• l’année dernière
Mardi 29 octobre 2024, SMART TECH reçoit Séverine Reynaud (vice-présidente, Avicca)

Category

🗞
News
Transcription
00:00Finir le plan France très haut débit n'est pas une évidence.
00:09Des difficultés techniques, des budgets en souffrance mettent en danger aujourd'hui l'accès de tous les Français à la fibre optique.
00:16Alors que le sujet du numérique a été dispatché entre plusieurs ministères, à Bercy, à la Recherche, à l'Industrie.
00:27On voit un politique qui se fait très discret sur ce sujet du très haut débit pour ne pas dire absent.
00:32Les collectivités, elles, accumulent les préoccupations, les inquiétudes.
00:36Tout le secteur est à la recherche de solutions.
00:38Donc on va parler de ce qui fâche, de ce qui bloque et du point de vue de ces collectivités qui portent ce sujet au plus près des utilisateurs dans les territoires.
00:47C'est donc la grande interview aujourd'hui de Séverine Reynaud, vice-présidente de l'Avica.
00:52Bonjour Séverine Reynaud.
00:53Bonjour.
00:54Vice-présidente également du département de la Loire en charge du numérique.
00:58Un petit mot sur l'Avica.
01:00L'Avica, c'est l'organisme qui fédère les collectivités françaises mobilisées justement sur ces questions d'aménagement numérique des territoires.
01:08Alors quand je vous ai rencontré à Strasbourg et écouté alors que vous étiez sur scène pour l'université de la transition numérique des territoires,
01:15il y avait ce grand sujet de préoccupation qui était la complétude de ce plan France très haut débit.
01:22Pourquoi ? Si vous pouvez nous résumer, vous avez évoqué une quarantaine de préoccupations.
01:26Qu'est-ce qui vous inquiète ?
01:28Alors oui, ça c'est une des principales préoccupations que les collectivités ont parce que ce plan France très haut débit annonçait la complétude à horizon 2025, c'est-à-dire demain.
01:43Et on n'y est pas.
01:45Alors dans les zones RIP, les réseaux d'initiatives publiques, c'est-à-dire les zones qui ont été déployées par les collectivités elles-mêmes,
01:52la complétude est nettement supérieure aux zones AMI et aux zones très denses où là on n'y arrive pas vraiment.
02:03Donc il y a des problématiques parce qu'on commence à parler de solutions intermédiaires qui peuvent être par exemple les satellites, la 5G,
02:15sauf que nos concitoyens, on leur a vendu, nous les élus, on leur a vendu quand même une complétude totale qu'on ne respecte pas vraiment.
02:25Donc ça pose problème parce qu'il y a ce décommissionnement du cuivre qui arrive à grands pas puisque la fermeture commerciale est prévue pour 2026,
02:34c'est-à-dire après-demain, et la fermeture technique est prévue pour 2030.
02:40Mais alors pourquoi aujourd'hui c'est un sujet qui vous préoccupe si finalement on nous dit dans les raccordements, les cas les plus complexes,
02:49on va de toute façon trouver des solutions, il y aura peut-être des alternatives comme le satellite, vous l'avez évoqué,
02:55il y aura un chèque en plus du gouvernement pour aider les foyers qui ne peuvent pas payer finalement les frais d'installation.
03:03Pourquoi vous vous dites mais quand même il y aura une injustice dans l'accès des Français au très haut débit ?
03:09Déjà parce que le cuivre était un service universel, donc tout le monde avait droit, comme on a droit à l'eau, à l'électricité, on avait droit au télécom.
03:23Aujourd'hui on est en train d'ajouter énormément d'usages, je pense par exemple dans les usages qui vont être indispensables et vitaux,
03:33le maintien à domicile par exemple des personnes âgées, c'est quelque chose qui touche le département où je vis grandement
03:39puisqu'on a un vieillissement de la population qui est supérieur à la moyenne nationale, mais c'est un problème français,
03:44ce n'est pas un problème que de la loi ligérien, c'est un problème français.
03:48Donc si on amène des usages auprès de ces personnes-là, il faut une connexion qui soit filiable à 100% et notamment à travers la fibre.
04:00Après vous me dites, effectivement dans les zones privatives, des gens n'ont pas les moyens de s'équiper, de tirer le câble de chez eux jusqu'à la voie publique,
04:16ou n'en ont pas envie parce qu'ils ont une ADSL tout à fait convenable et après tout ils se disent c'est vous qui me demandez de changer de technologie,
04:28moi ce n'est pas mon souhait, je ne vois pas pourquoi je prendrais en charge 1000, 2000, 3000 euros de travaux de génie civil chez moi.
04:34Donc ça pose quand même cette question-là, il y a une expérimentation qui a été annoncée par l'État,
04:40mais moi je n'ai pas entendu que c'était quelque chose qui allait vraiment se mettre en place rapidement et de façon pérenne.
04:50Donc il y a quand même cette inquiétude-là, elle demeure.
04:55Pourquoi est-ce que j'entends du côté de l'Avica vraiment un appel à faire de ce sujet du très haut débit en France et de la fibre optique pour tous,
05:05un sujet d'engagement politique, pourquoi est-ce que vous avez besoin du politique dessus,
05:10alors que c'est au départ quand même un problème technique, un problème de génie civil justement sur des raccordements complexes.
05:18Qu'est-ce que vous attendez du politique ?
05:20En fait, on attend que l'État respecte ses engagements.
05:23L'État a pris un engagement avec France Très Haut Débit, une complitude 100% en 2025.
05:32On peut comprendre qu'on a déployé très vite, puisqu'on est les bons élèves européens sur ce sujet-là.
05:39Ceci dit, si l'État n'y va pas, on arrive en fait, si vous voulez, dans les raccordements complexes aujourd'hui.
05:46Même dans les zones RIP.
05:48On arrive sur les raccordements complexes qui ont déjà une problématique de répartition financière,
05:58puisque sur une zone RIP, c'est en moyenne 2 000 euros, un raccordement complexe.
06:03Sur une zone AMI, je rappelle, les zones AMI sont déployées par Orange ou SFR selon les endroits.
06:10Ou les zones très denses, c'est-à-dire les métropoles massivement, les grosses villes, c'est du 400-500 euros.
06:18Donc les collectivités, si l'État n'y va pas, vont être obligées de remettre des financements au bassinet, si je peux me permettre.
06:28Et après, on va nous accuser de creuser la dette publique, ce qui n'est pas pour nous plaire.
06:38Donc l'État doit prendre ses responsabilités et finaliser ce déploiement, nous aider à finaliser.
06:45C'est ce qu'on disait à Strasbourg lorsque vous étiez présente, lors de la table ronde.
06:50La filière à travers Infranum est prête.
06:54L'Avicat, c'est-à-dire l'ensemble des collectivités, que ce soit les syndicats, les régions, les départements, les communes ou les métropoles, on est prêt.
07:03Il nous manque en fait l'État qui se saisisse un peu.
07:06Et c'est vrai que le signal qui est envoyé au niveau national avec une répartition du numérique dans différents ministères,
07:12ce n'est pas très clair, on ne sait pas trop quel ministère s'occupe de quoi, ne nous envoie pas un signal très positif.
07:19Et il y a des sujets réels à régler.
07:22On l'a vu, alors moi je viens de la commune de Rive-de-Gillet, vous avez dû voir l'actualité qui a été inondée dernièrement.
07:29Moi ça m'a quand même pas mal questionné, si les réseaux tombent à travers des inondations, des éboulements, etc.
07:36En fait on ne peut plus rien faire.
07:39Je me disais si jamais on n'avait pas ces moyens télécoms, on a la chance qu'ils ne sont pas tombés, on fait comment ?
07:46Donc il y a la résilience aussi qui est super importante.
07:48Déployer c'est bien, mais déployer un réseau qui est sécurisé et qui est relativement pérenne, c'est encore mieux.
07:56Et là aussi il y a le plan numérique 2030 que l'on pousse, et dont avec les fameuses 40 préoccupations, je crois qu'il y en a 43,
08:06qui doivent faire l'objet de lois.
08:12Alors pas 40 lois, mais des lois qui englobent les problématiques que l'on a déjà soulevées, qu'on a déjà mises sur la table,
08:18et on attend de l'Etat qu'il s'en saisisse.
08:21Oui, il y a cette question du financement.
08:24La Caisse des dépôts, je l'ai entendu dire justement sur cet événement,
08:27qu'il faudra un outil pour financer collectivement les investissements qui n'étaient pas prévus il y a 10 ans,
08:33parce que tout n'a pas été anticipé.
08:35Ce qui n'a pas pu être non plus anticipé, c'est tous ces travaux, vous l'avez dit, sur la résilience,
08:39avec la question de la durée de vie du réseau et la résistance aux catastrophes climatiques par exemple.
08:46L'AVICA demande aussi de créer une structure pour le génie civil manquant,
08:51et puis on a donc Patrick Chaize, sénateur président de l'AVICA, qui a un projet de loi sous le coude.
08:57Qu'est-ce qu'il dit ce projet de loi, et est-ce qu'il pourrait être déposé dans les jours qui viennent ?
09:03Alors écoutez, Patrick Chaize, ça fait plusieurs années qu'il porte ce sujet,
09:09et notamment dans ce projet de loi, le fonds de péréquation.
09:13Alors expliquez-nous.
09:16Les différences que l'on trouve entre les zones RIP et les zones AMI,
09:21et les zones très denses, qui ne sont pas équitables.
09:25Et la vraie difficulté, c'est que les collectivités ont engagé énormément d'argent
09:30pour déployer sur les zones rurales, et aujourd'hui on comprend qu'il était,
09:35enfin on mesure à quel point les usages qui se rajoutent, il était essentiel de le faire,
09:40parce que sinon on aurait eu comme en Allemagne, c'est ce qui se passe en Allemagne.
09:43En Allemagne, il déploie, c'est les opérateurs d'infrastructures qui déploient sur les zones très denses,
09:48parce que l'entreprise a besoin d'une rentabilité, ce que l'on comprend tout à fait,
09:52mais par contre dans les zones rurales, ça n'avance pas très très vite.
09:55Nous, les collectivités, on s'est alliées, on s'est mises ensemble pour financer ces RIP,
10:03ces réseaux d'initiatives publiques, et aller chercher, j'ai envie de dire,
10:07la cabane de chasseurs, c'est ce qu'on a fait dans la Loire,
10:10pouvoir la fibrer.
10:12Ça a eu un coût, et aujourd'hui, on se rend compte qu'en fait,
10:18ces RIP pourraient avoir un modèle économique qui ne soit pas viable,
10:22et c'est tout simplement pas acceptable que des collectivités investissent de l'argent public aussi massivement,
10:28et qu'on se retrouve avec des réseaux qui ne soient pas économiquement pérennes.
10:33Donc il faut mettre en place un fonds de péréquation,
10:37et ce fonds de péréquation, ça fait des années qu'on en parle et qu'on n'en voit pas le jour,
10:42c'est un peu ce qui s'est fait avec le facet au niveau électrique,
10:46et qui permettrait justement d'assurer la résilience des réseaux,
10:54mais aussi d'aller déployer les nouvelles habitations qui pourraient se construire de façon pérenne.
11:02Donc ça, ça fait partie des choses essentielles que l'on a dans ce projet de loi.
11:08Et alors ce projet de loi, il est où ?
11:10Oui, ça fait longtemps que Patrick Chez l'a préparé avec vous, avec toutes les équipes, toutes les collectivités,
11:17mais il en est où ?
11:20Il en est qu'il a envoyé tous ces points, il y a 43 points qui sont listés,
11:30qui peuvent être regroupés d'ailleurs dans des articles de loi,
11:34mais il y a une liste exhaustive, on dirait, des problématiques,
11:39vous allez y retrouver par exemple, on n'en a pas parlé sur la table ronde,
11:42le devenir des poteaux d'orange, parce qu'une fois qu'on aura enlevé le cuivre,
11:48que vont devenir ces poteaux, ou peut-être on a une fibre qui passe,
11:52est-ce que la collectivité va devoir une redevance à orange qu'ils n'utilisent pas,
11:58est-ce qu'on va récupérer les poteaux ?
12:00Quand on a une problématique d'un poteau qui est défaillant,
12:03souvent orange intervient tardivement,
12:06et le maire lui, sa responsabilité c'est la mise en sécurité de ses concitoyens.
12:10Donc vous voyez, il y a quand même pas mal de petites questions qui ont l'air anodines,
12:14mais qui sont essentielles en fait pour les collectivités, qui ne sont pas réglées.
12:19Et donc Patrick Chez, en septembre, quand le gouvernement s'est constitué,
12:25ont envoyé avec l'ADICA cette liste.
12:29Donc après je ne sais pas, à l'heure où on se parle, si cette liste,
12:33on a obtenu en retour, pas à ma connaissance encore,
12:37mais en tout cas Patrick Chez, on peut compter sur lui pour porter ces sujets et les pousser.
12:43Alors le projet de loi de finances 2025 vous inquiète aussi ?
12:47Je ne connais pas un secteur qui ne soit pas contrarié par ce que contient ce plan,
12:53mais on nous dit qu'il faut faire un effort collectif.
12:56Qu'est-ce qui vous préoccupe dans ce projet de loi de finances ?
13:00Qu'on ne réalise pas, qu'on est sur un réseau aujourd'hui qui est essentiel.
13:05Et quand je dis essentiel, je parlais des événements climatiques,
13:10mais on peut revenir sur les Jeux Olympiques.
13:12Qu'est-ce qui s'est passé au niveau des Jeux Olympiques ?
13:14Le sabotage a été fait sur quoi ?
13:17Au niveau de la SNCF, sur les télécoms.
13:22C'est une coupure de câbles fibre qui s'est passée
13:26parce que c'est la meilleure façon de paralyser aujourd'hui un pays.
13:30C'est celui-là.
13:33Donc ne pas prendre la mesure qu'on a un réseau qui est devenu essentiel, indispensable,
13:40et on n'est qu'au début.
13:42Pour moi, on change de monde, on est en train de changer de monde.
13:45On rajoute de l'intelligence artificielle.
13:47Donc on a besoin aussi de cybersécurité.
13:50Mais là, si on parle juste du projet de loi de finances,
13:54il y a un coup de rabot qui est prévu sur le plan France Très Haut Débit.
13:58Ça veut dire quoi ?
13:59Ça veut dire que c'est les collectivités qui vont devoir assurer la trésorerie de l'État, finalement ?
14:04J'espère que l'État va revoir sa copie.
14:07Parce que les collectivités, et je siège au département de la loi,
14:14c'est compliqué.
14:17On a des baisses drastiques des recettes.
14:22On n'a plus d'impôts de fiscalité directe.
14:25Donc on est acculé avec des augmentations.
14:29Chaque fois qu'ils sont décidés par l'État, quand l'État augmente le RSA,
14:34alors même si on est content pour nos concitoyens,
14:36nous, ça se traduit en millions,
14:38sans jamais les compensations annoncées au démarrage de la délocalisation du RSA.
14:45Donc les collectivités, est-ce qu'elles auront les moyens ?
14:48Je n'en suis pas sûre.
14:50Je ne le crois pas.
14:52J'ai bien compris votre point.
14:53Je voulais qu'on termine très rapidement, pour le coup,
14:55avec des questions courtes et des réponses courtes, si vous pouvez,
14:57avec l'interview express.
14:59Alors, ce sont des questions très binaires.
15:01Vous allez voir, oui ou non, tous les Français auront accès à la fibre optique ?
15:05J'ai envie de dire oui, là.
15:07Pour ou contre des solutions alternatives dans les cas de raccordements complexes ?
15:13Des solutions comme le satellite ?
15:16Eh bien, je dirais contre, parce que sinon, ils vont y aller trop vite.
15:21Vrai ou faux ?
15:23Les élus et les Français aussi ne sont pas toujours convaincus
15:25de l'intérêt de passer à la fibre optique ?
15:27Vrai.
15:29J'aime la nécessité d'un plan de communication national qu'on attend avec impatience.
15:35Sur lequel vous attendez le politique aussi, j'imagine.
15:37J'aime ou je n'aime pas la fin des communications par le réseau historique sur le cuivre ?
15:43Je ne sais pas si j'aime, mais je pense que c'est à venir.
15:49C'est beaucoup plus vertueux la fibre que le cuivre.
15:52J'y crois ou j'y crois pas à l'aboutissement du plan France 3 au débit comme prévu en 2025 ?
15:57J'y crois, mais pas 2025.
16:02Avec un petit décalage.
16:04Merci beaucoup.
16:06C'était donc votre grande interview, Séverine Reynaud.
16:08Je rappelle que vous êtes la vice-présidente de l'Avica.
16:10Merci.

Recommandations