous.
00:08Notre premier invité aujourd'hui est un auteur de BD mais aussi un spécialiste de
00:11l'animation.
00:12Vous avez sans doute lu ou au moins entendu parler de ses livres et sinon on espère vous
00:16donner envie avec cette émission.
00:18Shenzhen, Pyongyang, chronique Birman, chronique de Jérusalem, s'enfuir et plus récemment
00:22chronique de jeunesse.
00:24Bonjour Guy Delisle.
00:25Bonjour.
00:26Merci d'être avec nous.
00:27Alors on n'est pas là forcément tous les jours pour cirer les pompes de nos invités
00:30mais on les aime beaucoup la plupart du temps.
00:31J'ai lu tous vos ouvrages que je viens de citer, il n'y en a pas un seul qui ne soit
00:35pas excellent.
00:36Quel est votre secret ?
00:37Je prends mon temps pour les faire, il n'y a pas de secret, c'est l'envie de faire des
00:44livres.
00:45Souvent je me rends compte que les livres que je fais c'est pour sortir de ma tête
00:50des trucs qui tournent en boucle, des projets qui tournent en boucle une fois que c'est
00:55sur la table.
00:56Ça vous fait du bien ?
00:57Oui, j'y pense plus et ça fait du bien.
00:58En tout cas, votre nouveau livre, c'est aussi pour ça que vous êtes là, en grande partie
01:02aux éditions Delcourt.
01:03Le voici, il s'appelle « Pour une fraction de seconde, la vie mouvementée » d'Edouard
01:08Muybridge.
01:09La quatrième couverture nous dit de lui qu'il a été, je cite, « un pionnier de la photographie,
01:14du cinéma et un meurtrier ».
01:16Entre autres choses, c'est un beau programme dit dedans.
01:19Oui, un gars pas trop fréquentable.
01:20C'est lui qui a inventé en quelque sorte l'image animée, le mouvement décomposé
01:26en photo au XIXe siècle.
01:27Je vous laisse nous l'expliquer sans doute mieux que je viens de le faire.
01:30Oui, il a inventé.
01:32Il était de bord un photographe paysagiste très connu.
01:35Il a été engagé par l'homme le plus riche de l'époque, Stanford, qui a fondé l'Université
01:40Stanford, pour saisir le cheval au galop parce que Stanford voulait savoir absolument si
01:46le cheval quittait le sol en courant.
01:48Donc Muybridge a travaillé sur le… il a inventé l'obturateur, il l'a électrifié
01:53et il a réussi à l'aide de douze caméras à faire courir le cheval devant ses appareils
01:57photo et à répondre à la question que Stanford se posait, est-ce que le cheval quitte le
02:02sol au galop ?
02:03Alors c'est passionnant pour plein de raisons, notamment parce qu'en suivant cette vie
02:08et cette épopée extrêmement romanesque, on est face à plusieurs grandes périodes
02:14de l'histoire qui se mélangent, le développement industriel, le développement des techniques
02:20de photographie, les prémices du cinéma, tout ça c'est une période extrêmement
02:24féconde qui vous a inspiré.
02:26C'est ça, donc Muybridge est né en 1930 et il meurt en 1904 et à cette époque-là
02:31tout va très très vite, l'électricité, les chemins de fer qui ont été reliés à
02:36l'époque où il était juste un peu avant et ça a relié la Californie donc on pouvait
02:40traverser les États-Unis en chemin de fer d'un coup parce que lui il a traversé en
02:45diligence, c'était moins cher, il a eu un accident, il s'est cogné la tête, il
02:48est tombé neuf mois dans le coma et après il a changé du toutou-toutou, ses cheveux
02:55sont devenus de noir à blanc et après il est devenu quelqu'un d'assez irascible et
02:59impulsif.
03:00Alors vie romanesque d'ailleurs, il n'est pas spécialement sympathique vous venez de
03:03le dire, il tue l'amant de sa femme aussi par jalousie mais on sent que vous êtes assez
03:08empathique avec ce personnage, en tout cas vous êtes dans ses pas pendant 200 pages.
03:13Oui, puis bon quand on travaille deux ans sur un livre, on suit un personnage, on a
03:17des sympathies pour lui j'imagine, moi je le connais depuis les années 80 où j'avais
03:21acheté son livre Human in Motion parce que je travaillais dans le dessin animé et je
03:25regardais ses photos de l'époque victorienne et c'est encore une référence, c'est un
03:29livre qu'on achète encore aujourd'hui, il se vend toujours bien et tous les gens qui
03:34font de l'animation quand je leur dis que je travaille sur Muybridge on le connaît
03:36très bien en fait et quand j'ai su après qu'il a eu une vie si mouvementée je me
03:40suis dit tiens ça fera un livre intéressant.
03:42Donc ça ça a été d'habitude la première question qu'on pose à l'invité c'est comment
03:46vous avez eu l'idée mais ça ça a été le déclic personnel, vous avez découvert
03:50son travail, vous étiez encore jeune mais vous vous êtes dit que ça manquait de parler
03:55de lui, de laisser peut-être une trace de ce qu'il a accompli.
03:59Et oui parce qu'on ne se rendait pas compte de ce qu'il avait fait, en fait cette photo
04:02et c'est un travail monumental, aujourd'hui on calcule que ça coûterait à peu près
04:06un million pour avoir la photo du cheval au galop parce que c'était une technique qui
04:09n'était pas du tout au point, il n'y avait pas encore les plaques instantanées donc
04:13il a dû inventer l'obturateur électrique pour y arriver et après bon il a projeté
04:19donc en travaillant un peu sur lui, non seulement il a tué quelqu'un ce qui est assez spectaculaire
04:24et il s'en est sorti non coupable donc on l'a jugé non coupable ce qui est complètement
04:28scandaleux et de là lui il a inventé l'obturateur.
04:31Oui je ne veux pas tout dévoiler mais le jury dit bon après tout il a tué l'amant
04:35de sa femme on l'aurait tous fait à sa place et il ne s'est quand même pas, bon ça passerait
04:39moins bien aujourd'hui.
04:40Ce sont les applaudissements de la foule, donc c'était la Californie des années 1860
04:46donc c'est autre chose.
04:47En tout cas on se régale, on apprend plein de choses notamment sur ce que vous racontiez
04:52les techniques d'image, d'animation sans que ce soit trop technique justement ce qui pourrait
04:56un petit peu perdre le lecteur.
04:59On peut rapprocher ça du travail formidable de Cathéleboquet sur Joséphine Baker ou
05:03sur Alice Guy par exemple, je dis Alice Guy à dessein parce qu'elle apparaît dans votre
05:06livre.
05:07Je ne voulais pas l'oublier celle-là parce qu'elle a été oubliée tellement souvent
05:10comme beaucoup de pionniers du cinéma et de la photo.
05:13Elle, c'était quand même, elle travaille pour Gaumont, elle faisait des petits films,
05:19elle en a fait plus d'un millier et on n'en a même plus la moitié aujourd'hui, il faut
05:23dire que la pellicule ça brûlait vite et elle a perdu en un moment tout son entrepôt
05:27de films.
05:28Mais bon je voulais la mettre parce que c'était quand même la femme la plus riche des Etats-Unis
05:31quand elle est allée travailler aux Etats-Unis et qu'elle a monté un studio de films.
05:35C'était chouette de lui rendre ça quand même.
05:38Et les BD dont je parlais, celles de Cathéleboquet parce qu'elles ont fait d'autres personnages
05:41mais là j'en ai cité que deux, c'est un travail que vous suivez, que vous connaissez
05:46et le fait comme ça de prendre un personnage historique peut-être un peu oublié, alors
05:50pas trop dans le cas de Joséphine Baker, mais d'en faire comme ça une aventure sous
05:54forme de BD pour que le public d'aujourd'hui, les jeunes ou les moins jeunes apprennent
05:59des choses, c'est quelque chose de formidable au niveau pédagogique, au niveau culturel.
06:03Moi j'aime bien, je lis beaucoup de bio, j'en ai lu un roman et c'est des livres
06:07qui me frappent et puis je les garde avec moi longtemps.
06:10Je pense aux livres de Jean Eschnoz en fait qui a travaillé sur Ravel, sur Zatopek et
06:16tout ça et ceux de Boquet et Cathéle aussi que j'ai tous lus, que j'aime beaucoup.
06:20Moi je voulais parler de Muybridge mais je voulais aussi parler beaucoup du contexte.
06:23C'était quoi la photo à cette époque-là ? On ne se rend pas compte mais les gens
06:26au début, quand ils voyaient les premières photos, ils disaient mais les gens sur la
06:29photo, est-ce qu'ils nous voient ?
06:31Donc il y avait vraiment une magie, on ne comprenait pas comment ça fonctionnait encore
06:35au début, comme toutes les nouvelles inventions et qu'après lui, il a été à l'initiation
06:39du film, pionnier du film, pionnier du cinéma, je trouvais ça extraordinaire.
06:44Mais j'aime bien expliquer le contexte parce que la photo, elle a influencé la peinture
06:48beaucoup. Donc j'avais envie de parler aussi de ça.
06:51Sans vouloir dévoiler trop de choses et d'ailleurs, je ne vais pas en dévoiler du tout
06:53parce que je veux que les gens ont vraiment envie de lire le livre.
06:56Il y a quand même un passage où Moït Bril se rend compte qu'il est un peu démodé et
07:02il dit que les gens aujourd'hui veulent du divertissement.
07:04C'est quelque chose que vous rapprocheriez de l'époque actuelle où il y a des formes
07:08d'art telles qu'on les considérait comme nobles avant qui sont aujourd'hui peut-être
07:13un petit peu oubliées ou méprisées au profit de choses plus instantanées ou plus
07:17médiocres ?
07:18Il y a d'autres formes d'art mais si on prend juste la photo, quand on voit comment elle
07:22évoluait aujourd'hui, on voit les gens prendre des photos.
07:25Moi, je veux faire un album pour la famille, je suis obligé d'aller voir tous les disques
07:27durs, les téléphones que tout le monde a et la relation qu'ils ont à la photo.
07:31Les gens prennent des photos des peintures, des commentaires de peinture.
07:35Ils prennent en passant une statue alors que moi, je m'arrête devant une façade et je
07:41ne la prends pas en photo. Mais les gens prennent aujourd'hui des photos plus pour
07:44montrer qu'ils étaient à tel endroit et la pratique de la photo a tellement évolué.
07:49Je me disais, c'était intéressant de revenir un peu au début et de regarder comment ça
07:53existait au début.
07:54D'ailleurs, la photo, aujourd'hui, on appelait ça le miroir permanent.
07:57Je trouve ça très, très poétique.
07:59Guy Delisle, pendant longtemps, vous avez parlé de vous pour raconter le monde et des
08:03pays lointains et ou insolites.
08:06Passez-moi l'expression comme la Corée du Nord ou avec S'enfuir ou ce nouveau livre,
08:11vous changez un peu de sujet, vous changez un peu de point de vue.
08:14Vous en aviez marre de parler de vous ?
08:16Oui, de moi ou des enfants, ça me change un peu.
08:19Mais c'est des projets que j'ai en moi depuis très longtemps.
08:22De faire plus de dix ans que je me dis, ça serait intéressant de parler de Muybridge
08:26avec la vie qu'il a eue. Ça ferait quelque chose d'assez fou comme histoire.
08:30Et donc, à un moment, les voyages prenaient le pas parce que je revenais des voyages et
08:33je les faisais. Donc, après, j'ai fait l'histoire de Christophe André.
08:37Et puis là, je me suis dit, bon, allez, ça y est, je vais faire une biographie.
08:40Ça fait longtemps. Moi, il faut que je travaille avec un cadre.
08:42Donc, quand il y a mes notes, ça va bien.
08:44La fiction pure, je ne pense pas que j'y arriverais, mais de travailler sur une
08:47biographie, ça faisait longtemps que j'avais envie.
08:48Est-ce que vous avez vu le film Nope de Jordan Peele ?
08:51Oui, oui, vous savez que pourquoi je vous pose la question, c'est qu'en fait, le
08:54film commence avec cette image animée
08:57dont on parle maintenant et qu'on connaît presque tous.
09:00Cette image d'un animé, des photos mises ensemble d'un cheval au galop.
09:04Parce qu'en fait, Jordan Peele parle de cette histoire-là pour dire
09:08que le cavalier était noir et qu'on a complètement oublié ce personnage.
09:11C'est faux. Ce n'est pas vrai.
09:13Ce n'est pas vrai. Et il y en a un, mais c'est beaucoup plus tard dans la
09:16chronologie de Muybridge. Le premier, on sait c'est qui qui a
09:21le nom sur la photo. On a le nom du cheval.
09:23On a le nom de l'entraîneur et de celui qui conduit.
09:26Et ce n'est pas cette photo-là que Jordan Peele met après.
09:28Ça, ça vient un peu après.
09:29Bon, ben voilà, on a l'explication. J'ai bien fait de vous poser la question.
09:32J'ai une dernière question qui est personnelle d'une certaine façon.
09:35Vous savez qu'à France Info, on parle d'actualité toute la journée
09:39et des choses qui résonnent avec l'actualité.
09:41Vous avez écrit Chroniques de Jérusalem.
09:43Vous avez vécu à Jérusalem.
09:45Est-ce que vous suivez toujours avec attention ce qui se passe depuis plus
09:48d'un an maintenant dans la région et dans quel état d'esprit vous suivez tout ça?
09:52Oui, oui, je suis toujours en fait.
09:54Moi, j'étais là en 2008-2009.
09:58Et quand on était là pendant une année, il y a eu l'opération Plans d'Ursy.
10:01Donc, ça me rappelle ça.
10:02Mais à l'époque, Plans d'Ursy, ça a duré dix jours.
10:05C'était déjà très violent.
10:07Et là, on en est à une année.
10:09C'était déjà sur Gaza à l'époque.
10:10Et là, c'est foissant.
10:11Et je regarde ça avec beaucoup de tristesse et d'horreur mélangées.
10:16Vous êtes navré?
10:18Je suis découragé, découragé parce que ça va engendrer encore plus de violence.
10:22À chaque quatre ans, il y a eu l'opération Plans d'Ursy.
10:24À chaque quatre ans, il y avait des F-16 qui allaient taper dans Gaza.
10:27Mais là, maintenant, on est rendu à Beyrouth.
10:29Et puis, il y a la funule qui se prend quelques étalats en passant.
10:34Non, c'est dramatique.
10:36Pour une fraction de seconde, en tout cas, je rappelle le titre de votre livre
10:39La vie mouvementée d'Edouard Muybridge, publié chez Delcourt.
10:43Restez encore un petit peu avec nous.
10:44Et merci d'être passé sur France Info, Guy Delisle.
10:47Et dans une poignée de secondes, on se retrouve dans tout public.
10:53Voici Kenza.
10:54Kenza a de quoi être fier.
10:56Elle vient de faire cinq minutes de vélo pour aller chercher le pain.
10:59Kenza a décidé que dorénavant, pour les trajets courts, finit la voiture.
11:02C'est meilleur pour la qualité de l'air et ça lui permet de faire des économies
11:06et un peu d'exercice en prime.
11:08Alors oui, vraiment, Kenza a de quoi être fier.
11:11Changeons d'air, changeons de mobilité.
11:13Renseignez-vous sur les aides existantes de l'État, des collectivités
11:16et de votre employeur sur mieux-respirer-en-ville.gouv.fr.
11:20Ceci est un message de l'ADEME et du ministère de la Transition écologique.
11:23Mettons un coup de projecteur sur les pros avec Cerise de Groupeama.
11:26Alors Thomas, vous faites l'inventeur du stock ?
11:28Et non Cerise, je me penche sur ma future retraite.
11:31Et vu mon parcours, je suis perdu.
11:33Chez Groupeama, un conseiller réalise gratuitement votre bilan retraite sur mesure
11:36pour savoir quand partir, avec combien
11:38et connaître les avantages de nos solutions d'épargne.
11:40Ah, et bien je prends rendez-vous alors.
11:42Groupeama, la vraie vie s'assure ici.
11:44Offre soumise à condition, plus d'infos sur groupeamapro.fr.
11:58Et la suite de tout public après le fil info à 13h45.
12:02Théo, mettons Réjumbo.
12:04Cinq personnes sont en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur l'enlèvement de Santiago,
12:09âgé de 17 jours, hier à la maternité de Olney Soubois.
12:13Les parents de ce nourrisson sont toujours recherchés en France et à l'étranger.
12:17Une alerte enlèvement est en cours.
12:20Les interpellés sont des proches des deux ravisseurs présumés.
12:23Éric Ciotti plaide sur France Info pour une réforme constitutionnelle
12:27pour rompre, dit-il, avec l'immigration de masse dans le pays.
12:31Le président du groupe Union des droites pour la République,
12:34allié du RN à l'Assemblée, demande un référendum.
12:37Alors que le budget 2025 est examiné depuis hier à l'Assemblée nationale,
12:41un amendement du centriste Charles de Courson prévoit de créer une taxe sur les produits de vapotage.
12:47Entendez-le, liquide de cigarette électronique.
12:50Une mesure que dénoncent certains tabacologues,
12:52estimant que cela fait courir le risque du retour vers le tabagisme.
12:56Le Hezbollah libanais revendique l'attaque contre le domicile du Premier ministre israélien.
13:01La résidence privée de Benjamin Netanyahou a été visée par un drone samedi matin dans le centre du pays.
13:07Le chef du gouvernement et sa femme étaient alors absents.
13:10Le français Laurent Vinatier fait appel de sa condamnation à trois ans de prison en Russie.
13:14Il est poursuivi pour ne pas s'être enregistré en tant qu'agent de l'étranger.
13:19Laurent Vinatier est en prison depuis le mois de juin.
13:28Et c'est la suite de tout public, Mathéo Maestrati.
13:30Avec nos invités, Guy Delisle est resté avec nous, je rappelle son ouvrage,
13:34pour une fraction de seconde, avec une transition toute trouvée.
13:38On n'a pas fait exprès, parce que dans un instant, on va parler de paternité.
13:41Mais Guy Delisle, on a cité les ouvrages que vous avez publiés précédemment.
13:45En 2013, il y avait un fameux guide du mauvais père.
13:48C'était ironique. J'imagine que vous-même, vous êtes un père pas mal
13:51ou vous vous mettez dans la catégorie des mauvais ?
13:54Ça dépend des jours.
13:56On n'est pas toujours au top.
13:57Donc, je voulais faire un album qui parlait des...
14:01Il y a des guides, il y en a beaucoup des guides d'Olto et compagnie qui sont très sérieux.
14:04Je voulais prendre le contrepied de façon bienveillante quand même
14:08sur ce que c'est que d'être père et de faire des gaffes de temps en temps.
14:11Vos enfants l'ont lu depuis ?
14:13Je leur cachais quand ils étaient tout petits,
14:15mais après, c'est leur copain qui le lisait et qui leur en parlait.
14:18Donc, ça devenait un peu problématique.
14:20Non, je les ai lus avec eux.
14:21Maintenant, ils sont grands. Ils ont 21, 18 ans.
14:22Et ils me donnaient des infos, des idées pour faire des histoires qui n'étaient pas très bonnes.
14:28Ça n'a pas brisé la famille. Tout va bien.
14:30Non, non, on passe Noël ensemble encore.
14:32La transition est trouvée, puisque nous allons accueillir nos deux autres invités
14:38dans tout public. Bonjour, Léa Chauvel-Lévy.
14:40Vous êtes en studio. Bonjour, Kevin et Ritchie.
14:43Bonjour.
14:43Vous êtes en ligne avec nous. Merci à tous les deux d'être là.
14:46Vous êtes là pour vos deux livres respectifs.
14:48Une Demande folle, publié chez Issaie Lattès.
14:51Et Qu'est-ce qu'un père ? aux éditions Fayard.
14:53Léa, votre livre est inspiré de votre propre vie.
14:56C'est l'histoire, vous m'arrêtez d'expliquer une bêtise,
14:58c'est l'histoire d'une jeune femme de 28 ans à qui son père demande de faire un test de paternité.
15:02En attendant le résultat, elle va se poser pas mal de questions sur la filiation.
15:06Questions qui vont ressurgir des années plus tard quand elle-même deviendra mère.
15:10Il n'y avait pas de bêtises, ça va ?
15:11Très bon résumé.
15:12Oui, parfait.
15:14C'est vous, je vais dévoiler un petit peu les coulisses de cette émission,
15:18qui nous avez suggéré d'être avec Kevin et Ritchie,
15:23qui est psychiatre et psychanalyste.
15:24Parce que je crois que vous avez échangé après la parution de votre livre, c'est ça ?
15:28Oui, on s'est dit que nos sujets se croisaient.
15:32Et moi, le regard d'un psy me passionne.
15:38Et donc, Kevin et moi, je pense qu'on partage vraiment le même point de vue
15:43sur les lois de bioéthique, sur la légalisation ou non des tests ADN
15:50et surtout sur la définition du père.
15:52Parce que pour moi, un père, c'est quelqu'un qui élève,
15:56qui est là par sa présence, qui nous nourrit, qui vient nous chercher à l'école.
16:01Et ce n'est pas seulement un géniteur, il me semble.
16:04Et c'est pour ça que moi, je ne suis pas pour la légalisation des tests ADN
16:06qui sont interdits en France.
16:09Parce que je pense que ce serait accorder trop d'importance aux facteurs génétiques.
16:13Et là-dessus, Kevin est tout à fait d'accord.
16:15Kevin et Ritchie, merci d'être avec nous.
16:17Vous êtes psychologue, psychanalyste.
16:19Cet ouvrage, donc, qu'est-ce qu'un père aux éditions FAYA.
16:22Vous avez contacté Léa Chauvel-Lévy après avoir lu son livre,
16:28si je ne dis pas de bêtises.
16:29Qu'est-ce qui vous a touché ?
16:30Qu'est-ce qui vous a parlé dans ce qu'elle avait écrit ?
16:32Alors, ce qui est très, très parlant et très fort dans le livre de Léa Chauvel-Lévy,
16:36c'est qu'elle va décrire le nœud central de la paternité d'une façon inédite.
16:42Un père, au fond, c'est toujours incertain.
16:45Un père est toujours complexé parce qu'il ne sait pas si c'est lui
16:49qui est vraiment et véritablement le père de ses enfants.
16:52Ça pourrait être le laitier.
16:54Donc, Léa Chauvel-Lévy va décrire l'angoisse inverse
16:59d'un père qui ne sait pas et qui va interroger sa fille
17:03pour savoir si oui ou non, elle pense être elle-même aussi sa fille.
17:07Et donc, ce récit est tout à fait passionnant
17:10parce qu'il donne à voir ce que ça peut être l'incertitude de la paternité en 2024.
17:16Pendant des années, c'était des enfants qui étaient bâtards,
17:19qui ne retrouvaient pas leur père.
17:20Voilà là un père qui s'interroge pour savoir si oui ou non, sa fille est bien sa fille.
17:25On parlait tout à l'heure avec notre invité, Guy Delisle, de parler de soi.
17:31Léa, parler de soi, j'ai dit inspirée de votre propre vie.
17:35C'est ma vie, oui.
17:35Vous avez mis beaucoup de votre vie dans cet ouvrage.
17:37Oui, je dis souvent que j'ai mis de ma chair parce que le point de départ,
17:40c'est quand même ce test de paternité que j'ai vécu.
17:43Le reste, c'est un roman.
17:46Mais l'idée de départ, c'est quand même de partir de mon expérience personnelle
17:51d'une jeune femme qui a 28 ans, alors qu'elle a été élevée par son père,
17:54se retrouve à faire un test de paternité.
17:56Et ce qui a été bouleversant pour moi,
18:00c'est finalement, c'est qu'ils mettent en suspens un petit peu
18:04la question de la paternité.
18:06C'est-à-dire que c'était la science pour lui qui allait répondre à cette question.
18:10Alors qu'il m'avait élevée.
18:11Et quand il m'a dit je ne suis pas sûre d'être ton père,
18:13moi, je me suis effondrée, je suis tombée en dépression.
18:16C'est dire à quel point...
18:16C'est extrêmement violent ce que vous racontez là.
18:18Oui, c'est très violent parce que c'est existentiel ces questions.
18:22Donc moi, je peux tout à fait comprendre que mon père ait eu besoin de s'interroger.
18:25Et je crois que, comme Kevin le disait,
18:28tous les pères, finalement, se posent cette question,
18:30sont traversés par cette question de l'incertitude.
18:33Mais je pense pas que la science apporte quelque chose.
18:37Ce n'est pas la vérité absolue.
18:40Votre livre, Kevin Iredi, s'appelle Qu'est-ce qu'un père ?
18:42Avec un point d'interrogation, j'insiste sur le point d'interrogation.
18:45C'est une vaste question.
18:46J'ai surtout envie de vous demander
18:48quel est l'état de cette figure paternelle de nos jours ?
18:50On sait que le modèle familial traditionnel,
18:53et je mets mille guillemets, est remis en question,
18:55sans doute pour le meilleur dans de nombreux cas.
18:57Le père tel qu'on le connaissait est un peu bousculé aujourd'hui ?
19:02Oui, bien sûr qu'il est très bousculé.
19:03Alors, le père tel qu'on le connaissait,
19:05il faut quand même dire un mot sur ce que c'est,
19:07parce qu'on s'entend, mais en mettant des mots, ça va mieux.
19:10C'est le père qui a pour fonction de séparer la mère et l'enfant.
19:17Très concrètement, ça signifie qu'au fond,
19:19le père, c'est un homme qui a une grosse voix
19:22et qui va venir incarner l'autorité dans la famille.
19:25Ce modèle-là, effectivement, est obsolète aujourd'hui.
19:28Et on peut considérer que les pères, tout père, est privé de modèle.
19:33Alors, d'un côté, c'est tant mieux.
19:36De l'autre, c'est difficile.
19:37C'est tant mieux parce qu'il n'y a pas de normes.
19:40Donc, chaque père peut réinventer la paternité à sa façon.
19:43Et de l'autre, moi, j'ai rencontré beaucoup de pères
19:45qui se sentent très perdus,
19:47qui ne peuvent pas s'appuyer sur le modèle de leur propre père
19:51et donc qui, parfois, vacillent un petit peu.
19:54Qu'est-ce que vous pensez, Léa, de cette notion de réinventer la paternité ?
19:57C'est des choses qui vous parlent ?
19:59Ah oui, moi, ça me passionne.
20:02C'est peut-être l'interrogation de ma vie.
20:05Moi, j'ai l'impression que les pères
20:08sont un peu accablés, alors qu'ils ont fait pas mal de progrès.
20:12Moi, j'ai un fils, il est entré en CP.
20:14Il y avait beaucoup de papas aux Réunions.
20:16Il y avait beaucoup de papas à l'école.
20:17Donc, je pense qu'il faut un petit peu les déculpabiliser en ce moment.
20:21Que pensait Kevin Iridji de ce phénomène des nouveaux pères
20:23qui se prennent pour des héros et des grands féministes
20:26parce qu'ils ont étendu une machine dans la semaine ?
20:28J'imagine que c'est plus complexe que ça, quand même.
20:30Non, non, non, je suis d'accord avec Léa Chauvel-Lévy.
20:33Je crois qu'il y a un paradoxe très grand.
20:35C'est que les pères en font énormément.
20:37On les voit un peu partout et qu'en même temps, notre société
20:40est un peu frappée par une sorte de déni, quand même.
20:42C'est-à-dire qu'on a du mal à reconnaître les progrès
20:46qu'ont fait les pères dans les dernières générations.
20:48Donc, j'entends tout à fait la revendication féministe,
20:51mais je pense qu'elle s'adresse davantage à des conjoints qu'à des pères.
20:56Donc, je dirais qu'il y a quand même quelque chose d'un peu étonnant, là.
20:59Et de ce point de vue-là, Guy Delisle, qui parle de mauvais pères,
21:02c'est intéressant parce qu'au fond, on a beaucoup incriminé la mère
21:05en disant que c'était une mauvaise mère.
21:07Moi, j'ai l'impression quand même qu'on a aussi beaucoup incriminé les pères
21:10en disant que c'étaient des mauvais pères, absents, carencés,
21:13qui partaient au boulot, qui partaient draguer, etc.
21:16Donc, je crois qu'il faut quand même réhabiliter cette figure-là
21:19pour le bien du lien entre les pères et les enfants.
21:23Parce qu'en disqualifiant les pères, finalement,
21:26on ne les incite qu'à une seule chose, c'est désinvestir leur paternité.
21:29Ce qui est dommage.
21:30Alors, je précise que ma question était sous forme de boutade,
21:33que je comprends tout à fait votre point de vue.
21:36Je dis ça parce qu'il y a encore sans doute des progrès à faire.
21:39Est-ce que ces progrès, du coup, je vous pose la question à tous les deux,
21:41est-ce que ces progrès qu'on voit dans l'investissement des pères,
21:45dans la façon dont ils questionnent leur investissement au quotidien,
21:49leur paternité elle-même, est-ce que ça évolue,
21:53comme vous le dites, plutôt en bien, là, en 2024, au XXIe siècle ?
21:56Et est-ce que ça évolue aussi en bien quand on sort de France
22:00ou quand on sort d'un milieu jeune et strictement urbain ?
22:04Alors, quand on sort d'un milieu strictement urbain, je ne sais pas,
22:08parce que la condition masculine à la campagne, je ne la connais pas
22:12et je n'en ai pas parlé dans mon livre.
22:13Mais ce que j'observe, c'est quand même de façon assez unanime
22:16des pères qui veulent bien faire et avoir de bonnes intentions.
22:19C'est quand même le début de... C'est le début de l'affaire, quoi.
22:22Donc, ils sont pris quand même par une forte culpabilité,
22:25comme le disait Léa Chauvel, et ils veulent vraiment bien faire.
22:28Alors, et dont les ?
22:30La mère est certaine, le père toujours incertain.
22:32C'est l'adage qu'a un petit peu développé Kevin Irigy à un moment.
22:35Qu'est-ce que vous pensez de cette phrase, vous, Léa ?
22:37Moi, je pars de cet adage.
22:39Donc, c'est quand même assez fascinant qu'on ait au centre
22:44de nos réflexions, Kevin et moi, le même adage.
22:47Donc, je pense que c'est une question universelle qui traverse,
22:51moi, pendant mon enquête, toute la deuxième partie de mon roman,
22:53c'est une enquête et vraiment, j'ai rencontré des pères.
22:57J'ai l'impression que tous doutent.
22:59Donc, si vous voulez, moi, je suis dans un paradoxe parce que je comprends
23:01tout à fait la démarche du père qui veut savoir si le père de l'enfant...
23:05Maintenant, il y a un cadre légal qui l'interdit, c'est-à-dire que le père,
23:10il a jusqu'aux trois ans de l'enfant s'il l'élève pour faire un test de paternité.
23:14En France, c'est absolument pas...
23:17C'est un cadre légal, en fait.
23:20Moi, j'aurais préféré que la justice me protège.
23:23C'est une décision judiciaire, un test de paternité.
23:27C'est 15 000 euros d'amende et pratiquement un an d'emprisonnement
23:31de faire un test de paternité à l'étranger ou sur Internet.
23:35Vous parlez de votre enquête, vous avez rencontré des pères,
23:37vous avez rencontré aussi beaucoup d'acteurs institutionnels, je crois.
23:40Alors, j'ai rencontré une ancienne garde des Sceaux,
23:43j'ai rencontré un sociologue, un prêtre aussi.
23:46Et je me suis rendu compte d'une chose qui m'a fascinée,
23:48c'est que la sociologie et la religion chrétienne sont d'accord sur un point.
23:52Un père, parce qu'il n'enfante pas, qu'il ne porte pas l'enfant, va finalement l'adopter.
23:58C'est-à-dire que comme c'est un geste second,
24:03il ne porte pas, donc il va choisir d'être père.
24:06Et moi, c'est quelque chose qui me passionne,
24:10parce que qu'est-ce qu'on fait sinon des pères adoptifs ?
24:13Les pères adoptifs, s'ils ne sont pas les pères biologiques,
24:16sont-ils de faux-pères ? Pas du tout.
24:18Ça me paraît très problématique.
24:20Donc pour moi, ce que je revendique et ce qui est le cœur de mon roman,
24:23c'est qu'un père, c'est un héritage socioculturel
24:25et ce n'est absolument pas seulement un géniteur.
24:28Le mot de la fin pour vous, Kévin Hirigi, ce débat est évidemment passionnant,
24:31mais j'avais envie de vous poser une question
24:34pour aller presque dans quelque chose de même plus philosophique.
24:36Au moment des manifestations et de la loi pour le mariage pour tous,
24:41beaucoup de gens disaient, en parlant de familles homoparentales,
24:46les enfants ont besoin d'un père.
24:47Cette question de besoin d'un père, comment vous la recevez, vous ?
24:52Je rencontre presque quotidiennement des couples de femmes
24:55au Sécos de Port-Royal.
24:56Le Sécos, c'est l'endroit où on attribue des gamètes aux personnes infertiles.
25:01Et quand je rencontre ces couples de femmes,
25:03je me dis tous les jours la même chose,
25:05c'est que l'enfant a besoin d'un tiers,
25:09c'est-à-dire qu'il a besoin d'une structure familiale
25:11où il y a trois personnes, l'enfant et deux parents,
25:15pour éviter la fusion entre une mère et lui.
25:19Mais le fait que ce tiers soit un père ou soit une autre mère,
25:23comme c'était le cas pour Sartre, un grand-père,
25:26ou pour Camus, un instituteur,
25:28ça compte assez peu, c'est assez secondaire.
25:31L'essentiel, c'est qu'on puisse dire « je, tu, nous ».
25:34Et ça, c'est essentiel dans le développement psychique de l'enfant.
25:37Écoutez, c'est une magnifique façon de terminer cette émission.
25:39Merci beaucoup, Léa Chauvel-Lévy, d'être venue en studio.
25:43Une demande folle, votre roman publié chez J.C. Lattès.
25:46Kevin et Ritchie, merci aussi.
25:48« Qu'est-ce qu'un père ? », c'est publié chez Fayard.
25:49Et puis on remercie Guy Delisle d'être venu également nous voir dans tout le public.
25:53Et bravo pour cette nouvelle BD, pour une fraction de seconde,
25:57« La vie mouvementée » d'Edouard Muybridge, publié aux éditions Delcourt.
26:00Merci à tous.

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