Face aux manifestations du monde agricole ce matin, un sentiment a l’air de dominer les débats économiques et politiques aujourd’hui...
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/dov-alfon-en-toute-subjectivite
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00:007h21, en toute subjectivité d'Oval Fonds, du quotidien Libération, d'OVF, face aux
00:06manifestations du monde agricole, ce matin, vous nous signalez un sentiment qui a l'air
00:10de dominer les débats économiques et politiques aujourd'hui.
00:13Oui Nicolas, bien des journaux titrent aujourd'hui sur la colère des agriculteurs, quand il
00:18y a quelques années encore, on aurait préféré la grogne des agriculteurs, les protestations,
00:24voire le malaise chez les agriculteurs.
00:26La FNSEA elle-même a décidé de donner un nom à ces points de contestation à travers
00:31le pays de ce matin, et le nom choisi est « les feux de la colère », car de la victoire
00:36de Donald Trump, au rejet du Mercosur en passant par le Brexit et la réforme des retraites,
00:43le sentiment qui domine la politique dans les pays occidentaux est la colère.
00:47Pourquoi ? Simplement parce que la promesse de base dans notre système est la progression
00:51sociale.
00:52Mais pour de nombreux électeurs, l'avancée économique et sociale, c'est ce qui arrive
00:57aux autres.
00:58Cette colère est aussi l'expression d'un certain désarroi face à un monde qui, lui,
01:02progresse très vite.
01:03Peut-être trop.
01:04Et dans ce tourbillon rythmé par les nouvelles de taxis autonomes, intelligence artificielle
01:10ou viandes en laboratoire, chacun peut craindre d'avoir quelque chose à perdre.
01:15Pour revenir à l'exemple des agriculteurs, il nous faut comprendre qu'à la fin du
01:19XIXe siècle, 85% des exploitations agricoles en France avaient une superficie inférieure
01:25à 5 hectares, et même ce petit lot peint de terre était hors de portée pour beaucoup.
01:30Aussi crucial que soit la propriété de la terre pour l'identité et la classe paysanne,
01:35il s'agissait souvent plus d'un espoir que d'une réalité.
01:38Être paysan, c'est s'identifier à sa propre terre, à son lieu de vie, à sa ferme,
01:44à son foyer, mais rêver tout le temps de le faire fructifier.
01:48Dans bien des campagnes de cette époque, impossible.
01:51Les maires faisaient bouillir une pierre dans une marmite sur le feu pour que les enfants
01:55pensent qu'il y aura quelque chose à manger.
01:56Il fallait tout le temps progresser.
01:59Le rêve était l'état d'esprit dominant, pour un paysan comme pour un artiste, pour
02:04un fonctionnaire débutant, pour un petit commerçant.
02:06La colère a remplacé cet optimisme suite au choc d'une réalité complexe où le système
02:12social tient bon, en France comme ailleurs, mais où face à des disparités d'enrichissement
02:17inédites dans notre histoire, il est facile de se persuader que le progrès n'arrive
02:22qu'aux autres.
02:23Mais Dov, est-il possible de sortir de cette colère ?
02:25Il faudrait pour cela, Nicolas, que ces raisons cessent d'exister, bien sûr, mais aussi
02:30que la canalisation de cette colère par des politiques et des milliardaires cesse d'être
02:35si facile.
02:36Dans une grande enquête sur la première élection de Donald Trump, la ligue anti-diffamation
02:40aux Etats-Unis pointait déjà le manque total de régulation sur Fox News et sur
02:44les réseaux sociaux, comme vecteur principal d'une instrumentalisation de la colère
02:48populaire.
02:49Huit ans ont passé, la colère a progressé, le danger est maintenant là, ici et maintenant.