A l'Assemblée nationale, la présidente du groupe RN a pris la parole durant 15 minutes pour justifier sa décision de voter la censure du gouvernement Barnier. Voici l'intégralité de son discours.
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00:00Nous voilà arrivés au moment de vérité, un moment parlementaire inédit depuis 1962
00:05qui va scéner, selon toute vraisemblance, la fin d'un gouvernement éphémère,
00:11un gouvernement de circonstances et finalement d'apparence.
00:15Monsieur le Premier ministre, dès votre nomination à Matignon,
00:19le Rassemblement national avait fait un choix responsable, transparent et loyal.
00:24Vous prendre au mot, lorsque vous vous disiez prêt à construire un texte garantissant,
00:28je vous cite, des dépenses maîtrisées, un effort juste et une France souveraine
00:33et à tenir compte des attentes légitimes de nos 11 millions d'électeurs
00:38pour atteindre ces trois objectifs.
00:41Nous avons voulu croire manifestement à tort que vous ne seriez pas le simple continuateur
00:46d'un système rejeté lors des dernières élections,
00:49mais un bâtisseur sincère, conscient des souffrances du pays,
00:52capable d'appréhender les nouveaux équilibres politiques
00:54et de rendre enfin la parole à ces millions de Français ignorés,
00:57comme effacés de l'esprit des gouvernants.
01:01Mais au fil de ces trois petits mois, il est apparu que vous étiez en réalité
01:04à la tête d'un gouvernement dépourvu de toute assise démocratique,
01:07y compris au cœur de votre soi-disant socle commun,
01:11un socle par ailleurs miné par les ambitions personnelles
01:14et les manœuvres de couloirs qui le rongent.
01:18L'Assemblée nationale va très vraisemblablement censurer
01:23dans quelques minutes cette illusion d'optique.
01:27Vous vous êtes dit surpris de cet épilogue.
01:30Ce qui est surprenant dans cette affaire, c'est la surprise d'un Premier ministre
01:35qui sait mieux que nous que c'est dans ses rangs
01:37que l'intransigeance, le sectarisme et le dogmatisme
01:41lui ont interdit la moindre concession,
01:44ce qui aurait évité ce dénouement.
01:49Monsieur le Premier ministre,
01:52vous avez fait le choix de prolonger l'hiver technocratique
01:55dans lequel est plongée la France depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017.
02:01La déconnexion des attentes démocratiques, la verticalité des décisions,
02:05le refus des consultations et des compromis,
02:07en somme le respect de la volonté du peuple français
02:11en matière migratoire, sécuritaire ou fiscale,
02:14ou en matière de construction européenne,
02:17et ce malgré les résultats sans appel
02:19des élections de juin et juillet derniers.
02:23Rien d'étonnant dans ces conditions à ce que ce budget s'inscrive
02:25dans la continuité des 50 derniers qui l'ont précédé,
02:28des budgets de déficit chronique et de gaspillage
02:31qui ont porté notre dette à un niveau jamais atteint,
02:343 300 milliards, dont la facture est invariablement présentée
02:38aux Français sommés d'éponger ses erments.
02:42Depuis 50 ans, la France a perdu le contrôle de ses finances publiques.
02:47Elle s'est rendue prisonnière de ces budgets qui aubertent désormais son avenir,
02:51celui de nos enfants et même de nos petits-enfants.
02:54Ils n'ont pas seulement découragé le travail, mais la création de richesses,
02:58pas seulement la volonté d'entreprendre, mais la possibilité de le faire.
03:03Ce budget ne s'adresse pas seulement à la France,
03:05il prend en otage les Français, et singulièrement les plus vulnérables,
03:10les retraités modestes, les personnes malades, les travailleurs pauvres,
03:14les Français considérés comme trop riches pour être aidés,
03:17mais pas assez pauvres pour échapper au matraquage fiscal.
03:21Ces Français qui se posent tous une unique question,
03:28où va l'argent ?
03:31Car comme nous, ils constatent cet extravagant paradoxe,
03:37toujours plus d'impôts et pourtant toujours moins de services publics,
03:43toujours moins de protection sociale.
03:47Dans ce contexte de crise budgétaire et institutionnelle,
03:50nous vous avons proposé un contre-budget traduisant 5 choix politiques clairs.
03:57Rendre du pouvoir d'achat aux Français, défendre les entrepreneurs,
04:02lutter contre les rentes, la spéculation et la fraude,
04:05dégraisser l'État et le recentrer sur ses missions régaliennes,
04:09stopper les dépenses contraires à la volonté populaire.
04:15Vous avez refusé jusqu'au bout de retenir,
04:18ne serait-ce qu'une partie raisonnable mais essentielle de ces mesures,
04:22pourtant détaillées et chiffrées.
04:25Vous n'avez apporté qu'une seule réponse, l'impôt, l'impôt, toujours l'impôt.
04:3040 milliards d'impôts nouveaux, dont 20 milliards pour les entreprises.
04:35Ce n'est pas le Rassemblement national qui a qualifié votre budget de récessif,
04:47ce sont les milieux économiques.
04:50Vous avez même refusé de soutenir l'indexation des retraites sur l'inflation,
04:54mesure qui il y a quelques mois était un marqueur,
04:57voire une ligne rouge du soi-disant socle commun.
05:02En fait, les seules lignes rouges qui ont été abandonnées depuis trois mois,
05:06ce sont finalement celles de vos députés.
05:09Je voudrais rafraîchir ici, d'ailleurs, la mémoire de certains d'entre eux,
05:14car ils semblent comme frappés d'amnésie générale.
05:19Messieurs Wauquiez et Attal, au hasard,
05:23qui, pêle-mêle, nous affirmaient qu'il y aurait une règle d'or
05:27pour revaloriser chaque année les retraites à hauteur de l'inflation,
05:32ou qu'il n'y aurait aucune augmentation d'impôts pour les Français.
05:36Le tout a été admirablement résumé par l'une de vos députés,
05:39devenue depuis ministre de votre gouvernement.
05:42Hausse d'impôts, disait-elle, diminution des retraites,
05:45aggravation du déficit public, ça, pour le coup,
05:48on l'a dit très vite au président de la République,
05:51c'est le déclenchement de la censure.
05:55Mais le budget que nous rejetons aujourd'hui
06:02ne fait pas que renier vos promesses.
06:05Il ne comporte ni cap ni vision.
06:08C'est un budget technocratique qui continue à dévaler la pente
06:12en se gardant bien de toucher au totem qu'est l'immigration hors contrôle,
06:17en s'abstenant de s'attaquer à la vie chère en métropole comme en Outre-mer,
06:22en refusant de s'attaquer aux causes plutôt que de parler des conséquences
06:28de la vertigineuse glissade sécuritaire et criminelle que connaît le pays.
06:35Permettez-moi de m'arrêter un instant sur les Outre-mer,
06:40si chères à mon cœur.
06:42Manifestement, vous n'avez pas pris la mesure de leur désespoir.
06:46Crise sociale due à la vie chère, accès à l'eau potable,
06:50insécurité et immigration clandestine, sur tout cela vous n'avez rien entrepris.
06:55Le budget que nous rejetons aujourd'hui apparaît clairement
06:59comme le contraire d'une politique pensée et pesée.
07:03Il n'est qu'une comptabilité froide, issue de logiques bureaucratiques,
07:08de choix d'habitude ou de routines dépensières,
07:11sans se soucier des postes et des personnes,
07:15en ayant à l'esprit que le mandat que nous ont confié nos électeurs
07:18est le sens de l'intérêt national.
07:20Nous avions éclairé le chemin qui mène aux compromis avec trois balises.
07:24Immigration, pouvoir d'achat, sécurité.
07:28Ces balises, le gouvernement n'a pas voulu les voir,
07:31comme s'il était pour lui déshonorant de chercher en ces circonstances
07:36les voies de la conciliation nationale.
07:39Les petits pas qu'il a timidement et très tardivement tentés
07:43ne peuvent s'appeler des concessions, ce sont des miettes.
07:48Je le déplore, mais c'est ainsi.
07:51Alors, à ceux qui me croient animés de l'intention de choisir
07:56par un vote de censure la politique du pire,
08:00je veux leur dire que la politique du pire serait de ne pas censurer un tel budget,
08:07un tel gouvernement, un tel effondrement.
08:13La France aura un budget, car comme nous l'avons rappelé,
08:19nos institutions nous permettront de voter au plus tôt
08:22avec un nouveau gouvernement des lois de finances pour 2025.
08:26Et d'ici là, une loi spéciale que nous voterons évidemment
08:30permettra à l'Etat de continuer à percevoir l'impôt
08:33et d'exécuter les dépenses publiques indispensables
08:36à la continuité de la vie nationale.
08:38En revanche, nous lui évitons la prolongation
08:41des tragiques erreurs économiques et fiscales du passé.
08:44Nous permettons par notre défense de l'intérêt national
08:47un rebours de 40 ans de politiques économiques toxiques
08:50dont vous êtes le continuateur d'éviter le chaos.
08:54Que l'on soit juste, la dissolution nous la devons à la rupture profonde et ancienne
09:00entre la volonté du peuple et les réalisations de leurs dirigeants.
09:04La censure est la conséquence non seulement des manœuvres électorales
09:07des élections législatives qui ont privé la France
09:11d'une majorité de gouvernement,
09:13mais également du chantage de votre propre minorité
09:18qui vous a interdit de trouver les voies de passage avec vos oppositions,
09:22ce qui est pourtant le fondement de la démocratie.
09:26Enfin, la situation de notre pays nous la devons aussi à un président
09:31qui s'est ingénié sans discontinuer à déconstruire tout ce qu'il pouvait.
09:36Le quai d'Orsay, la préfectorale, la police judiciaire,
09:41le droit à la retraite, l'assurance chômage, la SNCF, la souveraineté nationale,
09:46les fleurons de notre industrie et cette liste n'est pas exhaustive.
09:51Emmanuel Macron s'est attaqué depuis 7 ans à tous les murs porteurs de l'Etat et de la nation
09:56et a terriblement affaibli la fonction présidentielle,
09:59clé de voûte de l'édifice institutionnel français.
10:04Parce qu'une logique constitutionnelle le commande.
10:08En attendant que le peuple reprenne la parole et la main,
10:12c'est au chef de l'Etat et à lui seul qu'il appartiendrait
10:16de sortir le pays de cette pathétique ornière.
10:20Je le dis ici, j'ai trop de respect pour la fonction suprême,
10:23de déférence à l'égard de nos institutions,
10:26de révérence vis-à-vis du suffrage universel
10:29pour participer à une quelconque entreprise, même parlementaire,
10:34de demande de destitution.
10:36Je laisse cela aux tchégévaristes de carnaval
10:39qui, sans nul doute, se reconnaîtront.
10:49C'est à l'intéressé lui-même de conclure
10:54s'il est en mesure de rester ou pas.
10:57C'est à sa conscience de lui commander
11:00s'il peut sacrifier l'action publique et le sort de la France à son orgueil.
11:04C'est à sa raison de déterminer
11:07s'il peut ignorer l'évidence d'une défiance populaire massive
11:11que dans son cas je crois définitive.
11:14S'il décide de rester,
11:16il sera contraint de constater qu'il est le président d'une république
11:19qui n'est plus tout à fait, par sa faute, la cinquième.
11:23Il devra se résoudre, enfin,
11:26au respect de l'Assemblée nationale élue,
11:28au respect de tous les citoyens sans exception
11:32et, évidemment, au respect des logiques démocratiques.
11:36Alors, mes chers collègues,
11:37aujourd'hui où la censure nous apparaît comme une nécessité pour mettre fin au chaos,
11:41pour éviter aux Français un budget dangereux, injuste et punitif
11:46qui, de surcroît, aggrave les déficits,
11:48les institutions nous contraignent à mêler nos voix à celle de l'extrême-gauche.
11:53Ce n'est pas de gaieté de cœur que nous le faisons,
11:57tant les idées de l'extrême-gauche et de la gauche extrémisée
12:01sont dévastatrices pour l'unité, la sécurité et la prospérité du pays
12:06et tant leur comportement est terriblement éloigné
12:09de l'idéal français et du respect de nos institutions.
12:13Ces institutions, ces mêmes institutions, nous contraignent aujourd'hui
12:17à utiliser le NFP comme un simple outil
12:20pour éviter l'application d'un budget toxique.
12:27Mais contrairement à ce que vous avez fait en juin dernier,
12:35nous, nous ne les envisagerons jamais comme des alliés.
12:39Car les Français n'oublieront pas que si tant de députés insoumis
12:53siègent sur ces bancs, c'est grâce au désistement des candidats macronistes et LR.
13:00Si tant de députés macronistes et LR siègent sur ces bancs,
13:04c'est grâce au désistement de candidats insoumis, n'est-ce pas, monsieur Wauquiez?
13:13Quoi qu'il advienne, le Rassemblement national se tiendra prêt
13:19pour ouvrir au pays la voie du redressement qui l'attend.
13:22C'est la vocation même de la France, d'ailleurs, de renouer avec le sursaut et la grandeur.
13:27Je veux dire à ceux qui souffrent et qui désespèrent que le temps n'est plus très loin,
13:32avant que ne se profile la grande alternance,
13:35cette grande alternance que nous appelons de nos voeux
13:37et qui sera synonyme pour tous les Français de délivrance.
13:41Ce jour viendra bientôt, peut-être très vite.
13:45Ce sera là le véritable choc d'espérance qu'attend la France.
13:49Je vous remercie.