Écoutez "On refait le monde" avec Frédéric Pichon, docteur en histoire, spécialiste de la Syrie, Frédéric Encel, docteur en géopolitique, professeur à Sciences-Po Paris, Thomas Prouteau, chef du service police-justice de RTL, et Bethsabée Salem, correspondante de RTL en Israël.
Regardez On refait le monde avec Yves Calvi du 09 décembre 2024.
Regardez On refait le monde avec Yves Calvi du 09 décembre 2024.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Yves Calvi, on refait le monde jusqu'à 20 heures sur RTL.
00:05En Syrie, il n'aura fallu qu'une dizaine de jours pour qu'une dictature vieille de 54 ans s'effondre.
00:10Bachar al-Assad vient d'être renversé par les groupes de rebelles islamistes
00:14et leur chef ancien d'Al-Qaïda et de Daesh jure avoir rompu avec l'idéologie du djihad international.
00:20Faut-il vraiment le croire ? La Syrie peut-elle devenir un nouvel Afghanistan ?
00:24Une dictature islamiste radicale ? Quelles conséquences pour la région,
00:27pour le conflit israélo-palestinien ? Et pour nous d'ailleurs, nous allons en débattre dans On refait le monde.
00:32Avec nous ce soir Myriam Benraad, qui est politologue et spécialiste du monde arabe.
00:36Frédéric Pichon, docteur en histoire, spécialiste de la série.
00:39Frédéric Ancel, docteur en géopolitique, professeur à Sciences Po Paris.
00:42Votre dernier livre, Les Voix de la Puissance, est publié aux éditions d'Ile Jacob.
00:46Et Thomas Proutot, mon confrère d'RTL.
00:48Vous avez rencontré Bachar al-Assad lors d'un séjour à Damas en 2017.
00:52On va y revenir dans un instant, Thomas.
00:53Mais pour commencer cette émission, nous donnons la parole à un homme qui a dû fuir la Syrie.
00:57Persécuté par le régime de Bachar al-Assad, il s'est installé en France, qui lui a accordé l'asile politique.
01:02Bonsoir Omar Youssef Souleiman.
01:04Bonsoir.
01:05Vous êtes écrivain et journaliste franco-syrien.
01:07Merci beaucoup de prendre la parole ce soir sur RTL.
01:09Et évidemment, ma première question est de vous demander si la chute du régime Assad est pour vous un soulagement,
01:15pour vous et pour votre pays d'origine.
01:17C'est un grand soulagement.
01:20On vit des émotions extrêmement bouleversantes depuis des jours.
01:25Ça fait plus de 54 ans qu'on vit soit un régime, soit une tyrannie insupportable.
01:31Une tyrannie qui, depuis 2011 aussi, a massacré la population syrienne.
01:37Personnellement, depuis 2012, je n'ai pas pu contacter ou appeler ma mère,
01:42ou mes frères, ou ma famille en Syrie, qui sont tous en Syrie.
01:45C'était pour la première fois depuis 12 ans que je pouvais entendre leur voix.
01:49Je pouvais leur parler.
01:51Ça fait des jours qu'on a l'impression que c'est comme si on vit dans un rêve.
01:57Alors, on entend votre immense soulagement.
01:59J'ai bien compris.
02:00C'est la première fois que vous pouviez rentrer à nouveau en contact avec votre famille depuis plus de 10 ans.
02:06Depuis 12 ans.
02:07Depuis 2012, oui.
02:08Parce qu'en 2012, j'ai fui la Syrie.
02:10Je me suis échappé de la police du régime Bashar al-Assad.
02:13Parce que j'ai participé dans des manifestations pacifiques pour la démocratie,
02:18pour la liberté d'expression.
02:20Et ce régime nous a tirés contre les manifestations.
02:24Il nous a assassinés la plupart des amis.
02:27Et je profite à cet instant pour leur rendre hommage.
02:31Ils étaient tués sur place.
02:32Ils étaient torturés à mort dans les abattoirs du régime d'Assad.
02:35Et le reste, ils se sont échappés.
02:38Donc la Syrie a été vidée des militants démocrates à l'époque.
02:41Et c'était l'objectif de ce régime.
02:43Ensuite, en 2012, je suis en Jordanie.
02:46Et ensuite, j'ai commandé l'asile politique de l'ambassade française à Amman.
02:50Et depuis, je suis en France.
02:52J'ai obtenu la nationalité française, heureusement, depuis 12 ans.
02:55Et malgré ceci, je ne pouvais pas rentrer.
02:57Parce que même avec une nouvelle nationalité,
02:59plusieurs Syriens qui sont rentrés ces dernières années,
03:02ils sont disparus.
03:03On n'avait aucune nouvelle d'eux.
03:05Mais heureusement, maintenant, ce cauchemar est parti.
03:09Je parle aussi à un confrère journaliste.
03:11On se pose beaucoup de questions, et vous le savez,
03:13sur la nature du mouvement HTS,
03:15qui a largement contribué à la chute d'Assad.
03:17Beaucoup en France s'inquiètent d'une situation comparable à celle de l'Afghanistan.
03:21Bref, croyez-vous aux aspirations démocratiques d'HTS ?
03:25C'est inquiétant.
03:26Ce n'est pas facile à deviner tout de suite l'avenir de la Syrie.
03:31Mais je tiens à préciser que les militants démocrates sont de retour maintenant.
03:35Sans oublier que la population syrienne ne ressemble pas à celle d'Afghanistan.
03:40Ils ont une autre histoire.
03:42On a heureusement une grande diversité en Syrie.
03:45Presque 40% de la population, c'est des minorités.
03:49On a les Druzes, les Alawites, les Kurdes, on a les Chrétiens.
03:52Tous ces gens sont mélangés avec les Sunnites.
03:56J'ai l'espoir qu'ils vont faire un barrage,
03:58qu'on va tous faire un barrage aux islamistes.
04:01Parce que depuis 2012, on a tout vécu.
04:03On a vécu Daesh, on a vécu ce que ça veut dire Al-Qaïda.
04:06Donc aujourd'hui, il n'est pas question pour la majorité des Syriens,
04:09pour ne pas dire tous,
04:10ils refusent d'être sous un état islamique.
04:13Ce n'est pas possible.
04:14Qui est Jolani, celui qu'on présente comme le libérateur du pays aujourd'hui ?
04:17Elle n'est pas le libérateur du pays.
04:19Jolani, ce n'est qu'un ancien combattant d'Al-Qaïda.
04:23Lui, il dirigeait une partie de la région du Libre ces dernières années.
04:27D'une manière horrible, il a appliqué une censure insupportable.
04:31La plupart des militants qui sont aujourd'hui de retour dans leur ville,
04:35à Damas, à Homs ou même à Alep,
04:37ils ont souffert de l'oppression de Jolani et ses alliés.
04:41Donc Jolani ne nous représente pas ces derniers jours.
04:44Il a confirmé que l'avenir de la Syrie,
04:47ce ne sera pas sous son contrôle ni son groupe militaire.
04:50Mais effectivement, on ne lui fit pas confiance.
04:52Donc le plus important maintenant, encore une fois,
04:55c'est de faire barrage aux islamistes en Syrie
04:57pour arriver à un état démocratique.
04:59Une toute dernière question.
05:00Avez-vous l'intention de retourner en Syrie prochainement ?
05:02Évidemment, ça fait 12 ans qu'on attend ce moment
05:05pour voir nos mères, pour voir nos proches.
05:08Je réserve au premier avion dès que ce sera possible.
05:11D'ailleurs, j'annonce à travers votre chaîne
05:13que les avions de Damas et d'Alep,
05:16ce que j'ai reçu comme nouvelle il y a juste quelques heures,
05:19seront ouverts à l'international à partir du 15 janvier.
05:23Personnellement, comme des centaines de milliers de Syriens,
05:26on attend ce moment depuis des années
05:28pour revenir pour voir nos familles, évidemment.
05:31Votre espoir fait beaucoup de bien entendre.
05:33Merci infiniment Omar Youssef Suleyman,
05:35écrivain, journaliste franco-syrien.
05:37Votre livre « Dernier Syrien », je le rappelle,
05:40est paru chez Flammarion.
05:41Frédéric Ancel, on reste stupéfait devant cette désintégration.
05:44C'est clair, c'est un château de cartes qui s'est écroulé ?
05:47Oui, absolument.
05:48Le problème, c'est ce que Raymond Aron appelait
05:50l'illusion rétrospective de la fatalité.
05:52C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on dit que c'est un château de cartes
05:54et que c'est un château de cartes qui s'est écroulé.
05:55Sauf que pendant des années et des années,
05:57c'était le pouvoir qu'on vous prête, vous en donne plutôt.
05:59On prêtait au pouvoir des Assad Père et Fils,
06:01Hafez 70-2000,
06:03puis Bachar, donc, 2000-2024.
06:05Donc du coup, la possibilité de réprimer
06:07de manière absolument implacable tout type de répression,
06:09tout type de rébellion, pardon.
06:11Et de fait, ils l'ont fait ces dernières années.
06:13Mais, tout de même, depuis 2015, 2016, 2017,
06:16on avait des indices d'affaiblissement
06:19et de pourrissement du régime,
06:20notamment parce qu'en 2015,
06:22le Hezbollah avait,
06:24et pourquoi, je pense qu'on va y revenir,
06:25le Hezbollah et l'aviation russe
06:27avaient in extremis permis de sauver Assad.
06:30Or, en réalité, dès le milieu des années 2010,
06:32l'armée syrienne et le régime étaient déjà
06:34manifestement très vermoulus.
06:36Myriam Benrad, on parle quand même
06:39d'une dictature sanguinaire de plus de 50 ans
06:41qui a résisté à une guerre civile il y a 10 ans.
06:45Oui, qui a résisté plus ou moins,
06:48parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, a posteriori,
06:50alors qu'on pensait que le régime reprenait le dessus
06:53dans un certain nombre de territoires,
06:54notamment depuis le gel des principales lignes de front,
06:57à peu près en 2020,
06:59au moment où a été déclenchée la pandémie,
07:02on pensait que le régime serait installé,
07:06sans véritablement triompher,
07:09sans véritablement s'engager dans un processus
07:11de réconciliation, de reconstruction.
07:13Donc, c'est vrai que cette stabilisation,
07:15on la voyait tout de même faible,
07:17en trompe l'œil,
07:18on n'est pas au point tout de même d'assister
07:20à un retrait aussi spectaculaire de l'armée
07:22devant quelques milliers de djihadistes, d'islamistes,
07:25parce qu'on parle d'assauts fulgurants des insurgés,
07:28mais ce qui a surtout été fulgurant,
07:30c'est l'effondrement de cette armée nationale syrienne
07:34que l'on pensait en cours de recomposition.
07:36Mais justement, pourquoi l'armée syrienne n'a pas réagi ?
07:38Et surtout, pourquoi n'a-t-elle pas du tout protégé Assad ?
07:41Quelle est votre analyse, Frédéric Ancel ?
07:42Il faut bien se rendre compte que les Assad,
07:44ce sont des Alawites,
07:45alors on l'a dit depuis des années.
07:46C'est une communauté qui représente environ 10%
07:49de l'ensemble des Syriens.
07:51Vous vous rendez compte qu'environ un tiers des jeunes garçons,
07:54des adolescents et des jeunes hommes Alawites
07:56sont morts à la guerre.
07:57Un tiers !
07:58Parce qu'évidemment, c'était le fer de lance de cette armée.
08:01Or, depuis 13-14 ans de guerres civiles et de combats incessants,
08:05vous avez un stress démographique catastrophique.
08:08Si vous ajoutez à ça que les autres minorités
08:10qui avaient soutenu dans une certaine mesure
08:13les Alawites dans les années 70, 80, 90
08:15contre la majorité sunnite,
08:16notamment les Druzes,
08:17notamment un certain nombre de chrétiens,
08:19dans les années 2010,
08:21ont littéralement abandonné ce régime
08:23qui était au moins aussi répressif vis-à-vis d'eux
08:25que vis-à-vis d'autres pans de la population.
08:27Je pense notamment aux Druzes,
08:28qui avaient été des lieutenants de Hafez al-Assad
08:30dans les années 70
08:31et qui, ces dernières années,
08:32s'étaient rebellés de la même manière
08:34comme les autres pans de la société
08:36contre la répression du régime.
08:37Si vous enlevez tous ces gens-là,
08:38il ne vous reste pas grand monde.
08:39Frédéric Pichon, est-ce qu'on peut dire très simplement ce soir,
08:42mais je sais que c'est facile de le faire a posteriori,
08:44que la mainmise d'Assad sur le pays,
08:46finalement, était surestimée ?
08:49Alors, comme vous l'avez dit,
08:51ces dix dernières années,
08:53en fait, ce qui a vraiment coûté au régime,
08:55c'est les sanctions.
08:56Je crois que vous n'avez pas parlé des sanctions.
08:57On n'a pas parlé des sanctions.
08:58Les sanctions américaines sont terriblement efficaces
09:00et cette armée...
09:03Alors, on a un petit problème de liaison
09:07qu'on va régler, je vous le promets, très rapidement.
09:09Thomas Proutot,
09:10chef de notre service Police, Justice et Journaliste RTL,
09:12vous avez rencontré et interviewé Assad.
09:15C'était en 2017.
09:16Vous vous étiez rendu à Damas, au palais présidentiel.
09:19Quel était le contexte de cet entretien ?
09:21D'abord, c'était un entretien qui avait été fait à la demande de RTL.
09:24On a dû travailler, activer des canaux, etc.
09:26On ne va pas tous les décrire ici.
09:28Pour arriver jusqu'à ce palais présidentiel qui domine Damas,
09:31ça n'a pas été à l'appel du président syrien.
09:33Alors, évidemment, il avait des messages à délivrer.
09:35D'abord, c'était totalement irréel,
09:36puisqu'on se retrouvait au milieu d'un pays
09:38qu'on a traversé à moitié détruit,
09:39une population déprimée, à moitié affamée.
09:41Et lui, dans son palais, entouré de ses conseillers,
09:44en cravate, tiré à quatre épingles,
09:45absolument courtois et affable,
09:47parfaitement anglophone, vous savez qu'il a étudié à Londres,
09:50et recevant les journalistes et ayant réponse à tout,
09:53avec une rhétorique simple.
09:55Tout est faux.
09:57Alors, d'abord, je n'ai absolument pas bombardé des populations civiles
10:01ou alors uniquement pour débarrasser des terroristes.
10:03Je suis attaqué des terroristes, j'ai le droit de me défendre,
10:05quel que soit ce que je fais.
10:06Et sur la répression, les tortures, la barbarie,
10:08là, c'est encore plus simple.
10:09C'est complètement faux, me disait-il.
10:11Si c'était vrai, le peuple m'aurait déjà dit de partir.
10:14Alors qu'évidemment, il n'y a jamais eu aucune élection libre en Syrie
10:17depuis 55 ans, mais un aplomb extraordinaire.
10:20Quel est le contexte de cet entretien ?
10:21Est-ce que c'est une interview, enfin, libre ?
10:23Est-ce que vous avez pu aborder tous les sujets,
10:25tels que, par exemple, l'utilisation d'armes chimiques
10:27contre son propre peuple ?
10:28On a pu tout aborder.
10:29En l'occurrence, ce n'était pas l'époque,
10:30donc on n'a pas abordé ce sujet-là.
10:31On a abordé les bombardements massifs et indiscriminés sur Alep,
10:34pour reprendre la ville d'Alep,
10:36et donc plus de 1 000 morts civiles en quelques semaines.
10:38C'est absolument incroyable et déstabilisant.
10:40D'ailleurs, c'est souvent le cas pour un dictateur.
10:43Il était absolument prêt à répondre à tout,
10:45et sans intermédiaire.
10:46Et aucun rapport de force avec les journalistes ?
10:48Aucun rapport de force avec les journalistes.
10:49Posez-moi toutes les questions que vous voulez, j'y répondrai,
10:51et en argumentant, très volontiers, en anglais, pas en arabe.
10:57On a même failli la faire en français, l'interview, je dois vous dire.
10:59Et au dernier moment, il s'est dit,
11:00je ne vais peut-être pas tout maîtriser de mes mots.
11:02On va vous libérer.
11:03Quels souvenirs gardez-vous, finalement, de cette rencontre ?
11:05C'était vraiment, comme je dis, irréel.
11:08L'impression d'être dans un système de valeurs et de vérités parallèles.
11:11Un groupe de gens, Assad et son entourage,
11:14qui vivaient dans une réalité totalement parallèle et paranoïaque,
11:18avec « nous avons raison, les terroristes nous attaquent »
11:20et « le monde entier ne nous comprend pas, nous avez raison »
11:23de la répression de...
11:25Alors, c'était une phase où ils avaient repris un petit peu du poil de la bête,
11:28comme on le disait.
11:29Ils avaient desserré les taux d'Al-Qaïda et d'État islamique sur Damas,
11:32et il était assez en confiance.
11:34C'est pour ça qu'il avait accepté cette interview.
11:36Il ne savait pas, évidemment, ce qui se passerait sept ans après.
11:39Merci beaucoup d'avoir partagé ces souvenirs avec nous,
11:41Thomas Prout, au chef du service de police-justice d'RTL.
11:44Bachar al-Assad serait réfugié à Moscou.
11:46Le Kremlin refuse de confirmer. Pourquoi ?
11:48Eh bien, je pose la question à nos invités dans un instant.
11:50Jusqu'à 20h, Yves Kelvin refait le monde sur RTL.
11:57RTL, s'informer ensemble.
12:01Il est 19h30.
12:02RTL soir, on refait le monde.
12:05Avec Yves Kelvin.
12:06L'essentiel de l'actualité avec Aude Verneau-Tchoum.
12:08Cinq jours après la motion de censure, tous les partis,
12:10sauf le RN et les Insoumis, seront reçus demain à l'Elysée à 14h,
12:14dans le but de constituer un gouvernement d'intérêt général.
12:17Voilà les mots du communiqué de la présidence.
12:19Emmanuel Macron veut s'appuyer sur un arc de gouvernement
12:22pour nommer son prochain Premier ministre.
12:24Pour rappel, les Insoumis ont décliné une première invitation.
12:27Le procès de Christophe Ruggia s'est ouvert à Paris.
12:29Le réalisateur est accusé par Adèle Haenel d'agressions sexuelles
12:32pendant deux ans et demi.
12:33Elle avait entre 12 et 14 ans.
12:35Lui, ni les faits qui lui sont reprochés.
12:38Il en court jusqu'à 10 ans de prison.
12:40Après la chute de Bachar al-Assad en Syrie,
12:42le chef des rebelles islamistes discute du transfert du pouvoir
12:46avec l'ex-Premier ministre.
12:48L'Union Européenne appelle à une transition pacifique et ordonnée.
12:52Aude Verneau-Tchoum, que l'on retrouve à 20h.
12:54A tout à l'heure Yves.
12:55A tout à l'heure, chère Aude.
12:57Yves Calvi jusqu'à 20h.
12:59On refait le monde sur RTL.
13:01Avec Myriam Benraad, qui est politologue et spécialiste du monde arabe.
13:04Frédéric Pichon, docteur en histoire, spécialiste de la série.
13:07Et Frédéric Ancel, docteur en géopolitique, professeur à Sciences Po Paris.
13:11Je rappelle votre livre Les Voix de la Puissance,
13:13qui est publié aux éditions Odile Jacob.
13:15Et c'est donc à vous que je vais poser la question.
13:17Bachar al-Assad serait réfugié à Moscou, selon plusieurs agences russes.
13:20Le Kremlin refuse de confirmer. Pourquoi ?
13:22Parce que c'est ridicule.
13:23Parce que le pouvoir russe a capitulé en race campagne.
13:27Et s'il ne l'a pas fait par duplicité,
13:29ce dont on peut d'ailleurs se douter,
13:31parce qu'il a déjà été duplice avec notamment l'allié arménien en 2020,
13:35face à l'Azerbaïdjan, et avec d'autres alliés.
13:37Si ce n'est pas ça, c'est son incapacité militaire
13:40à lancer une expédition, somme toute, assez mineure,
13:43face à des rebelles qui, quand même,
13:45ne correspondent pas à la grande armée de Bonaparte en 1812.
13:48Donc, on est là, d'une façon ou d'une autre,
13:51chez un régime qui perd, et de manière piteuse,
13:54le seul et unique allié militaire de la région
13:57que l'URSS, déjà, avait depuis 1959.
14:01Et donc, de ce point de vue-là, je pense que l'écran de fumée
14:04qui a déjà accompagné hier, d'ailleurs,
14:06le vol de Bachar al-Assad, quand même,
14:08puisque les Russes nous ont fait croire que, finalement,
14:10un vol s'était scratché en Méditerranée,
14:12que ça pouvait très bien être le sien,
14:14nous a laissé croire qu'il allait en Iran.
14:16Tout ça, ça ressemble pas mal, en fait,
14:18aux techniques de propagande russes.
14:20Frédéric Pichon, la Syrie était, jusqu'alors,
14:22considérée comme un protectorat de l'Iran et de la Russie.
14:25Pourquoi ces deux pays l'ont-ils lâché ?
14:27Alors, l'Iran, c'est assez simple.
14:30Ce sont les coups très durs qu'il a reçus en Syrie
14:33du fait de la guerre de Gaza et des interventions israéliennes.
14:36Et pour ce qui est de la Russie,
14:38je pense qu'il y a quand même un deal avec l'Ukraine.
14:40Je pense que ce retrait rapide de la Russie
14:43a une contrepartie, et je pense que c'est
14:46du côté de l'Ukraine qu'il faudra regarder
14:48dans les semaines qui viennent.
14:50Myriam Benra, des bases militaires russes
14:52sont installées sur le sol syrien.
14:54Personne, visiblement, n'a bougé, là aussi,
14:56j'ai envie de vous dire, mais pourquoi ?
14:58Oui, enfin, moi je pense quand même
15:00qu'il y a un certain pragmatisme
15:03chez Poutine qui n'est pas intervenu
15:07parce qu'il a bien compris
15:09que le régime était aux abois
15:11et que même un réinvestissement militaire
15:13sur le terrain syrien, qui n'aurait dans tous les cas
15:15pas été équivalent à celui
15:17qui avait prévalu en 2015
15:19lorsque la Syrie s'était lourdement engagée
15:21sur le plan militaire en Syrie
15:23et avait sauvé une première fois le régime,
15:25Moscou, je pense, savait que ce n'était plus possible,
15:27a pris acte, en fait,
15:29de l'avancée fulgurante
15:31de ces insurgés,
15:33du changement de régime en Syrie,
15:35et va essayer, à mon avis aujourd'hui,
15:37de négocier la préservation de ses intérêts
15:39dans une optique, en effet, d'affaiblissement
15:41par ailleurs de la Russie
15:43sur le plan géopolitique
15:45à cause du front ukrainien
15:47et puis parce que, en effet,
15:49on voit les vents tourner au Moyen-Orient,
15:51pas nécessairement dans le sens de l'Iran,
15:53de la Russie, de cet axe anti-occidental
15:55qui s'était formé.
15:57On ne peut pas dire que c'est un échec pour Vladimir Poutine,
15:59tout simplement, Frédéric Ancel ?
16:01Non, mais c'est très clairement, me semble-t-il,
16:03un échec. Il fait la démonstration
16:05qu'après les très graves difficultés
16:07qu'on enregistre depuis maintenant presque trois ans
16:09en Ukraine, et c'est le moins qu'on puisse dire,
16:11il n'est, je le maintiens, je le répète,
16:13de soutenir un allié.
16:15En 2015, lorsque les Soukhoï
16:17et les MiGs russes ont attaqué,
16:19ont frappé notamment Alep,
16:21permettant in extremis, je le disais tout à l'heure,
16:23à l'armée d'Assad de tenir,
16:25il y avait une quarantaine de chasseurs-bombardiers
16:27dans la base aérienne
16:29qui se trouve près de Tartus,
16:31en Syrie.
16:33Aujourd'hui, il y a quelques jours, il n'y en avait à priori
16:35qu'une dizaine, dont une partie seulement
16:37s'est engagée,
16:39ce qui signifie qu'on ne sait même pas si
16:41techniquement et militairement parlant, au sens le plus
16:43strict du terme, ces avions pouvaient être
16:45efficaces. Tout ça n'est pas très sérieux, par ailleurs
16:47il n'y avait pas de commando, puisque les commandos,
16:49alors ils étaient là en 2015-2016, là manifestement
16:51ils sont en train de crapahuter en Ukraine.
16:53Donc c'est quand même pour une grande puissance militaire
16:55un revers tout à fait sévère.
16:57Donc d'offrandes ne peuvent pas être tenues par la Russie en ce moment,
16:59en dépit de la peur qu'elle suscite.
17:01Le problème c'est que ça ne correspond pas
17:03aux critères objectifs d'une grande puissance militaire.
17:05Frédéric Pichon, comment a réagi l'Iran
17:07à la chute du régime syrien ?
17:09De manière
17:11confiante, comme d'habitude,
17:13en disant que les choses allaient s'arranger, mais
17:15c'est quand même un coup très très dur.
17:17C'est-à-dire, si vous voulez, cette capacité
17:19que par le territoire syrien,
17:21l'Iran avait de rejoindre
17:23la Méditerranée en fait, de contourner
17:25Suez et puis de prendre à revers
17:27son objectif qui est Israël
17:29est complètement
17:31remis en cause.
17:35Le discours des molas, il ne faut pas le prendre
17:37de la lettre, je pense.
17:39L'Iran peut-il avoir
17:41peur d'une révolte similaire dans son pays ?
17:43Une sorte d'effet domino ? Est-ce que ça fait partie des questions
17:45qu'on peut se poser à Téhéran,
17:47Frédéric Ancel ?
17:48Oui, toute chose égale par ailleurs qu'on se souvienne du printemps arabe.
17:50Ça a été un effet domino. Alors évidemment, c'était dans
17:52une sphère culturelle particulière,
17:54donc la sphère arabe, mais après tout,
17:56les interactions sont tellement importantes
17:58entre l'Iran d'une part et
18:00la partie orientale du monde arabe,
18:02le Mashrek en fait, d'autre part, je pense notamment
18:04à l'Irak, qu'on peut s'y attendre.
18:06Simplement, ce ne serait pas nouveau, je veux dire par là
18:08que dès les années 2000, vous avez
18:10l'additionnement de manifestations
18:12et parfois de grèves extrêmement dures,
18:14souvent réprimées, on le sait parfaitement,
18:16pas seulement pour des questions idéologiques.
18:18La population iranienne
18:20mange mal, se soigne
18:22mal, se chauffe mal, vit
18:24mal. Alors c'est vrai du fait des sanctions
18:26internationales, mais c'est vrai aussi à cause de
18:28l'impéricie et de la haute corruption du
18:30pouvoir en place.
18:32Est-ce qu'il y a une, comment dirais-je,
18:34une protestation de
18:36la population iranienne, Myriam
18:38Banrad, est-ce qu'elle arrive à s'exprimer et à se faire
18:40entendre d'une quelconque façon ?
18:42Oui, il y a eu tout un
18:44cycle de protestations en Iran
18:46qui ont d'ailleurs
18:48émané de différents segments de la population
18:50iranienne. Les dernières sont
18:52évidemment les manifestations,
18:54la colère des femmes,
18:56on a vu apparaître un
18:58mouvement féministe, alors bon, avec une répression
19:00qui s'est systématiquement abattue
19:02sur elle. Auparavant, on a eu
19:04une forme de
19:06soulèvement de classe
19:08en Iran qui fait écho à ce qui vient
19:10d'être dit, les inégalités de vie, les
19:12injustices sociales, le sentiment d'être
19:14écrasé par le régime.
19:16Mais au-delà de ça, on ne voit pas
19:18pour autant de déstabilisation
19:20majeure de
19:22cette république islamique pour l'heure.
19:24Alors quel est le vrai pouvoir éventuel des
19:26islamistes, désormais au pouvoir en Syrie ?
19:28On va en débattre dans un instant.
19:30...
19:32...
19:34...
19:36...
19:38Après la chute d'Assad,
19:40la Syrie peut-elle basculer en un
19:42état islamiste ? Ce sont les questions qu'on se pose,
19:44notamment dans Refait le Monde ce soir, avec
19:46Myriam Benraad, qui est politologue spécialiste
19:48du monde arabe, Frédéric Pichon, docteur en
19:50histoire et spécialiste de la Syrie, et Frédéric Ancel,
19:52docteur en géopolitique, professeur à
19:54Sciences Po Paris. Alors la grande question qui
19:56se pose au lendemain de la chute du président Assad
19:58l'influence des islamistes au pouvoir
20:00en Syrie. Et parmi eux, un groupe
20:02semble dominer, Hayat Tahrir al-Sham,
20:04excusez-moi pour la prononciation,
20:06ou HTS. Qui sont-ils et d'ailleurs
20:08qu'est-ce que ça veut dire Frédéric Pichon ?
20:10Alors
20:12Hayat Tahrir al-Sham, ça veut dire
20:14la brigade de libération
20:16du Cham. Alors le Cham, c'est
20:18le pays de Cham, c'est la Syrie, mais
20:20ça pourrait être aussi étendu à une
20:22grande partie du Proche-Orient.
20:24Donc il y a déjà une ambiguïté sur le nom.
20:26Ce qui est sûr, c'est que HTS a
20:28rompu avec l'État islamique,
20:30ça a même été un ennemi
20:32déterminé de l'État islamique, y compris
20:34Haïd-Leib, quand l'État islamique a essayé
20:36de s'implanter.
20:38Pour le moment, Jolani a l'air
20:40de donner des gages. J'ai vu encore aujourd'hui
20:42des réunions entre
20:44le futur ministre de la Justice et l'ancien ministre
20:46de la Justice du régime Assad, etc. Donc vraiment
20:48c'est quelque chose qui apparemment
20:50paraît devoir rassurer
20:52à la fois les Syriens, peut-être les minorités
20:54et peut-être aussi
20:56au niveau international,
20:58les bailleurs de fonds qui
21:00vont être incités à revenir. Je signale que
21:02la Syrie est
21:04complètement détruite. La Banque mondiale,
21:06il y a quelques années, avait estimé à 400 milliards
21:08les fonds qui seraient nécessaires
21:10à sa reconstruction. Donc je pense que pour le moment
21:12ils ont intérêt à montrer un visage
21:14tout à fait
21:16présentable, on va dire.
21:18Frédéric Ancel, on parle d'un groupuscule, d'une
21:20milice, d'une armée. Qui la compose ?
21:22C'est tout ça à la fois. En fait, c'est une coalition
21:24de différents groupes, de différents groupuscules également.
21:26Pour l'essentiel, je suis tout à fait d'accord
21:28avec ce qui a été dit. Pour l'essentiel, on a affaire quand même
21:30à d'anciens djihadistes qui se sont battus
21:32notamment en Irak au milieu des
21:34années 2010, avec des groupes
21:36qui sont ultra-conservateurs, que nous, nous qualifierions
21:38d'islamistes. Et même
21:40d'ailleurs aussi une milice nationaliste plutôt
21:42pro-turc, en réalité, qui ne s'inscrit
21:44pas dans le djihad. Alors un,
21:46le fameux Al Jolani, il va être obligé de composer
21:48avec tout ça, parce qu'en interne, c'est absolument pas
21:50c'est pas fait. Deux,
21:52je rebondis là aussi sur ce qui a été dit, il est
21:54considéré comme un traître et maintenant comme un ennemi
21:56par Al-Qaïda, qui dirige encore
21:58un certain nombre de poches à l'ouest de l'Irak
22:00et à l'est de la Syrie. On l'a bien vu parce que
22:02les Américains ont effectué
22:04des frappes l'année dernière contre
22:06ces poches de djihadistes. Et enfin,
22:08il arrive dans un pays qui est
22:10aujourd'hui plus pauvre et plus détruit
22:12que le pays qu'a conquis
22:14Hafez al-Assad en 1970, donc le
22:16père de Bachar. Ça veut dire qu'on est revenu plus de
22:1850 ans en arrière et aujourd'hui, c'est
22:20objectivement l'un des pays les plus pauvres du monde. Alors si
22:22Al Jolani veut faire le mariole
22:24et la jouer al-Baghdadi
22:26façon Daesh dans les années
22:282014-2015, je lui souhaite bon courage.
22:30Si j'étais lui, je ferais assaut de
22:32pragmatisme. C'est ce qu'il semble,
22:34je dis bien, c'est ce qu'il semble tenter de faire
22:36aujourd'hui. Alors, il y a des djihadistes français
22:38au sein de HTS sur la route de Damas.
22:40Ils se sont filmés en passant
22:42devant une église et ont publié la vidéo
22:44sur les réseaux sociaux. On les écoute.
22:48Même les chrétiens, ils s'élèvent.
22:50Tous ensemble, alhamdoulilah.
22:52Jour de dimanche,
22:54jour de messe. Pas le temps
22:56d'aller à la messe. Les moujahidines, ils viennent
22:58d'entrer dans le village.
23:00Frédéric Pichon,
23:02sait-on combien de djihadistes
23:04français sont encore en Syrie ?
23:06Alors, je crois que les estimations
23:08tournent autour de quelques dizaines.
23:10C'est pas quelque chose d'énorme.
23:12Je pense surtout que ça va être les premiers groupes
23:14du fait justement de ce que disait Frédéric Ancel,
23:16c'est-à-dire des gages
23:18de modération que
23:20Joulani va devoir montrer. Je pense que c'est les premiers
23:22qui feront les frais du nettoyage
23:24ou de l'épuration qui va se faire
23:26au sein des rangs de Hayat al-Ilasham.
23:28Ce ne sont pas des gens considérés comme étant
23:30très sérieux, très fiables.
23:32Je pense qu'ils ont plutôt du souci à se faire
23:34dans des places, évidemment,
23:36à ces jeunes gens-là
23:38qu'on a entendus
23:40à l'instant et qui
23:42vraisemblablement ne connaissent rien
23:44à la réalité syrienne. En fait, c'est un mouvement
23:46nationaliste aussi
23:48à HTS et j'ai peur que
23:50ces étrangers-là, de même que les Ouïghours
23:52parce que vous avez aussi des groupes de Ouïghours
23:54qui ont combattu aux côtés d'HTS,
23:56je pense que ceux-là, ou des Tchétchènes
23:58aussi, je pense que ceux-là vont devoir
24:00rentrer assez vite à la maison.
24:02Myriam Ben Raad, comment HTS, donc la nouvelle force
24:04au pouvoir, entend gouverner la Syrie ?
24:06On en a la moindre idée ?
24:08Je pense que ce qui transparaît
24:10quand même dans ces échanges, c'est
24:12la détermination des termes nationalistes,
24:14islamistes, djihadistes.
24:16En réalité, on a bien vu que Joulani
24:18essaie de maintenir une grande
24:20ambivalence, une grande abstraction
24:22au niveau de la nature de ce mouvement,
24:24au niveau de la nature de ses intentions,
24:26de ses motivations. D'ailleurs, quand même,
24:28je voudrais attirer l'attention sur cette
24:30interview exclusive qu'il a accordée
24:32à CNN, dans laquelle
24:34il se présente comme un rebelle
24:36générique. Enfin, ça ne veut pas dire grand-chose.
24:38Et tout de même, attention,
24:40il y a eu syrianisation, il est vrai,
24:42de la lutte armée, mais on reste dans le registre
24:44du djihad, y compris
24:46ces miliciens adossés à la Turquie
24:48qui sont très rigoristes,
24:50qui adhèrent tout de même à une certaine idéologie.
24:52Et un dernier point important,
24:54il y a eu des luttes fratricides
24:56entre djihadistes, c'est vrai, mais moi,
24:58ce que j'ai vu, pour ma part, au cours des derniers jours,
25:00c'est ces mouvances internationalistes
25:02acquises au djihad global
25:04qui acclament la prise du pouvoir
25:06par un mouvement djihadiste à Damas, donc c'est quand même
25:08une source d'inquiétude très grande.
25:10Mais, à la lumière de ce que l'on voit
25:12et des acteurs que l'on découvre en ce moment,
25:14le pays va être
25:16enfin, dirigé
25:18de façon démocratique ou avec la charia,
25:20c'est-à-dire la loi islamique, selon vous, Myriam El-Rahad ?
25:22Comme en Afghanistan ?
25:24Ecoutez-moi, ce que j'ai dit à plusieurs reprises,
25:26c'est qu'ils ont pris le pouvoir par les armes. Il n'y a pas eu de
25:28consultation populaire pour demander
25:30aux gens, d'ailleurs,
25:32ils voulaient qu'on renverse le régime d'Assad
25:34parce que la population, en réalité,
25:36était très divisée entre ceux qui
25:38s'accommodaient finalement assez bien
25:40du régime et ne voulaient pas, justement,
25:42de l'arrivée des islamistes. On l'a entendu
25:44dans le témoignage de votre invité syrien.
25:46Donc, je ne vois pas comment, à partir
25:48de là, on peut enclencher
25:50une dynamique démocratique, à moins
25:52qu'ils organisent très rapidement une élection
25:54et qu'en effet, ils consultent le peuple
25:56au sens large pour savoir
25:58ce que le peuple veut, ce qui sera
26:00très compliqué parce qu'on a des millions de Syriens
26:02déplacés ou à l'étranger aujourd'hui.
26:04La transition en douceur, c'est un rêve ?
26:06Malheureusement, je crains
26:08que ce soit un rêve,
26:10d'autant plus que les dernières élections qui ont eu lieu
26:12en Syrie, car il y en avait régulièrement,
26:14ont donné 99,98%
26:16de scrutins
26:18de suffrages exprimés
26:20en faveur de Bachar al-Assad. Donc, je vous laisse apprécier
26:22le niveau de démocratie
26:24qui s'est appliqué en Syrie, mais malheureusement,
26:26on peut remonter plus loin parce que je disais que
26:28Hafez al-Assad, le père de Bachar, est arrivé au pouvoir
26:30par un coup d'État en 70,
26:32mais c'était une révolution de palais et un coup d'État
26:34face à un régime qui lui-même, jusqu'à présent,
26:36de toute façon, n'avait jamais été démocratique
26:38depuis l'indépendance de la Syrie en 45.
26:40Donc non, là-dessus, je pense qu'il faut être extrêmement
26:42vigilant
26:44et circonspect.
26:46Pour l'instant, c'est
26:48toujours moins pire, comme disait
26:50l'autre, que Assad. Je rappelle
26:52quand même que le pouvoir d'Al-Assad a constitué,
26:54qu'on le veuille ou pas, un terreau
26:56favorable à différents types de
26:58rébellions, islamistes ou autres, d'ailleurs,
27:00tellement il a été cruel
27:02pendant tellement longtemps. Et ça, on ne peut pas le nier.
27:04La minorité chrétienne en Syrie
27:06doit-elle s'inquiéter ? On en débat dans un instant.
27:18Avec Myriam Benrad, politologue,
27:20Frédéric Pichon, docteur en histoire et Frédéric Ancel,
27:22docteur en géopolitique,
27:24est-ce qu'il faut s'inquiéter pour la
27:26communauté chrétienne aujourd'hui
27:28dans le pays,
27:30enfin, en Syrie ?
27:32Est-ce qu'ils peuvent être
27:34des martyrs ? Oui, la réponse est oui,
27:36mais pas davantage, je crois, que d'autres
27:38communautés. Je pense, tout à l'heure, j'évoquais les
27:40Russes, qui ne sont pas considérés comme de véritables musulmans.
27:42Tout de même, par les islamistes sunnites
27:44radicaux, les Kurdes, dans une
27:46moindre mesure, parce qu'eux, de toute façon, ils
27:48disposent d'un territoire autonome. Mais si
27:50un jour, ils passaient par
27:52la tête de M. Al-Jolani
27:54ou d'autres, parmi ces co-coalisés,
27:56de s'emparer de la région kurde,
27:58ça pourrait être extrêmement violent, comme ça l'a été
28:00dans la région, de manière générale. Je pense aussi,
28:02peut-être dans une moindre mesure, aux
28:04arméniens, qui ne sont pas considérés comme des chrétiens
28:06comme les autres. Et puis, bien sûr, les halaouites. Alors,
28:08peut-être davantage encore les halaouites que les chrétiens,
28:10parce que, pour le coup, là, on a affaire à
28:12des gens qui, non seulement, ne sont pas considérés comme de
28:14véritables musulmans, mais qui, évidemment,
28:16sont au pouvoir, ont été au pouvoir pendant
28:1854 ans et
28:20en soutenant massivement
28:22le père et le fils Assad. Frédéric Pichon,
28:24est-ce qu'il y a des raisons de s'inquiéter pour la communauté
28:26chrétienne ?
28:28Alors, c'est, à vrai dire, pas
28:30tout à fait nouveau, parce que l'émigration chrétienne
28:32depuis une dizaine d'années a été massive.
28:34Il faut bien le dire aussi,
28:36les chrétiens ont une propension plus grande que
28:38les autres minorités à émigrer,
28:40dans la mesure où ils sont souvent
28:42francophones ou anglophones.
28:44Ils ont des réseaux, déjà, diasporiques
28:46répandus à l'étranger, ce qui n'est pas le cas des halaouites.
28:48Par exemple, les halaouites, ils n'ont que la Syrie.
28:50On n'en trouve que en Syrie. Et
28:52ils sont déjà assez massivement partis.
28:54Moi, j'ai eu pas mal de gens au téléphone
28:56ce week-end, des chrétiens,
28:58qui m'ont dit
29:00« Oui, on est plutôt rassurés par les gages
29:02que donne Jolanie, mais, vous savez,
29:04on sait très bien ce que ça signifie
29:06l'arrivée de sunnites radicaux
29:08au pouvoir à Damas.
29:10Ça veut dire qu'on va redevenir des dhimmis. »
29:12C'est-à-dire que,
29:14si vous voulez, il y a
29:16un peu dans le cerveau reptilien des communautés chrétiennes
29:18cette crainte
29:20toujours d'être considérées
29:22comme des citoyens de seconde zone, comme ils l'étaient
29:24sous l'Empire ottoman,
29:26et comme, évidemment,
29:28ils ont peur de le redevenir.
29:30Là aussi, les réseaux diasporiques joueront
29:32et partiront. Et puis, comme ça a été souligné,
29:34il faut bien voir que les chrétiens
29:36n'ont pas de réduit territorial. Il n'y a pas de
29:38région spécifiquement chrétienne sur laquelle
29:40se replier
29:42en Syrie. Les chrétiens sont dispersés.
29:44C'est une population urbaine.
29:46Il y a quelques villages chrétiens
29:48dans la montagne et alentour dans le
29:50Kalamoun, notamment. Mais
29:52les chrétiens n'ont pas d'unité territoriale.
29:54Donc, je pense que, pour eux,
29:56ils vont naturellement prendre
29:58la voie de l'exil via le Liban
30:00dans un premier temps. Et puis, tout ça finira
30:02au Canada
30:04et peut-être aussi en France,
30:06où les réseaux sont également assez
30:08importants.
30:09Quelles conséquences pour la région ? Nous sommes en ligne
30:11avec notre correspondante en Israël,
30:13Betsabé Salem. Bonsoir, Betsabé.
30:15Comment la nouvelle de la chute de Bachar al-Assad
30:17a-t-elle été accueillie en Israël ?
30:19Est-ce que c'est perçu comme une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
30:21Bonsoir.
30:23C'est vraiment la question que les gens
30:25se posent ici. Est-ce que c'est une bonne
30:27ou une mauvaise chose ? A priori,
30:29les Israéliens sont
30:31très enthousiastes. D'abord, c'est une victoire
30:33sur l'Iran, bien sûr,
30:35et sa présence
30:37en Syrie. Il ne faut pas oublier
30:39qu'il y a aussi beaucoup d'Israéliens qui sont
30:41originaires de Syrie aussi. Donc, ils saluent
30:43la chute du régime de Bachar al-Assad.
30:45Et puis, surtout, pour les Israéliens,
30:47c'est l'opportunité de vivre
30:49en paix, finalement, avec ce
30:51nouveau voisin. Beaucoup
30:53d'appréhension aussi, puisqu'on ne sait
30:55pas comment les rebelles vont
30:57agir. Est-ce qu'ils vont proposer
30:59une alliance avec Israël ou est-ce qu'ils vont, au contraire,
31:01essayer d'attaquer ? Il ne faut pas oublier qu'Israël est encore
31:03sous le traumatisme du 7 octobre
31:052023. Donc, ici,
31:07les Israéliens ont très, très peur qu'il y ait des
31:09tentatives d'infiltration sur
31:11le Golan. On a 90 kilomètres
31:13de frontière avec la Syrie en Israël.
31:15Est-ce que le Premier ministre israélien, M. Netanyahou,
31:17s'est exprimé sur le sujet ? Et si oui, qu'a-t-il dit ?
31:19Alors, il a parlé deux fois.
31:21Déjà, hier, il est allé sur place
31:23sur le Golan pour,
31:25entre autres, expliquer qu'il avait
31:27d'ailleurs, lui-même, contribué à cette
31:29chute du régime Assad
31:31en ayant frappé intensivement
31:33le Hezbollah et l'Iran.
31:35Ses propos,
31:37ce soir, il a parlé à nouveau, il y a à peine une heure,
31:39et ça reflète assez bien, justement, cette
31:41inconnue dans laquelle vivent les Israéliens aujourd'hui.
31:43Il a dit, d'un côté, je cite,
31:45« ceux qui nous attaquent perdent gros »
31:47et, quelques secondes plus tard, il a dit
31:49« on tend la main à ceux qui veulent la paix ».
31:51Donc, en gros, les Israéliens attendent de voir ce que
31:53les rebelles vont faire et, en fonction, agiront.
31:55Plus de 100 frappes
31:57israéliennes, semble-t-il, aujourd'hui.
31:59On l'apprend à l'instant par l'AFP.
32:01Effectivement. Alors, tout n'est pas officiel
32:03mais, selon les médias ici, il y aurait
32:05eu même 300 frappes
32:07en deux jours. Il y a moins d'une heure,
32:09le port de Latakie, au nord de la Syrie,
32:11a été visé. Sont visés, en fait,
32:13surtout des sites de
32:15missiles, de roquettes, d'armes
32:17chimiques, puisque, même si Bachar el-Assad
32:19n'est pas supposé en produire,
32:21à priori, il y avait aussi
32:23des usines d'armes chimiques. Donc, en fait, toutes ces
32:25armes qui sont dangereuses, si
32:27elles se retrouvent potentiellement dans des mains ennemies,
32:29Israël tente de les détruire
32:31au plus vite et ça pourrait continuer
32:33plusieurs jours, selon les médias ici.
32:35Merci infiniment, Betsa Besalem, correspondante d'Airtel
32:37en Israël. Myriam Benraad, s'il fallait
32:39essayer, en quelques mots, de résumer
32:41la situation ce soir, on en est où ?
32:43Écoutez,
32:45la Syrie reste un pays
32:47fragmenté, morcelé, meurtri,
32:49tout ça a été dit, dévasté par
32:5111 ans de guerre civile. On parle
32:53de transition, soyons quand même très
32:55pratiques, pragmatiques.
32:57Une transition, ça veut dire
32:59plus qu'un changement de pouvoir,
33:01ça veut dire des réformes sociales, des réformes économiques,
33:03un processus de reconstruction, en effet,
33:05évalué par les principaux bailleurs
33:07de fonds internationaux à des milliards de dollars.
33:09Donc, attendons de voir
33:11dans les prochaines semaines, les prochains mois,
33:13les premières mesures concrètes qui seront
33:15mises en œuvre par ce nouveau pouvoir.
33:17Frédéric Ancel ? Oui, je dirais
33:19ça m'arrive rarement, parce que je n'aime pas galvauder
33:21les termes, mais je crois qu'on a affaire à un vrai tournant
33:23multiscalaire, si vous voulez, à
33:25plusieurs échelles. D'abord, c'est la fin
33:27d'un régime, bien sûr, c'est la fin d'une dynastie,
33:29c'est la fin de la prépondérance
33:31d'une communauté en Syrie, donc
33:33les Alaouites, mais c'est aussi la fin du nationalisme
33:35arabe laïque du Parti Basse,
33:37créé en 1945, quand même.
33:39Alors, évidemment, il existe toujours,
33:41de fait, c'était déjà une coquille vide, mais n'empêche que
33:43le pouvoir d'Assad était le dernier
33:45à être au pouvoir. Le Parti Basse
33:47n'était plus au pouvoir nulle part, depuis la chute de Saddam Hussein
33:49en Irak. Et puis,
33:51enfin, c'est la fin du continuum
33:53pan-chiite, comme je l'appelle,
33:55c'est-à-dire ce fameux axe de la résistance, comme le disent
33:57les Iraniens, puisqu'aujourd'hui, entre
33:59l'Iran et le Hezbollah, qui se retrouvent totalement
34:01isolés au Liban, il y a une rupture
34:03et une rupture extrêmement virulente
34:05composée de gens, enfin, d'un territoire
34:07composé de gens extraordinairement anti-chiite.
34:09Donc, je vous dirais que, à plusieurs
34:11titres, je crois qu'on est en train
34:13d'assister à un véritable tournoi au Moyen-Orient.
34:15Merci infiniment de vos analyses
34:17les uns et les autres. Demain matin, à 7h40,
34:19c'est Olivier Christenne, le procureur national
34:21antiterroriste qui sera l'invité de la matinale
34:23d'RTL. Que sont devenus les Français
34:25djihadistes engagés en Syrie ? Peuvent-ils
34:27représenter une menace sur notre territoire ?
34:29Donc, rendez-vous à 7h40.