Le cabinet EY publie jeudi son baromètre annuel de l'attractivité économique de la France, Marc Lhermitte, associé au sein du cabinet, est l'invité éco de franceinfo jeudi 2 mai.
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00:00 L'invité éco, Camille Revel.
00:03 Bonsoir à toutes et à tous.
00:05 La France, championne d'Europe de l'attractivité économique pour la cinquième année consécutive
00:10 selon le baromètre annuel EY.
00:12 Bonsoir Marc Lermittin.
00:13 Bonsoir.
00:14 Vous êtes associé au sein du cabinet EY ce baromètre.
00:16 C'est le vôtre.
00:17 On va le décrypter ensemble si vous voulez bien.
00:19 1194 projets d'implantation ou d'extension annoncés en France en 2023.
00:25 Nous sommes donc les premiers devant le Royaume-Uni et l'Allemagne.
00:28 Est-ce qu'on peut dire que la France se réindustrialise ?
00:31 Oui, c'est en partie parce qu'il y a beaucoup de projets industriels, beaucoup de réinvestissements
00:36 dans des usines ou de création de nouvelles usines.
00:37 530 sur les 1200, c'est presque la moitié.
00:41 C'est pour la première fois le terme de réindustrialisation par des entreprises étrangères
00:46 qui ont le choix de faire ça ailleurs, qui ont le choix de le faire chez nos voisins
00:50 allemands, en Pologne, en Espagne, qui le font en France parce qu'elles ne l'avaient
00:54 pas fait pendant quelques temps.
00:56 Pendant une ou deux décennies, la France était moins aimée, un peu plus coûteuse.
01:00 Elles le font à nouveau depuis 3-4 ans et c'est une bonne nouvelle.
01:03 Quels sont les points forts de la France pour ces investisseurs étrangers ?
01:06 Les compétences d'abord, c'est ce qu'elles nous disent en premier.
01:09 La France est quand même un bassin d'emploi avec des compétences très formées.
01:13 Premièrement, les infrastructures.
01:16 On peut se plaindre d'une autoroute qui est fermée, parfois que ça ne fonctionne pas
01:19 comme on veut.
01:20 Mais nos infrastructures quand même sont d'un niveau mondial.
01:23 A la fois transport, mais aussi numérique, nos services publics, l'école, les entreprises
01:30 le reconnaissent.
01:31 Et puis enfin, j'aurais peut-être dû commencer par là, la France est la deuxième économie
01:34 européenne.
01:35 C'est donc un marché important, c'est un marché de consommateurs, c'est aussi
01:39 un marché industriel.
01:40 Airbus a besoin de sous-traitants, les entreprises d'agroalimentaire ont besoin aussi d'équipementiers.
01:45 Donc tout ça, ça attire les entreprises venues du monde entier.
01:49 Cinquième année consécutive, c'est le fruit concret d'une politique ?
01:51 C'est en partie le fruit d'une politique.
01:54 Il faut reconnaître que cette politique, depuis l'élection d'Emmanuel Macron,
01:57 ça avait commencé un petit peu avant, pour être tout à fait honnête, avec la réalisation
02:01 que la France était devenue coûteuse et puis ne gérait pas bien son image.
02:04 Mais l'agenda de ce gouvernement, enfin des gouvernements d'Emmanuel Macron, ça
02:08 a été de dire "on a besoin de remettre de l'emploi en France, on a besoin d'innover
02:12 davantage en France, on a besoin d'exporter davantage".
02:15 Il faut se savoir que les entreprises à capitaux étrangers, celles qui sont nées
02:19 ailleurs, dont le siège est ailleurs, c'est un petit nombre d'entreprises, c'est
02:22 moins de 1% des entreprises en France.
02:24 Mais elles représentent 35% de nos exportations industrielles, donc c'est une sur trois,
02:29 un tiers de nos exportations.
02:31 Elles représentent 25% de l'innovation en France, c'est très important.
02:35 Et c'est, l'année dernière, 40 000 emplois apportés par ces entreprises.
02:39 Et quels secteurs sont concernés ?
02:41 Alors à peu près tous les secteurs.
02:42 La France, c'est une économie très diversifiée, au contraire du Royaume-Uni qui est beaucoup
02:47 plus concentrée sur quelques secteurs de services ou secteurs du digital.
02:51 Mais les secteurs qui ont vraiment vécu une très belle dynamique l'année dernière,
02:56 c'est par exemple tout ce qui est véhicules électriques, les implantations d'usines
03:00 de batterie dont on parle beaucoup, c'est l'énergie parce qu'il y a une vraie transformation
03:04 dans le monde de l'énergie, les énergies renouvelables.
03:06 Il faut construire des équipements pour l'éolien, par exemple pour les champs d'éoliennes.
03:10 C'est un peu moins l'agroalimentaire, mais c'est aussi un secteur très important.
03:14 C'est aussi un secteur comme l'aéronautique, le luxe.
03:17 Voilà, des familles de secteurs sur lesquels la France a des atouts mondiaux ou qui font
03:22 partie de ces produits, de ces services qui devront être davantage fabriqués demain.
03:26 On a parlé des points forts, il y a aussi le revers de la médaille.
03:29 Les points faibles, sur quels sujets les investisseurs étrangers sont-ils critiques ?
03:33 Alors ils nous critiquent encore sur un coût de la France qui est trop élevé pour eux.
03:38 Et c'est vrai, la pression fiscale en France est encore élevée, même si on a fait des
03:42 efforts depuis quelques années, le coût du travail notamment est un point qui, pour
03:46 les industriels, est un point pénalisant, qui limite d'ailleurs la création d'emplois
03:50 en France parce qu'on fait un petit peu attention à ce qu'on fait quand il s'agit
03:54 de recruter un peu trop de monde.
03:56 C'est assez coûteux de le faire en France, on sait qu'on a des compétences de très
03:58 bonne qualité, mais néanmoins on fait attention.
04:00 Et un deuxième sujet qui les a beaucoup préoccupés dans notre baromètre, c'est l'énergie.
04:04 Le coût de l'énergie.
04:05 C'est le coût de l'énergie.
04:06 Alors c'est étonnant parce que l'énergie est revenue à un niveau à peu près acceptable
04:09 dans ce début d'année 2024, quand on a interrogé notre panel, mais ils se souviennent
04:14 finalement de deux années difficiles, très difficiles, avec une explosion des coûts,
04:19 des risques ou des menaces de rupture, d'approvisionnement.
04:23 Vous vous souvenez cet été 2022-2023, on disait "on n'aura peut-être pas d'électricité
04:26 demain".
04:27 Donc ils se souviennent de ça et ça laisse une forme d'impression qui est difficile
04:31 d'effacer.
04:32 La France était un peu le pays béni de l'énergie, avec beaucoup de nucléaire, une énergie
04:35 très décarbonée, ça ça les entreprises le souhaitent.
04:38 Mais peut-être qu'on a un peu vacillé sur ces certitudes et donc aujourd'hui les
04:42 entreprises sont un peu préoccupées.
04:43 Notre concurrent le plus féroce, si on peut dire ça comme ça, c'est qui ? C'est le
04:46 Royaume-Uni ?
04:47 Ça a toujours été le Royaume-Uni.
04:48 C'est vraiment notre ligue des champions.
04:50 C'est vraiment le match, qui n'est pas seulement un match entre Paris et Londres,
04:52 qui sont les deux villes mondes européennes.
04:54 Il y a aussi un face-à-face très important.
04:56 Mais c'est le pays qui pendant très longtemps a réussi à attirer énormément d'investissements
05:00 industriels, beaucoup moins maintenant.
05:02 La moitié en moins cette année qu'il y a cinq ans.
05:07 Le Brexit est passé par là et il n'a plus de sens aujourd'hui de faire de l'industrie
05:13 au Royaume-Uni pour réexporter en Europe par exemple.
05:15 Mais c'est toujours un concurrent formidable, très fort, très déterminé à conserver
05:21 un peu les joyaux de la couronne.
05:23 L'industrie financière qui est quand même très très forte, c'est plus d'un million
05:26 d'emplois au Royaume-Uni.
05:28 Toute l'industrie de la technologie, les entreprises américaines mais aussi indiennes
05:32 qui viennent dans cet endroit avec lequel elles sont familières, elles ont plus d'habitude
05:38 de travail, elles apprécient aussi une fiscalité peut-être un peu plus avantageuse que la
05:42 nôtre.
05:43 Et puis les sièges sociaux de tout secteur.
05:46 Ce sont les prochains défis de la France.
05:47 Et pour l'avenir, que vous disent-ils ces investisseurs étrangers ?
05:50 Ils ont confiance.
05:52 C'est étonnant parce qu'on se dit dans les difficultés du quotidien, les questions
05:57 financières qui sont réelles et que les entreprises regardent.
05:59 Ce sont les questions budgétaires de la France.
06:01 Elles le voient, elles peuvent s'en inquiéter.
06:04 Pas à court terme, elles se disent là ça va poser des questions à moyen terme.
06:07 Ce qui les préoccupe peut-être, enfin ce que la France doit faire c'est peut-être
06:13 davantage promettre ou s'engager sur la deuxième partie de cette transformation.
06:18 Il y a une première partie qui a été faite qui a redonné de la confiance.
06:22 Trois quarts des dirigeants qu'on interroge nous disent "moi je pense que l'attractivité
06:27 de la France peut s'améliorer à trois ans".
06:28 On se demande vraiment comment ils nous voient alors que nous vivons au quotidien beaucoup
06:32 de choses.
06:33 Mais ce sont des entreprises qui nous voient notamment de l'extérieur par rapport à
06:37 nos concurrents.
06:38 Il faut comprendre que de l'extérieur on séduit.
06:41 La France est plutôt stable alors que l'Allemagne a un problème politique, le Brexit au Royaume-Uni,
06:46 la guerre aux portes de l'Europe.
06:48 Tout ça est inquiétant et la France est finalement relativement stable.
06:51 Nos problèmes sont un petit peu moins pénibles que ceux de nos concurrents et ça les entreprises
06:55 le voient.
06:56 - Marc Lermitte, associé au sein du cabinet EY ont commenté ensemble le baromètre annuel
07:01 que vous produisez chaque année.
07:03 La France pour la cinquième année consécutive championne d'Europe de l'attractivité économique.
07:08 Vous étiez l'invité Echo de France Info.
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