Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent de l'attitude d'Emmanuel Macron vis-à-vis d'Israël.
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00:00Gilles Keppel, on est sur CNE, vous évoquez dans votre livre la presse 7 octobre.
00:03Emmanuel Macron au Maroc, on a reparlé.
00:06On se rappelle qu'il avait évoqué la semaine précédente
00:09la barbarie que se met, selon lui, Israël dans sa réposte armée.
00:14On va juste écouter ce qu'il a dit au Maroc,
00:16qui était assez différent, quand même,
00:18et puis vous allez nous dire ce que signifie
00:20cette évolution sémantique du président de la République.
00:24Le 7 octobre 2023 a constitué une attaque d'une barbarie
00:29particulièrement atroce,
00:31perpétuée par le Hamas contre Israël et son peuple.
00:36Et Israël a le droit de défendre son peuple
00:38contre une telle menace.
00:41La France y a perdu 48 de ses enfants
00:45et deux de nos compatriotes
00:47comptent encore parmi les otages retenus à Gaza.
00:51Mais rien ne peut justifier pour autant
00:53le bilan humain désastreux à Gaza
00:56et la souffrance que connaissent les populations civiles.
00:59On parle beaucoup ces derniers jours de guerre de civilisation
01:01ou de civilisation qu'il faut défendre.
01:04Je ne suis pas sûr qu'on défende une civilisation
01:07en sonnant soi-même la barbarie.
01:09Je suis sûr d'une chose,
01:11c'est que la possibilité d'une civilisation se joue au Liban.
01:14Voilà pour l'évolution du discours d'Emmanuel Macron
01:17en à peine cinq jours.
01:18Première déclaration le 29 octobre, l'autre le 24 octobre.
01:21Gilles Kepel, qu'est-ce que ça veut dire ?
01:23Il y a d'abord le soutien de l'ensemble des États occidentaux à Israël
01:28après le 7 octobre et qui a été massif.
01:32L'Espagne a un moment à flancher, disons,
01:34mais pour le reste, non.
01:36La France est-elle en train de flancher ?
01:38Je crois que c'est un peu différent.
01:39Parce qu'aujourd'hui, ce qui se passe,
01:42c'est outre le fait que d'une part,
01:44le gouvernement de M. Netanyahou a remporté des succès militaires
01:50qui, à mon avis, sont tactiques plutôt que stratégiques.
01:54C'est-à-dire, pour le faire court,
01:56Nassrallah et Sinoir ont été liquidés.
02:01Ce qui a permis aussi au Mossad de laver son échec total
02:05le 7 octobre, d'avoir pas anticipé l'attaque,
02:09puisque Netanyahou ne voulait pas en entendre parler
02:11et pensait que Hamas aboierait, mais ne mordrait jamais.
02:15Donc ça, c'est une chose.
02:16Maintenant, il y a eu la deuxième phase.
02:18D'abord, les 43 000 morts à Gaza,
02:21qui ne sont pas tous des civils, mais il y en a majorité.
02:23C'est le bilan du Hamas, c'est communiqué par le Hamas.
02:25Voilà. Personne ne le conteste.
02:27En effet, la question de la station, c'est combien de civils,
02:31combien de militaires.
02:32Et le fait qu'aujourd'hui, Gaza est un no-man's land,
02:37il y a un énorme problème qui se pose.
02:39L'évolution sur le mental du président.
02:41Et surtout que l'offensive est passée au Liban.
02:45Le Liban qui fait, bien sûr, réagir beaucoup plus en France,
02:50parce que le Liban est un pays qui n'est plus entièrement francophone.
02:54Il y a une population francophone nombreuse.
02:56Les premières déclarations, les premières prises de bec
02:58entre Netanyahou et Emmanuel Macron,
03:01c'était à l'occasion du sommet de la francophonie.
03:03Et il me semble qu'aujourd'hui, une partie des dirigeants occidentaux,
03:07et même M. Biden, tant qu'il est en pouvoir,
03:10disent qu'on vous a soutenus, à Israël,
03:12mais maintenant, ça va trop loin.
03:14Ça va trop loin et on ne veut pas être otage
03:18de la volonté propre de M. Netanyahou de garder son poste,
03:22de gagner les élections, de ne pas aller en prison,
03:24sans se préoccuper des effets pervers de la situation.
03:29Vous avez vu qu'aujourd'hui, tout le Liban est à feu et à sang.
03:33Enfin, il est à feu et à sang dans le sud,
03:35mais surtout, vous avez un million de réfugiés
03:38qui sont en train de partir dans les autres régions,
03:40où on ne veut pas vraiment d'eux.
03:42Donc, on a un ferment de guerre civile,
03:44comme l'a dit M. Lecornu,
03:46qui est aujourd'hui en train de naître au Liban.
03:49Quelque chose qu'évidemment, les pays occidentaux,
03:51la France notamment, et les pays de la région,
03:53veulent autant possible l'égalité.
03:55J'entends, M. Kepel, vous interpeller sur le mot barbarie.
03:58Le mot barbarie, il a un sens.
04:00Et on voit bien que le président a voulu atténuer
04:03la portée de sa phrase sur Israël.
04:05Moi, je crois que c'est une question, comme je vous l'ai dit plus tôt,
04:08du timing. Au début, la barbarie vue d'ici,
04:12c'était ce qu'avait fait le Hamas.
04:14Personne n'était enchanté de voir 40 000 Palestiniens être tués.
04:21Mais, d'une certaine manière, il y avait le sentiment que,
04:25sans discuter à ce moment-là des effets,
04:30il était compréhensible qu'Israël se défende.
04:33Aujourd'hui, il me semble que le changement de pied,
04:37ou le changement de veste, c'est qu'on considère,
04:40dans les pays qui ont soutenu Israël dès le début,
04:42que Netanyahou va trop loin,
04:45se tire lui-même une balle dans le pied,
04:47et, si vous voulez, au fond, va aboutir à des objectifs opposés.
04:53Et moi, j'ai été très frappé, ces derniers jours,
04:56en lisant la presse israélienne, et notamment Haaretz,
04:59qu'un certain nombre d'Israéliens, d'intellectuels israéliens,
05:03commencent eux-mêmes, et donc les Palestiniens,
05:05à parler de génocide pour Gaza.
05:08Ce qui est quelque chose, si vous voulez, qui est...
05:11Alors, on peut dire que c'est des gens de gauche,
05:13mais ça ne s'était jamais produit,
05:15et c'est quelque chose, me semble-t-il,
05:17qui est assez préoccupant pour la manière
05:20dont M. Netanyahou est en train de gérer le conflit.
05:23Tout ça, en fait, est suspendu, par ailleurs, à l'élection américaine.
05:27Tout changera.
05:28Catherine, juste un mot sur Emmanuel Macron au Maroc,
05:31cette évolution sémantique sur la barbarie,
05:34sur les actes du 7 octobre, qui sont des actes de barbarie,
05:37et, globalement, sur ce voyage, comment vous le jugez ?
05:40Moi, je crois que, malheureusement,
05:43il y a eu la tâche Bélatar, là,
05:46mais qui a quand même caché que c'est quand même
05:49un succès pour la France et le Maroc,
05:52qui étaient fâchés et qui se sont réconciliés.
05:55Et le roi a marqué...
05:57Enfin, évidemment, la grande réconciliation,
06:00ça a été, fin août, cette lettre du président
06:04qui a reconnu la marocanité du Sahara occidental,
06:07qui était une chose essentielle pour le roi,
06:09après presque sept ans de brouille,
06:11et le roi du Maroc ne supportait pas
06:13que le président aille faire les yados aux Algériens
06:17sans rien obtenir et en se laissant maltraiter par eux
06:20comme ce n'est pas possible.
06:21Et donc, là, ça a été une réconciliation.
06:25Je crois que c'est la première fois
06:27que le roi est venu accueillir le couple présidentiel français
06:31au bas de l'avion.
06:32Il ne l'avait pas fait pour les présidents précédents.
06:34Et il y a eu quand même toute une organisation
06:38de l'arrivée dans la ville,
06:39avec beaucoup de gens sur le passage.
06:42On s'arrête pour serrer des mains, des embrassades.
06:44Enfin, tout est fait pour communiquer à la France
06:47la chaleur du pays marocain, qui ne devait rien au climat.
06:49Donc, voyage réussi,
06:51parce que quand même, le roi et le président
06:54ont signé 10 milliards d'accords,
06:55et ça ne sera pas comme les accords en Algérie
06:58où on signe et après, quand les ministres vont pour eux,
07:00continuer de signer, on les renvoie chez eux,
07:02on les emmène au cimetière
07:04pour voir la tombe d'Ogéanin et ils repartent sans rien d'autre,
07:08et il ne se passe plus rien.
07:09Donc là, quand le roi et le président signent,
07:13et quand M. Pouyanné vient lui-même,
07:15d'abord, ça avait été monté avant le voyage,
07:17et puis, il y a eu aussi une réunion avec des chefs d'entreprise
07:19où il y a en suspens, peut-être,
07:21encore des accords jusqu'à 10 milliards.
07:23Donc, je crois qu'aujourd'hui, voilà.
07:26Et dans tous les cas,
07:28ça a été pour les franco-marocains
07:30ou les Français qui vivent au Maroc,
07:32ça a été un voyage qui a leur a mis un peu de...
07:36De boue moqueur.