Quel scénario pour l'économie en 2025 ? Le gouverneur de la Banque de France, qui a été reçu par François Bayrou samedi, livre ses prévisions et appelle de ses vœux une stabilité politique. François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, est l'invité de Thomas Sotto.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 17 décembre 2024.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 17 décembre 2024.
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00:00RTL Matin
00:04Et tout de suite l'invité de RTL Matin, Thomas, vous recevez aujourd'hui François Villeroy de Gallos,
00:09et le gouverneur de la Banque de France.
00:10Bonjour et bienvenue sur RTL monsieur le gouverneur de la Banque de France.
00:12Bonjour Thomas Soto.
00:14Avec ce degré d'incertitude politique qui perdure dans le pays,
00:17est-ce que vous arrivez pour commencer à faire des prévisions, à nous dire où va la France ?
00:21Nous essayons au maximum à la Banque de France d'être réducteur d'incertitude,
00:25parce qu'elle est effectivement très grande.
00:27Et au fond, ce que nous voyons sur l'économie française, je dirais que c'est une certaine résilience.
00:32C'est-à-dire que l'économie française tient, avec une croissance qui est certes ralentie,
00:361,1% cette année, 0,9% l'an prochain.
00:40C'est quand même un peu moins bien que ce que vous espériez.
00:42Alors c'est moins bien parce que les incertitudes se sont accrues, effectivement,
00:45dans l'environnement national, on va sans doute en parler, et international.
00:49Mais puisque j'employais un R avec résilience, je dirais que c'est par opposition à deux autres R.
00:55Ce n'est pas encore la reprise qu'on espérait, et c'est vrai qu'elle est un peu différée à 2026.
01:01Ce n'est pas non plus la récession que certains craignent ou qu'on voit en Allemagne.
01:06Alors après, il y a des risques autour de cette prévision.
01:09Vous écartez les risques de récession pour l'année prochaine ?
01:11Aujourd'hui, nous ne voyons pas de récession pour l'économie française l'an prochain.
01:15Souvenez-vous, c'était d'ailleurs une très grande crainte il y a deux ans,
01:17quand on avait la poussée d'inflation, au passage.
01:20Alors là, on a une bonne nouvelle qui, elle, est certaine, c'est la victoire contre l'inflation.
01:24C'est gagné ? C'est pour l'année prochaine ?
01:27Disons que c'est très proche, et c'est quasiment assuré.
01:31Notre objectif, Thomas Soto, c'est 2% d'inflation.
01:34On est un peu au-dessus de ça en zone euro, c'est 2,3.
01:37Et un peu en dessous en France, c'est 1,7.
01:40Et nous voyons une inflation en dessous de 2% pour les trois années qui viennent en France.
01:44Donc ça, ça a deux conséquences positives.
01:46La première, c'est que ça veut dire du pouvoir d'achat.
01:48Parce que depuis le début de l'année, les salaires progressent plus vite que les prix en moyenne en France.
01:52Et la seconde, c'est que ça va nous permettre de continuer à baisser nos taux d'intérêt.
01:56Ça, c'est bon pour l'activité.
01:57Qu'est-ce qui va baisser en termes d'inflation ?
01:59Quand on va faire nos courses, on va le sentir ?
02:01Quand on va acheter des voitures, c'est quoi ?
02:03Je vais vous prendre un exemple qui a beaucoup touché les Français l'an dernier, en 2023.
02:07C'est l'alimentation.
02:08Aujourd'hui, le niveau des prix est plus élevé qu'il y a trois ans.
02:12Mais heureusement, il y a des revenus, les retraites, le SMIC, etc.
02:16Et les salaires qui ont augmenté.
02:18Par contre, aujourd'hui, cette année, il n'y a plus de hausse supplémentaire de l'alimentation.
02:24Et puis, on regarde sur les services où on voit un freinage aussi de l'inflation.
02:28Je vous entends, je vous trouve plutôt optimiste ?
02:31Non, je crois que ce n'est pas une question d'optimisme.
02:33C'est d'essayer de regarder le plus lucidement possible ce qui se passe dans l'économie française.
02:39Alors après, on a beaucoup de maladies à traiter.
02:42On est sorti de la maladie aiguë qu'était l'inflation.
02:45On retrouve une maladie chronique.
02:47Hélas, depuis longtemps de l'économie française, c'est les finances publiques.
02:50Il faut qu'on s'occupe du budget.
02:52Et puis, il faut, et là je rebondis sur ce que François Lenglet disait à l'instant,
02:55il faut que l'Europe collectivement se mobilise pour préparer l'avenir et pour booster sa croissance.
03:00Notamment face au défi américain qui va s'accroître.
03:03Une des maladies dont on souffre beaucoup, c'est la dette.
03:05Je ne sais pas si vous avez vu ce matin le sondage RTL publié avec BVA,
03:08mais la dette est à la troisième place désormais des préoccupations des Français.
03:12Vous êtes comme eux, elle vous affole littéralement, notre dette ?
03:14Elle ne m'affole pas, mais je crois qu'il faut se mobiliser pour corriger les choses sur la dette.
03:19Moi, j'ai parlé ce matin d'un risque d'enfoncement progressif de notre pays,
03:24si on ne traitait pas le problème budgétaire.
03:26Ça veut dire quoi l'enfoncement ?
03:27Oui, cette expression, elle n'est d'ailleurs pas que de moi,
03:29c'est Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes, qui l'a employé le premier.
03:33L'enfoncement, ça veut dire une espèce de déclin de la France par rapport au reste de l'Europe.
03:37Quand vous regardez nos taux d'intérêt, la signature de la France, le crédit qu'on lui accorde,
03:43il y a six mois, nous étions plus proches de l'Allemagne et assez éloignés de l'Italie.
03:49Aujourd'hui, c'est l'inverse.
03:50On s'est éloignés de l'Allemagne et on s'est rapprochés de l'Italie.
03:52Ce qui n'est pas une bonne nouvelle.
03:53Ce qui n'est pas une bonne nouvelle.
03:55Ça veut dire aussi, et on a été dépassés par l'Espagne, le Portugal, etc.
03:59Ça veut dire aussi, Thomas Soto, si je regarde des choses plus internes,
04:04que cette dette, elle nous coûte de plus en plus cher.
04:06Chaque année, on a intérêt à payer.
04:07L'année prochaine, pour la première fois, les intérêts de la dette,
04:10qui sont une dépense héritée du passé, va dépasser la dépense d'avenir par excellence,
04:14c'est le budget de l'éducation nationale, la formation de nos enfants.
04:17On dépensera plus d'argent pour rembourser les intérêts de la dette
04:20que pour s'occuper de nos profs et des écoles.
04:23Et ça, il faut qu'on le fasse, évidemment.
04:24Sinon, plus personne ne nous prêtera que pour pouvoir investir dans l'avenir de nos enfants.
04:29Et puis, on transmet d'ailleurs aux générations futures une dette de plus en plus lourde.
04:34C'est, en gros, on va le dire très simplement, notre pays vit aujourd'hui au-dessus de ses moyens.
04:40Et donc, on paye nos dépenses quotidiennes, courantes,
04:44au détriment des générations futures.
04:46On leur lègue la facture.
04:47Ça, ça manque gravement à la solidarité entre générations.
04:50On vit au-dessus de nos moyens et on n'a pas de budget pour l'année prochaine.
04:52Bon, il y a quand même une loi spéciale qui a été adoptée à l'unanimité hier à l'Assemblée nationale.
04:57Elle nous protège ? Elle nous sauve, cette loi spéciale ?
04:59La force n'est pas nue et sans budget ?
05:01C'est important, cette loi spéciale.
05:03Thomas Soto, elle a un mérite et en même temps, elle a deux limites.
05:06Elle a un mérite, c'est qu'elle évite l'arrêt du fonctionnement des services publics.
05:10Ce que les Américains risquent parfois.
05:13Alors, aux États-Unis, ça s'appelle le shutdown, la fermeture.
05:15Nous n'aurons pas ça.
05:17Mais elle a deux limites qui tiennent au fait que simplement, on reprend le niveau des dépenses,
05:23ce qu'on appelle les services votés, et puis le niveau des recettes, les impôts de l'année précédente.
05:27Les deux limites, c'est quoi ?
05:29La première, c'est que c'est à la fois trop de déficit et pas assez de crédit nouveau.
05:33Alors, vous allez me dire comment les deux sont possibles ?
05:35Trop de déficit, parce qu'en gros, on reproduirait, on ferait un tout petit peu moins que le déficit de l'année précédente,
05:42qui est en 2024 à 6,1.
05:44Mais ça, c'est beaucoup trop, et la dette continuera à augmenter.
05:47Je crois qu'il faut revenir vers un déficit entre 5 et 5,5, arrondi à 5.
05:51Vous dites que pour le budget 2025, il ne faudra pas qu'on dépasse 5, 5,5% de déficit ?
05:57C'est le gouvernement, le parlement, le débat démocratique qui en décidera.
06:01Mais je crois que ce qui est souhaitable pour la crédibilité de la France,
06:04pour éviter ce risque d'enfoncement progressif dont on parlait tout à l'heure,
06:08c'est d'être dans un budget arrondi à 5.
06:10M. Barnier avait dit 5,0.
06:12Ça lui a coûté la censure ? Ça l'a fait tomber ?
06:14Oui, mais moi je regrette, pardon de le dire, nos isanis politiques.
06:18C'est une question, M. Thomas Soto, d'intérêt national,
06:21qui doit dépasser les divers intérêts personnels ou partisans.
06:25François Villeroy de Gallo, tout le monde dit qu'il faut faire des économies.
06:27Et puis quand on dit au ministre de la Justice qu'il faut des économies,
06:29il dit, si c'est ça, je m'en vais.
06:30À tel autre ministre, il dit, moi je ne veux pas, etc.
06:32Au final, on se rend compte que l'enveloppe continue à gonfler des dépenses.
06:35Vous avez absolument raison, Thomas Soto.
06:37Il faut un effort juste et partagé.
06:39Il faut que, de façon raisonnable,
06:41et objectivement, quand je compare aux autres pays européens,
06:44la France dépense beaucoup plus sur nombre de sujets.
06:48Vous savez, moi je crois profondément au modèle européen
06:50de service public, de solidarité sociale.
06:53Nos voisins, ils arrivent à avoir à peu près le même résultat avec moins de dépenses.
06:56On regarde les meilleures pratiques, sujet par sujet,
06:59domaine par domaine, dans les autres pays.
07:01Sauf qu'il y a, si vous me permettez, une deuxième limite de la loi spéciale,
07:06quand je dis pas assez de crédit nouveau,
07:07c'est comme on reprend les services votés de l'année précédente,
07:10mais il y a des dépenses nouvelles qui sont apparues,
07:12la nouvelle Calédonie, les demandes des agriculteurs, etc.
07:15Donc, pour cette raison-là aussi, il faut un budget,
07:18mais il faut un budget qui commence le redressement budgétaire,
07:21je dis entre 5 et 5,5,
07:22puis il faut qu'on se fixe un cap,
07:24et le cap, c'est d'aller vers 3% de déficit en 2029.
07:27Pourquoi ces 3% ?
07:29Il se trouve que c'est des engagements européens,
07:31mais c'est surtout le chiffre qui nous permet enfin de stabiliser...
07:33Ça, c'est un peu la ligne d'horizon.
07:35Oui, mais je crois que c'est important d'avoir une ligne d'horizon
07:38et de se dire, on n'a pas besoin de tout faire d'un coup,
07:41mais il faut une première étape significative en 2025.
07:44François Villeroy de Gallo, monsieur le gouverneur de la Banque de France.
07:46Faire des économies, c'est bien,
07:48mais ça ne fait pas rentrer de l'argent dans les caisses tout de suite,
07:50c'est long, les dépenses de l'État.
07:52Est-ce que le mot « hausse d'impôts » vous fait dresser les poils sur la tête ?
07:55Non, non, je l'ai dit depuis plusieurs mois,
07:58je crois qu'il faut, en complément des économies de dépenses,
08:03il faut certaines hausses d'impôts ciblées.
08:06Alors pourquoi je dis ciblées ?
08:08Concrètement, vous pensez à quoi ? Qu'est-ce qui sera acceptable pour l'économie ?
08:10Ciblées, ça veut dire qu'il ne faut pas toucher ni les PME,
08:12ni l'ensemble des classes moyennes,
08:14qu'il y ait un effort exceptionnel dans les circonstances difficiles
08:17où nous sommes de certaines grandes entreprises
08:19ou de certains hauts revenus,
08:21je crois que c'est nécessaire, je crois d'ailleurs aussi que c'est juste.
08:24Il y a quelques niches fiscales à nettoyer peut-être ?
08:26Il peut y avoir des niches fiscales,
08:28ce n'est pas le travail de la Banque de France
08:30de faire le détail du redressement budgétaire,
08:32encore une fois c'est le débat.
08:34Vous avez vu François Bayrou samedi,
08:36il paraît qu'il vous aurait proposé Bercy.
08:38Oh, il ne faut pas toujours croire tout ce qu'on dit.
08:40Mais ça j'ai assez vécu pour prendre ça avec un peu de recul.
08:44J'ai vu effectivement le Premier ministre
08:46et nous avons parlé de la situation économique et budgétaire qui est sérieuse.
08:50Je souhaite d'ailleurs pour notre pays
08:52le succès au Premier ministre
08:54et je crois qu'il prend ces sujets au sérieux.
08:56En matière d'emploi, alors qu'on voit bien
08:58que les plans sociaux se multiplient,
09:00est-ce qu'on va, François Bayrou, vers une explosion du chômage ?
09:02Alors, on va vers une augmentation
09:04limitée du chômage.
09:06Ça, on a parlé d'une maladie
09:08que malheureusement on doit traiter, c'est les finances publiques.
09:10Il faut reconnaître les progrès aussi
09:12que nous avons faits dans l'économie française.
09:14Depuis 10 ans, on a fait beaucoup de progrès sur l'emploi.
09:16Rappelez-vous, il y a 10 ans,
09:18lors du précédent ralentissement économique,
09:20on était à plus de 10% de taux de chômage.
09:22Là, on est à 7,4% aujourd'hui et nous prévoyons
09:24qu'on va monter entre 7,5% et 8%.
09:26La France a créé plus de 2 millions d'emplois.
09:28Ça, c'est un vrai succès collectif depuis 10 ans.
09:30Une hausse du chômage mais pas d'explosion ?
09:32Une hausse limitée et temporaire du chômage
09:34parce qu'on prévoit qu'avec la reprise économique
09:36ensuite, on redescendra vers 7%.
09:38Pourquoi ? Parce qu'en face des plans sociaux
09:40qui sont évidemment difficiles, il continue
09:42à y avoir des créations d'emplois et des entreprises qui recrutent.
09:44Dans les enquêtes de Banque de France,
09:46il y a un tiers des entreprises qui nous disent encore
09:48qu'elles ont des difficultés de recrutement, donc qu'elles souhaitent recruter.
09:50Est-ce que vous savez combien elle va nous coûter
09:52au final, cette dissolution ? Est-ce que ça se chiffre, ça ?
09:54Ça ne se chiffre pas
09:56parce que ça dépend de nos choix collectifs
09:58et du débat.
10:00Ces prévisions ont été faites avant la dissolution ?
10:02Non, non, non. Les prévisions,
10:04elles ont été faites après la dissolution,
10:06elles ont été faites avant le vote de la censure.
10:08Alors,
10:10ça, c'est une question
10:12importante, c'est que nous
10:14disons que
10:16s'il y a
10:18un déficit budgétaire entre 5 et 5,5,
10:20ce qui est, encore une fois, à la fois
10:22souhaitable et possible, ça ne
10:24modifie pas notre prévision de croissance à 0,9.
10:26Pourquoi ? Parce que
10:28si, par hypothèse,
10:30on faisait un peu moins d'efforts budgétaires,
10:32d'habitude on dit que ça va stimuler l'activité,
10:34en fait non, parce que ça va
10:36augmenter l'incertitude des entreprises
10:38qui investiront moins, des ménages qui
10:40consommeront moins. Or, aujourd'hui,
10:42l'incertitude, notamment l'incertitude sur la dette,
10:44c'est le premier ennemi de notre croissance.
10:46François Villers-Loire de Gallo,
10:48quelques mots pour finir de la situation à Mayotte, où vous étiez
10:50fin août, vous avez des équipes sur place,
10:52comment la Banque de France peut-elle
10:54aider l'archipel à se relever ?
10:56Alors d'abord, effectivement, j'étais à Mayotte
10:58fin août, et je voudrais exprimer une profonde
11:00solidarité face à ce qui est un drame humain,
11:02c'est une île magnifique,
11:04c'est une île très jeune, la plus jeune de France
11:06en termes de population, il se trouve que j'y étais au moment de la rentrée
11:08scolaire, et nous avons des équipes
11:10là-bas à travers ce qu'on appelle l'IUDOM, l'Institut
11:12des Missions d'Outre-mer, qui
11:14sont totalement mobilisés, notre
11:16agence a été aussi endommagée
11:18évidemment par cette catastrophe,
11:20mais les équipes sont à pied d'oeuvre,
11:22l'agence rouvre aujourd'hui, et je veux
11:24le dire, nous allons procurer
11:26toutes les espèces, les billets nécessaires
11:28dès aujourd'hui, il n'y a pas
11:30de crainte de pénurie
11:32à Mayotte, mais je pense évidemment
11:34à la population qui souffre, et à tous ces services publics
11:36admirables là-bas, je les ai vus, qui sont
11:38très mobilisés.
11:40Merci beaucoup monsieur le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Gallaud, d'être venu ce matin sur RTL.