Lundi 25 novembre 2024, SANTÉ FUTURE reçoit Thomas Bachelart (directeur scientifique, Drugoptimal)
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00:00Et on termine cette émission avec la pépite santé, Thomas Bachelard nous a rejoints sur
00:09le plateau de Santé Futur. Bonjour Thomas. Bonjour. Vous êtes le directeur scientifique
00:13de Drug Optimal, une start-up qui développe une technologie permettant de détecter les
00:19incompatibilités physico-chimiques médicamenteuses. Alors pour commencer,
00:23qu'est-ce qu'une incompatibilité physico-chimique ? Alors de manière très simplifiée, une
00:28incompatibilité physico-chimique, qu'on va abréger par IPC, c'est tous les problèmes que
00:34vont rencontrer les médicaments avant d'arriver dans le corps du patient. De manière un peu plus
00:39détaillée, c'est l'impossibilité à s'accorder entre deux médicaments ou un médicament et une
00:44condition. Très bien. Quand Drug Optimal a été créé ? La fondation de l'entreprise remonte à
00:51avril 2022, donc on est assez récent, mais on est déjà commercialisé, on a déjà fait des gros
00:57progrès d'un point de vue R&D. Et de quels constats êtes-vous parti ? Alors c'est un de nos
01:02cofondateurs, Lugan Flaché, pharmacien, qui a été confronté à la problématique justement au
01:07service qualité au CHU de Grenoble et qui s'est rendu compte d'un besoin réel pour les soignants
01:13et pour les patients sur le sujet. Et donc vous avez développé, arrêtez-moi si je me trompe,
01:17votre propre modèle de prédiction ? C'est ça. La principale problématique sur le sujet,
01:23c'est que le nombre de combinaisons à connaître est complètement démentiel. Si on prend juste les
01:31paires de médicaments, on est sur du plus de 160 000 combinaisons possibles. C'est ça en
01:37prenant en compte le fait qu'on puisse utiliser plusieurs concentrations, plusieurs formulations
01:42pour le même médicament, plusieurs marques, des génériques. À l'heure actuelle, en 50 ans de
01:47littérature, on a regroupé des connaissances sur une dizaine de milliers de couples uniques. Donc
01:53il y a un gros manque, il y a moins de 5% des combinaisons qui est connue. Les tester et
01:58l'expérimenter en laboratoire comme c'est fait à l'heure actuelle, ce n'est pas envisageable d'un
02:03point de vue pratique. Donc notre approche, c'est de dire on va prédire ces incompatibilités. Et
02:11pour ce faire, on a allié trois compétences, la pharmacie, la chimie et la big data. Oui,
02:19vous avez recours à l'intelligence artificielle. C'est ça. Et donc votre solution, elle apparaît
02:26sous forme d'un logiciel ? Exactement, un logiciel hospitalier à destination des infirmiers et des
02:31pharmaciens où ils peuvent rentrer les différents médicaments de l'ordonnance. On va détecter
02:35automatiquement les IPC, leur fournir toutes les informations d'administration quand elles sont
02:40disponibles, les références bibliographiques et surtout proposer un plan d'administration en
02:46répartissant les médicaments dans différentes voies pour réduire et éviter le risque d'incompatibilité.
02:51Et aujourd'hui, on peut dire en l'état, combien d'infirmiers et de pharmaciens se servent de votre
02:56solution ? Alors, je n'ai pas les chiffres en tête, mais on est utilisé dans trois CHU, au CHU de Grenoble,
03:02au CHU de Nantes et au CHU de Bordeaux et dans plusieurs centres hospitaliers. Et donc là-bas, les infirmières se
03:07servent de votre solution avant d'administrer les soins ? C'est ça. Particulièrement en soins critiques,
03:13parce que c'est là où on va rencontrer les patients polymédiqués et où chaque médicament
03:17va compter. Et vous avez aussi votre propre laboratoire de recherche ? C'est ça. Pour pouvoir
03:24développer notre modèle, on a besoin de comprendre les phénomènes qui se déroulent. Donc on passe
03:30par l'expérimentation en laboratoire, par de la chimie, on développe la version du modèle sur
03:36laquelle on travaille. Et derrière, on vérifie les prédictions à nouveau en laboratoire pour
03:42s'assurer de la fiabilité. Et rapidement, parce que j'imagine que c'est complexe et ça prendrait du temps,
03:46mais quelles sont les conséquences d'une incompatibilité ? Elles peuvent être nombreuses selon la nature de
03:52l'incompatibilité. En quelques chiffres, on estime que c'est 25% de la durée d'hospitalisation qui est
03:59augmentée. C'est 25% de complications en plus. Et c'est jusque 900 risques de décès par jour en
04:05France. Et des coûts en plus, j'imagine, pour la partie... Les estimations sont à 12 milliards par an, tous
04:11coûts confondus. Et c'est sans prendre en compte les enjeux pour la santé des patients. Et quelles
04:15sont les prochaines étapes ? Quelles sont vos perspectives, vos objectifs ? Alors, à l'heure
04:21actuelle, grâce à notre première version de notre modèle de prédiction, on est passé de 10.000
04:27couples référencés dans la littérature. Nous, on a des informations sur plus de 45.000 couples. Et
04:33notre ambition, qu'on devrait atteindre sans trop de difficultés, c'est qu'à la fin de l'année, on
04:37devrait avoir plus de 100.000 couples référencés. Merci beaucoup, Lucien. Qu'est-ce que ça vous inspire ?
04:42Écoutez, beaucoup de choses. C'est formidable. Je ne vais pas dire chaque confrère, mais vous avez un
04:48confrère. Nous, la pharmacie, on va être amené à délivrer, même à prescrire. À délivrer. On est
04:58aussi fournisseur d'EHPAD, bien souvent. Je pense développer, à travers le réseau actif pharmacie,
05:06la préparation d'os administrés. Je considère de plus en plus que le pharmacien va devoir délivrer
05:15des pelluliers intelligents. Si on décapsule, c'est bien. Si ça décapsule pas, l'aidant,
05:25la famille, voire le pharmacien recevra un message pour dire, il semble qu'il n'ait pas pris son
05:31médicament aujourd'hui. Donc on va être confronté, nous aussi, à ces problèmes. Alors on a ces
05:38problèmes d'intolérance, de mésusage du médicament, mais on va être confronté à ces problèmes d'usage
05:46du médicament et de risque que vous évoquez. Donc pourquoi ne pas penser à un modèle adaptable à
05:55la pharmacie d'officine ? Alors on y pense. C'est absolument pas les mêmes enjeux. La plupart des
06:02incompatibilités physico-chimiques sont rencontrées avec les formes injectables des médicaments,
06:06même si on les retrouve aussi souvent avec les formes orales. Et ça va être de plus en plus
06:10présent avec le vieillissement de la population, parce qu'une des grosses problématiques, c'est
06:16notamment l'écrasabilité des médicaments pour les patients qui ne peuvent pas déglutir. On va
06:20devoir mélanger les médicaments avec l'alimentation et il y a des incompatibilités qui peuvent se
06:25produire. Un exemple qui paraît assez fou, c'est que le Doliprane est incompatible avec la banane,
06:31parce qu'il y a des enzymes dans la banane qui sont spécialisés dans la reconnaissance de la
06:39thyrosine et qui peuvent confondre la structure du Doliprane avec celle de la thyrosine, parce
06:44qu'elles ont des similarités. Et bien voilà, donc vous voyez, il y a un moyen d'équiper les
06:51pharmacies d'officine demain. C'est tout à fait possible. Sur les formes orales, l'enjeu du
06:57pronostic vital est beaucoup moins engagé que sur les formes parenteras et les formes injectables.
07:03C'est pour ça qu'on consacre la majeure partie de nos efforts pour le moment sur ces traitements
07:08critiques qui sont administrés à l'hôpital pour les patients en état grave. Pierre-Isabelle,
07:13qu'est-ce que ça vous inspire ? Ça m'inspire effectivement beaucoup d'intérêt. Effectivement,
07:19j'avais une question. Est-ce que vous, ce logiciel, vous pensez un petit peu l'exporter
07:25à l'international ? Ou c'est quelque chose qui pour le moment est encore... Il y a déjà
07:29effectivement le marché français évidemment qui est à... C'est tout à fait quelque chose qu'on
07:34compte faire. Oui. Mais comme je vous le disais, il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en
07:38jeu et notamment la formulation, les excipients qui vont jouer énormément. Et étant donné que
07:44les médicaments vont être proches, notamment en termes de principe actif, à l'étranger,
07:49il y a souvent des différences qu'il faut prendre en compte et ça prend du temps. Donc,
07:54on se concentre sur le marché français et on commence déjà à anticiper une arrivée sur le
07:59marché européen à plus large échelle et plus tard sur le marché américain. Je trouve l'approche
08:05absolument passionnante, bravo, et utile. C'est non seulement passionnant mais... Vous n'en avez pas
08:11entendu parler ? Non, je n'en avais pas entendu parler, mais je vois exactement le genre de
08:16service que ça peut rendre. J'avais une question sur la matério-compatibilité. Est-ce que ça
08:21rentre en compte aussi sur... Par exemple, moi j'avais le souvenir des dérives énitrées qui
08:26étaient absorbées sur le polyéthylène et qui n'arrivaient jamais dans le patient parce que
08:31toute la tubulure absorbait les dérives énitrées. Donc, c'est quelque chose qui rentre en compte dans
08:37votre... Alors, on le prend en compte. Pour l'instant, on se base essentiellement sur les
08:41données de la littérature parce qu'on a compilé nous-mêmes plus de 22 000 articles. Donc, vous
08:45citez le polyéthylène à juste titre. Le PVC est aussi très souvent problématique. On part sur des
08:52interactions de surface en milieu hétérogène. C'est beaucoup plus difficile à modéliser. Il y a,
08:59par exemple, les travaux du professeur Valéry Sautout à l'université de Clermont-Ferrand qui
09:04sont très intéressants, qu'on suit. On travaille dessus, mais on considère qu'on a une grande
09:09responsabilité de ne pas dire de bêtises. Et vu la difficulté de modéliser ce type de phénomène,
09:16on est très prudent. On avance dessus, mais ça ne sera pas encore disponible tout de suite.
09:21Et puis, la deuxième question, c'est est-ce que vous préconisez certaines pratiques ? J'imagine
09:29pour les reconstitutions de chimiaux, par exemple. Donc, quand on fait les poches de chimiaux,
09:34effectivement, de commencer par tel composé, de mettre le deuxième après comme une recette de
09:39cuisine en quelque sorte optimisée pour limiter les risques d'incompatibilité physico-chimique.
09:47Effectivement, c'est quelque chose sur lequel on travaille et on se positionne. Par application du
09:55principe de précaution, dans la pratique, et souvent de l'acte infirmier ou de l'acte du
10:01pharmacien, il y a le protocole décrit et il y a la variabilité du terrain. C'est-à-dire que même
10:08si on va donner une recette précise, on est obligé de prendre des marges de sécurité pour éviter les
10:15erreurs. Donc, pouvoir faire une recommandation exacte en disant tel médicament dans tel ordre,
10:21on est en capacité de le faire. On ne le met pas encore à disposition parce qu'on essaie d'avoir
10:29un niveau de preuve qui est vraiment totalement indisputable. Et puis, ça engage ta responsabilité
10:34au cas où vous seriez trop prescripteur. Nous, on donne les informations. Là-dessus,
10:41on est assez transparent. On donne les informations. C'est le pharmacien qui décide. C'est lui qui a
10:46la responsabilité de la délivrance et de l'établissement en grande partie du plan de soins.
10:49Donc, on fournit l'information. On recueille, par exemple, aucune donnée de santé ou de choses
10:54comme ça. Et pour l'instant, ça va être compatible, incompatible. Et on va vous donner aussi la source.
11:01C'est-à-dire que si ça vient de la littérature, c'est marqué noir sur blanc. C'est la littérature,
11:05tel article. Si ça vient de notre modèle de prédiction, ça vient de notre modèle.
11:09Et est-ce que vous avez un système de report ?
11:11Dernière question, parce que c'est la fin.
11:12Un système de report. S'il y a des incompatibilités observées que vous ne connaissiez pas,
11:18est-ce qu'il y a moyen de vous en informer ou pas ?
11:20Alors, les pharmaciens et les infirmiers peuvent tout à fait nous contacter, soit via notre logiciel,
11:25soit via notre site web. En plus de ça, l'interface du logiciel est personnalisable
11:31par le pharmacien, où il va pouvoir imposer ses règles et ses modes de fonctionnement en disant
11:37telle voie est réservée pour tel médicament, telle voie est réservée pour la nutrition
11:42parentérale. Je considère que tel couple est compatible ou incompatible. Et notre but,
11:48c'est d'être un soutien du pharmacien et de l'infirmier et absolument pas de se substituer.
11:54Donc, on essaye d'être un outil le plus pratique pour les professionnels.
11:57Merci Thomas. J'ai le sentiment que ça aurait pu durer des heures et des heures encore pour Pierre.
12:03Merci Thomas. Thomas Bachelard, directeur scientifique de Drugs Optimal. Merci à Isabelle
12:10Moine-Dupuis, maître de conférences à l'Université de Bourgogne, spécialiste du droit pharmaceutique.
12:15Merci à Pierre Boutwieri, chef du service de pharmacologie de l'hôpital Georges-Pompidou,
12:21chercheur à l'Inserm. Et merci Lucien Bénatent, président fondateur d'Acte Pharmacie.
12:28Quant à moi, je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle édition de Santé Futur.