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Écoutez "On refait le monde" avec Frédéric Pichon, docteur en histoire, spécialiste de la Syrie, Frédéric Encel, docteur en géopolitique, professeur à Sciences-Po Paris, Thomas Prouteau, chef du service police-justice de RTL, et Bethsabée Salem, correspondante de RTL en Israël.
Regardez On refait le monde avec Yves Calvi du 09 décembre 2024.

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Transcription
00:00Yves Calvi, on refait le monde jusqu'à 20 heures sur RTL.
00:05En Syrie, il n'aura fallu qu'une dizaine de jours pour qu'une dictature vieille de 54 ans s'effondre.
00:10Bachar al-Assad vient d'être renversé par les groupes de rebelles islamistes
00:14et leur chef ancien d'Al-Qaïda et de Daesh jure avoir rompu avec l'idéologie du djihad international.
00:20Faut-il vraiment le croire ? La Syrie peut-elle devenir un nouvel Afghanistan ?
00:24Une dictature islamiste radicale ? Quelles conséquences pour la région,
00:27pour le conflit israélo-palestinien ? Et pour nous d'ailleurs, nous allons en débattre dans On refait le monde.
00:32Avec nous ce soir Myriam Benraad, qui est politologue et spécialiste du monde arabe.
00:36Frédéric Pichon, docteur en histoire, spécialiste de la série.
00:39Frédéric Ancel, docteur en géopolitique, professeur à Sciences Po Paris.
00:42Votre dernier livre, Les Voix de la Puissance, est publié aux éditions d'Ile Jacob.
00:46Et Thomas Proutot, mon confrère d'RTL.
00:48Vous avez rencontré Bachar al-Assad lors d'un séjour à Damas en 2017.
00:52On va y revenir dans un instant, Thomas.
00:53Mais pour commencer cette émission, nous donnons la parole à un homme qui a dû fuir la Syrie.
00:57Persécuté par le régime de Bachar al-Assad, il s'est installé en France, qui lui a accordé l'asile politique.
01:02Bonsoir Omar Youssef Souleiman.
01:04Bonsoir.
01:05Vous êtes écrivain et journaliste franco-syrien.
01:07Merci beaucoup de prendre la parole ce soir sur RTL.
01:09Et évidemment, ma première question est de vous demander si la chute du régime Assad est pour vous un soulagement,
01:15pour vous et pour votre pays d'origine.
01:17C'est un grand soulagement.
01:20On vit des émotions extrêmement bouleversantes depuis des jours.
01:25Ça fait plus de 54 ans qu'on vit soit un régime, soit une tyrannie insupportable.
01:31Une tyrannie qui, depuis 2011 aussi, a massacré la population syrienne.
01:37Personnellement, depuis 2012, je n'ai pas pu contacter ou appeler ma mère,
01:42ou mes frères, ou ma famille en Syrie, qui sont tous en Syrie.
01:45C'était pour la première fois depuis 12 ans que je pouvais entendre leur voix.
01:49Je pouvais leur parler.
01:51Ça fait des jours qu'on a l'impression que c'est comme si on vit dans un rêve.
01:57Alors, on entend votre immense soulagement.
01:59J'ai bien compris.
02:00C'est la première fois que vous pouviez rentrer à nouveau en contact avec votre famille depuis plus de 10 ans.
02:06Depuis 12 ans.
02:07Depuis 2012, oui.
02:08Parce qu'en 2012, j'ai fui la Syrie.
02:10Je me suis échappé de la police du régime Bashar al-Assad.
02:13Parce que j'ai participé dans des manifestations pacifiques pour la démocratie,
02:18pour la liberté d'expression.
02:20Et ce régime nous a tirés contre les manifestations.
02:24Il nous a assassinés la plupart des amis.
02:27Et je profite à cet instant pour leur rendre hommage.
02:31Ils étaient tués sur place.
02:32Ils étaient torturés à mort dans les abattoirs du régime d'Assad.
02:35Et le reste, ils se sont échappés.
02:38Donc la Syrie a été vidée des militants démocrates à l'époque.
02:41Et c'était l'objectif de ce régime.
02:43Ensuite, en 2012, je suis en Jordanie.
02:46Et ensuite, j'ai commandé l'asile politique de l'ambassade française à Amman.
02:50Et depuis, je suis en France.
02:52J'ai obtenu la nationalité française, heureusement, depuis 12 ans.
02:55Et malgré ceci, je ne pouvais pas rentrer.
02:57Parce que même avec une nouvelle nationalité,
02:59plusieurs Syriens qui sont rentrés ces dernières années,
03:02ils sont disparus.
03:03On n'avait aucune nouvelle d'eux.
03:05Mais heureusement, maintenant, ce cauchemar est parti.
03:09Je parle aussi à un confrère journaliste.
03:11On se pose beaucoup de questions, et vous le savez,
03:13sur la nature du mouvement HTS,
03:15qui a largement contribué à la chute d'Assad.
03:17Beaucoup en France s'inquiètent d'une situation comparable à celle de l'Afghanistan.
03:21Bref, croyez-vous aux aspirations démocratiques d'HTS ?
03:25C'est inquiétant.
03:26Ce n'est pas facile à deviner tout de suite l'avenir de la Syrie.
03:31Mais je tiens à préciser que les militants démocrates sont de retour maintenant.
03:35Sans oublier que la population syrienne ne ressemble pas à celle d'Afghanistan.
03:40Ils ont une autre histoire.
03:42On a heureusement une grande diversité en Syrie.
03:45Presque 40% de la population, c'est des minorités.
03:49On a les Druzes, les Alawites, les Kurdes, on a les Chrétiens.
03:52Tous ces gens sont mélangés avec les Sunnites.
03:56J'ai l'espoir qu'ils vont faire un barrage,
03:58qu'on va tous faire un barrage aux islamistes.
04:01Parce que depuis 2012, on a tout vécu.
04:03On a vécu Daesh, on a vécu ce que ça veut dire Al-Qaïda.
04:06Donc aujourd'hui, il n'est pas question pour la majorité des Syriens,
04:09pour ne pas dire tous,
04:10ils refusent d'être sous un état islamique.
04:13Ce n'est pas possible.
04:14Qui est Jolani, celui qu'on présente comme le libérateur du pays aujourd'hui ?
04:17Elle n'est pas le libérateur du pays.
04:19Jolani, ce n'est qu'un ancien combattant d'Al-Qaïda.
04:23Lui, il dirigeait une partie de la région du Libre ces dernières années.
04:27D'une manière horrible, il a appliqué une censure insupportable.
04:31La plupart des militants qui sont aujourd'hui de retour dans leur ville,
04:35à Damas, à Homs ou même à Alep,
04:37ils ont souffert de l'oppression de Jolani et ses alliés.
04:41Donc Jolani ne nous représente pas ces derniers jours.
04:44Il a confirmé que l'avenir de la Syrie,
04:47ce ne sera pas sous son contrôle ni son groupe militaire.
04:50Mais effectivement, on ne lui fit pas confiance.
04:52Donc le plus important maintenant, encore une fois,
04:55c'est de faire barrage aux islamistes en Syrie
04:57pour arriver à un état démocratique.
04:59Une toute dernière question.
05:00Avez-vous l'intention de retourner en Syrie prochainement ?
05:02Évidemment, ça fait 12 ans qu'on attend ce moment
05:05pour voir nos mères, pour voir nos proches.
05:08Je réserve au premier avion dès que ce sera possible.
05:11D'ailleurs, j'annonce à travers votre chaîne
05:13que les avions de Damas et d'Alep,
05:16ce que j'ai reçu comme nouvelle il y a juste quelques heures,
05:19seront ouverts à l'international à partir du 15 janvier.
05:23Personnellement, comme des centaines de milliers de Syriens,
05:26on attend ce moment depuis des années
05:28pour revenir pour voir nos familles, évidemment.
05:31Votre espoir fait beaucoup de bien entendre.
05:33Merci infiniment Omar Youssef Suleyman,
05:35écrivain, journaliste franco-syrien.
05:37Votre livre « Dernier Syrien », je le rappelle,
05:40est paru chez Flammarion.
05:41Frédéric Ancel, on reste stupéfait devant cette désintégration.
05:44C'est clair, c'est un château de cartes qui s'est écroulé ?
05:47Oui, absolument.
05:48Le problème, c'est ce que Raymond Aron appelait
05:50l'illusion rétrospective de la fatalité.
05:52C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on dit que c'est un château de cartes
05:54et que c'est un château de cartes qui s'est écroulé.
05:55Sauf que pendant des années et des années,
05:57c'était le pouvoir qu'on vous prête, vous en donne plutôt.
05:59On prêtait au pouvoir des Assad Père et Fils,
06:01Hafez 70-2000,
06:03puis Bachar, donc, 2000-2024.
06:05Donc du coup, la possibilité de réprimer
06:07de manière absolument implacable tout type de répression,
06:09tout type de rébellion, pardon.
06:11Et de fait, ils l'ont fait ces dernières années.
06:13Mais, tout de même, depuis 2015, 2016, 2017,
06:16on avait des indices d'affaiblissement
06:19et de pourrissement du régime,
06:20notamment parce qu'en 2015,
06:22le Hezbollah avait,
06:24et pourquoi, je pense qu'on va y revenir,
06:25le Hezbollah et l'aviation russe
06:27avaient in extremis permis de sauver Assad.
06:30Or, en réalité, dès le milieu des années 2010,
06:32l'armée syrienne et le régime étaient déjà
06:34manifestement très vermoulus.
06:36Myriam Benrad, on parle quand même
06:39d'une dictature sanguinaire de plus de 50 ans
06:41qui a résisté à une guerre civile il y a 10 ans.
06:45Oui, qui a résisté plus ou moins,
06:48parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, a posteriori,
06:50alors qu'on pensait que le régime reprenait le dessus
06:53dans un certain nombre de territoires,
06:54notamment depuis le gel des principales lignes de front,
06:57à peu près en 2020,
06:59au moment où a été déclenchée la pandémie,
07:02on pensait que le régime serait installé,
07:06sans véritablement triompher,
07:09sans véritablement s'engager dans un processus
07:11de réconciliation, de reconstruction.
07:13Donc, c'est vrai que cette stabilisation,
07:15on la voyait tout de même faible,
07:17en trompe l'œil,
07:18on n'est pas au point tout de même d'assister
07:20à un retrait aussi spectaculaire de l'armée
07:22devant quelques milliers de djihadistes, d'islamistes,
07:25parce qu'on parle d'assauts fulgurants des insurgés,
07:28mais ce qui a surtout été fulgurant,
07:30c'est l'effondrement de cette armée nationale syrienne
07:34que l'on pensait en cours de recomposition.
07:36Mais justement, pourquoi l'armée syrienne n'a pas réagi ?
07:38Et surtout, pourquoi n'a-t-elle pas du tout protégé Assad ?
07:41Quelle est votre analyse, Frédéric Ancel ?
07:42Il faut bien se rendre compte que les Assad,
07:44ce sont des Alawites,
07:45alors on l'a dit depuis des années.
07:46C'est une communauté qui représente environ 10%
07:49de l'ensemble des Syriens.
07:51Vous vous rendez compte qu'environ un tiers des jeunes garçons,
07:54des adolescents et des jeunes hommes Alawites
07:56sont morts à la guerre.
07:57Un tiers !
07:58Parce qu'évidemment, c'était le fer de lance de cette armée.
08:01Or, depuis 13-14 ans de guerres civiles et de combats incessants,
08:05vous avez un stress démographique catastrophique.
08:08Si vous ajoutez à ça que les autres minorités
08:10qui avaient soutenu dans une certaine mesure
08:13les Alawites dans les années 70, 80, 90
08:15contre la majorité sunnite,
08:16notamment les Druzes,
08:17notamment un certain nombre de chrétiens,
08:19dans les années 2010,
08:21ont littéralement abandonné ce régime
08:23qui était au moins aussi répressif vis-à-vis d'eux
08:25que vis-à-vis d'autres pans de la population.
08:27Je pense notamment aux Druzes,
08:28qui avaient été des lieutenants de Hafez al-Assad
08:30dans les années 70
08:31et qui, ces dernières années,
08:32s'étaient rebellés de la même manière
08:34comme les autres pans de la société
08:36contre la répression du régime.
08:37Si vous enlevez tous ces gens-là,
08:38il ne vous reste pas grand monde.
08:39Frédéric Pichon, est-ce qu'on peut dire très simplement ce soir,
08:42mais je sais que c'est facile de le faire a posteriori,
08:44que la mainmise d'Assad sur le pays,
08:46finalement, était surestimée ?
08:49Alors, comme vous l'avez dit,
08:51ces dix dernières années,
08:53en fait, ce qui a vraiment coûté au régime,
08:55c'est les sanctions.
08:56Je crois que vous n'avez pas parlé des sanctions.
08:57On n'a pas parlé des sanctions.
08:58Les sanctions américaines sont terriblement efficaces
09:00et cette armée...
09:03Alors, on a un petit problème de liaison
09:07qu'on va régler, je vous le promets, très rapidement.
09:09Thomas Proutot,
09:10chef de notre service Police, Justice et Journaliste RTL,
09:12vous avez rencontré et interviewé Assad.
09:15C'était en 2017.
09:16Vous vous étiez rendu à Damas, au palais présidentiel.
09:19Quel était le contexte de cet entretien ?
09:21D'abord, c'était un entretien qui avait été fait à la demande de RTL.
09:24On a dû travailler, activer des canaux, etc.
09:26On ne va pas tous les décrire ici.
09:28Pour arriver jusqu'à ce palais présidentiel qui domine Damas,
09:31ça n'a pas été à l'appel du président syrien.
09:33Alors, évidemment, il avait des messages à délivrer.
09:35D'abord, c'était totalement irréel,
09:36puisqu'on se retrouvait au milieu d'un pays
09:38qu'on a traversé à moitié détruit,
09:39une population déprimée, à moitié affamée.
09:41Et lui, dans son palais, entouré de ses conseillers,
09:44en cravate, tiré à quatre épingles,
09:45absolument courtois et affable,
09:47parfaitement anglophone, vous savez qu'il a étudié à Londres,
09:50et recevant les journalistes et ayant réponse à tout,
09:53avec une rhétorique simple.
09:55Tout est faux.
09:57Alors, d'abord, je n'ai absolument pas bombardé des populations civiles
10:01ou alors uniquement pour débarrasser des terroristes.
10:03Je suis attaqué des terroristes, j'ai le droit de me défendre,
10:05quel que soit ce que je fais.
10:06Et sur la répression, les tortures, la barbarie,
10:08là, c'est encore plus simple.
10:09C'est complètement faux, me disait-il.
10:11Si c'était vrai, le peuple m'aurait déjà dit de partir.
10:14Alors qu'évidemment, il n'y a jamais eu aucune élection libre en Syrie
10:17depuis 55 ans, mais un aplomb extraordinaire.
10:20Quel est le contexte de cet entretien ?
10:21Est-ce que c'est une interview, enfin, libre ?
10:23Est-ce que vous avez pu aborder tous les sujets,
10:25tels que, par exemple, l'utilisation d'armes chimiques
10:27contre son propre peuple ?
10:28On a pu tout aborder.
10:29En l'occurrence, ce n'était pas l'époque,
10:30donc on n'a pas abordé ce sujet-là.
10:31On a abordé les bombardements massifs et indiscriminés sur Alep,
10:34pour reprendre la ville d'Alep,
10:36et donc plus de 1 000 morts civiles en quelques semaines.
10:38C'est absolument incroyable et déstabilisant.
10:40D'ailleurs, c'est souvent le cas pour un dictateur.
10:43Il était absolument prêt à répondre à tout,
10:45et sans intermédiaire.
10:46Et aucun rapport de force avec les journalistes ?
10:48Aucun rapport de force avec les journalistes.
10:49Posez-moi toutes les questions que vous voulez, j'y répondrai,
10:51et en argumentant, très volontiers, en anglais, pas en arabe.
10:57On a même failli la faire en français, l'interview, je dois vous dire.
10:59Et au dernier moment, il s'est dit,
11:00je ne vais peut-être pas tout maîtriser de mes mots.
11:02On va vous libérer.
11:03Quels souvenirs gardez-vous, finalement, de cette rencontre ?
11:05C'était vraiment, comme je dis, irréel.
11:08L'impression d'être dans un système de valeurs et de vérités parallèles.
11:11Un groupe de gens, Assad et son entourage,
11:14qui vivaient dans une réalité totalement parallèle et paranoïaque,
11:18avec « nous avons raison, les terroristes nous attaquent »
11:20et « le monde entier ne nous comprend pas, nous avez raison »
11:23de la répression de...
11:25Alors, c'était une phase où ils avaient repris un petit peu du poil de la bête,
11:28comme on le disait.
11:29Ils avaient desserré les taux d'Al-Qaïda et d'État islamique sur Damas,
11:32et il était assez en confiance.
11:34C'est pour ça qu'il avait accepté cette interview.
11:36Il ne savait pas, évidemment, ce qui se passerait sept ans après.
11:39Merci beaucoup d'avoir partagé ces souvenirs avec nous,
11:41Thomas Prout, au chef du service de police-justice d'RTL.
11:44Bachar al-Assad serait réfugié à Moscou.
11:46Le Kremlin refuse de confirmer. Pourquoi ?
11:48Eh bien, je pose la question à nos invités dans un instant.
11:50Jusqu'à 20h, Yves Kelvin refait le monde sur RTL.
11:57RTL, s'informer ensemble.
12:01Il est 19h30.
12:02RTL soir, on refait le monde.
12:05Avec Yves Kelvin.
12:06L'essentiel de l'actualité avec Aude Verneau-Tchoum.
12:08Cinq jours après la motion de censure, tous les partis,
12:10sauf le RN et les Insoumis, seront reçus demain à l'Elysée à 14h,
12:14dans le but de constituer un gouvernement d'intérêt général.
12:17Voilà les mots du communiqué de la présidence.
12:19Emmanuel Macron veut s'appuyer sur un arc de gouvernement
12:22pour nommer son prochain Premier ministre.
12:24Pour rappel, les Insoumis ont décliné une première invitation.
12:27Le procès de Christophe Ruggia s'est ouvert à Paris.
12:29Le réalisateur est accusé par Adèle Haenel d'agressions sexuelles
12:32pendant deux ans et demi.
12:33Elle avait entre 12 et 14 ans.
12:35Lui, ni les faits qui lui sont reprochés.
12:38Il en court jusqu'à 10 ans de prison.
12:40Après la chute de Bachar al-Assad en Syrie,
12:42le chef des rebelles islamistes discute du transfert du pouvoir
12:46avec l'ex-Premier ministre.
12:48L'Union Européenne appelle à une transition pacifique et ordonnée.
12:52Aude Verneau-Tchoum, que l'on retrouve à 20h.
12:54A tout à l'heure Yves.
12:55A tout à l'heure, chère Aude.
12:57Yves Calvi jusqu'à 20h.
12:59On refait le monde sur RTL.
13:01Avec Myriam Benraad, qui est politologue et spécialiste du monde arabe.
13:04Frédéric Pichon, docteur en histoire, spécialiste de la série.
13:07Et Frédéric Ancel, docteur en géopolitique, professeur à Sciences Po Paris.
13:11Je rappelle votre livre Les Voix de la Puissance,
13:13qui est publié aux éditions Odile Jacob.
13:15Et c'est donc à vous que je vais poser la question.
13:17Bachar al-Assad serait réfugié à Moscou, selon plusieurs agences russes.
13:20Le Kremlin refuse de confirmer. Pourquoi ?
13:22Parce que c'est ridicule.
13:23Parce que le pouvoir russe a capitulé en race campagne.
13:27Et s'il ne l'a pas fait par duplicité,
13:29ce dont on peut d'ailleurs se douter,
13:31parce qu'il a déjà été duplice avec notamment l'allié arménien en 2020,
13:35face à l'Azerbaïdjan, et avec d'autres alliés.
13:37Si ce n'est pas ça, c'est son incapacité militaire
13:40à lancer une expédition, somme toute, assez mineure,
13:43face à des rebelles qui, quand même,
13:45ne correspondent pas à la grande armée de Bonaparte en 1812.
13:48Donc, on est là, d'une façon ou d'une autre,
13:51chez un régime qui perd, et de manière piteuse,
13:54le seul et unique allié militaire de la région
13:57que l'URSS, déjà, avait depuis 1959.
14:01Et donc, de ce point de vue-là, je pense que l'écran de fumée
14:04qui a déjà accompagné hier, d'ailleurs,
14:06le vol de Bachar al-Assad, quand même,
14:08puisque les Russes nous ont fait croire que, finalement,
14:10un vol s'était scratché en Méditerranée,
14:12que ça pouvait très bien être le sien,
14:14nous a laissé croire qu'il allait en Iran.
14:16Tout ça, ça ressemble pas mal, en fait,
14:18aux techniques de propagande russes.
14:20Frédéric Pichon, la Syrie était, jusqu'alors,
14:22considérée comme un protectorat de l'Iran et de la Russie.
14:25Pourquoi ces deux pays l'ont-ils lâché ?
14:27Alors, l'Iran, c'est assez simple.
14:30Ce sont les coups très durs qu'il a reçus en Syrie
14:33du fait de la guerre de Gaza et des interventions israéliennes.
14:36Et pour ce qui est de la Russie,
14:38je pense qu'il y a quand même un deal avec l'Ukraine.
14:40Je pense que ce retrait rapide de la Russie
14:43a une contrepartie, et je pense que c'est
14:46du côté de l'Ukraine qu'il faudra regarder
14:48dans les semaines qui viennent.
14:50Myriam Benra, des bases militaires russes
14:52sont installées sur le sol syrien.
14:54Personne, visiblement, n'a bougé, là aussi,
14:56j'ai envie de vous dire, mais pourquoi ?
14:58Oui, enfin, moi je pense quand même
15:00qu'il y a un certain pragmatisme
15:03chez Poutine qui n'est pas intervenu
15:07parce qu'il a bien compris
15:09que le régime était aux abois
15:11et que même un réinvestissement militaire
15:13sur le terrain syrien, qui n'aurait dans tous les cas
15:15pas été équivalent à celui
15:17qui avait prévalu en 2015
15:19lorsque la Syrie s'était lourdement engagée
15:21sur le plan militaire en Syrie
15:23et avait sauvé une première fois le régime,
15:25Moscou, je pense, savait que ce n'était plus possible,
15:27a pris acte, en fait,
15:29de l'avancée fulgurante
15:31de ces insurgés,
15:33du changement de régime en Syrie,
15:35et va essayer, à mon avis aujourd'hui,
15:37de négocier la préservation de ses intérêts
15:39dans une optique, en effet, d'affaiblissement
15:41par ailleurs de la Russie
15:43sur le plan géopolitique
15:45à cause du front ukrainien
15:47et puis parce que, en effet,
15:49on voit les vents tourner au Moyen-Orient,
15:51pas nécessairement dans le sens de l'Iran,
15:53de la Russie, de cet axe anti-occidental
15:55qui s'était formé.
15:57On ne peut pas dire que c'est un échec pour Vladimir Poutine,
15:59tout simplement, Frédéric Ancel ?
16:01Non, mais c'est très clairement, me semble-t-il,
16:03un échec. Il fait la démonstration
16:05qu'après les très graves difficultés
16:07qu'on enregistre depuis maintenant presque trois ans
16:09en Ukraine, et c'est le moins qu'on puisse dire,
16:11il n'est, je le maintiens, je le répète,
16:13de soutenir un allié.
16:15En 2015, lorsque les Soukhoï
16:17et les MiGs russes ont attaqué,
16:19ont frappé notamment Alep,
16:21permettant in extremis, je le disais tout à l'heure,
16:23à l'armée d'Assad de tenir,
16:25il y avait une quarantaine de chasseurs-bombardiers
16:27dans la base aérienne
16:29qui se trouve près de Tartus,
16:31en Syrie.
16:33Aujourd'hui, il y a quelques jours, il n'y en avait à priori
16:35qu'une dizaine, dont une partie seulement
16:37s'est engagée,
16:39ce qui signifie qu'on ne sait même pas si
16:41techniquement et militairement parlant, au sens le plus
16:43strict du terme, ces avions pouvaient être
16:45efficaces. Tout ça n'est pas très sérieux, par ailleurs
16:47il n'y avait pas de commando, puisque les commandos,
16:49alors ils étaient là en 2015-2016, là manifestement
16:51ils sont en train de crapahuter en Ukraine.
16:53Donc c'est quand même pour une grande puissance militaire
16:55un revers tout à fait sévère.
16:57Donc d'offrandes ne peuvent pas être tenues par la Russie en ce moment,
16:59en dépit de la peur qu'elle suscite.
17:01Le problème c'est que ça ne correspond pas
17:03aux critères objectifs d'une grande puissance militaire.
17:05Frédéric Pichon, comment a réagi l'Iran
17:07à la chute du régime syrien ?
17:09De manière
17:11confiante, comme d'habitude,
17:13en disant que les choses allaient s'arranger, mais
17:15c'est quand même un coup très très dur.
17:17C'est-à-dire, si vous voulez, cette capacité
17:19que par le territoire syrien,
17:21l'Iran avait de rejoindre
17:23la Méditerranée en fait, de contourner
17:25Suez et puis de prendre à revers
17:27son objectif qui est Israël
17:29est complètement
17:31remis en cause.
17:35Le discours des molas, il ne faut pas le prendre
17:37de la lettre, je pense.
17:39L'Iran peut-il avoir
17:41peur d'une révolte similaire dans son pays ?
17:43Une sorte d'effet domino ? Est-ce que ça fait partie des questions
17:45qu'on peut se poser à Téhéran,
17:47Frédéric Ancel ?
17:48Oui, toute chose égale par ailleurs qu'on se souvienne du printemps arabe.
17:50Ça a été un effet domino. Alors évidemment, c'était dans
17:52une sphère culturelle particulière,
17:54donc la sphère arabe, mais après tout,
17:56les interactions sont tellement importantes
17:58entre l'Iran d'une part et
18:00la partie orientale du monde arabe,
18:02le Mashrek en fait, d'autre part, je pense notamment
18:04à l'Irak, qu'on peut s'y attendre.
18:06Simplement, ce ne serait pas nouveau, je veux dire par là
18:08que dès les années 2000, vous avez
18:10l'additionnement de manifestations
18:12et parfois de grèves extrêmement dures,
18:14souvent réprimées, on le sait parfaitement,
18:16pas seulement pour des questions idéologiques.
18:18La population iranienne
18:20mange mal, se soigne
18:22mal, se chauffe mal, vit
18:24mal. Alors c'est vrai du fait des sanctions
18:26internationales, mais c'est vrai aussi à cause de
18:28l'impéricie et de la haute corruption du
18:30pouvoir en place.
18:32Est-ce qu'il y a une, comment dirais-je,
18:34une protestation de
18:36la population iranienne, Myriam
18:38Banrad, est-ce qu'elle arrive à s'exprimer et à se faire
18:40entendre d'une quelconque façon ?
18:42Oui, il y a eu tout un
18:44cycle de protestations en Iran
18:46qui ont d'ailleurs
18:48émané de différents segments de la population
18:50iranienne. Les dernières sont
18:52évidemment les manifestations,
18:54la colère des femmes,
18:56on a vu apparaître un
18:58mouvement féministe, alors bon, avec une répression
19:00qui s'est systématiquement abattue
19:02sur elle. Auparavant, on a eu
19:04une forme de
19:06soulèvement de classe
19:08en Iran qui fait écho à ce qui vient
19:10d'être dit, les inégalités de vie, les
19:12injustices sociales, le sentiment d'être
19:14écrasé par le régime.
19:16Mais au-delà de ça, on ne voit pas
19:18pour autant de déstabilisation
19:20majeure de
19:22cette république islamique pour l'heure.
19:24Alors quel est le vrai pouvoir éventuel des
19:26islamistes, désormais au pouvoir en Syrie ?
19:28On va en débattre dans un instant.
19:30...
19:32...
19:34...
19:36...
19:38Après la chute d'Assad,
19:40la Syrie peut-elle basculer en un
19:42état islamiste ? Ce sont les questions qu'on se pose,
19:44notamment dans Refait le Monde ce soir, avec
19:46Myriam Benraad, qui est politologue spécialiste
19:48du monde arabe, Frédéric Pichon, docteur en
19:50histoire et spécialiste de la Syrie, et Frédéric Ancel,
19:52docteur en géopolitique, professeur à
19:54Sciences Po Paris. Alors la grande question qui
19:56se pose au lendemain de la chute du président Assad
19:58l'influence des islamistes au pouvoir
20:00en Syrie. Et parmi eux, un groupe
20:02semble dominer, Hayat Tahrir al-Sham,
20:04excusez-moi pour la prononciation,
20:06ou HTS. Qui sont-ils et d'ailleurs
20:08qu'est-ce que ça veut dire Frédéric Pichon ?
20:10Alors
20:12Hayat Tahrir al-Sham, ça veut dire
20:14la brigade de libération
20:16du Cham. Alors le Cham, c'est
20:18le pays de Cham, c'est la Syrie, mais
20:20ça pourrait être aussi étendu à une
20:22grande partie du Proche-Orient.
20:24Donc il y a déjà une ambiguïté sur le nom.
20:26Ce qui est sûr, c'est que HTS a
20:28rompu avec l'État islamique,
20:30ça a même été un ennemi
20:32déterminé de l'État islamique, y compris
20:34Haïd-Leib, quand l'État islamique a essayé
20:36de s'implanter.
20:38Pour le moment, Jolani a l'air
20:40de donner des gages. J'ai vu encore aujourd'hui
20:42des réunions entre
20:44le futur ministre de la Justice et l'ancien ministre
20:46de la Justice du régime Assad, etc. Donc vraiment
20:48c'est quelque chose qui apparemment
20:50paraît devoir rassurer
20:52à la fois les Syriens, peut-être les minorités
20:54et peut-être aussi
20:56au niveau international,
20:58les bailleurs de fonds qui
21:00vont être incités à revenir. Je signale que
21:02la Syrie est
21:04complètement détruite. La Banque mondiale,
21:06il y a quelques années, avait estimé à 400 milliards
21:08les fonds qui seraient nécessaires
21:10à sa reconstruction. Donc je pense que pour le moment
21:12ils ont intérêt à montrer un visage
21:14tout à fait
21:16présentable, on va dire.
21:18Frédéric Ancel, on parle d'un groupuscule, d'une
21:20milice, d'une armée. Qui la compose ?
21:22C'est tout ça à la fois. En fait, c'est une coalition
21:24de différents groupes, de différents groupuscules également.
21:26Pour l'essentiel, je suis tout à fait d'accord
21:28avec ce qui a été dit. Pour l'essentiel, on a affaire quand même
21:30à d'anciens djihadistes qui se sont battus
21:32notamment en Irak au milieu des
21:34années 2010, avec des groupes
21:36qui sont ultra-conservateurs, que nous, nous qualifierions
21:38d'islamistes. Et même
21:40d'ailleurs aussi une milice nationaliste plutôt
21:42pro-turc, en réalité, qui ne s'inscrit
21:44pas dans le djihad. Alors un,
21:46le fameux Al Jolani, il va être obligé de composer
21:48avec tout ça, parce qu'en interne, c'est absolument pas
21:50c'est pas fait. Deux,
21:52je rebondis là aussi sur ce qui a été dit, il est
21:54considéré comme un traître et maintenant comme un ennemi
21:56par Al-Qaïda, qui dirige encore
21:58un certain nombre de poches à l'ouest de l'Irak
22:00et à l'est de la Syrie. On l'a bien vu parce que
22:02les Américains ont effectué
22:04des frappes l'année dernière contre
22:06ces poches de djihadistes. Et enfin,
22:08il arrive dans un pays qui est
22:10aujourd'hui plus pauvre et plus détruit
22:12que le pays qu'a conquis
22:14Hafez al-Assad en 1970, donc le
22:16père de Bachar. Ça veut dire qu'on est revenu plus de
22:1850 ans en arrière et aujourd'hui, c'est
22:20objectivement l'un des pays les plus pauvres du monde. Alors si
22:22Al Jolani veut faire le mariole
22:24et la jouer al-Baghdadi
22:26façon Daesh dans les années
22:282014-2015, je lui souhaite bon courage.
22:30Si j'étais lui, je ferais assaut de
22:32pragmatisme. C'est ce qu'il semble,
22:34je dis bien, c'est ce qu'il semble tenter de faire
22:36aujourd'hui. Alors, il y a des djihadistes français
22:38au sein de HTS sur la route de Damas.
22:40Ils se sont filmés en passant
22:42devant une église et ont publié la vidéo
22:44sur les réseaux sociaux. On les écoute.
22:48Même les chrétiens, ils s'élèvent.
22:50Tous ensemble, alhamdoulilah.
22:52Jour de dimanche,
22:54jour de messe. Pas le temps
22:56d'aller à la messe. Les moujahidines, ils viennent
22:58d'entrer dans le village.
23:00Frédéric Pichon,
23:02sait-on combien de djihadistes
23:04français sont encore en Syrie ?
23:06Alors, je crois que les estimations
23:08tournent autour de quelques dizaines.
23:10C'est pas quelque chose d'énorme.
23:12Je pense surtout que ça va être les premiers groupes
23:14du fait justement de ce que disait Frédéric Ancel,
23:16c'est-à-dire des gages
23:18de modération que
23:20Joulani va devoir montrer. Je pense que c'est les premiers
23:22qui feront les frais du nettoyage
23:24ou de l'épuration qui va se faire
23:26au sein des rangs de Hayat al-Ilasham.
23:28Ce ne sont pas des gens considérés comme étant
23:30très sérieux, très fiables.
23:32Je pense qu'ils ont plutôt du souci à se faire
23:34dans des places, évidemment,
23:36à ces jeunes gens-là
23:38qu'on a entendus
23:40à l'instant et qui
23:42vraisemblablement ne connaissent rien
23:44à la réalité syrienne. En fait, c'est un mouvement
23:46nationaliste aussi
23:48à HTS et j'ai peur que
23:50ces étrangers-là, de même que les Ouïghours
23:52parce que vous avez aussi des groupes de Ouïghours
23:54qui ont combattu aux côtés d'HTS,
23:56je pense que ceux-là, ou des Tchétchènes
23:58aussi, je pense que ceux-là vont devoir
24:00rentrer assez vite à la maison.
24:02Myriam Ben Raad, comment HTS, donc la nouvelle force
24:04au pouvoir, entend gouverner la Syrie ?
24:06On en a la moindre idée ?
24:08Je pense que ce qui transparaît
24:10quand même dans ces échanges, c'est
24:12la détermination des termes nationalistes,
24:14islamistes, djihadistes.
24:16En réalité, on a bien vu que Joulani
24:18essaie de maintenir une grande
24:20ambivalence, une grande abstraction
24:22au niveau de la nature de ce mouvement,
24:24au niveau de la nature de ses intentions,
24:26de ses motivations. D'ailleurs, quand même,
24:28je voudrais attirer l'attention sur cette
24:30interview exclusive qu'il a accordée
24:32à CNN, dans laquelle
24:34il se présente comme un rebelle
24:36générique. Enfin, ça ne veut pas dire grand-chose.
24:38Et tout de même, attention,
24:40il y a eu syrianisation, il est vrai,
24:42de la lutte armée, mais on reste dans le registre
24:44du djihad, y compris
24:46ces miliciens adossés à la Turquie
24:48qui sont très rigoristes,
24:50qui adhèrent tout de même à une certaine idéologie.
24:52Et un dernier point important,
24:54il y a eu des luttes fratricides
24:56entre djihadistes, c'est vrai, mais moi,
24:58ce que j'ai vu, pour ma part, au cours des derniers jours,
25:00c'est ces mouvances internationalistes
25:02acquises au djihad global
25:04qui acclament la prise du pouvoir
25:06par un mouvement djihadiste à Damas, donc c'est quand même
25:08une source d'inquiétude très grande.
25:10Mais, à la lumière de ce que l'on voit
25:12et des acteurs que l'on découvre en ce moment,
25:14le pays va être
25:16enfin, dirigé
25:18de façon démocratique ou avec la charia,
25:20c'est-à-dire la loi islamique, selon vous, Myriam El-Rahad ?
25:22Comme en Afghanistan ?
25:24Ecoutez-moi, ce que j'ai dit à plusieurs reprises,
25:26c'est qu'ils ont pris le pouvoir par les armes. Il n'y a pas eu de
25:28consultation populaire pour demander
25:30aux gens, d'ailleurs,
25:32ils voulaient qu'on renverse le régime d'Assad
25:34parce que la population, en réalité,
25:36était très divisée entre ceux qui
25:38s'accommodaient finalement assez bien
25:40du régime et ne voulaient pas, justement,
25:42de l'arrivée des islamistes. On l'a entendu
25:44dans le témoignage de votre invité syrien.
25:46Donc, je ne vois pas comment, à partir
25:48de là, on peut enclencher
25:50une dynamique démocratique, à moins
25:52qu'ils organisent très rapidement une élection
25:54et qu'en effet, ils consultent le peuple
25:56au sens large pour savoir
25:58ce que le peuple veut, ce qui sera
26:00très compliqué parce qu'on a des millions de Syriens
26:02déplacés ou à l'étranger aujourd'hui.
26:04La transition en douceur, c'est un rêve ?
26:06Malheureusement, je crains
26:08que ce soit un rêve,
26:10d'autant plus que les dernières élections qui ont eu lieu
26:12en Syrie, car il y en avait régulièrement,
26:14ont donné 99,98%
26:16de scrutins
26:18de suffrages exprimés
26:20en faveur de Bachar al-Assad. Donc, je vous laisse apprécier
26:22le niveau de démocratie
26:24qui s'est appliqué en Syrie, mais malheureusement,
26:26on peut remonter plus loin parce que je disais que
26:28Hafez al-Assad, le père de Bachar, est arrivé au pouvoir
26:30par un coup d'État en 70,
26:32mais c'était une révolution de palais et un coup d'État
26:34face à un régime qui lui-même, jusqu'à présent,
26:36de toute façon, n'avait jamais été démocratique
26:38depuis l'indépendance de la Syrie en 45.
26:40Donc non, là-dessus, je pense qu'il faut être extrêmement
26:42vigilant
26:44et circonspect.
26:46Pour l'instant, c'est
26:48toujours moins pire, comme disait
26:50l'autre, que Assad. Je rappelle
26:52quand même que le pouvoir d'Al-Assad a constitué,
26:54qu'on le veuille ou pas, un terreau
26:56favorable à différents types de
26:58rébellions, islamistes ou autres, d'ailleurs,
27:00tellement il a été cruel
27:02pendant tellement longtemps. Et ça, on ne peut pas le nier.
27:04La minorité chrétienne en Syrie
27:06doit-elle s'inquiéter ? On en débat dans un instant.
27:18Avec Myriam Benrad, politologue,
27:20Frédéric Pichon, docteur en histoire et Frédéric Ancel,
27:22docteur en géopolitique,
27:24est-ce qu'il faut s'inquiéter pour la
27:26communauté chrétienne aujourd'hui
27:28dans le pays,
27:30enfin, en Syrie ?
27:32Est-ce qu'ils peuvent être
27:34des martyrs ? Oui, la réponse est oui,
27:36mais pas davantage, je crois, que d'autres
27:38communautés. Je pense, tout à l'heure, j'évoquais les
27:40Russes, qui ne sont pas considérés comme de véritables musulmans.
27:42Tout de même, par les islamistes sunnites
27:44radicaux, les Kurdes, dans une
27:46moindre mesure, parce qu'eux, de toute façon, ils
27:48disposent d'un territoire autonome. Mais si
27:50un jour, ils passaient par
27:52la tête de M. Al-Jolani
27:54ou d'autres, parmi ces co-coalisés,
27:56de s'emparer de la région kurde,
27:58ça pourrait être extrêmement violent, comme ça l'a été
28:00dans la région, de manière générale. Je pense aussi,
28:02peut-être dans une moindre mesure, aux
28:04arméniens, qui ne sont pas considérés comme des chrétiens
28:06comme les autres. Et puis, bien sûr, les halaouites. Alors,
28:08peut-être davantage encore les halaouites que les chrétiens,
28:10parce que, pour le coup, là, on a affaire à
28:12des gens qui, non seulement, ne sont pas considérés comme de
28:14véritables musulmans, mais qui, évidemment,
28:16sont au pouvoir, ont été au pouvoir pendant
28:1854 ans et
28:20en soutenant massivement
28:22le père et le fils Assad. Frédéric Pichon,
28:24est-ce qu'il y a des raisons de s'inquiéter pour la communauté
28:26chrétienne ?
28:28Alors, c'est, à vrai dire, pas
28:30tout à fait nouveau, parce que l'émigration chrétienne
28:32depuis une dizaine d'années a été massive.
28:34Il faut bien le dire aussi,
28:36les chrétiens ont une propension plus grande que
28:38les autres minorités à émigrer,
28:40dans la mesure où ils sont souvent
28:42francophones ou anglophones.
28:44Ils ont des réseaux, déjà, diasporiques
28:46répandus à l'étranger, ce qui n'est pas le cas des halaouites.
28:48Par exemple, les halaouites, ils n'ont que la Syrie.
28:50On n'en trouve que en Syrie. Et
28:52ils sont déjà assez massivement partis.
28:54Moi, j'ai eu pas mal de gens au téléphone
28:56ce week-end, des chrétiens,
28:58qui m'ont dit
29:00« Oui, on est plutôt rassurés par les gages
29:02que donne Jolanie, mais, vous savez,
29:04on sait très bien ce que ça signifie
29:06l'arrivée de sunnites radicaux
29:08au pouvoir à Damas.
29:10Ça veut dire qu'on va redevenir des dhimmis. »
29:12C'est-à-dire que,
29:14si vous voulez, il y a
29:16un peu dans le cerveau reptilien des communautés chrétiennes
29:18cette crainte
29:20toujours d'être considérées
29:22comme des citoyens de seconde zone, comme ils l'étaient
29:24sous l'Empire ottoman,
29:26et comme, évidemment,
29:28ils ont peur de le redevenir.
29:30Là aussi, les réseaux diasporiques joueront
29:32et partiront. Et puis, comme ça a été souligné,
29:34il faut bien voir que les chrétiens
29:36n'ont pas de réduit territorial. Il n'y a pas de
29:38région spécifiquement chrétienne sur laquelle
29:40se replier
29:42en Syrie. Les chrétiens sont dispersés.
29:44C'est une population urbaine.
29:46Il y a quelques villages chrétiens
29:48dans la montagne et alentour dans le
29:50Kalamoun, notamment. Mais
29:52les chrétiens n'ont pas d'unité territoriale.
29:54Donc, je pense que, pour eux,
29:56ils vont naturellement prendre
29:58la voie de l'exil via le Liban
30:00dans un premier temps. Et puis, tout ça finira
30:02au Canada
30:04et peut-être aussi en France,
30:06où les réseaux sont également assez
30:08importants.
30:09Quelles conséquences pour la région ? Nous sommes en ligne
30:11avec notre correspondante en Israël,
30:13Betsabé Salem. Bonsoir, Betsabé.
30:15Comment la nouvelle de la chute de Bachar al-Assad
30:17a-t-elle été accueillie en Israël ?
30:19Est-ce que c'est perçu comme une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
30:21Bonsoir.
30:23C'est vraiment la question que les gens
30:25se posent ici. Est-ce que c'est une bonne
30:27ou une mauvaise chose ? A priori,
30:29les Israéliens sont
30:31très enthousiastes. D'abord, c'est une victoire
30:33sur l'Iran, bien sûr,
30:35et sa présence
30:37en Syrie. Il ne faut pas oublier
30:39qu'il y a aussi beaucoup d'Israéliens qui sont
30:41originaires de Syrie aussi. Donc, ils saluent
30:43la chute du régime de Bachar al-Assad.
30:45Et puis, surtout, pour les Israéliens,
30:47c'est l'opportunité de vivre
30:49en paix, finalement, avec ce
30:51nouveau voisin. Beaucoup
30:53d'appréhension aussi, puisqu'on ne sait
30:55pas comment les rebelles vont
30:57agir. Est-ce qu'ils vont proposer
30:59une alliance avec Israël ou est-ce qu'ils vont, au contraire,
31:01essayer d'attaquer ? Il ne faut pas oublier qu'Israël est encore
31:03sous le traumatisme du 7 octobre
31:052023. Donc, ici,
31:07les Israéliens ont très, très peur qu'il y ait des
31:09tentatives d'infiltration sur
31:11le Golan. On a 90 kilomètres
31:13de frontière avec la Syrie en Israël.
31:15Est-ce que le Premier ministre israélien, M. Netanyahou,
31:17s'est exprimé sur le sujet ? Et si oui, qu'a-t-il dit ?
31:19Alors, il a parlé deux fois.
31:21Déjà, hier, il est allé sur place
31:23sur le Golan pour,
31:25entre autres, expliquer qu'il avait
31:27d'ailleurs, lui-même, contribué à cette
31:29chute du régime Assad
31:31en ayant frappé intensivement
31:33le Hezbollah et l'Iran.
31:35Ses propos,
31:37ce soir, il a parlé à nouveau, il y a à peine une heure,
31:39et ça reflète assez bien, justement, cette
31:41inconnue dans laquelle vivent les Israéliens aujourd'hui.
31:43Il a dit, d'un côté, je cite,
31:45« ceux qui nous attaquent perdent gros »
31:47et, quelques secondes plus tard, il a dit
31:49« on tend la main à ceux qui veulent la paix ».
31:51Donc, en gros, les Israéliens attendent de voir ce que
31:53les rebelles vont faire et, en fonction, agiront.
31:55Plus de 100 frappes
31:57israéliennes, semble-t-il, aujourd'hui.
31:59On l'apprend à l'instant par l'AFP.
32:01Effectivement. Alors, tout n'est pas officiel
32:03mais, selon les médias ici, il y aurait
32:05eu même 300 frappes
32:07en deux jours. Il y a moins d'une heure,
32:09le port de Latakie, au nord de la Syrie,
32:11a été visé. Sont visés, en fait,
32:13surtout des sites de
32:15missiles, de roquettes, d'armes
32:17chimiques, puisque, même si Bachar el-Assad
32:19n'est pas supposé en produire,
32:21à priori, il y avait aussi
32:23des usines d'armes chimiques. Donc, en fait, toutes ces
32:25armes qui sont dangereuses, si
32:27elles se retrouvent potentiellement dans des mains ennemies,
32:29Israël tente de les détruire
32:31au plus vite et ça pourrait continuer
32:33plusieurs jours, selon les médias ici.
32:35Merci infiniment, Betsa Besalem, correspondante d'Airtel
32:37en Israël. Myriam Benraad, s'il fallait
32:39essayer, en quelques mots, de résumer
32:41la situation ce soir, on en est où ?
32:43Écoutez,
32:45la Syrie reste un pays
32:47fragmenté, morcelé, meurtri,
32:49tout ça a été dit, dévasté par
32:5111 ans de guerre civile. On parle
32:53de transition, soyons quand même très
32:55pratiques, pragmatiques.
32:57Une transition, ça veut dire
32:59plus qu'un changement de pouvoir,
33:01ça veut dire des réformes sociales, des réformes économiques,
33:03un processus de reconstruction, en effet,
33:05évalué par les principaux bailleurs
33:07de fonds internationaux à des milliards de dollars.
33:09Donc, attendons de voir
33:11dans les prochaines semaines, les prochains mois,
33:13les premières mesures concrètes qui seront
33:15mises en œuvre par ce nouveau pouvoir.
33:17Frédéric Ancel ? Oui, je dirais
33:19ça m'arrive rarement, parce que je n'aime pas galvauder
33:21les termes, mais je crois qu'on a affaire à un vrai tournant
33:23multiscalaire, si vous voulez, à
33:25plusieurs échelles. D'abord, c'est la fin
33:27d'un régime, bien sûr, c'est la fin d'une dynastie,
33:29c'est la fin de la prépondérance
33:31d'une communauté en Syrie, donc
33:33les Alaouites, mais c'est aussi la fin du nationalisme
33:35arabe laïque du Parti Basse,
33:37créé en 1945, quand même.
33:39Alors, évidemment, il existe toujours,
33:41de fait, c'était déjà une coquille vide, mais n'empêche que
33:43le pouvoir d'Assad était le dernier
33:45à être au pouvoir. Le Parti Basse
33:47n'était plus au pouvoir nulle part, depuis la chute de Saddam Hussein
33:49en Irak. Et puis,
33:51enfin, c'est la fin du continuum
33:53pan-chiite, comme je l'appelle,
33:55c'est-à-dire ce fameux axe de la résistance, comme le disent
33:57les Iraniens, puisqu'aujourd'hui, entre
33:59l'Iran et le Hezbollah, qui se retrouvent totalement
34:01isolés au Liban, il y a une rupture
34:03et une rupture extrêmement virulente
34:05composée de gens, enfin, d'un territoire
34:07composé de gens extraordinairement anti-chiite.
34:09Donc, je vous dirais que, à plusieurs
34:11titres, je crois qu'on est en train
34:13d'assister à un véritable tournoi au Moyen-Orient.
34:15Merci infiniment de vos analyses
34:17les uns et les autres. Demain matin, à 7h40,
34:19c'est Olivier Christenne, le procureur national
34:21antiterroriste qui sera l'invité de la matinale
34:23d'RTL. Que sont devenus les Français
34:25djihadistes engagés en Syrie ? Peuvent-ils
34:27représenter une menace sur notre territoire ?
34:29Donc, rendez-vous à 7h40.

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