• il y a 2 mois
Le plan Barnier est-il suffisant pour affronter une dette record ? Les économistes de renommée internationale Gabriel Zucman et Olivier Blanchard débattent du problème de la dette. Pour l’un, il faut s’assurer que les plus riches paient leur juste part d’impôt. Pour l’autre, il faut faire un effort sur les dépenses, trop élevées en France. Voici la retransmission du nouvel épisode des grands débats économiques du "Nouvel Obs".

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Transcription
00:00Il faut être réaliste sur ce qu'il faut faire et ce qu'on peut faire.
00:03Quand j'entends les gens parler « on va réduire la dette », c'est une blague.
00:06La dette, elle va continuer à augmenter chaque année.
00:09Il faut penser en termes de dette par rapport aux PIB,
00:12et même réduire le rapport dette-PIB,
00:15et puis dans l'avenir, dans le reste de la discussion, je dirais juste dette,
00:17mais j'entête toujours dette par rapport aux PIB.
00:20La diminuer, c'est à peu près exclu dans les cinq ans qui viennent,
00:25donc ce n'est pas l'objectif.
00:27L'objectif, je crois que sur lequel on doit être tous d'accord,
00:30je ne sais pas si Gabriel le sera,
00:32c'est qu'il faut stabiliser à terme le rapport dette-PIB.
00:37D'accord, ça doit être ça l'objectif,
00:39parce que si tu laisses la dette augmenter indéfiniment,
00:42tu peux la laisser augmenter quelques années s'il y a de bonnes raisons,
00:45mais si tu la lâches partir à la dérive,
00:47à un moment, les investisseurs, ils disent « merci beaucoup,
00:49tu as les taux d'intérêt qui augmentent et puis tu as des cycles pervers
00:56où les taux d'intérêt augmentent,
00:57c'est encore plus difficile de réduire les déficits, etc. »
01:00Donc, l'objectif sur lequel j'espère qu'on est tous d'accord,
01:04alors c'est là en effet que Gabriel approuvera ou pas,
01:07c'est qu'à terme, il faut stabiliser la dette.
01:09Donc, ça veut dire quoi ?
01:12Vu l'environnement actuel, la réponse dépend de ton intérêt et de ton croissance,
01:15mais pour faire simple, pour le moment, stabiliser la dette,
01:18ça veut dire réduire le déficit primaire à zéro à terme.
01:22Déficit primaire, c'est un terme un peu jargonesque,
01:25mais c'est en gros le déficit sans compter les paiements d'intérêts.
01:29Donc, réduire le déficit primaire, ça veut dire en gros financer les dépenses
01:34par les revenus en laissant de côté les paiements d'intérêts.
01:40Donc, c'est en gros vivre dans son budget, c'est pour parler simple.
01:44Mais c'est ça qu'il faut faire.
01:46Donc, je crois qu'on peut prendre ça comme donné
01:47puis ensuite, on peut être en désaccord sur la manière de le faire.
01:50Ensuite, la question, c'est à quelle vitesse ?
01:52Et c'est ça la grande question.
01:54L'idée de le faire en une journée à la Milleuil en Argentine,
01:59c'est une catastrophe à la fois politique,
02:00tu ne peux pas réduire un déficit primaire qui est probablement de l'ordre de 4% du PIB.
02:06Tu imagines les mesures qu'il faudrait prendre.
02:07Donc, c'est totalement impossible.
02:09Et puis, du point de vue macro, si tu fais une diminution des dépenses de 4%
02:14ou une augmentation des impôts de 4%,
02:16en un an, tu as une récession sans la moindre question.
02:20Donc, tu ne peux pas le faire comme ça d'un seul coup.
02:23En même temps, si tu dis je vais le faire sur les 20 ans qui viennent,
02:26les investisseurs, ils disent vous ne serez pas là,
02:29on n'y croit pas, c'est de la blague.
02:31Donc, il faut trouver un chemin.
02:34Et bon, il y a un travail du Conseil d'analyse économique là-dessus
02:38qui à mon avis est bon.
02:39Et en gros, tu balances les deux et tu arrives à un chemin
02:42qui est de l'ordre de 6 à 8 ans, d'accord, pour arriver à zéro.
02:47Donc, partant de là où on est,
02:49ça implique une réduction du déficit de 0.5% par an,
02:54du déficit primaire de 0.5% par an.
02:56Sur le plan Barnier, lui, il annonce 2%,
03:01mais on sait que ce n'est pas vraiment 2%.
03:03Il y a 1% qui est juste pour éviter que ça monte
03:05et puis 1% que ça diminue.
03:08Donc, il faut comparer le 1% qu'il a proposé au 0.5% que moi j'ai proposé.
03:14Est-ce qu'il y a des arguments pour le faire plus vite
03:16que ce que j'ai dit à la Barnier ?
03:20Peut-être parce que pas mal des mesures qu'il prend
03:24ont vraiment peu d'effet sur la demande.
03:26Quand tu ponctionnes les super profits, entre guillemets,
03:30ça n'a pas beaucoup d'effet sur l'investissement,
03:33surtout si tu dis que tu veux le faire pour un an.
03:36Si tu ponctionnes les 1% ou les 0.1%,
03:40leur probabilité à consommer est relativement limitée.
03:43Donc, tu peux penser que dans ce cas-là, tu peux aller un peu plus vite.
03:45Tu auras des effets macroéconomiques qui sont un peu moins négatifs.
03:48Donc, là-dessus, il y a beaucoup de dimensions au plan Barnier.
03:51Je dirais, bon, moi j'aurais préféré 0.5% probablement
03:55et différentes mesures, on y reviendra,
03:57mais 1% n'est pas obscène.
04:000.5%, ça correspondrait plus à 15-20%, lui à 60%.
04:04Mais 60%, entre les 60%, il y en a 30% qui viennent d'éviter
04:08que ça passe à 7% l'année prochaine en déficit total.
04:12Donc, il faut regarder la diminution du déficit primaire
04:16sur la base de ce qu'on a.
04:17C'est probablement de l'ordre de 30 milliards, à peu près.
04:21Moi, je serais plus dans un 15-20 qu'un 30.
04:24Mais, bon, je comprends pourquoi il le fait.
04:27Je pense qu'en plus, c'est une position de négociation un peu.
04:30On verra ce qui se passe à la fin.
04:32Là, je monopolise, donc, je vais encore faire un point
04:35parce que, à mon avis, la dimension où là, je suis en désaccord,
04:39et puis on verra, c'est la composition.
04:42Alors, la composition, il y a dépenses, recettes, on va y revenir.
04:45Gabriel a des vues, là, tu sais.
04:47Mais il y a une autre dimension qui est temporaire versus permanent.
04:51D'accord ?
04:52Donc, il y a beaucoup de mesures, là, qui sont des mesures temporaires.
04:55Des impôts exceptionnels sur les entreprises,
04:57des impôts exceptionnels sur les gens riches, etc.
05:00C'est totalement inutile du point de vue de l'objectif de long terme.
05:04C'est-à-dire que tu diminues le déficit primaire l'année prochaine, OK,
05:08mais c'est juste pour un an.
05:11On repart à zéro en termes de mesures à prendre après.
05:14Donc, ce sont des mesures qui sont peut-être politiquement nécessaires
05:17parce qu'il faut trouver de l'argent,
05:18mais qui ne sont pas utiles du point de vue de ce qu'il faut faire,
05:21qui est de réduire le déficit primaire à 5 ans, à 8 ans, comme tu veux.
05:25Donc, à mon avis, c'est ça le...
05:27Il y a d'autres problèmes plus spécifiques,
05:29mais c'est ça le problème fondamental.
05:30Mais si elles sont pérennisées, à ce moment-là,
05:32elles ont des effets négatifs qui sont plus forts,
05:34et on doit refaire le calcul.
05:36Si tu dis aux entreprises que tu vas leur piquer leurs profits,
05:39si c'est pour un an, ça va.
05:42Si c'est pour l'éternité, il change un peu le comportement.
05:45Donc, je m'arrête là.
05:47Il y a plein de points sur lesquels on veut revenir.
05:49Et maintenant, je me tourne vers Gabriel.
05:50Il ne faut pas du tout se mettre dans une perspective
05:52d'augmentation perpétuelle de la dette publique.
05:55Ce n'est pas une façon satisfaisante
05:58d'organiser nos choix collectifs.
06:01Donc, ça, c'est très important de le rappeler.
06:05Après, pour des raisons très simples que tu as rappelées,
06:08qui sont que, simplement, ça revient à se mettre
06:11à la merci des marchés financiers.
06:13C'est prendre le risque de devoir payer
06:15des dizaines de milliards d'intérêts sur la dette,
06:18prendre le risque d'une augmentation des taux d'intérêt.
06:20Donc, il faut éviter ce risque-là.
06:22Alors, est-ce que, ensuite, le plan Barnier est satisfaisant ?
06:25Je pense qu'il y a trois limites principales.
06:28La première, c'est le caractère effectivement trop brutal
06:33et rapide de la consolidation budgétaire,
06:35que ce soit un ou deux points de PIB.
06:37C'est très rapide quand on regarde les épisodes
06:39de consolidation budgétaire dans les autres pays.
06:41Là, c'est vraiment prendre le risque
06:43d'une cure d'amaigrissement récessif.
06:47C'est prendre le risque de ralentir la croissance économique.
06:53C'est prendre le risque de faire du mal à l'emploi,
06:57de faire augmenter le chômage.
06:58Donc, là, à mon avis, il y a un risque
07:00d'aller trop vite, trop fort.
07:02Deuxièmement, je suis tout à fait d'accord avec ce que tu as dit
07:04sur le caractère pérenne ou temporaire des mesures.
07:10Il me semble très important de dire,
07:12de prendre des réformes structurelles,
07:16de s'attaquer aux problèmes à la racine
07:19et pas de chercher des colmatés,
07:24comme ça, de façon artificielle et temporaire,
07:26certaines brèches dans le budget.
07:28Troisièmement, et sans doute de mon point de vue,
07:30c'est le plus gros problème,
07:31je pense que le plan Barnier
07:34fait une erreur de diagnostic.
07:36C'est-à-dire qu'une grande partie de l'ajustement
07:38repose sur une baisse de la dépense publique
07:42quand le problème de fonds, en réalité,
07:45vient d'un problème de recette fiscale.
07:48C'est-à-dire, si on en est là aujourd'hui
07:50avec un déficit de 6% du PIB sur l'année 2024,
07:55ce n'est pas parce qu'il y a eu
07:57une soudaine explosion des dépenses publiques
07:59qui, en réalité, sont stables
08:01depuis une quinzaine d'années.
08:0357% du PIB, ça n'a pas augmenté depuis 15 ans,
08:06ça a augmenté temporairement
08:08au moment de la crise du Covid,
08:10mais enfin, c'est redescendu ensuite.
08:12En revanche, ce qui a baissé,
08:14c'est les recettes fiscales,
08:16c'est les rentrées d'impôts.
08:18Donc là, on a un problème,
08:20c'est ça qui a creusé le déficit.
08:22Pour différentes raisons,
08:23il y a eu quand même tout un tas de baisses d'impôts
08:25pendant la présidence Macron,
08:28que ce soit la baisse de l'impôt sur les sociétés
08:30de 33% à 25%,
08:32que ce soit la suppression de la taxe d'habitation,
08:35que ce soit la baisse de la fiscalité
08:37des revenus du capital,
08:39que ce soit la suppression de l'ISF
08:41son remplacement par l'IFI.
08:43Bref, toutes ces mesures ont quand même creusé
08:45un trou dans les finances publiques
08:47et c'est à ce déficit fiscal-là
08:50qu'il faut, à mon avis, s'attaquer.
08:53Et malheureusement, le plan Barnier
08:56ne propose pas de réforme d'ensemble
08:59de la fiscalité française.
09:01Voilà, c'est de ça dont on a besoin aujourd'hui.
09:03Fondamentalement, si on veut résoudre
09:05nos problèmes de finances publiques,
09:07il faut une grande réforme fiscale
09:09qui va venir collecter
09:11les déficits fiscaux
09:13des acteurs économiques qui sont sous-taxés.
09:15Parce que c'est vrai que dans l'ensemble,
09:17bon, le taux de paiement obligatoire en France
09:19est relativement élevé,
09:21ce qui témoigne de nos choix sociaux
09:23en matière de retrait, de santé, d'éducation, etc.
09:26Mais il y a un certain nombre d'acteurs économiques
09:29qui ont des taux de paiement obligatoire
09:31particulièrement faibles,
09:33nettement plus faibles que ceux des autres,
09:35et c'est à ces déficits-là qu'il faut s'attaquer aujourd'hui.
09:37On a quelques points de désaccord.
09:39L'effet macroéconomique ne sera pas aussi négatif.
09:41C'est un point sur lequel j'ai beaucoup assisté
09:43quand il y avait les programmes
09:45d'ajustement du fonds dans les pays du Sud.
09:48Je suis très sensible à ça,
09:50mais je crois que dans ce cas-là,
09:52l'impact sur l'économie sera relativement limité.
09:55C'est pour ça que, bien que ce soit 1 %
09:57et je préfère 0,5 %,
09:59ce n'est pas pour moi la fin du monde.
10:01Mais il faut regarder ce qu'il y aura à la fin.
10:03Sur le deuxième, temporaire, on était d'accord.
10:05Sur le troisième, c'est absolument vrai ce que tu dis,
10:07Gabriel, c'est-à-dire qu'une bonne partie
10:09de l'augmentation du déficit,
10:11bon, il y en avait un peu avant la crise Covid,
10:13on avait déjà un déficit primaire
10:15qui n'était pas négligeable
10:17par rapport aux autres pays
10:19de l'Union européenne,
10:21mais il a augmenté
10:23et c'est vrai qu'il a largement augmenté.
10:25Bon, il y a eu les mesures Covid,
10:27les mesures de protection qui sont largement parties,
10:29mais il y a eu un certain nombre de mesures
10:31où Macron a décidé
10:33de supprimer certains impôts
10:35et puis ça a eu une perte de revenus.
10:37Alors la question à ce moment-là, c'est de savoir
10:39est-ce qu'il faut revenir en arrière ?
10:41Le déficit vient des mesures qu'il a prises,
10:43est-ce qu'il faut défaire les mesures ?
10:45Ce n'est pas du tout évident.
10:47Du point de vue logique, ce n'est pas du tout évident.
10:49Les impôts de production,
10:51ce n'étaient pas vraiment de mauvais impôts,
10:53ce n'est pas la peine d'y revenir.
10:55Donc l'argument qu'on a des déficits
10:57parce qu'il a fait ça, c'est important
10:59du point de vue historique,
11:01mais ça ne donne pas le chemin d'ajustement
11:03et comme tu as dit, il faut réfléchir
11:05à comment on organise le système
11:07indépendamment de la manière dont on est
11:09là aujourd'hui.
11:11Donc pour moi,
11:13et c'est là qu'il va y avoir une différence
11:15entre Gabriel et moi,
11:17on est à 57% du PIB
11:19en termes de dépenses
11:21par rapport aux dépenses publiques
11:23par rapport au PIB,
11:25que ce soit fonctionnement ou transfert,
11:27que c'est de fait le taux le plus élevé,
11:29on est probablement à 58 d'ailleurs cette année
11:31quand on aura fait tous les calculs,
11:33c'est un taux très élevé
11:35et donc pour moi, la marge de manœuvre
11:37est très limitée
11:39en termes d'agrégat.
11:41C'est-à-dire que dépasser 58
11:43ou rester à 58 me paraît
11:45dangereux.
11:47Ensuite, Gabriel a totalement raison,
11:49qu'on peut probablement faire mieux
11:51et il y a des catégories à la fois d'entreprises
11:53et de particuliers
11:55qui ne payent pas suffisamment d'impôts,
11:57ça c'est clair.
11:59Si on essaie de calculer le taux de prélèvement
12:01obligatoire pour les différents groupes de la population,
12:03les 10% des Français
12:05avec les revenus les plus faibles,
12:07les 10% suivants, etc.,
12:09on se rend compte qu'effectivement,
12:11les classes populaires, les classes moyennes,
12:13les classes supérieures payent peu ou prou
12:1550% de leurs revenus en impôts, tout compris
12:17TVA, cotisation sociale,
12:19impôts sur le revenu,
12:21enfin tous impôts compris.
12:23Ce qui, mathématiquement, est un peu obligé
12:25vu qu'on est dans un pays qui collecte 50%
12:27du PIB en impôts.
12:29Mais il y a une grande exception qui est
12:31les très hauts revenus
12:33et les très grandes fortunes
12:35qui, encore une fois, tout prélèvement obligatoire compris,
12:37ont des taux effectifs nettement plus faibles.
12:39En l'occurrence, pour les milliardaires
12:41français,
12:43leurs taux effectifs de prélèvement obligatoire,
12:45c'est 27% à peu près de leurs revenus.
12:47Donc là, je pense que c'est très
12:49important dans la situation actuelle
12:51de dire que la priorité
12:53doit aller
12:55à la collecte
12:57du déficit fiscal
12:59des acteurs économiques qui sont sous-taxés.
13:01Surtout que là, en l'occurrence, ceux qui sont sous-taxés
13:03s'avèrent être ceux qui sont
13:05immensément riches et qui ont les revenus et les fortunes
13:07les plus élevés.
13:09Il n'y a vraiment pas de raison valable
13:11de s'attaquer à quoi que ce soit d'autre
13:13avant de commencer par là.
13:15Et ce constat, maintenant,
13:17il commence à être bien connu. Il y a eu tout un tas
13:19d'études très sérieuses.
13:21Les chiffres que j'ai mentionnés
13:23proviennent d'une étude réalisée
13:25par l'Institut des politiques publiques
13:27qui a été publiée l'année dernière
13:29le fruit d'une longue collaboration de recherche
13:31avec l'administration fiscale
13:33où ils ont réussi, pour la première fois,
13:35à bien mesurer les impôts
13:37effectivement payés par les plus riches
13:39en France. Donc le constat, maintenant,
13:41il est partagé.
13:43Il est clair.
13:45Et malheureusement, là,
13:47le projet de budget
13:49Barnier ne s'attaque pas à ce qui
13:51devrait être, de mon point de vue,
13:53la priorité.
13:55Malheureusement, là, on est totalement d'accord.
13:57Donc il n'y a pas de sujet à débat.
13:59Je pense que, quand on pense à la redistribution,
14:01il faut regarder dans l'échelle.
14:03Et en effet, la redistribution est assez généreuse.
14:05Mais
14:07tout à fait en haut de l'échelle richesse.
14:09Manifestement,
14:11les gens très riches ne paient pas
14:13leur part. Et là,
14:15Gabriel a, à mon avis,
14:17une proposition qui me paraît être la bonne.
14:19C'est-à-dire que les gens très riches,
14:21on parle de gens qui sont à plus d'un million
14:23par an
14:25de revenus, ou dix millions, je ne sais pas
14:27à quel niveau tu mets ça,
14:29sont des gens qui, souvent, ont un revenu très faible
14:31par rapport à leur richesse. Parce qu'ils utilisent
14:33toute une série de méthodes
14:35d'optimisation fiscale. Même si tu taxes
14:37leur revenu à
14:39presque 100%,
14:41ils restent immensément riches.
14:43Et ils paient assez peu, parce que le revenu déclaré
14:45est très faible. Donc, l'idée que Gabriel
14:47de dire, on regarde le revenu,
14:49on regarde la richesse,
14:51on met un taux d'imposition sur la richesse,
14:53lui, il veut 2%, moi, je pense que
14:551% est plus raisonnable. Et puis, on prend
14:57le maximum des deux,
14:59va attraper les gens dans cette partie de la distribution.
15:01Je serais passé, Gabriel, je pense qu'il y a
15:03certainement des gens qui partiront,
15:05mais c'est tellement
15:07obscène, le taux d'imposition
15:09réelle du revenu
15:11complet, c'est-à-dire
15:13en tenant compte des bénéfices
15:15des boîtes. Il est tout de même
15:17tellement bas, qu'il me semble que
15:19c'est très important de le faire.
15:21Alors, en effet, certains partiront,
15:23mais je ne pense pas que tout le monde partira.
15:25Et c'est un moyen, à mon avis,
15:27de rétablir un tout petit peu
15:29d'équité
15:31dans la distribution.
15:33Alors, si on laisse ça de côté, c'est pas ça
15:35qui va réduire le déficit.
15:37Je ne sais pas quel est le chiffre que Gabriel
15:39veut donner. C'est deux fois plus que le mien,
15:41puisqu'il veut 2%, moi, je veux 1%.
15:43Mais on arrive à quoi ? 5 milliards,
15:45peut-être ?
15:47Plutôt 20 milliards, si on fait 2%.
15:49Je vais expliquer le calcul.
15:51Il sait où trouver l'argent, moi, je suis moins sûr.
15:53Mais disons...
15:55C'est quelque chose qu'il faut faire,
15:57et ça pose le problème du reste.
15:59Est-ce qu'on est un pays où la redistribution
16:01est trop généreuse ? C'est obscène de dire ça,
16:03mais c'est une vraie question. Dans le contexte
16:05dans lequel on est, est-ce qu'on peut être aussi
16:07généreux avec, en gros,
16:09la moitié, les 50%
16:11du bas de la distribution ? Parce que,
16:13quand on pense à la réduction
16:15du déficit, on parle
16:17de décisions de ce genre. Donc, je crois qu'il faut mettre ça
16:19sur la table, et un certain nombre
16:21de mesures, dans le plan Barnier, tel qu'il a été
16:23annoncé hier, qui vont un peu
16:25dans l'autre direction. Donc, par exemple,
16:27que la Sécurité sociale rembourse au moins,
16:29et que les mutuelles
16:31paient plus, ça veut dire que les gens paieront plus
16:33pour leurs mutuelles. C'est un moyen de réduire
16:35la redistribution.
16:37Je crois qu'il faut être ouvert à ce genre de mesures.
16:39Politiquement, c'est de la dynamite.
16:41Mais on ne peut pas, dans un
16:43contexte où on part avec un déficit
16:45primaire, quelques 4%, ne pas
16:47se poser cette question. Mais les deux,
16:49ça peut être pareil. C'est-à-dire que je pense vraiment qu'il y a
16:51un problème des très riches,
16:53et puis, il y a le problème général
16:55de la générosité du système de redistribution
16:57en France. Je peux en parler.
16:59Mais je pense que c'est important
17:01qu'on s'attarde sur ces questions
17:03de taxation des très grandes fortunes.
17:05Non pas
17:07parce que c'est symbolique, pour des questions
17:09purement de
17:11justice, d'équité fiscale
17:13qui sont très importantes, mais parce que je pense
17:15que c'est fondamentalement au cœur
17:17de l'équation
17:19budgétaire. C'est-à-dire qu'on parle
17:21de beaucoup d'argent. Des fois,
17:23il y a cette idée que, bon, finalement,
17:25OK, les très grandes fortunes
17:27ne payent pas beaucoup d'impôts, mais enfin, il y en a tellement peu
17:29finalement que tout ça ne pèse
17:31pas grand-chose. Et en réalité,
17:33quand on regarde plus précisément les chiffres,
17:35il me semble que ce n'est pas exact.
17:37Le constat de base, grosso modo,
17:39c'est que les grandes fortunes françaises,
17:41mettons, les gens qui ont plus de 100 millions
17:43d'euros de patrimoine, et encore
17:45plus les milliardaires, ne payent
17:47pas d'impôts sur le revenu.
17:49Quasiment pas d'impôts sur le revenu.
17:51Pourquoi ? Parce que,
17:53à ce niveau de patrimoine-là,
17:55c'est très simple de structurer sa fortune
17:57de façon à ce qu'elle ne génère
17:59pas de revenu imposable.
18:01D'accord ? Donc, il n'y a pas de revenu fiscal.
18:03Ils le font en utilisant des sociétés holding,
18:05différents montages, mais le résultat
18:07est toujours le même. Très peu de revenu fiscal,
18:09donc très peu d'impôts sur le revenu payé.
18:11D'où une proposition
18:13que j'ai formulée.
18:15J'ai beaucoup travaillé, en particulier,
18:17dans le cadre du G20,
18:19pour essayer d'avancer la discussion internationale
18:21sur ces questions, qui consiste à dire
18:23qu'on peut créer un impôt minimum
18:25sur les très grandes fortunes pour s'assurer
18:27qu'elles payent
18:29un minimum d'impôts sur le revenu chaque année.
18:31Pour que ça marche, il faut que le minimum soit exprimé
18:33non pas en fonction du revenu taxable
18:35fiscal, qui est quasiment nul,
18:37ce qui est malheureusement la proposition
18:39dans le budget
18:41Barnier, de taux minimum à 20%,
18:43ça ne marche pas. Il faut que
18:45le taux minimum soit exprimé en fonction
18:47du patrimoine lui-même.
18:49Donc, la proposition que j'ai formulée, c'est
18:51taux minimum de 2%
18:53de la fortune. Quelqu'un qui
18:55paierait déjà beaucoup d'impôts sur le revenu, pour des raisons
18:57x, y, ça peut arriver, n'aurait rien de plus
18:59à payer, mais quelqu'un qui paye 0
19:01impôts sur le revenu, et c'est plutôt la norme parmi les
19:03milliardaires, devrait maintenant payer un impôt sur
19:05le revenu 2% de son patrimoine.
19:07Alors, si on fait le calcul de combien ça
19:09pourrait rapporter sur la base des
19:11chiffres disponibles, donc on peut
19:13faire le classement des 500 plus grandes fortunes
19:15de Challenge,
19:17elles ont à peu près 1200
19:19milliards d'euros de patrimoine,
19:21elles paient très peu d'impôts sur le revenu,
19:23donc 2% de ça, déjà ça fait
19:2524 milliards
19:27d'euros. Bon, alors, il y a des
19:29incertitudes, certaines de ces grandes fortunes ne sont pas
19:31résidentes fiscales en France, peut-être que Challenge
19:33surestime leur richesse, peut-être qu'il
19:35sous-estime leur richesse, mais, donc,
19:37il y a une marge d'erreur,
19:39mais mettons qu'avec un taux minimum
19:41de 2% sur ces
19:43toutes petites catégories de la population,
19:45on parle de vraiment très très peu de ménages,
19:47on peut espérer 15 à
19:4925 milliards d'euros de recettes
19:51fiscales, donc de 0,6 à
19:530,9 points de PIB. Ce qui,
19:55je pense, dans la
19:57trajectoire de,
19:59comment dire,
20:01budgétaire, bah, ça va
20:03pas tout résoudre, mais ça
20:05permet de résoudre peut-être à terme
20:07à peu près un tiers
20:09de notre problème
20:11de déficit excessif. Et puis on parle
20:13de gens, encore une fois, avec la capacité
20:15contributive maximale et qui
20:17payent extrêmement peu, donc il n'y a aucune raison
20:19de ne pas le faire. Là où le débat
20:21effectivement est particulièrement important,
20:23c'est comment on règle les problèmes
20:25d'exil fiscal potentiel,
20:27parce qu'il n'y a pas un risque que ces grandes fortunes
20:29prennent leur valise des ménages
20:31en Belgique ou en Suisse. Donc je voudrais répondre
20:33brièvement sur ça parce que c'est effectivement le cœur du problème
20:35et ce qui est très important à comprendre, c'est que
20:37l'exil fiscal, la concurrence
20:39fiscale internationale de façon plus générale,
20:41c'est pas une espèce de loi de la nature,
20:43c'est en fait
20:45un choix qu'on fait
20:47de la tolérer, mais on pourrait
20:49faire d'autres choix. C'est-à-dire que là, pour le moment,
20:51ce que la France fait, comme la plupart des autres pays,
20:53pas tous, mais la plupart, la France
20:55dit, bon, bah, quelqu'un qui a vécu très longtemps
20:57en France, devenu très riche et maintenant part s'installer
20:59en Suisse, on arrête immédiatement
21:01de la taxer, cette personne. Bon, pourquoi
21:03pas ? C'est le choix qui est fait, mais enfin, on pourrait faire
21:05d'autres choix. On pourrait dire, bon, bah, quelqu'un qui est devenu extrêmement
21:07riche en France, en ayant vécu longtemps,
21:09donc qui a bénéficié des
21:11services publics, des infrastructures,
21:13de l'éducation, de la santé,
21:15et qui maintenant part s'installer dans un
21:17paradis fiscal, nous allons continuer
21:19à taxer cette personne. Nous allons continuer
21:21à la taxer pendant 5 ans, pendant
21:2310 ans, pendant 15 ans, enfin, je veux dire, on peut discuter,
21:25mais enfin, l'idée de dire, on arrête immédiatement
21:27de la taxer, rien ne nous oblige de le faire,
21:29et c'est trop extrême.
21:31Donc, avec des mécanismes
21:33de cette nature-là, où l'impôt
21:35minimum de 2% sur les patrimoines
21:37pourrait continuer à suivre
21:39les ex-résidents,
21:41s'ils ont passé longtemps, s'ils ont vécu longtemps
21:43en France, ont devenu très riche en France, on continue à les taxer
21:45un peu après leur départ, c'est comme ça qu'on peut
21:47résoudre, en grande partie,
21:49ces problèmes d'exil fiscal.
21:51Deux réactions. La première, c'est qu'il y a une discussion parallèle
21:53sur la position des multinationales,
21:55où Gabriel a fait un très
21:57bon boulot, et il y a des progrès,
21:59et ça implique, en effet,
22:01un accord entre différents pays,
22:03mais j'ai l'impression qu'on va dans la bonne direction,
22:05sur l'imposition
22:07des très riches. L'ironie,
22:09c'est que les Etats-Unis sont tout à fait en avance
22:11sur la France,
22:13en particulier. Ils ont
22:15deux choses, ils ont ce qu'on appelle l'exit tax,
22:17c'est-à-dire que Gabriel
22:19voulait taxer pendant 5 ans, ils le font
22:21une fois, quand tu sors, et ça peut être
22:23assez substantiel, donc
22:25l'exit fiscal est
22:27moins attirant. L'autre,
22:29la manière dont
22:31les gens très riches évitent
22:33de payer des impôts, c'est comme
22:35Gabriel l'a dit, c'est en gros d'avoir
22:37des revenus réels très importants,
22:39de les mettre dans une boîte,
22:41et de se payer des dividendes relativement
22:43limités, donc le revenu fiscal est
22:45limité. Mais ça veut dire que
22:47dans la boîte que tu as,
22:49dans la compagnie que tu as, il y a de plus
22:51en plus d'argent, parce que tu sors pas
22:53l'argent, mais il est là, d'accord ?
22:55Aux Etats-Unis, en France, tu peux faire ça, il n'y a pas de
22:57limite, tu peux avoir une boîte, moi par
22:59exemple j'ai une boîte, je ne sais pas, je n'essaie pas de faire
23:01de l'optimisation fiscale, mais tu vois, les revenus
23:03arrivent, et je sors ce dont j'ai besoin,
23:05et l'argent qui s'accumule,
23:07personne ne me dit rien. Aux Etats-Unis,
23:09si je faisais ça, et si ce que j'accumulais
23:11était trop large, l'IRS
23:13vient me voir, et me dit, monsieur,
23:15vous avez tout cet argent dans cette boîte,
23:17vous avez l'intention d'en faire quoi ?
23:19Si je leur dis, oui, non, j'ai un projet d'investissement
23:21l'année prochaine, j'ai vraiment besoin du fric,
23:23je vais le faire, ils disent très bien,
23:25si tu n'as pas de bonne réponse,
23:27ils te disent, vous sortez l'argent, et ça apparaît
23:29dans le revue fiscal.
23:31Ce n'est pas pour dire que les Etats-Unis
23:33sont extraordinaires du point de vue
23:35de la taxation des très riches, mais tu vois,
23:37ce sont des mesures, souvent
23:39quand Gabriel parle, on a l'impression
23:41de, qu'est-ce que c'est que ce type
23:43qui a des idées absolument invraisemblables,
23:45c'est totalement impossible,
23:47avec toute l'amitié que j'ai pour Gabriel, mais
23:49ce n'est pas le cas, il y a
23:51des mesures qui sont prises,
23:53le multinational, il y a eu du progrès qui paraissait
23:55impossible autrefois, là-dessus,
23:57il me semble qu'on peut faire des choses.
23:59Là encore, ce que je veux séparer, c'est que je ne suis pas sûr
24:01du chiffre de Gabriel, parce que
24:03d'abord, moi je fais 1%, toi tu fais
24:052%, je pense que 1% serait plus
24:07acceptable pour les très riches, il y aura moins d'exit
24:09fiscal, et puis tu auras tout de même de l'exit fiscal,
24:11donc je pense qu'on n'est pas du tout dans quelque chose
24:13qui résout le problème
24:15global, mais
24:17il faut absolument le faire, pour des raisons
24:19morales, pour des raisons politiques,
24:21pour des raisons éthiques,
24:23il n'y a pas de raison que les gens très riches
24:25paient moins d'impôts que les autres.
24:27Donc la dépense publique, il faut rappeler un peu l'évolution,
24:29c'est-à-dire qu'on est à
24:31une dépense publique qui est de l'ordre de 56-57%
24:33du PIB, c'est élevé par rapport aux autres
24:35pays, c'est vrai, c'est pas en
24:37hausse tendancielle,
24:39depuis 15 ans c'est stable,
24:41ça a augmenté de quelques points, mais assez peu
24:43depuis les années 80,
24:45cette augmentation vient
24:47pour l'essentiel du vieillissement de la population
24:49et donc des dépenses afférentes,
24:51des dépenses de retraite en particulier,
24:53si on regarde
24:55les dépenses publiques en termes de
24:57les salaires des fonctionnaires par exemple,
24:59c'est très stable, 12% du PIB,
25:01ça n'a pas augmenté.
25:03Si on regarde les dépenses d'éducation,
25:05les dépenses d'éducation,
25:07c'est frappant, elles diminuent,
25:091% du PIB, depuis les années 80 on est passé de 6%
25:11à 5% du PIB,
25:13on investit de moins en moins dans l'avenir
25:15de nos enfants. Si on regarde les dépenses
25:17d'investissement
25:19en général de la fonction publique,
25:21c'est pareil, elles diminuent.
25:23On investissait
25:255% du PIB, il y a quelques
25:27décennies, aujourd'hui on investit 4% du PIB.
25:29On prépare de moins en moins l'avenir.
25:31Les dépenses de retraite
25:33augmentent, mais encore une fois
25:35c'est naturel dans une société
25:37vieillissante, compte tenu des
25:39choix de financement de la retraite
25:41qu'on a fait.
25:43Il n'y a pas je pense
25:45un problème de dépenses publiques,
25:47surtout qu'en réalité,
25:49il faudrait faire plutôt l'inverse de ce qu'on a fait,
25:51c'est-à-dire qu'au lieu de sous-investir dans l'éducation,
25:53de sous-investir dans la recherche,
25:55de sous-investir dans
25:57les infrastructures publiques, il y a des besoins considérables
25:59en matière de transport, etc.,
26:01il faut sur-investir, parce que c'est ça, infiné,
26:03qui va faire non seulement
26:05la croissance de notre pays,
26:07mais aussi l'attractivité de notre pays.
26:09La croissance
26:11et l'attractivité, c'est la qualité
26:13de nos écoles,
26:15la qualité de nos universités,
26:17la qualité de notre système de santé,
26:19la qualité des infrastructures
26:21publiques, qui permettent aux
26:23entreprises, aux business, d'être plus
26:25productifs.
26:27C'est ça, non seulement, qui va être moteur de
26:29prospérité à l'avenir, mais qui va faire aussi que
26:31les entreprises et les gens veulent venir s'installer
26:33en France.
26:35Donc, en fait,
26:37il me semble que
26:39la priorité devrait plutôt être
26:41à l'investissement
26:43dans l'éducation,
26:45la santé et les infrastructures
26:47publiques, donc plutôt l'inverse
26:49de
26:51la politique
26:53de baisse des dépenses publiques
26:55dans laquelle on est en train de s'engager à l'heure actuelle.
26:57Gabriel a raison, mais il a tort.
26:59Il a raison dans
27:01la mesure où je regarde le système de santé,
27:03il y a plein de choses qu'on voudrait pouvoir offrir
27:05aux gens, qui seraient de bonnes choses.
27:07Le système d'éducation, je pense
27:09qu'on pourrait dépenser mieux, mais plus également.
27:11Tu fais la liste
27:13et tu arrives, en effet,
27:15si tu oublies l'autre côté
27:17du bilan,
27:19tu arrives à la conclusion qu'il y a, en effet, toute une série
27:21de choses qui seraient probablement utiles à faire.
27:23Le problème, c'est qu'on est à 57%
27:25de dépenses, qu'il faut qu'on arrive
27:27à 57% de revenus,
27:29et c'est là que
27:31le bas blesse, c'est-à-dire qu'à 57%,
27:33tu as toute une série d'effets pervers
27:35parce qu'il faut que tu trouves l'argent, et malheureusement,
27:37il n'y a pas beaucoup de marge où tu peux trouver l'argent
27:39sans détruire
27:41une certaine efficacité de marché, etc.
27:43Est-ce que 57%,
27:45c'est le chiffre magique qu'il ne faut pas dépasser ?
27:47Ça me paraît
27:49être un chiffre important parce que je regarde tous les autres
27:51pays qui sont un peu dans la même situation
27:53et ils sont un peu plus bas
27:55ou à peu près au même niveau dans le cas d'un ou deux
27:57pays. Donc, il me semble que le problème,
27:59ce n'est pas ça. On est tous d'accord pour dire
28:01qu'il faudrait dépenser plus pour la santé,
28:03plus pour l'éducation, plus pour la défense,
28:05plus pour la transformation verte.
28:07Le problème, c'est
28:09où on trouve l'argent. Donc, on est obligé de faire des choix
28:11et donc, il faut faire
28:13des priorités. Alors, qu'est-ce que ça implique en termes
28:15de politique budgétaire ?
28:17Ça veut dire
28:19qu'il faut essayer de protéger
28:21même si on diminue le déficit,
28:23il faut avoir une vision claire de ce qu'on veut
28:25protéger ou pas. Donc, par exemple,
28:27la transformation verte, il faut la protéger.
28:29On a eu la défense, ça me paraît assez important.
28:31Éducation et santé,
28:33ils sont importants, mais pas aussi urgents
28:35que les deux premiers.
28:37Et il faut regarder le reste.
28:39Le reste, c'est largement des transferts et des choses de ce genre.
28:41Alors, une fois qu'on a fait ça,
28:43si on dit qu'on va réduire le déficit,
28:45on va augmenter les dépenses de santé,
28:47on va augmenter les dépenses d'éducation,
28:49de transformation verte
28:51et de défense,
28:53ça va amener à un déficit
28:55de 10%, ça ne marche pas.
28:57Donc, qu'est-ce qu'on fait ?
28:59Il me semble que ce qu'on fait,
29:01c'est qu'on met un certain nombre
29:03de secteurs
29:05totalement protégés,
29:07je dirais défense et transformation verte.
29:09Pour le reste,
29:11on fait un peu, mais pas suffisamment
29:13parce qu'on n'est pas dans une situation où on peut le faire.
29:15On essaie de diminuer un peu
29:17le reste, mais qu'est-ce que ça implique ?
29:19Ça implique potentiellement
29:21un déficit primaire ou un déficit
29:23un peu plus important.
29:25Ce qui est très important, c'est qu'à terme,
29:27il faut retourner à un déficit primaire de zéro.
29:29Donc le point suivant, c'est si on avait
29:31un gouvernement solide, crédible
29:33qui était là pour les 7 ans qui viennent,
29:35ce gouvernement, je lui conseillerais
29:37de faire
29:39des priorités, de dire
29:41il y a ces priorités-là, il y a la réduction
29:43du déficit, mais peut-être que pendant
29:451 ou 2 ans, on va avoir une augmentation
29:47des dépenses, une augmentation du déficit,
29:49mais sur un chemin d'ajustement
29:51qui nous ramène à zéro, donc des dépenses
29:53temporaires plus importantes,
29:55mais pas permanentes.
29:57Le problème de la situation politique
29:59dans laquelle on est aujourd'hui, c'est que la crédibilité
30:01d'un programme de genre où on veut avoir Bruxelles
30:03ou les investisseurs, et on leur dit
30:05vous affolez pas, l'année prochaine ça va être 9%,
30:07mais c'est vraiment, pour les choses utiles,
30:09ça marche pas.
30:11Donc le gouvernement est un peu
30:13coincé. Du point de vue économique,
30:15on peut se permettre, si on est crédible,
30:17d'avoir une augmentation temporaire.
30:19On a eu ça pendant le Covid, on a eu ça
30:21pendant la crise de l'énergie, on a augmenté les déficits.
30:23Les investisseurs savaient
30:25qu'en principe ces mesures se terminaient,
30:27ça allait. On est dans une situation où vraiment
30:29le gouvernement n'a pas, à mon avis,
30:31cette possibilité. Le dernier
30:33point que je ferais, c'est, j'entends ça
30:35beaucoup trop, et Gabriel ne l'a pas dit,
30:37mais il n'en était pas très loin.
30:39Si on fait de l'investissement, par exemple
30:41dans la santé, dans l'éducation,
30:43on peut faire de la dette, c'est tellement utile.
30:45Le problème, c'est oui, l'investissement c'est utile,
30:47si ça ne génère pas de revenus
30:49pour l'État à terme,
30:51soit parce que ça augmente
30:53le taux de croissance, soit parce que ça augmente
30:55les revenus fiscaux directement,
30:57du point de vue
30:59de la dette, ça ne sert à rien.
31:01Alors, il y a des investissements qui peuvent
31:03payer. Je pense que
31:05il y a des investissements en éducation
31:07qui probablement peuvent payer de manière très
31:09incertaine. Il faut être réaliste, on ne sait pas exactement.
31:11Mais l'idée que
31:13si c'est de l'investissement, on peut faire plus de dette,
31:15ça ne tient pas, parce que
31:17si le résultat, c'est une dette qui augmente à l'infini,
31:19ben oui, on a un meilleur
31:21système d'éducation, mais les investisseurs
31:23ne sont plus là, on a des taux d'intérêt.
31:25Donc, quelquefois, les investissements
31:27peuvent être financés
31:29par la dette, parce que c'est le genre de truc
31:31où tu le fais pendant un ou deux ans, tu investis,
31:33puis ensuite, ça y est, c'est fait.
31:35Mais l'idée générale que plus
31:37de santé, plus d'éducation,
31:39financés par la dette, ça ne tient pas.
31:41Ça ne tient pas du point de vue arithmétique.
31:43C'est triste, c'est dommage, mais c'est comme ça.
31:45Moi, j'aimerais juste
31:47revenir sur un point qui est
31:49la pertinence du ratio
31:51de dépenses publiques sur PIB.
31:53En fait, je ne pense pas qu'on devrait en faire
31:55l'alpha et l'oméga
31:57de notre réflexion et de la politique économique,
31:59parce que ce ratio, quand même,
32:01n'est pas si intéressant
32:03et pertinent.
32:05Et en particulier, les comparaisons
32:07internationales sont quand même
32:09assez problématiques. En l'occurrence, il y a tout
32:11un tas de dépenses
32:13qui sont financées
32:15par des prélèvements obligatoires
32:17publics, aujourd'hui,
32:19qui, dans d'autres pays, sont financées
32:21par des prélèvements obligatoires privés.
32:23L'exemple type, c'est
32:25les assurances santé.
32:27On pourrait sortir tout un tas
32:29d'impôts et
32:31de dépenses de la sphère publique
32:33simplement en mettant plus de
32:35dépenses dans les mutuelles, dans des assurances
32:37santé privées. On pourrait
32:39comme ça avoir l'impression que la sphère publique
32:41est plus mince.
32:43C'est ce qui se passe, par exemple, aux États-Unis, où les dépenses de santé
32:45sont extrêmement coûteuses, mais pour l'essentiel,
32:47en tout cas, en grande partie,
32:49elles sont privées. On a l'impression que le gouvernement
32:51est beaucoup plus petit. Mais finalement, en termes
32:53de dépenses contraintes,
32:55de prélèvements obligatoires
32:57totaux, publics plus privés, ils ne sont pas forcément
32:59beaucoup plus loin de ce qui peut exister en France.
33:01Et même dans beaucoup d'autres pays européens,
33:03il y a un rôle très important
33:05pour des assurances privées.
33:07Bref, en France,
33:09on a un affichage
33:11de dépenses publiques, de taux de prélèvements obligatoires
33:13publiques élevés. Mais
33:15je crois que c'est quand même assez...
33:17Enfin, ce n'est pas extrêmement pertinent
33:19à la fin des fins pour la politique économique. Je pense que
33:21le plus important pour la politique économique, c'est de se poser la question
33:23de qu'est-ce qui va être
33:25moteur pour la croissance,
33:27pour la prospérité, pour le bien-être
33:29des gens à l'avenir. Et je pense que tout le monde est d'accord
33:31pour dire que, comme ça l'a été
33:33historiquement, c'est l'investissement
33:35massif dans l'éducation,
33:37dans la santé, dans la recherche,
33:39dans les infrastructures. C'est ça
33:41qui va créer de la croissance, de l'attractivité,
33:43de la prospérité. Ce qui,
33:45évidemment, n'évacue pas complètement
33:47le problème de la dynamique de la dette,
33:49du déficit. Évidemment qu'il faut que
33:51la dette se stabilise, etc. Mais enfin bon, ça
33:53peut créer un terme de la croissance qui va
33:55venir, comment dire,
33:57simplifier...
33:59Tu mélanges deux choses.
34:01Manifestement, le rôle de l'État, ça peut être
34:03de stimuler la croissance.
34:05A la fin, il y a un truc qui s'appelle
34:07la dette. La dette, il faut
34:09soit payer les intérêts, soit la rembourser.
34:11Elle est là. On peut également
34:13imaginer un système où il y a plus de dettes privées
34:15et plus de dettes
34:17publiques, ou inversement, etc.
34:19Mais le fait est que l'État a une dette
34:21et qu'il ne doit pas
34:23la rembourser. On y reviendra à ça
34:25quand je crois que Pascal voulait en parler après.
34:27Il ne va pas la rembourser, mais il faut au moins
34:29payer les intérêts. Et plus il y a
34:31de dettes, et plus il y a d'intérêts à payer.
34:33Et on ne peut pas
34:35s'offrir le luxe d'une dette
34:37qui augmente au cours du temps indéfiniment.
34:39Ça ne doit pas être
34:41lexicographique.
34:43Il y a certains cas où je suis prêt
34:45à avoir plus de dettes. Par exemple, pendant le Covid,
34:47je n'avais aucun problème à faire
34:49le quoi qu'il en coûte. Ce n'est pas moi qui l'ai fait,
34:51mais je n'avais aucun problème
34:53à ce que l'État français fasse le quoi qu'il en coûte.
34:55C'est parfaitement justifié à la marge
34:57de dépenser plus, même si le résultat
34:59était une dette plus élevée dans l'avenir.
35:01Aucun problème. Mais ça ne peut pas être
35:03une solution permanente. Alors l'autre point
35:05c'est pourquoi diviser par le PIB ?
35:07Il n'y a pas de bonne raison.
35:09Tu veux comparer
35:11la dette de la Suisse et la dette de la France,
35:13il faut que tu divises par quelque chose
35:15qui correspond à peu près à la taille des pays.
35:17On utilise le PIB, mais ce n'est pas
35:19du tout nécessairement la bonne mesure.
35:21Ça pourrait être par exemple la taille de l'État.
35:23Ou ça pourrait être autre chose.
35:25Le fait est qu'on est
35:27tous d'accord, donc on peut
35:29parfaitement, en tant que technicien,
35:31penser à d'autres ratios.
35:33La conclusion sera la même,
35:35quel que soit le ratio que tu choisis,
35:37il ne faut pas qu'il l'expose.
35:39Et pourquoi ?
35:41Il y a un problème
35:43dont on n'a pas parlé, mais qui me fascine,
35:45et sur lequel je fais de la recherche,
35:47c'est que quand on parle de la dette,
35:49ici, on en parle de manière intellectuelle,
35:51il y a des agences de notation de l'autre côté.
35:53Les agences de notation,
35:55elles ont un certain nombre de principes
35:57pour évaluer la dette.
35:59Elles sont totalement
36:01obsédées par le rapport
36:03dette-PIB. Si tu regardes,
36:05si tu essaies de faire des régressions,
36:07ou tu essaies d'expliquer ce qu'elles font,
36:09ça domine totalement. Donc, à partir du moment
36:11où c'est ça qui les excite,
36:13et que les investisseurs
36:15écoutent les agences de notation,
36:17dette-PIB a
36:19un statut au-delà
36:21de sa logique économique.
36:23Mais mon argument est général.
36:25Ce n'est pas parce que
36:27tu fais de l'investissement que ça justifie
36:29ta dette.
36:31Imagine une boîte privée qui te dit
36:33qu'on a emprunté énormément, et ça va être
36:35formidable, mais on ne va pas avoir plus de revenus,
36:37mais le monde est meilleur.
36:39Tu serais un peu hésitant
36:41sur la possibilité de leur
36:43prêter plus.
36:45Je suis d'accord. J'ai commencé par rappeler
36:47ce qui, de mon point de vue,
36:49est le problème principal avec
36:51le déficit public incontrôlé,
36:53l'augmentation de la dette publique, c'est qu'on se met
36:55à la merci des marchés financiers,
36:57des allanges de notation,
36:59mais néanmoins,
37:01et Olivier le sait mieux que personne,
37:03dans la dynamique de la dette publique
37:05et de sa soutenabilité,
37:07ce qui joue un rôle essentiel,
37:09c'est le R-G, c'est-à-dire
37:11la différence entre le taux d'intérêt
37:13que la puissance publique paye sur sa dette
37:15et le taux de croissance de l'économie.
37:17Ce dont j'aimerais qu'on parle,
37:19et je pense qu'on a besoin d'en parler plus en France,
37:21je pense foncièrement qu'au XXIe siècle,
37:23la façon dont on augmente la croissance économique,
37:25ça va être en mettant le paquet
37:27dans la recherche,
37:29l'éducation, les infrastructures publiques.
37:31Je prends juste deux exemples
37:33pour illustrer le fait
37:35qu'on ne va pas dans la bonne direction.
37:37Premier exemple, si on regarde
37:39le budget par étudiant
37:41dans les universités françaises.
37:43La période 2008-2022,
37:45il a baissé
37:47de 15%
37:49en euros constants.
37:51C'est-à-dire que si on regarde
37:53les dépenses par étudiant
37:55à l'université en France,
37:57sur presque 15 ans,
37:59sur 15 ans même,
38:01on a une baisse de 15%.
38:03À un moment où
38:05les différents gouvernements,
38:07que ce soit Sarkozy, Hollande, Macron,
38:09tenaient peu ou prou le même discours
38:11et considéraient qu'il fallait absolument investir
38:13dans l'économie de la connaissance,
38:15dans l'innovation, etc.
38:17En même temps que ce discours était tenu,
38:19on baissait de 15% la dépense par étudiant.
38:21C'est quand même une absurdité.
38:23Si on regarde le CR des enseignants,
38:25il y a 40 ans,
38:27les enseignants étaient payés à peu près
38:29les clients de 2,3 fois le SMIC.
38:31Aujourd'hui, ils sont payés
38:33les clients de 1,2 fois le SMIC.
38:35Un déclassement considérable.
38:37Comment on fait pour
38:39motiver les gens ? Comment on fait pour attirer
38:41des enseignants
38:43dans l'éducation nationale
38:45quand on les paye au lance-pierre ?
38:47Donc là, je pense que
38:49il est essentiel
38:51d'augmenter la dépense publique
38:53dans ces domaines-là
38:55et je pense que c'est au cœur
38:57des réflexions qu'on doit avoir sur la dynamique
38:59et la soutenabilité de la dette publique.
39:01De quoi ? Le premier,
39:03c'est augmenter
39:05le taux de croissance, bien sûr.
39:07Le problème, c'est qu'on ne sait pas
39:09comment le faire et quand on prend des mesures
39:11qui paraissent être les bonnes, c'est assez rare
39:13qu'on voit un effet bien net sur le taux de croissance.
39:15Au Fonds monétaire,
39:17je peux te dire qu'à chaque fois qu'on avait un programme,
39:19la position du gouvernement
39:21avec laquelle on discutait,
39:23c'était, donnez-nous l'argent,
39:25on va augmenter la croissance
39:27et on rembourse, pas de problème.
39:29C'est standard.
39:31Les prévisions du plan Barnier, si j'ai bien compris,
39:33sont basées sur un taux de croissance
39:35l'année prochaine qui est probablement
39:37un peu optimiste.
39:39Je crois qu'il y a un certain nombre de réformes
39:41qui me paraissent très importantes, mais espérer
39:43ou être sûr qu'elles vont augmenter la croissance,
39:45mais il faut les faire.
39:47Mais ça ne veut pas dire que tu peux juste
39:49le faire et financer par la dette
39:51parce que tu ne sais pas si le résultat sera là.
39:53Tu as pris l'exemple
39:55de l'université.
39:57L'université est
39:59dans son ensemble encore assez catastrophique
40:01en France. Je dis ça en venant
40:03d'un endroit où elle se porte
40:05plutôt bien. Est-ce que le problème
40:07est vraiment fondamentalement
40:09la dépense par étudiant
40:11ou est-ce que c'est la structure de l'université
40:13le choix
40:15des étudiants,
40:17le paiement des profs, etc.
40:19Il me semble qu'il y a des problèmes
40:21dans le cadre de l'université qui vont beaucoup plus loin
40:23que juste un problème budgétaire.
40:25Je pense que le problème budgétaire
40:27est là, mais juste donner
40:29plus d'argent à l'université avec
40:31la structure qu'elle a aujourd'hui, je ne suis pas sûr
40:33que ça ferait des miracles.
40:35Là, on est d'accord en gros. Il y a un certain nombre
40:37de réformes qui sont
40:39parfaitement justifiées, qu'il faut faire.
40:41Soit on est sûr qu'elles vont augmenter
40:43la croissance dans l'avenir, auquel cas
40:45on peut y mettre de la dette.
40:47Soit on n'est pas absolument sûr et il faut être très prudent.

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