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Xerfi Canal a reçu Valentina Carbone, professeure à ESCP Business School, pour parler de l'influence des fictions théoriques sur le réel.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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00:00Bonjour Valentina Carbone. Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11Valentina Carbone, vous êtes professeure ESCP Business School. Autrice, c'est comme ça qu'on
00:18dit. Christine Roussa, Université Clermont-Auvergne, d'un papier dans l'RFJ, numéro spécial le
00:24management face à l'anthropocène, à l'épreuve de l'anthropocène. Le canoë, une lecture
00:31fictionnelle des archétypes de l'anthropocène. Alors qu'est-ce que c'est que ce papier ? Ce n'est
00:35pas de la science. Déjà, cette provocation initiale. Déjà, ce papier, c'est mon papier
00:42Covid, notre papier Covid. C'est important de le mettre dans le contexte. On l'a écrit pendant
00:46le Covid, on codait nos ouvrages, on faisait ses appels dans une période qui était un peu
00:51hors temps. Donc, c'est avant tout un papier qui nous a fait beaucoup de bien. Oui, pour être très
00:55clair, vous avez codé Odds Against Tomorrow. Tout à fait, parce que ce papier élabore à partir de
01:01la rencontre d'un roman, Odds Against Tomorrow, Nathaniel Rich, qui est un reporter, mais aussi
01:06un écrivain de romans, souvent en lien avec le changement climatique, l'anthropocène. Ces
01:12questions-là lui sont chères. Et un autre ouvrage beaucoup plus classique, Les archétypes de
01:17l'anthropocène, de la société anthropocène, par Andrew Hoffman, est un autre auteur classique,
01:23je dirais, académique. Et nous, qu'est-ce que nous avons fait ? Nous avons déjà constaté que c'était
01:29un mariage presque constaté. Ces deux ouvrages se parlaient beaucoup. Et nous, nous avons élaboré
01:35une nouvelle façon de raconter l'histoire qui était dans le roman, qui pour nous faisait écho
01:42fortement au présupposé théorique, et nous avons raconté quatre variations. Donc les variations,
01:48comme Kundera et tout ça. Vous me direz, mais bon, la fiction existe depuis longtemps aussi,
01:53dans les sciences de gestion. Oui, mais nous, notre prétention peut-être, notre ambition,
01:58c'est de dire qu'il y a une autre façon d'écrire un mode fictionnel, c'est écrire un mode
02:04fictionnel sous contrainte théorique. C'est-à-dire que nous avons codé ce roman, nous avons codé
02:10ces quatre archétypes. On y vient tout de suite. Quatre archétypes. Donc l'effondrement,
02:16pour faire ça, un collapse systems, l'effondrement des systèmes. Deuxième archétype, market rules,
02:20donc la loi du marché. Troisième archétype, le technosolutionnisme, technologie fixe. Et enfin,
02:28la renaissance culturelle, cultural re-enlightenment. Qu'est-ce qui se joue derrière ces quatre
02:32archétypes ? Ces quatre archétypes que nos auteurs appellent archétypes, d'autres peuvent appeler
02:38imaginaires, d'autres encore des scénarios, si on se projette vers le futur, ne sont que rien
02:43d'autre, des grilles, des façons de penser, de vivre, de se décoder, se connecter même à la
02:50réalité. Et faire de la perspective aussi. Tout à fait. C'est des schémas de pensée. C'est à la
02:53fois, il y a un côté valeurs, vision du monde, mais il y a aussi une façon de faire et de
02:59construire sa relation au monde autrui, à l'économie, à la société. Donc on est dans
03:04une démarche politico-institutionnelle, dans ce cas-là, et on la retrouve dans la vie de tous
03:10les jours. L'entreprise qui pense tour et soudre par le marché, on la connaît, le délire
03:15technosolutionniste, ou ces niches un peu hors du monde, la renaissance culturelle.
03:20Tout à fait. Alors, quand vous mobilisez ça pour écrire vos propres fictions, qu'est-ce que ça
03:25donne ? En fait, ça donne un mélange du pouvoir de l'écriture fictionnelle et du pouvoir de
03:34l'écriture scientifique. C'est pour ça que je dis, ah oui, c'est quand même un peu scientifique
03:37ce qu'on a fait. C'est-à-dire, le pouvoir de la fiction, c'est de toucher par les sentiments,
03:42par les émotions, une recherche qui brise les cœurs, disent certains dans des résidus récents.
03:49Et en même temps, notre écriture ne cherche pas seulement à affecter le lettreur avec l'accord
03:55des sentiments, des sensations, mais elle s'appuie et elle réflecte de façon forte et claire aussi
04:04ces soubassements politico-institutionnels. C'est-à-dire, nous, on devoile toutes les
04:08contraintes, toutes les oppressions, toutes les forces inertielles aujourd'hui qui empêchent
04:16nos entreprises et notre société d'évoluer vers une façon de faire économie et société qui soit
04:22compatible avec les limites planétaires. Évidemment, on ne va pas détailler l'ensemble
04:25des histoires. Il faut les lire. Il y a un numéro papier qui est là pour ça. Mais un point quand
04:31même, les entreprises. Les entreprises, elles ont intérêt ? C'est quoi l'impact de cette
04:36question pour les entreprises ? Est-ce qu'elles peuvent se saisir de cette manière de faire ? Est-ce
04:41que c'est une manière de raconter autrement des histoires ? Aujourd'hui, on parle beaucoup
04:45d'imaginaire. Les entreprises, d'ailleurs, sont pionnières, peut-être même plus que
04:50des institutions académiques. Mais il y a imaginaire et imaginaire. Pourquoi s'intéresser
04:57à ce genre d'histoire ? C'est qu'un imaginaire ne doit pas être considéré comme une fuite en
05:02avant, comme une construction utopique, un ailleurs qui fait fi de ce qui arrive aujourd'hui. Ce genre
05:08de démarche, un imaginaire qui a des racines politiques fortes, a peut-être, à mon sens,
05:15plus le pouvoir de déconstruire les choses qui ne vont pas aujourd'hui, afin de pouvoir mieux se
05:21projeter vers le futur. Je vous confiais en préparant cette interview, qui paraît qu'Emmanuel
05:27Macron aura été très influencé par la série La fièvre. J'ai eu peur, je pensais qu'il avait
05:31été influencé par une autre histoire. On espère qu'à l'avenir, il sera influencé par celle-ci,
05:35parce que la RFJ avait été reçue, paraît-il, à l'Élysée. C'était un édito de la revue
05:39française de gestion, donc on l'invitera à consulter ce texte. On l'invitera. C'est un
05:44bon exemple, quand même, cette influence de la série La fièvre. Ça en dit long sur le poids
05:48de la fiction aujourd'hui et le fait qu'il est urgent de travailler autrement. Merci à vous,
05:52Valentina Karras. Merci, Jean-Philippe.

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