Thomas Porcher : Il ne faut pas avoir peur de la dette publique | Speech

  • il y a 5 mois
Il ne faut pas avoir peur de la dette publique : c’est ce qu’explique l’économiste Thomas Porcher. Selon lui, il ne faut surtout pas pratiquer une politique d’austérité pour sortir de cette situation, mais carrément augmenter le déficit.

Son livre “Mon dictionnaire d’économie” est paru aux éditions Pluriel

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Transcript
00:00 On a une dette effectivement qui est élevée,
00:01 il ne faut pas que le remède soit pire que le mal.
00:03 Or en coupant dans la dépense publique,
00:05 on fait des économies sur l'avenir.
00:06 C'est très idiot.
00:07 La dette française est à 111% du PIB,
00:10 ce qui est au-dessus de la moyenne de la zone euro,
00:12 mais ce qui reste inférieur à la dette des États-Unis,
00:15 à la dette italienne, à la dette grecque.
00:18 On dépense plus qu'on gagne,
00:19 mais la majorité des pays dépensent plus qu'ils gagnent.
00:21 En réalité, la dette d'un agent privé, d'un ménage
00:24 est beaucoup plus élevée que la dette publique d'un État,
00:26 sachant qu'un État ne meurt pas.
00:28 Il y a plusieurs critères qui nous indiquent qu'une dette est soutenable.
00:30 L'évolution de notre dette par rapport aux autres pays.
00:32 Toutes les dettes ont fortement augmenté avec le Covid ces dernières années.
00:34 La deuxième des choses, c'est est-ce que les banques continuent à nous prêter ?
00:37 Oui, elles nous prêtent, à des taux d'intérêt qui sont plutôt faibles.
00:39 Certes, ils augmentent un peu ces dernières années,
00:41 mais ils restent à des niveaux qui sont parfaitement acceptables.
00:44 Et la troisième des choses, c'est ce que vous avez en face de la dette.
00:47 C'est tout ce que détient l'État,
00:48 les bâtiments publics, mais aussi les entreprises publiques.
00:51 Et vous regardez aujourd'hui, quand vous comparez la dette
00:53 et le patrimoine public, ça s'équilibre quasiment.
00:55 Le vrai problème, c'est quoi ?
00:57 C'est que le gouvernement actuel, il privatise à tout va.
01:00 Et là, c'est dangereux.
01:01 Si aujourd'hui, on a une dette très élevée, c'est dû à deux chocs.
01:03 Deux chocs importants.
01:04 La crise financière de 2008, qui est très importante, et la crise du Covid.
01:07 Donc, la dette n'augmente pas parce que nous vivons au-dessus de nos moyens,
01:10 parce que nous investissons trop dans les hôpitaux et dans l'éducation.
01:12 Elle augmente toujours à cause de crises.
01:14 Donc, la dette, on ne peut pas dire qu'elle a été inefficace.
01:16 Elle a comblé, à un moment, des crises venant de l'extérieur.
01:19 Le problème, c'est que souvent, après ces crises, on nous dit
01:22 "Ah bah non, on a vécu au-dessus de nos moyens, c'est de notre faute
01:24 parce qu'on aurait trop dépensé dans les hôpitaux et dans l'éducation."
01:26 C'est faux.
01:26 La pire des choses, c'est de faire de la politique d'austérité budgétaire,
01:30 ce que veut faire le gouvernement.
01:31 Parce que là, vous freinez toute l'activité.
01:32 Dans ces périodes-là, il faut faire ce qu'on appelle de la politique
01:35 "contra-cyclique", c'est-à-dire creuser les déficits pour soutenir l'activité.
01:39 C'est exactement ce que fait les États-Unis, aujourd'hui,
01:42 qui a un déficit plus élevé que le nôtre, et une croissance beaucoup plus élevée.
01:46 Ils sont à plus de 2% de croissance, quand nous, on est à moins d'un pour cent.
01:48 Politique contra-cyclique, c'est ce qu'on apprend en macro-économie,
01:51 en première année d'économie à la fac.
01:52 Si tous les pays de la zone euro se mettent à faire de la politique d'économie,
01:56 de réduction des déficits trop rapide,
01:57 on va refaire le scénario qu'on a connu à partir de 2011.
02:00 Et vous savez quoi ?
02:01 La zone euro, elle a mis 10 ans à revenir à son niveau de richesse d'avant-crise de 2008.
02:05 Vous savez combien de temps ils ont mis les États-Unis ?
02:07 Avec la politique contra-cyclique, 3 ans.
02:08 Mais après, est-ce que pour, soi-disant, calmer les argents de dotation,
02:12 calmer les marchés financiers et avoir, à la fin et in fine,
02:15 et ça Bruno Le Maire, je pense, le sait, très peu d'effets sur la dette,
02:18 est-ce qu'on doit faire des économies supplémentaires sur le service public ?
02:19 Je ne crois pas.
02:20 À partir du moment où on part du principe que le déficit est très important
02:23 et qu'on veut résoudre ce déficit,
02:24 on ne peut pas le faire qu'en coupant la dépense publique.
02:26 On est obligé d'avoir des recettes fiscales.
02:27 Et ce qui s'est passé en fait ces dernières années,
02:29 depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron,
02:31 c'est qu'on a eu 70 milliards de baisse de recettes publiques.
02:33 Le problème des baisses de fiscalité ces derniers temps,
02:35 c'est qu'elles ont été très axées en grosse partie sur ceux qui gagnaient le mieux.
02:39 Il y a eu la réforme de l'ISF qui touche 1% de la population française,
02:43 qui détient 25% du patrimoine français, ce qui est énorme quand même.
02:46 Vous avez eu la flat tax, qui est la baisse sur les revenus financiers,
02:49 qui profite aux 10% des Français les plus riches,
02:51 parce que tout le monde n'a pas des revenus financiers placés en bourse.
02:54 Et vous avez eu la baisse de l'impôt sur les sociétés,
02:56 qui a profité aux entreprises les plus importantes.
03:00 Vous avez aussi le CICE, qui a profité plus aux 440 que aux petites PME.
03:04 Il faudrait peut-être s'interroger sur les effets que cela a eu.
03:07 Par exemple, le 440 a plus de 1000 filiales dans les paradis fiscaux.
03:10 Il faudrait peut-être leur demander ce qu'elles y font.
03:12 Et là, il y a peut-être de l'argent à trouver.
03:13 Donc, s'il y a des recettes fiscales à récupérer,
03:15 bien sûr, elles doivent être sur les plus riches et sur les grandes entreprises
03:18 à qui nous avons fait énormément de cadeaux ces dernières années.
03:20 Je me souviens qu'en 2012, il y a des argents de notation
03:22 qui ont dégradé la note française.
03:24 Tout le monde a dit que ça allait être catastrophique,
03:26 que la France allait finir comme la Grèce,
03:27 qu'elle allait emprunter à des taux très élevés.
03:29 La note française a été dégradée, la note américaine a été dégradée.
03:32 Qu'est-ce qui s'est passé ? Rien.
03:33 Parce qu'il est très difficile pour les investisseurs
03:35 de trouver des pays crédibles pour acheter leur dette.
03:38 Et la France a encore une belle signature.
03:40 Donc, je pense qu'une baisse de notation ne changerait rien.
03:43 Après, pour le gouvernement, ça fait des indices de mauvaise gestion
03:48 et ça les dérange parce que c'était un de leurs engagements
03:50 et qu'ils ont comme volonté, moi je pense, c'est le cas d'Emmanuel Macron,
03:54 de finir avec des beaux chiffres macroéconomiques,
03:56 c'est-à-dire un beau chiffre du chômage, un beau chiffre du déficit.
03:59 Quel qu'en soit le prix à payer,
04:01 même s'il faut faire les économies les plus drastiques
04:03 sur l'hôpital et l'éducation,
04:05 il va avoir son beau chiffre sur les déficits.
04:07 Et même s'il faut faire je ne sais pas combien de réformes
04:09 sur l'assurance chômage et faire en sorte qu'il soit plus difficile
04:12 aujourd'hui d'avoir presque le statut de chômeur qu'un emploi,
04:15 il veut avoir à la fin son beau chiffre du chômage.
04:17 La dette, si on veut qu'elle baisse, ou les déficits, si on veut qu'ils diminuent,
04:21 ils diminueront par de l'activité.
04:22 Donc la politique que nous menons,
04:24 c'est une politique qui va plus nous appauvrir que nous enrichir.
04:26 [BIP]

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