Quelle va être la réponse de Poutine ? On assiste à une nouvelle flambée de violences en Ukraine depuis que Joe Biden a autorisé le président Zelensky à frapper le sol russe avec des missiles occidentaux. Vladimir Poutine a alors menacé de cibler les installations militaires des pays qui arment l'Ukraine. Peut-on s’attendre à voir tomber des missiles russes en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis ? Les SCALP français déjà livrés en Ukraine seront-ils lancés contre la Russie, avec l’aide de personnels de l’armée française ? Donald Trump prendra le pouvoir le 20 janvier 2025. Le conflit peut-il déraper d'ici là ? Comment le nouveau président des Etats-Unis va-t-il négocier la paix tant attendue ?
Pendant ce temps, le groupe des pays des BRICS+ continue d'afficher une contestation radicale du modèle occidental. Comment sont-ils parvenus à dépasser le PIB du G7 en seulement 15 ans ? La Nouvelle banque de développement opérationnelle depuis 2016 peut-elle permettre un changement complet de la structure de gouvernance de l’économie mondiale ?
L'économiste Jacques Sapir, membre de l'Académie des sciences de Russie et l'auteur de "La fin de l'ordre occidental ?", décrit la révolution des BRICS+ et son influence sur l'ordre financier international à venir.
A la suite de "Politique & Eco", retrouvez la chronique financière de Philippe Béchade intitulée : "Quand Barnier brandit aux Français le spectre du destin grec".
Philippe Béchade est rédacteur en chef de La Chronique Agora et La Lettre des Affranchis aux @Publications Agora.
Pendant ce temps, le groupe des pays des BRICS+ continue d'afficher une contestation radicale du modèle occidental. Comment sont-ils parvenus à dépasser le PIB du G7 en seulement 15 ans ? La Nouvelle banque de développement opérationnelle depuis 2016 peut-elle permettre un changement complet de la structure de gouvernance de l’économie mondiale ?
L'économiste Jacques Sapir, membre de l'Académie des sciences de Russie et l'auteur de "La fin de l'ordre occidental ?", décrit la révolution des BRICS+ et son influence sur l'ordre financier international à venir.
A la suite de "Politique & Eco", retrouvez la chronique financière de Philippe Béchade intitulée : "Quand Barnier brandit aux Français le spectre du destin grec".
Philippe Béchade est rédacteur en chef de La Chronique Agora et La Lettre des Affranchis aux @Publications Agora.
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00:00:00En 2023, vous avez donné 1,4 million d'euros pour le train de vie de 11 anciens premiers ministres.
00:00:06Voiture avec chauffeur, secrétaire particulier, etc.
00:00:09Par exemple, le socialiste Bernard Cazeneuve nous coûte, vous coûte, 201 000 euros par an.
00:00:14Il a été premier ministre 5 mois.
00:00:16Ses politiciens, grâce à vos impôts, se sont alloués une augmentation de 27%
00:00:21de leurs avantages en nature sur un an.
00:00:24En même temps, vous avez donné 42 millions d'euros au Conseil économique, social et environnemental,
00:00:30le CESE, Garage des recasés de la politique, des syndicats ou du monde de l'entre-soi.
00:00:35Le CESE ne sert absolument à rien.
00:00:37Vous avez donné encore 39 millions d'euros à l'ARCOM,
00:00:40qui fait, elle, un bon travail de police, de la pensée, dans les médias.
00:00:45Arrêtons là la longue litanie.
00:00:47Avec l'argent de vos impôts, on déverse un fric de dingue pour les privilégiés de la République.
00:00:52Alors, parce qu'il faut arrêter les prébandes, les sinecures, les rentes, les passe-droits des amis de Macron,
00:00:57il n'y a qu'une seule solution.
00:00:59Renforcer la voie de la presse libre, de la presse alternative de TV Liberté.
00:01:03Notre mission de porte-voix, c'est grâce à vous et à vous seuls que nous pouvons la mener.
00:01:08Alors, n'attendez pas.
00:01:09Faites un don à TV Liberté.
00:01:11Nous avons dorénavant 30 jours.
00:01:1330 jours pour assurer la pérennité de TVL en 2025.
00:01:17Le compte à rebours est lancé.
00:01:18La liberté à tout prix.
00:01:53♫ Générique de fin ♫
00:02:09Bonjour à tous.
00:02:11Ravis de vous retrouver pour Politique Éco.
00:02:14Notre invité cette semaine, Jacques Sapir.
00:02:16Bonjour, monsieur.
00:02:17Bonjour.
00:02:19Jacques Sapir est économiste, ancien directeur d'études à l'EHESS,
00:02:24l'École des Hautes Études en Sciences Sociales.
00:02:27Il est également membre de l'Académie des Sciences de Russie.
00:02:31Votre dernier ouvrage, on va en parler évidemment avec vous dans cet entretien.
00:02:36Jacques Sapir, la fin de l'ordre occidental,
00:02:39à retrouver sur la boutique de TV Liberté.
00:02:42C'est édité chez Perspectives Libres.
00:02:45Avant d'entrer dans le sujet de votre ouvrage,
00:02:48on parlera évidemment des BRICS,
00:02:50mais allons plutôt sur l'actualité avec vous, Jacques Sapir,
00:02:54puisqu'on assiste à une nouvelle flambée de violences en Ukraine
00:02:57depuis que Joe Biden a autorisé Volodymyr Zelensky
00:03:01à frapper le sol russe avec des missiles occidentaux.
00:03:05Ces frappes ukrainiennes ont entraîné une réponse armée russe.
00:03:09On a vu un missile de taille de portée intermédiaire
00:03:15aller frapper l'Ukraine, ainsi qu'une attaque de plusieurs drones,
00:03:19188 drones, on a lu.
00:03:22Comment est-ce qu'on peut expliquer cette décision de Joe Biden ?
00:03:25Moi, j'entendais sur LCI, qui pourra arrêter Volodymyr Poutine ?
00:03:29Mais c'est quand même Joe Biden, là, qui a autorisé Zelensky
00:03:33à remonter dans l'escalade de la violence.
00:03:37Oui, alors les deux côtés ont intérêt à faire preuve d'agressivité
00:03:42jusqu'au 20 janvier, c'est-à-dire jusqu'au moment où Donald Trump va arriver,
00:03:48va prendre le pouvoir, où il y aura la passation du pouvoir qui va se passer.
00:03:53Évidemment, Biden pousse Zelensky et, d'une certaine manière,
00:04:00cherche à embarrasser Donald Trump parce qu'il sait très bien
00:04:03que ça ne sera pas la politique que suivra Donald Trump, quelle qu'elle soit.
00:04:07Mais une chose dont on est sûr, c'est qu'il ne poussera pas ainsi les hostilités.
00:04:13Il sait aussi qu'en autorisant ces tirs d'armes à longue portée,
00:04:18il ne prend pas un si grand risque que cela parce qu'il n'y en a pas beaucoup en Ukraine.
00:04:23Les missiles dont les Ukrainiens se sont servis,
00:04:26en particulier dans la région de Kours, ils en ont en fait assez peu.
00:04:30Alors, on ne sait pas combien ils en ont exactement,
00:04:32mais ils doivent en avoir entre 30 et 50, probablement pas plus.
00:04:39Et du côté des Russes, l'une des possibilités,
00:04:44c'est que ce que propose Trump, ce soit un gel sur la ligne de front,
00:04:51autant que la ligne de front soit le plus à l'ouest possible.
00:04:55Donc, des deux côtés, il y a aujourd'hui une volonté,
00:05:02je dirais, d'en découdre jusqu'au bout.
00:05:06– Jusqu'au bout, jusqu'au 20.
00:05:08– Voilà, qui va durer deux mois maintenant.
00:05:12On sait très bien que c'est ce qui va se passer.
00:05:14D'ailleurs, je rappelle que…
00:05:16– Oui, mais l'intérêt pour Joe Biden,
00:05:17moi je ne comprends pas très bien son intérêt à lui puisqu'il va partir.
00:05:21C'est un dernier baroud d'honneur, c'est donner un peu d'argent encore
00:05:25aux conflits, aux complexes militaires ou industriels américains ?
00:05:29– Oui, mais ce n'est même pas ça.
00:05:30C'est vraiment, je dirais, gêner le plus possible Donald Trump
00:05:35dans la mise en place de sa politique.
00:05:37Ce que l'on voit à Washington, c'est que contrairement à ce qui est dit,
00:05:42d'ailleurs des deux côtés, par Biden et par Trump,
00:05:46la transition ne se passe pas, elle ne se passe pas mal,
00:05:50elle ne se passe pas bien, elle ne se passe pas du tout.
00:05:53Et ça, c'est quand même extrêmement inquiétant et surprenant
00:05:57parce que traditionnellement, quand on a comme ça un président sortant,
00:06:01bon, le président dit président élu,
00:06:06mais qui n'est pas encore président jusqu'au 20 janvier,
00:06:10il est de tradition que le président sortant ne prenne pas d'initiative
00:06:16sans en avoir conféré avec le président élu
00:06:20et ne prenne pas d'initiative, je dirais, un petit peu radicale
00:06:25pour ne pas obéir à la politique que mettra en place le président élu
00:06:31une fois qu'il aura pris le pouvoir.
00:06:33Bon, c'est une pratique assez courante.
00:06:36– Mais là, l'opposition entre les deux est telle qu'ils ne veulent pas s'entendre.
00:06:40– Ils ne veulent pas s'entendre ou plus exactement,
00:06:44Biden a décidé que sur le terrain de la politique étrangère,
00:06:49il irait jusqu'au bout de son attitude pour limiter le plus possible
00:06:56les initiatives potentielles de Donald Trump.
00:07:01Bon, voilà, c'est tout.
00:07:02Alors, ça explique en partie, je dirais, ce qui se passe du côté ukrainien
00:07:08et comme je vous l'ai dit, du côté russe, il y a cette idée,
00:07:12si jamais on doit négocier sur la base de la ligne de front,
00:07:18autant prendre tout ce qu'on peut dans les deux mois qui restent
00:07:22pour négocier en position de front.
00:07:24Ça a été d'ailleurs exactement ce qui s'est passé
00:07:27quand les pourparlers en Corée de Panmunjom sont rentrés dans une phase réellement active.
00:07:35On s'est dit, bon, allez, d'ici quatre à six mois,
00:07:38ça va déboucher sur un cessez-le-feu, bien.
00:07:42– En fait, ça a été encore pire.
00:07:43– Oui, les 4-5 derniers mois ont été marqués par des combats extrêmement violents.
00:07:48– Donc, c'était les 19 et 21 novembre dernier
00:07:53que Volodymyr Zelensky a pris l'initiative
00:07:56de lancer des missiles occidentaux sur la Russie.
00:07:59Paraît-il qu'il n'y a pas eu de dégâts matériels minimums et de dégâts humains.
00:08:06Apparemment, il n'y a pas eu de victimes.
00:08:07– Volodymyr Poutine a immédiatement menacé de cibler les installations militaires
00:08:13des pays qui arment l'Ukraine.
00:08:15Est-ce qu'on peut s'attendre aujourd'hui à voir des missiles
00:08:19tomber en Angleterre, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis ?
00:08:23– Alors, plusieurs choses.
00:08:25D'abord, le dernier tir, le tir qui a été fait, je crois, il y a maintenant 36 heures,
00:08:30dans la région de Kursk, a bien touché une batterie antiaérienne russe.
00:08:37Ça, on le sait, les Russes ont dit.
00:08:38D'ailleurs, c'est le ministère de la Défense qui l'a dit.
00:08:42Donc, il y a quand même eu quelques pertes du côté russe.
00:08:46Ça, c'est le premier point.
00:08:47Deuxième point, ce qu'il faut savoir, c'est que la programmation de ces missiles
00:08:52ne peut pas être faite par les Ukrainiens.
00:08:54– Oui, c'est ce que disait Volodymyr Poutine.
00:08:55Elle nécessite la présence d'officiers étrangers.
00:09:00– C'est ce que disent toutes les personnes d'origine militaire
00:09:05ou ayant travaillé pour le ministère de la Défense.
00:09:08Plus précisément, ils disent qu'il faut que les Américains désignent la cible.
00:09:15Après, quand il s'agit de rentrer les coordonnées,
00:09:18bon, ce n'est pas un travail de dactylo, mais c'est quasiment de ce niveau-là.
00:09:24Mais la désignation précise de la cible, elle, n'est pas faite par les Ukrainiens.
00:09:29Elle est faite par les Américains ou peut-être par les Britanniques.
00:09:33Donc ça, oui, c'est vrai, il y a de fait une implication des Américains dans ces tirs.
00:09:42Quelle sera la réponse des Russes ?
00:09:45D'abord, ils peuvent chercher à toucher des cibles en Ukraine
00:09:53où ils savent qu'il y a des militaires de l'OTAN.
00:09:57Tout simplement.
00:09:58Bon, ça, c'est le premier type de réponse.
00:10:01Je ne crois pas en des frappes conventionnelles, évidemment.
00:10:05Il n'est pas du tout question d'utiliser le nucléaire ici.
00:10:08Mais je ne crois pas en des frappes conventionnelles
00:10:11sur un pays qui soit membre de l'OTAN.
00:10:14Là, les conséquences potentielles sont trop élevées.
00:10:19– Oui, la réponse de Vladimir Poutine, pour l'instant,
00:10:21c'est concentrer sur l'Ukraine.
00:10:23– Oui, tout à fait.
00:10:24– Avec ses missiles, un missile de portée intermédiaire, je crois, et ses drones.
00:10:30– Oui, les drones, on sait qu'il y en a beaucoup, ça ne pose pas de problème.
00:10:34Pour le missile Orecchik, on ne sait pas combien il en a.
00:10:40On ne sait pas combien il en a.
00:10:41– Il a annoncé qu'il allait demander une production dans les semaines à venir.
00:10:46– Oui, mais ce que l'on peut savoir, c'est que ce missile a été relancé
00:10:52après une phase d'essai qui avait été interrompue
00:10:54parce qu'il était en contravention avec le traité des forces intermédiaires,
00:10:58ce qu'on appelle le traité INF.
00:11:01Il a été interrompu jusqu'en 2019.
00:11:06Les Russes, en rétorsion contre la sortie par les Américains d'autres traités,
00:11:12ont décidé qu'ils quitteraient le traité INF.
00:11:15Donc, à partir de 2019, ils ont relancé les essais.
00:11:20Et si vous voulez faire les essais d'un missile,
00:11:22il faut bien en produire quelques-uns, simplement pour faire des tests.
00:11:26Donc, ils ont probablement encore quelques missiles,
00:11:31on va appeler ça une présérie de tests,
00:11:35avant que ne sortent les missiles de série, cette fois-ci.
00:11:40Et les missiles de série ne sortiront pas au mieux avant 6 mois, 9 mois.
00:11:47Il faut quand même du temps,
00:11:48c'est des choses extrêmement compliquées à construire.
00:11:53– Le Président Macron avait fait livrer des missiles Scalp à l'Ukraine.
00:12:01En Ukraine, ces missiles sont en Ukraine.
00:12:04Est-ce que vous pensez que Volodymyr Zelensky
00:12:06attend un feu vert du Président Macron pour tirer ces missiles Scalp ?
00:12:11Ou alors, est-ce qu'il peut y aller de son chef ?
00:12:15– Même chose que pour les missiles américains.
00:12:17Ce n'est pas la même technologie de missile, mais c'est le même principe.
00:12:20– Ça nécessite la présence de Français sur le terrain.
00:12:23– De Français ou de Britanniques,
00:12:24parce que les Britanniques utilisent le Scalp sous un autre nom, Sun Shadow.
00:12:28Mais c'est le Scalp, en réalité.
00:12:31Donc, il faudra des officiers de l'OTAN pour assurer le ciblage.
00:12:35Ça, c'est clair.
00:12:36– Donc, ça veut dire que si ces gens s'occupent du ciblage,
00:12:40ils deviennent co-belligérants.
00:12:42– Oui, et ils deviennent des cibles légitimes pour les Russes.
00:12:45– Est-ce que vous vous attendez, Jacques Sapir, à un accord de paix rapide
00:12:50quand Donald Trump va prendre le pouvoir le 20 janvier,
00:12:53comme il l'avait promis, en 24 heures, je réglerai cette guerre ?
00:12:56– Alors, il ne la règlera certainement pas en 24 heures, ni même en une semaine.
00:13:00Mais il va faire des propositions aux Russes qui sont des propositions
00:13:06sur la base d'un scénario inspiré par l'expérience de la Corée.
00:13:11Tout le monde est en train de regarder comment est-on sorti de la guerre de Corée.
00:13:17Qu'est-ce que ça veut dire ?
00:13:18Ça veut dire une ligne de front qui sert de ligne de démarcation,
00:13:24une zone démilitarisée des deux côtés, et du côté ukrainien,
00:13:30des troupes occidentales pour assurer la sécurité de l'Ukraine.
00:13:35Ceci ne répond pas à deux des points essentiels
00:13:39dans les demandes des Russes depuis le départ.
00:13:43En fait, ce sont des demandes qu'ils ont faites depuis fin février 2022.
00:13:49C'est, tout d'abord, l'engagement de l'OTAN à ne pas intégrer l'Ukraine.
00:13:58Deuxièmement, que l'Ukraine ait un statut de neutralité.
00:14:04– Alors, c'est ce qu'avaient promis les Américains aux Russes
00:14:09à la chute du mur en 1991.
00:14:12– Oui, tout à fait, mais il faut bien comprendre que,
00:14:15grosso modo, Donald Trump va proposer un scénario à la coréenne.
00:14:19Les Russes, eux, pensent un scénario à la finlandaise.
00:14:23Autrement dit, le traité de paix de 1947 et de 1948 avec la Finlande.
00:14:30Il y a beaucoup d'espace entre les deux.
00:14:35Alors, on va commencer à parler,
00:14:38les Américains vont avancer leur scénario, scénario coréen.
00:14:42Les Russes vont avancer leur scénario, on va l'appeler le scénario finlandais.
00:14:48Et puis après, il y aura des négociations.
00:14:51Je pense que ce qui en résultera, mais ça n'en résultera pas immédiatement,
00:14:56parce que qui dit négociation, dit du temps, et bon, il faut revenir.
00:15:02Eh bien, ça ne sera ni le scénario américain à la coréenne,
00:15:06ni complètement le scénario à la finlandaise que veulent les Russes.
00:15:12Bon, après, oui, je pense qu'il y aura, en tous les cas, un cessez-le-feu.
00:15:18Il y a un cessez-le-feu certainement stable,
00:15:20parce que les Russes ne voudront pas d'un cessez-le-feu provisoire.
00:15:25Non, ils voudront quelque chose de stable.
00:15:28On aura probablement une forme de paix,
00:15:32je dis bien une forme, d'ici la fin de 2025.
00:15:36Alors, ce n'est pas dans les 24 heures, ce n'est même pas dans la...
00:15:39– Une paix comme au Kosovo ou... ?
00:15:42– Peut-être, mais...
00:15:43– Avec des casques bleus, avec... ?
00:15:45– Alors, la question des casques bleus, il est très clair que les Russes
00:15:48refuseront que ces casques bleus soient issus des pays de l'OTAN.
00:15:54Et l'OTAN, normalement, va refuser que ce soit des pays amis de la Russie.
00:16:01Donc, les quelques pays qui restent neutres ont de beaux jours devant eux
00:16:07pour la fourniture d'un contingent de casques bleus.
00:16:09– Alors, le groupe des pays, des BRICS,
00:16:13il fait évidemment l'objet de votre ouvrage,
00:16:16et vous expliquez très clairement, Jacques Sapir,
00:16:19que leur contestation du modèle occidental est totalement radicale.
00:16:24Alors, pourquoi cette contestation par la Russie
00:16:28menace-t-elle de se transformer en conflit mondial ?
00:16:32– Alors, il faut faire attention, la contestation des institutions occidentales,
00:16:36elle n'est pas le fait que de la Russie.
00:16:39La Chine, l'Inde et même le Brésil partagent très largement
00:16:44un grand nombre de points avec la Russie là-dessus.
00:16:47Donc, ce n'est pas une contestation russe, c'est bien une contestation des BRICS.
00:16:52– Oui, mais là, sur la transformation éventuelle de ce conflit,
00:16:56c'est la Russie qui est au cœur.
00:16:58Sa contestation à la Russie menace de dégénérer en conflit global.
00:17:04– Non, séparons la question du conflit en Ukraine
00:17:10de cette mise en cause des institutions internationales
00:17:14comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, etc.
00:17:18Ce sont deux choses qui sont différentes.
00:17:20Bien sûr qu'il y a des liens entre eux,
00:17:23mais il faut savoir que l'attitude des BRICS
00:17:27est devenue nettement plus radicale qu'au départ,
00:17:30parce qu'au départ, ce que demandaient les BRICS,
00:17:34puisque l'Afrique du Sud n'en était pas encore membre,
00:17:37ce qu'ils demandaient, c'était tout simplement qu'ils soient mieux reconnus
00:17:40au sein des institutions occidentales existantes.
00:17:44Et ils ont changé de position à partir de la crise dite des subprimes,
00:17:50c'est-à-dire, grosso modo, à partir de 2010-2011 jusqu'en 2017-2018.
00:17:58C'est à ce moment-là qu'il y a eu la bascule.
00:18:01Donc c'est une bascule qui est antérieure à la guerre en Ukraine,
00:18:04c'est une chose qu'il faut bien comprendre,
00:18:07et qui correspond aussi à des raisonnements,
00:18:12des prises de positions politiques qui ne sont pas simplement
00:18:15celles de la Russie, bien sûr, la Russie a été dans cette direction,
00:18:19mais qui sont aussi celles de la Chine, de l'Inde et du Brésil.
00:18:23– Alors, vous avez dans votre avent récent décrit un certain ralentissement
00:18:27de la croissance de l'économie russe,
00:18:30malgré des résultats que vous jugez meilleurs que prévus.
00:18:34Alors, comment vous expliquez ce ralentissement économique russe ?
00:18:38– Essentiellement, parce que les capacités de production sont épuisées.
00:18:41Si vous voulez, c'est très simple.
00:18:44La Russie est actuellement à un niveau d'utilisation du matériel,
00:18:50et des hommes aussi, qui correspond à peu de choses près
00:18:54à ce qu'on appelle le maximum, en sachant que c'est jamais
00:18:57un maximum à 100%, mais on est aujourd'hui avec un taux de chômage
00:19:02qui est de 2,3% sur les actifs, c'est extraordinairement faible.
00:19:09– C'est pas la France. – Tout à fait, mais si vous voulez,
00:19:11ça peut aussi très bien correspondre à des gens qui, à un moment donné,
00:19:13quittent une entreprise pour passer dans une autre entreprise,
00:19:16qui, entre le temps, bien évidemment, ils ne travaillent pas,
00:19:18donc ils sont considérés comme chômeurs, etc.
00:19:21– Oui, c'est du chômage qu'on ne peut pas réduire.
00:19:22– Voilà, c'est ce qu'on appelle ce chômage frictionnel.
00:19:26La deuxième raison, c'est que, oui, la Russie a fait de très gros investissements.
00:19:34– Depuis les sanctions.
00:19:35– Depuis les sanctions, ils ont déjà réussi à augmenter l'investissement de 4% en 2022,
00:19:42de pratiquement 9% en 2023, probablement 10% cette année, en 2024, simplement.
00:19:52Quand vous mettez de l'argent pour acheter une machine,
00:19:56en réalité, la machine n'est pas encore construite.
00:19:59Vous passez commande, mais le fabricant va vous construire la machine,
00:20:04parce que très souvent, il s'agit de machines qui sont personnalisées
00:20:06aux demandes de l'entreprise, etc. Donc, il faut un certain temps.
00:20:10Et donc, il y a nécessairement un délai entre le moment où vous signez le chèque,
00:20:17donc le moment où les investissements sont décaissés,
00:20:20et le moment où la machine est enfin intégrée dans votre système de production.
00:20:25Alors, ce délai, il peut aller de un an à 18 mois, grosso modo.
00:20:31Donc, ce que l'on peut penser, c'est que cette espèce de limite
00:20:36sur laquelle l'économie russe est en train de venir buter actuellement
00:20:40sera levée au printemps 2025.
00:20:45Mais là, oui, le dernier trimestre de 2024 et le premier trimestre de 2025,
00:20:53eh bien, l'économie russe peut difficilement aller beaucoup plus loin
00:20:58ou beaucoup plus vite que ce qu'elle va.
00:21:01On le voit aujourd'hui, on est pratiquement à une croissance
00:21:07qui est égale à la croissance de la productivité.
00:21:10Autrement dit, il n'y a plus de nouveaux travailleurs dans les entreprises,
00:21:17mais la productivité du travail augmente, c'est ce qui provoque la croissance.
00:21:21Après, le gouvernement russe et Vladimir Poutine lui-même
00:21:26ont dit qu'ils allaient baisser toute une série d'obligations
00:21:32qui étaient imposées aux gens qui veulent venir travailler en Russie.
00:21:36Bon, l'examen de Russe sera beaucoup moins compliqué qu'il ne l'est, etc.
00:21:42Ils recherchent, à l'évidence, une immigration,
00:21:45et ça sera très probablement une immigration venant du Sud-Est asiatique,
00:21:49Vietnam, Chine, etc.
00:21:51– Revenons à ces BRICS qui sont devenus d'ailleurs les BRICS+,
00:21:55au début de l'année 2024, avec l'arrivée de l'Iran, l'Égypte,
00:21:58les Émirats Arabes Unis et l'Éthiopie.
00:22:01Leur émergence est flagrante aujourd'hui,
00:22:04mais vous revenez un petit peu sur l'histoire de cette émergence.
00:22:08Vous dites qu'elle est de la responsabilité d'abord de l'Occident
00:22:12et des États-Unis en particulier.
00:22:15Comment Washington a alors favorisé ou alors les a laissés émerger ?
00:22:21– Non, ce qui s'est passé, c'est que quand le mouvement se constitue,
00:22:25sans l'Afrique du Sud qui ne rentrera qu'en 2009,
00:22:27quand il se constitue en 2005,
00:22:31comme je l'ai dit, c'est un mouvement, c'est une organisation
00:22:36qui n'a pour but que d'accroître le poids des pays qui en sont membres,
00:22:42dont les organisations occidentales.
00:22:44Autrement dit, on ne remet pas en cause la gouvernance occidentale du monde,
00:22:48pas du tout, mais on dit simplement, voilà, faites-nous un peu de place
00:22:52parce que le poids de la Chine n'est plus ce qu'il était dans les années 90,
00:22:58le poids de la Russie n'est plus ce qu'il était dans les années 90.
00:23:02Tout le monde a progressé.
00:23:03– Demande d'avoir plus de poids dans les institutions.
00:23:05– Tout à fait, demande de reconnaissance.
00:23:08Et là, les États-Unis ont, dans les faits,
00:23:12et aussi un petit peu dans le discours, mais surtout dans les faits,
00:23:15ils ont refusé, ils ont refusé.
00:23:16– Par arrogance, parce qu'ils se sont dit, les Chinois,
00:23:18bon, ça restera un pays émergent pour toujours, non, c'est pas ça ?
00:23:22C'est pas un peu de l'arrogance aussi ?
00:23:23– Il y a certainement eu de l'arrogance, pas tellement face aux Chinois,
00:23:26je pense face à l'Inde, au Brésil et surtout à la Russie,
00:23:31mais il y a eu surtout la défense de leurs intérêts,
00:23:34en disant, ben non, on va se reprendre, on va repartir de l'avant,
00:23:39mais en attendant, il faut bloquer ces demandes.
00:23:43Le problème, c'est qu'en bloquant ces pays, on s'en fait des ennemis,
00:23:48ça c'est le premier point.
00:23:49Le deuxième point, c'est que les États-Unis ont commencé
00:23:51à utiliser des armes économiques, alors les sanctions notamment,
00:23:56à l'époque, pas contre la Russie, mais contre l'Iran, contre la Corée.
00:23:59– Qui sont contraires aux droits internationaux, qu'ils soulignaient.
00:24:01– Tout à fait, qui sont absolument contraires aux droits internationaux.
00:24:04Ils ont aussi utilisé le dollar, en particulier la fameuse thèse
00:24:08sur l'extraterritorialité des règles de gestion du dollar.
00:24:13Et ce faisant, ils ont considérablement inquiété, et je dirais énervé,
00:24:20la direction politique en Chine, la direction politique en Russie,
00:24:26la direction politique en Inde.
00:24:27Bon, donc, d'une certaine manière, la montée de la pression des BRICS
00:24:34est ce que l'on peut appeler leur radicalisation.
00:24:36Le fait que maintenant, ils remettent en cause des institutions,
00:24:39ce qu'ils ne faisaient pas en 2005, où ils étaient beaucoup plus
00:24:42dans une logique de négociation, donnez-nous notre place, mais sans plus,
00:24:47elle est très largement le résultat de cette politique américaine,
00:24:52mais aussi de la politique des pays de l'Union européenne,
00:24:56qui n'ont pas su ou qui n'ont pas voulu, mais le résultat est exactement le même,
00:25:02faire pression sur les Américains pour leur dire, écoutez, ça ne va pas,
00:25:06le monde est en train de changer, mieux vaut s'y adapter que de refuser le changement.
00:25:12– Et vous soulignez d'ailleurs aussi les crises qu'ont traversées
00:25:16et que traversent toujours ces grandes institutions économiques internationales,
00:25:20le FMI, vous dites que c'est parti dans les années 80,
00:25:22la Banque mondiale à partir de 1990,
00:25:25et c'est ces crises qui ont mené ces institutions à l'échec
00:25:31dans la gestion de la crise de 2008, et c'est cette réaction
00:25:34qui a fait dire à ces pays émergents qu'il fallait peut-être aussi
00:25:39remettre en cause tout ce système.
00:25:41– Tout à fait, en fait le raisonnement qui est tenu par les BRICS désormais,
00:25:45enfin depuis 2009, c'est les institutions internationales d'origine occidentale,
00:25:52donc Fonds monétaire international, Banque mondiale, voire OMC,
00:25:55sont des organisations inégalitaires,
00:25:59les pays ne sont pas tous représentés au prorata de leur poids,
00:26:03mais ils disent après, mais ce sont des institutions qui sont inefficientes,
00:26:08qui sont dysfonctionnelles, la preuve, messieurs les américains,
00:26:12et ça je l'ai entendu par des russes le dire
00:26:16à une délégation du Trésor américaine,
00:26:18mais c'est dysfonctionnel, vous n'avez pas été capable
00:26:22d'empêcher qu'une crise qui était née sur votre marché hypothécaire
00:26:27contamine l'ensemble de la planète financière,
00:26:31donc excusez-nous, soit vous êtes personnellement des incapables
00:26:37et nous pensons que nous pourrons faire un meilleur travail que vous,
00:26:40soit vous n'êtes pas des incapables mais ce sont les institutions
00:26:43que vous avez créées qui aujourd'hui ne sont plus capables de répondre,
00:26:47qui sont devenues dysfonctionnelles,
00:26:49et donc vous comprenez que nous cherchons à mettre en place
00:26:52des institutions qui s'avèrent plus efficaces,
00:26:55voilà, c'est très exactement ça.
00:26:57– On comprend aussi une chose très importante dans votre ouvrage,
00:27:00Jacques Sapir, c'est que le retard des pays émergents,
00:27:04et il dit, alors relation avec les États-Unis et à son bras armé le FMI,
00:27:09alors pour avoir un prêt, est-ce que c'est toujours facile
00:27:13quand on s'adresse au FMI quand on est un pays A ou un pays B ?
00:27:17– Alors non, quand on est un pays qui a besoin de manière désespérée
00:27:23de l'argent du fonds monétaire,
00:27:24quand on est un pays qui ne pèse pas très lourd au niveau international,
00:27:28etc., ben oui, vous êtes obligés d'en passer par les clauses
00:27:35que va vous imposer le FMI.
00:27:38Et ceux dont on se rend compte, quand je dis on se rend compte,
00:27:42c'est des spécialistes en sciences politiques qui ont étudié ça,
00:27:46qui ont rapporté toute une série de clauses
00:27:50au discours de la diplomatie américaine,
00:27:54et très souvent, ces clauses ne sont que l'expression
00:28:00de la diplomatie américaine transposée dans le domaine économique.
00:28:05Alors, les pays qui sont déjà un petit peu plus gros,
00:28:10le problème est différent,
00:28:11parce qu'ils ont d'autres moyens de réponses.
00:28:16Mais par exemple, sur des pays comme les pays d'Afrique de l'Ouest,
00:28:23là, le comportement du FMI a été, je dirais, à la limite du scandaleux.
00:28:29Quand je travaillais…
00:28:30– C'est la façon des Américains de coloniser,
00:28:33c'est une forme de néocolonialisme ?
00:28:35– Ce n'est même pas du néocolonialisme, c'est tout simplement du mépris.
00:28:39Alors, ils l'avaient déjà fait en Russie,
00:28:41et ils s'étaient fait assez rapidement éjecter à partir de 1998-99.
00:28:48Mais j'ai en tête la manière dont se sont comportés les envoyés
00:28:53du FMI venant dans des pays d'Afrique de l'Ouest,
00:28:57que ce soit la Côte d'Ivoire ou le Sénégal,
00:29:02où ils disent à leurs homologues, grosso modo,
00:29:06vous êtes des nuls, vous n'y connaissez rien.
00:29:08– C'est Emmanuel Macron en Afrique, quoi.
00:29:10– Oui, mais encore, en beaucoup plus brutal.
00:29:15Bon, dans le cas de la Russie, un des responsables du FMI,
00:29:21que je ne nommerai pas, devant le président de la Banque centrale,
00:29:27le gouverneur de la Banque centrale, sort de son portefeuille un billet,
00:29:31je ne sais pas, de 10 dollars, bon, il sort un billet de 1 000 roubles,
00:29:36et en ajoutant le billet de 1 000 roubles, il dit,
00:29:39this is money, this is paper, et en ajoutant le billet de 10 dollars,
00:29:45this is money.
00:29:48– J'imagine que ça peut être, il a failli devenir président de la République.
00:29:53– Non, pas du tout, ce n'était pas du tout lui, c'était avant lui.
00:29:56Ça je vous le dis tout de suite, c'était avant lui,
00:30:00mais ce type de comportement, alors, vous antagonisez les gens,
00:30:07évidemment, quand c'est un petit pays, ça n'a pas trop de conséquences,
00:30:10quand c'est un pays comme la Russie, qui aura un jour les moyens de répondre,
00:30:15ça devient nettement plus problématique.
00:30:18– Est-ce que vous savez, Jacques Sapir, comment les chefs d'État
00:30:21et de gouvernement des pays, des BRICS, ont accueilli la victoire de Donald Trump ?
00:30:28– Avec circonspection, c'est-à-dire qu'ils disent, bon, un, on voit bien…
00:30:35– On pouvait s'attendre à un peu plus d'optimisme,
00:30:38c'est vrai qu'il n'y a pas eu d'éclat…
00:30:40– Non, non, parce qu'ils disent, voilà, on sent très bien
00:30:43que d'un point de vue économique, nous aurons un bras de fer
00:30:48avec l'Amérique de Trump, comme nous l'avions eu avec l'Amérique de Biden,
00:30:52ça ne va pas changer, la seule chose qui va changer,
00:30:55c'est que très probablement, l'Amérique de Donald Trump
00:30:58sera beaucoup moins interventionniste,
00:31:01elle sera beaucoup plus centrée sur les intérêts immédiats des États-Unis,
00:31:05et puis…
00:31:07– Il a déjà, Donald Trump, rétabli des droits de douane avec le Mexique,
00:31:10le Canada, la Chine… – Non, il n'a pas dit qu'il l'a rétabli,
00:31:12– Il l'a annoncé… – Il l'a annoncé, donc,
00:31:16et parce que ce sont des gens qui sont sérieux, contrairement à d'autres,
00:31:21ils attendent que le gouvernement de Donald Trump
00:31:26commence à agir pour les juger sur pièce,
00:31:31et ça me semble être une prudence tout à fait légitime
00:31:35quand on est les dirigeants de pays qui ont justement des problèmes
00:31:38avec les États-Unis.
00:31:40– Alors, vous l'expliquiez un petit peu tout à l'heure, Jacques Sapir,
00:31:42le fait que les Américains ont régulièrement manipulé
00:31:45leurs propres règles monétaires, ce qui a conduit les BRICS
00:31:50à vouloir développer de nouveaux systèmes de paiement alternatifs,
00:31:56le grand système, c'est ce qu'on appelle le système SWIFT,
00:32:01est-ce qu'ils en ont parlé, les BRICS, lors de leur dernier sommet à Cazan,
00:32:07c'était en octobre dernier, je crois que ça faisait partie
00:32:11des sujets à aborder, cette remise en question de SWIFT
00:32:15et la création d'un système alternatif.
00:32:16– Oui, tout à fait, alors d'abord il faut savoir que le sommet de Cazan
00:32:19s'est conclu sur un communiqué commun de 162 points,
00:32:24j'ai dit bien 162 points, il fait 38 pages,
00:32:27en russe, bon, ça m'a pris un peu plus d'une journée à le lire.
00:32:31– On reviendra sur le global, j'ai su.
00:32:33– Non, non, non, pour vous y avoir.
00:32:35Dans ce communiqué, vous avez deux items qui parlent très explicitement
00:32:43de la constitution d'un système alternatif intégré à SWIFT,
00:32:48parce qu'il y a déjà des systèmes alternatifs à SWIFT
00:32:51existants dans plusieurs pays, en particulier en Russie,
00:32:54et en Chine, d'aller à l'intégration de ces systèmes
00:32:57pour créer un véritable système alternatif à SWIFT,
00:33:00oui, ça se trouve effectivement dans le communiqué final,
00:33:05et cette idée aussi que les pays des BRICS doivent avoir
00:33:12une unité de compte commune, alors attention, là il faut comprendre,
00:33:16quand vous avez deux entreprises qui font du commerce entre elles,
00:33:21de pays différents, vous avez une monnaie-unité de compte,
00:33:26grosso modo, la machine ou la quantité de pétrole, ça vaut combien ?
00:33:33Et dans quelle unité vous allez la compter ?
00:33:35Parce que là, il compterait en dollars, etc. Premier point.
00:33:38Deuxième point, vous avez une monnaie qui est donnée
00:33:43comme étant la monnaie de règlement dans le contrat,
00:33:48et troisièmement, vous avez ce qu'on appelle la monnaie de transaction,
00:33:52autrement dit, la monnaie dans laquelle se fait matériellement la transaction,
00:33:57qui peut ne pas être la monnaie stipulée dans le contrat.
00:34:01Donc, trois unités de compte ou monnaie qui sont différentes.
00:34:07Ce que veulent faire les BRICS, c'est d'avoir une unité de compte commune,
00:34:13parce qu'ils disent, après, les contrats seront réglés
00:34:18dans la monnaie de chaque pays.
00:34:21Autrement dit, en yuans, en roubles, en roupies, etc.
00:34:27La création de cette unité de compte, c'est très important,
00:34:31parce que ça veut dire que toute une partie du commerce mondial
00:34:36ne va plus penser en dollars, elle va penser dans cette unité de compte.
00:34:41Quand on voit déjà ce que représente le poids de la Chine,
00:34:45bien sûr, la Chine va commercer avec des pays qui ne sont pas des pays des BRICS,
00:34:48mais quand elle va commercer, que ce soit avec les pays des BRICS
00:34:51ou avec les pays dits partenaires des BRICS,
00:34:54et il y en a quand même un petit paquet là-dessus,
00:34:57elle va penser dans cette unité de compte.
00:34:59Même chose pour la Russie, même chose pour l'Inde,
00:35:02qui est aussi maintenant une grande puissance commerciale.
00:35:05Donc, ça, c'est un point extrêmement important.
00:35:09Combien de temps faudra-t-il pour que ça se mette en place réellement ?
00:35:15– Est-ce qu'il y a un agenda qui est sorti de Cazan sur ce sujet ?
00:35:18– Oui, l'agenda, c'est que, normalement,
00:35:22lors du prochain sommet qui se passera au Brésil,
00:35:24puisque c'est le Brésil qui assurera à partir du 1er janvier prochain
00:35:28la présidence des BRICS,
00:35:31lors du prochain sommet, il devra y avoir quelque chose
00:35:35de globalement tout ficelé qui soit proposé.
00:35:39Et d'ici là, donc dans les 10-11 mois qui nous séparent de ce sommet,
00:35:45il va y avoir toute une série de négociations,
00:35:48que ce soit des négociations techniques,
00:35:51parce qu'ils veulent faire une monnaie électronique,
00:35:53ils veulent que cette unité de compte soit une monnaie électronique,
00:35:57on va l'appuyer sur quelle base réelle…
00:36:00– Éventuellement de l'or.
00:36:02– Éventuellement de l'or, mais possiblement aussi des matières premières,
00:36:06voire des matières premières alimentaires,
00:36:09bon voilà, ça c'est une chose.
00:36:10Et puis politiquement,
00:36:13comment on va se faire la compensation de deux transactions
00:36:18qui se font dans cette unité de compte ?
00:36:20Parce que le PIA vend quelque chose au PIB,
00:36:24mais il peut aussi acheter quelque chose au PIB.
00:36:27Qu'est-ce qu'on va faire ?
00:36:28Est-ce qu'on va à chaque fois payer l'ensemble de la somme ?
00:36:32Ou est-ce qu'on va établir la transaction, par exemple,
00:36:35au niveau de la nouvelle banque de développement,
00:36:37et il n'y aura que le solde de ces transactions qui sera payé ?
00:36:42Donc ça c'est une réelle demande,
00:36:47que ce soit de la part de l'Inde ou de la Russie,
00:36:51et là encore il faudra qu'il y ait des décisions politiques qui soient prises.
00:36:55– Quel serait, si ce système alternatif venait à fonctionner,
00:37:00dans au moins un an, la conséquence pour le dollar ?
00:37:05– Alors, la conséquence pour le dollar c'est qu'il va être abandonné
00:37:10dans toute une partie du commerce mondial
00:37:14où pour l'instant il est absolument dominant.
00:37:17Donc ça veut dire que la part du dollar va baisser,
00:37:22probablement de 20%, peut-être plus,
00:37:26au niveau des transactions internationales.
00:37:29Et donc il va baisser au niveau des réserves des banques centrales.
00:37:35– C'est ce qu'on appelle la dé-dollarisation des banques centrales.
00:37:37– Oui, tout à fait.
00:37:38Alors, il ne va pas disparaître tous les gens qui disent
00:37:42que ça va être l'effondrement du dollar.
00:37:43Non, ce n'est pas vrai d'abord.
00:37:44– La valeur du dollar ne va pas s'effondrer à la…
00:37:47– C'est une autre chose.
00:37:48Mais je dis que le dollar en tant qu'instrument ne va pas disparaître
00:37:51parce que, tout simplement, les États-Unis commercent avec d'autres pays,
00:37:54et que ces autres pays commercent avec les États-Unis.
00:37:57– Ils utilisent le dollar.
00:37:57– Donc ils vont utiliser le dollar.
00:37:59Maintenant, il faut comprendre que dans la valeur du dollar,
00:38:04et ça se voit par exemple au niveau du taux de change avec l'euro
00:38:08ou avec d'autres monnaies,
00:38:10il n'y a pas simplement la valeur de la monnaie en tant qu'instrument monétaire,
00:38:15mais il y a aussi la valeur, je dirais, financière du dollar
00:38:19parce que le dollar est très utilisé,
00:38:21parce qu'il y a une demande de dollars dans le monde
00:38:25qui dépasse de loin les conditions des États-Unis.
00:38:29Donc ça veut dire que cette demande va se réduire
00:38:32puisque toute une partie du monde va sortir de la logique dollar.
00:38:40Et comme la demande va se réduire,
00:38:44cela peut entraîner une baisse de la valeur du dollar.
00:38:49Le problème, c'est qu'il faudra que l'on commence à voir le phénomène se produire
00:38:55pour être capable d'en évaluer l'ampleur.
00:39:00Alors ça peut très bien être une baisse de 15%, 20%,
00:39:04mais il n'est pas exclu,
00:39:06j'ai des collègues qui travaillent là-dessus et qui me disent,
00:39:09on ne peut pas savoir, mais on ne peut pas exclure non plus
00:39:12que ce soit une baisse de 40 à 50% de la valeur du dollar.
00:39:17– C'est une création des BRICS, la Nouvelle Banque de Développement,
00:39:21elle est opérationnelle depuis 2016,
00:39:24elle est la première création institutionnelle hors de l'Occident,
00:39:29est-elle aujourd'hui une véritable alternative au FMI ?
00:39:34– Alors, elle est déjà une alternative à la Banque mondiale.
00:39:37On voit que le nombre de prêts que cette banque a consentis à d'autres pays,
00:39:42et il faut dire qu'elle consent des prêts à des pays
00:39:45qui ne sont pas des pays des BRICS, c'est un point important.
00:39:48D'ailleurs, dans la charte de la banque,
00:39:50il est dit que tout pays qui est membre des Nations Unies
00:39:54peut s'adresser à cette banque.
00:39:55Vous voyez, ils ont d'emblée très ouvert, ils ont visé très large.
00:39:59Bon, d'ores et déjà, la Nouvelle Banque de Développement
00:40:06fait des prêts plus importants que les prêts de la Banque mondiale.
00:40:10Donc ça, c'est un point extrêmement important.
00:40:12– La Banque mondiale, c'est la banque centrale des banques centrales.
00:40:16– Oui, c'est surtout, si vous voulez, c'est une grande banque d'investissement.
00:40:21La Banque mondiale, c'est la banque à laquelle s'adressent des pays,
00:40:25en particulier des pays en voie de développement,
00:40:27quand ils veulent faire financer des grandes infrastructures,
00:40:31donc ils empruntent de l'argent à la Banque mondiale.
00:40:35Bon, donc là, déjà, sur ce rôle,
00:40:39elle est en train vraiment de supplanter la Banque mondiale, pas le FMI.
00:40:44Le Fonds monétaire international, c'est une institution
00:40:47qui, normalement, est censée jouer sur la stabilité des pays.
00:40:54Or, ce que prévoit aussi la Nouvelle Banque de Développement,
00:40:57c'est de prévoir des prêts à court terme,
00:41:01ce qu'on appelle des prêts d'ajustement,
00:41:04pour les pays qui connaîtraient des difficultés de paiement
00:41:07à un moment donné, etc.
00:41:10Alors, cette fonction, elle a déjà été utilisée sur 3, 4 pays,
00:41:16je pense en particulier à l'Ethiopie,
00:41:18qui a demandé un prêt d'ajustement à la Nouvelle Banque de Développement,
00:41:23mais ce n'est pas encore devenu l'un des métiers principaux de cette banque.
00:41:28Sauf que c'est prévu, et donc, il est prévu que l'on aille dans cette direction.
00:41:33– Alors, il est question aussi, dans votre ouvrage, vous le citez,
00:41:41un document de l'Académie des sciences de Moscou
00:41:43évoque la création d'une zone commerciale et monétaire
00:41:46autour de la Chine et de la Russie.
00:41:49Qu'est-ce que ça prendrait comme forme ?
00:41:51Est-ce que ça serait une forme d'union européenne bis ?
00:41:53– Non, ce n'est pas une union européenne bis.
00:41:55Alors, c'est une zone monétaire et commerciale.
00:41:59Autrement dit, chaque pays, évidemment, garde sa monnaie,
00:42:02mais on décide que les transactions,
00:42:07en particulier dans le domaine de l'agroalimentaire,
00:42:10que ces transactions-là seront faites avec l'unité de compte commune des BRICS,
00:42:17et pourquoi pas, dans une des monnaies des BRICS,
00:42:22que ce soit le renminbi convertible, c'est-à-dire le Yuan, pour parler clairement,
00:42:28peut-être aussi le rouble, il y a plusieurs possibilités.
00:42:35Alors, ça, c'est une idée qui est très intéressante,
00:42:37parce qu'elle étend, d'une certaine manière,
00:42:39l'influence des BRICS très au-delà des BRICS.
00:42:44Quand on voit, par exemple, le poids que représentent sur le marché des céréales la Russie,
00:42:51quand on voit le poids, comme acheteur, de la Chine ou de l'Inde,
00:42:57eh bien oui, on voit qu'il y a une grosse partie du marché mondial.
00:43:01Ça doit représenter, globalement, quelque chose comme entre 50% et les 2 tiers du marché mondial.
00:43:10Donc oui, c'est quelque chose d'important,
00:43:12et c'est quelque chose qui devrait se mettre en place,
00:43:16alors, peut-être pas d'ici l'année prochaine, mais d'ici les 2 ou 3 prochaines années.
00:43:22– Alors, vous évoquez la possibilité de voir les BRICS
00:43:26être à l'origine d'une réorganisation fondamentale de l'économie mondiale.
00:43:31Est-ce qu'on doit s'attendre à l'effondrement, dans une première partie,
00:43:35des grandes institutions économiques mondiales, comme l'UEFMI ?
00:43:39– Effondrement, non, mais perte d'influence,
00:43:44réduction de leur rôle, en fait, au bloc occidental, oui.
00:43:51Autrement dit, l'une des possibilités que l'on a maintenant,
00:43:55c'est que ces institutions,
00:43:58donc Fondation Internationale, Banque Mondiale,
00:44:01Organisation Mondiale du Commerce, se replient strictement sur…
00:44:07– Sur leur zone d'influence, oui.
00:44:08– Oui, ce que les Russes appellent l'Occident collectif,
00:44:12vous savez, c'est grosso modo les pays de l'OTAN,
00:44:15auxquels ils ajoutent le Japon, la Corée du Sud,
00:44:19la Nouvelle-Zélande, l'Australie, etc.
00:44:22Oui, il est tout à fait possible qu'on voit l'influence de ces organisations
00:44:27se réduire, en fait, à cette sphère.
00:44:30Ce n'est pas encore fait, il faut être très clair là-dessus.
00:44:33Ça voudrait dire que la Nouvelle Banque de Développement
00:44:39se développerait largement plus,
00:44:42ça veut dire aussi qu'un pays comme la Chine
00:44:46assurerait le financement d'une grande partie
00:44:48de la Nouvelle Banque de Développement,
00:44:50parce que ce qui donne sa puissance au Fonds Monétaire International,
00:44:54c'est que le Fonds Monétaire International
00:44:56peut émettre des titres de dette
00:44:58qui sont automatiquement rachetés par le Trésor américain.
00:45:02– Oui, sans pandème.
00:45:03– Donc voilà, il peut tirer littéralement sur le Trésor américain
00:45:07pour prêter de l'argent à un autre pays.
00:45:10– Donc ce que pourrait faire la Nouvelle Banque de Développement avec la Chine.
00:45:12– Avec la Chine, peut-être avec un consortium de pays.
00:45:16Pourquoi pas la Chine et l'Inde ?
00:45:18Bon, mais on voit très clairement que c'est ça le problème
00:45:23qui doit être maintenant posé,
00:45:26et que plus on avancera dans cette direction
00:45:30et plus, évidemment, la question de la survie
00:45:34des institutions d'origine occidentale va se poser.
00:45:38– Est-ce que cette réorganisation de l'économie mondiale par les BRICS
00:45:42peut conduire aussi à la mort du système monétaire international
00:45:48tel qu'on le connaît depuis Bretton Woods
00:45:50à la fin de la Seconde Guerre mondiale ?
00:45:52– Oui, en sachant que le système a déjà beaucoup évolué depuis Bretton Woods.
00:45:58On était dans un système, d'abord à taux de change fixe,
00:46:02ils ont disparu en 71 et 73.
00:46:06Un système où il y avait le dollar et la livre sterling,
00:46:10maintenant c'est uniquement un étalon dollar.
00:46:14Mais dans ce système post-Bretton Woods dans lequel nous sommes en réalité,
00:46:20on voit bien que nous sommes dans un étalon dollar
00:46:22et donc c'est un système qui utilise les institutions issues de Bretton Woods
00:46:27mais qui est beaucoup plus lié aux États-Unis
00:46:31qu'il ne l'était par exemple dans le système de Bretton Woods à l'origine.
00:46:35Alors oui, ce système va probablement vivre ses dernières années
00:46:40et la question à laquelle nous n'avons pas encore de réponse
00:46:43c'est de savoir est-ce qu'il va s'effondrer complètement
00:46:46et être remplacé par quelque chose d'entièrement nouveau
00:46:49ou bien est-ce que là encore il va rester en fonctionnement
00:46:54au niveau des pays de l'Occident collectif
00:46:58ou ce que je préfère appeler… – Les alliés des États-Unis.
00:47:00– Voilà, l'Ouest global, les États-Unis et leurs alliés,
00:47:03pour dire les choses rapidement.
00:47:06Et donc il resterait d'une certaine manière
00:47:10en opération dans ce type de système mais pas dans le reste du monde.
00:47:15Et donc se poserait la question de savoir
00:47:17comment peuvent s'organiser les relations entre ces deux systèmes.
00:47:20– Conflits entre les deux systèmes.
00:47:24Vous savez, nous allons maintenant, si on n'y prend pas garde
00:47:28et si on ne fait pas des choses de manière à pouvoir
00:47:31d'une certaine manière ré-internationaliser le monde,
00:47:35nous allons vers l'équivalent d'une guerre froide,
00:47:39une guerre froide 2.0, on peut l'appeler ainsi,
00:47:43où on aura deux camps qui auront en fait assez peu de relations entre…
00:47:51C'est pas une bonne situation et c'est une situation
00:47:55où les risques sont non négligeables.
00:47:58Donc il vaudrait beaucoup mieux que l'on aille vers un système
00:48:02où les organisations occidentales passeraient la main,
00:48:07volontairement, à des nouvelles organisations.
00:48:12Ça, ça demanderait beaucoup d'intelligence
00:48:16de la part des dirigeants politiques.
00:48:19– Une organisation de sécurité que vous évoquez dans votre ouvrage,
00:48:23Jacques Sapir, c'est l'Organisation de coopération de Shanghai, l'OCS.
00:48:28Elle a été lancée en 2001 par la Russie et la Chine.
00:48:31Comment réagit-elle à l'escalade guerrière entre l'OTAN et la Russie ?
00:48:38– Pour l'instant, elle ne réagit pas officiellement.
00:48:41Vous ne trouverez rien dans les déclarations.
00:48:43– Pour ne rien communiquer, oui.
00:48:44– Si ce n'est une déclaration, comme d'ailleurs dans le communiqué
00:48:47final des BRICS, condamnant les sanctions comme illégales.
00:48:51Mais ça ne va pas plus loin.
00:48:53Par contre, ce que l'on voit, c'est que vous avez des manœuvres communes
00:48:58qui se multiplient avec toute une série de pays,
00:49:01pays qui ont récemment adhéré à l'OCS.
00:49:04Il y a eu des manœuvres entre la Russie, la Chine et l'Iran.
00:49:10Des manœuvres entre la Russie, la Chine, l'Inde, quelques temps après.
00:49:16– Alors que l'Inde, on sait que l'Inde est quand même assez affiliée
00:49:19niveau sécurité aux États-Unis.
00:49:21– Tout à fait, mais qui prend là, maintenant, une autonomie.
00:49:26On aura des manœuvres, alors, à faible niveau.
00:49:30Mais l'important, c'est qu'il y ait des manœuvres communes
00:49:32entre la Russie et l'Arabie Saoudite.
00:49:35Ce qui n'est pas rien.
00:49:37Et puis, il y a un pays qui demande que des manœuvres soient organisées
00:49:41pour qu'ils puissent y participer, c'est l'Indonésie.
00:49:44L'Indonésie qui, pour l'instant, n'est membre ni des BRICS, ni de l'OCS,
00:49:50mais qui, là, fait une demande explicite à ces deux organisations
00:49:55en leur disant, écoutez, on aimerait, si ce n'est pouvoir immédiatement adhérer,
00:50:00au moins être reconnu comme partenaire privilégié.
00:50:05On voit bien qu'il est en train de se passer énormément de choses en Asie
00:50:10et que, là, très clairement, les États-Unis sont en train de perdre la main.
00:50:17– Est-ce que l'OCS, d'une certaine manière, est l'OTAN des pays émergents ?
00:50:22– Ce n'est pas l'OTAN dans le sens où il ne se fixe que des objectifs de sécurité.
00:50:28Vous savez, concrètement, l'OTAN, quand il a été créé,
00:50:31d'ailleurs, après le traité franco-britannique qui était dirigé contre l'Allemagne,
00:50:35en réalité, il a été créé pour trois objectifs.
00:50:39C'était avoir les Américains en Europe,
00:50:44« keep the US in », ne pas avoir les Soviétiques en Europe,
00:50:49« keep the Soviets out », et enfin « keep the Germans down »,
00:50:55faire baisser la tête aux Allemands.
00:50:58Dans la nouvelle situation, on voit que la seule fonction de l'OTAN,
00:51:04c'est de devenir une forme d'appendice des États-Unis
00:51:11dans leur tentative à imposer leurs règles dans une grande partie du monde.
00:51:16Par exemple, on a voulu que l'OTAN rentre en Asie,
00:51:21alors que normalement, ce n'est pas du tout prévu dans la charte de l'OTAN.
00:51:27Donc, par contre, l'OTAN se limite à la question de sécurité,
00:51:35assurer la sécurité de ses pays membres, alors, contre le terrorisme,
00:51:39et ça, ça concernait essentiellement l'Asie centrale,
00:51:43il faut le dire en tant que tel,
00:51:45mais si on ajoute à ça une demande de sécurité qui va au-delà,
00:51:52et qui s'exprime, par exemple, dans les différentes manœuvres
00:51:54dont je vous ai parlé,
00:51:56et bien là, on voit qu'on peut avoir une forme d'organisation,
00:52:00certes, beaucoup plus lâche,
00:52:03ou disons, qui n'a pas le degré d'organisation qu'à l'OTAN,
00:52:07par exemple, il n'y a pas d'États-majors combinés,
00:52:11ce sont les États-majors de chaque pays,
00:52:14mais malgré tout, qui peut jouer un rôle en termes de maintien de sécurité
00:52:20dans cette région, et d'ailleurs, c'est ce qui a permis
00:52:23à l'Inde et au Pakistan, qui ont adhéré à l'OCS,
00:52:26de trouver un forum de négociation.
00:52:29L'Inde et le Pakistan sont deux puissances nucléaires,
00:52:31il ne faut pas l'oublier.
00:52:35– Pour terminer, Jacques Sapir, on le disait tout à l'heure,
00:52:38les membres des BRICS se sont réunis fin octobre à Kazan, en Russie,
00:52:44quelles sont les grandes décisions qui ont été prises,
00:52:47qui sont en train d'être prises,
00:52:49pour mettre en œuvre les décisions qui ont été prises à Kazan ?
00:52:56– Alors, les décisions les plus évidentes,
00:52:59on a 162 items, bon, les décisions les plus évidentes,
00:53:02c'est l'avancée sur l'unité de compte des BRICS,
00:53:08– L'alternative à SWIFT.
00:53:10– Oui, l'alternative à SWIFT, ça c'est très clair,
00:53:13c'est le fait que l'ensemble de ces pays sont d'accord
00:53:17pour mettre en place une structure de facilitation des investissements
00:53:22au sein de ces pays, et des pays qui seraient intéressés,
00:53:26donc ils ont ouvert la porte à d'autres pays,
00:53:30pour importe, autrement dit, ils veulent faire basculer
00:53:33une partie des flux financiers vers le système des BRICS.
00:53:37Troisièmement, alors c'est lié avec cette histoire de zone commerciale
00:53:43sur les questions de l'agroalimentaire,
00:53:45il est dit explicitement, l'organisation d'une bourse
00:53:49des matériaux et des produits agricoles qui soit liée aux BRICS.
00:53:55Aujourd'hui, on le sait, pour l'ensemble de ce type de produits,
00:53:59c'est la bourse de Chicago qui fait la pluie et le beau temps.
00:54:02Bon, si se constitue une bourse des BRICS,
00:54:06ça va évidemment enlever de la transaction à la bourse de Chicago,
00:54:13alors après, il n'a pas encore été précisé où serait instituée cette bourse,
00:54:21comme déjà la Russie a pas mal de choses,
00:54:25la Chine et le Brésil ont pas mal de choses,
00:54:29je pense que l'Inde serait, logiquement,
00:54:32l'un des points où pourrait être installée cette nouvelle bourse.
00:54:36– Merci à vous Jacques Sapir, c'est déjà la fin de notre entretien,
00:54:40je rappelle le titre de votre ouvrage,
00:54:42« La fin de l'ordre occidental » à retrouver sur LA BOUTIQUE de TVL.
00:54:46Merci à vous monsieur et quant à nous.
00:54:48Quant à vous, vous pouvez tout de suite retrouver
00:54:50la chronique financière de Philippe Béchade,
00:54:52et quant à nous, on se retrouve la semaine prochaine.
00:54:55A bientôt, salut.
00:55:17Bonjour et bienvenue pour ce rendez-vous hebdomadaire
00:55:19de décryptage de l'actualité économique et géopolitique en mode affranchi.
00:55:25Je salue tous les abonnés de TV Liberté
00:55:28pour cette chronique que je vais intituler
00:55:32« Une salade grecque, mais en beaucoup plus indigeste ».
00:55:37Ouais, le gouvernement par la peur, on nous en remet une couche,
00:55:44en nous expliquant que si le gouvernement Barnier tombait,
00:55:48eh bien ce serait le scénario grec pour la France.
00:55:53Alors, il faut savoir de quoi on parle.
00:55:56Le scénario grec consécutif à la crise de 2010-2012,
00:56:01c'est des retraites amputées de 40 ou 50 %,
00:56:05le traitement des fonctionnaires qui chute de 40 %,
00:56:09le niveau de vie moyen de la population qui chute de 25 %,
00:56:15ce sont les fleurons industriels vendus aux enchères à des intérêts étrangers.
00:56:22Oups, est-ce qu'on n'aurait pas fait un petit peu la même chose en France
00:56:27depuis 7 ou 8 ans avec Alstom, avec Technip,
00:56:32avec des entreprises de haute technologie,
00:56:34toutes rachetées par des entreprises américaines ?
00:56:37Sûrement un hasard.
00:56:41Donc, le scénario grec, c'est difficilement crédible
00:56:46parce que la France, pour l'instant, se refinance à 3 %,
00:56:51non pas à 30, comme c'était le cas pour la Grèce en 2011.
00:56:573 %, ce sont évidemment des conditions de refinancement extrêmement favorables.
00:57:01Et la dette française, nos créanciers continuent de se l'arracher
00:57:06tous les lundis lors des émissions de France Trésor
00:57:09où les mises aux enchères sont couvertes 3, 4 fois.
00:57:15On en veut toujours de notre dette,
00:57:18sauf qu'effectivement, aujourd'hui, la France se refinance plus cher que la Grèce
00:57:23depuis, officiellement, le mercredi 27 novembre dernier.
00:57:29Le 5 ans, lui, affichait déjà une prime de 20 points en faveur des emprunts grecs
00:57:37puisque c'est 2,40 contre 2,60 pour nos OAT.
00:57:41Et c'est le 10 ans qu'effectivement, les 27 et 28,
00:57:45le croisement a eu lieu.
00:57:47Et aujourd'hui, le 10 ans grec semble plus attractif que le 10 ans français.
00:57:53Mais, répétons-le, à 3 %, voire un petit peu en dessous,
00:57:58pour l'instant, la France n'est pas du tout menacée.
00:58:01Donc, les salades grecques, c'est vraiment pour faire peur aux Français.
00:58:05Alors, est-ce qu'on a vraiment raison de faire peur ?
00:58:08Je ne vous cache pas que si le gouvernement Barnier tombe suite à une motion de censure,
00:58:15ça va créer, évidemment, des problèmes.
00:58:18Des problèmes de confiance, des problèmes d'incertitude.
00:58:22Et on est déjà dedans depuis le 9 juin dernier.
00:58:26On a déjà, je crois, pour l'équivalent de 200 000 à 250 000 plans de sauvegarde de l'emploi,
00:58:35autrement dit, des licenciements possibles pour l'année 2025.
00:58:39Sans gouvernement, la visibilité serait encore moins grande.
00:58:45Et l'anxiété de nos entreprises, encore plus forte.
00:58:49Donc, elles n'investiraient pas, n'embaucheraient pas,
00:58:52et continueraient, évidemment, de serrer les boulons, d'écrémer les effectifs.
00:58:57Donc, ça, c'est sûr, ça pose problème.
00:59:00Alors, qu'est-ce qui se passe si le gouvernement Barnier tombe ?
00:59:03Eh bien, le président peut renommer M. Barnier, qui fera d'autres alliances,
00:59:11ou par exemple nommer Bernard Cazeneuve, qui est jugé un peu plus à gauche,
00:59:17mais qui offre la garantie qu'il n'y aura pas de ministre LFI
00:59:22ou de la gauche un petit peu anticapitaliste.
00:59:25Et puis, une autre solution,
00:59:28si vraiment aucun Premier ministre n'est en mesure de former une coalition,
00:59:33il y aurait la tentation pour le président de dégainer l'article 16
00:59:38et d'expliquer que la situation de la France est beaucoup trop critique
00:59:43et qu'il faut donc que quelqu'un prenne la barre du navire en pleine tempête.
00:59:49Et il aurait donc ainsi les pleins pouvoirs pour exécuter, en fait,
00:59:53la feuille de route de Bruxelles, du FMI, de l'ABCE.
00:59:58Bref, ah ben oui, tiens, justement, de la Troïka,
01:00:01qui s'était occupée de la Grèce à partir de 2012.
01:00:07Pour l'heure, donc, le suspense demeure.
01:00:10Par contre, il y a des choses qui sont presque intangibles.
01:00:15C'est la créativité fiscale de nos élus pour sauver les finances de la France.
01:00:23Alors, moi, je reste plein d'espoir parce que, voyez-vous,
01:00:29l'Europe a quand même mis devant les yeux de la planète entière
01:00:36cette grande avancée technologique du bouchon attaché à la bouteille.
01:00:42Et heureusement qu'une sénatrice française, du groupe Renaissance,
01:00:47a pensé justement à taxer le contenu de la bouteille,
01:00:51que n'y avait-on pas songé avant.
01:00:55La TVA de 5 serait donc relevée à 20%.
01:01:01Oui, vraiment, félicitons cette sénatrice
01:01:04d'avoir pensé à supprimer ce privilège exorbitant
01:01:09dont bénéficiaient les milliardaires, les joueurs de foot de la première division,
01:01:15et, bien sûr, des sénateurs qui viennent de s'augmenter de seulement 700 euros par mois.
01:01:22Oui, véritablement, pour éviter que notre économie ne se noie,
01:01:27il fallait penser à taxer davantage l'eau.
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