Introduire l’économie circulaire dans l’aménagement de bureaux, cela demande de repenser les modèles. Le partenariat entre Tertio, industriel de reconditionnement de sièges de bureau et Quadrilatère, spécialiste d’aménagement d’espaces tertiaires, illustre cette transformation du secteur. Guirec Le Gagne, président de Tertio et Romain Vergne, directeur mobilier de Quadrilatère, nous présentent leur activité.
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00:00On parle d'aménagement de bureaux, de reconditionnement dans notre débat avec Girek Le Gagne, bonjour.
00:12Bonjour.
00:13Vous êtes le président de Tertio et Romain Vergne, bonjour.
00:15Bonjour.
00:16Directeur mobilier chez Quadrilater. On va commencer par présenter vos entreprises respectives. Tertio, en quelques mots.
00:22Tertio, c'est un industriel du reconditionnement de sièges de bureaux.
00:25D'accord.
00:26On va chercher des sièges chez les utilisateurs, donc entreprises de toute taille, récupérer les sièges, les emmener dans notre usine,
00:33les démonter intégralement, reconditionner pièce par pièce et les remonter pour les relivrer dans un état proche du neuf,
00:39puisque état neuf n'est pas un terme autorisé légalement, donc à l'état proche du neuf, avec une garantie.
00:45Vous faites ça depuis combien de temps ?
00:46On fait ça depuis 9 ans.
00:47Depuis 9 ans. On y reviendra sur le modèle et sur à quel point vous avez modifié un peu les habitudes, on va dire, du secteur.
00:54Quadrilater, c'est quoi votre métier ?
00:56Alors, moi, directeur mobilier chez Quadrilater.
00:58Et vous êtes de l'entreprise.
00:59De l'entreprise, spécialiste de l'aménagement d'espaces tertiaires. On est basé à Paris.
01:03Et donc, on réalise des projets clés en main pour nos clients, global en conception, travaux.
01:07Et notre particularité réside dans le fait que nous avons une activité mobilier. Nous sommes distributeurs historiques mobiliers depuis 1989 maintenant.
01:14Et on a une équipe spécialisée dans l'accompagnement client, dans la sélection de mobilier pour leurs projets d'aménagement.
01:20Et donc, vous êtes partenaire en quelque sorte, c'est ça, Yann ?
01:23Tout à fait. En fait, la particularité de Tertio, c'est que nous n'intervenons qu'en indirect.
01:27C'est-à-dire qu'on n'intervient jamais auprès du client utilisateur. En gros, on ne le facture jamais.
01:32On passe toujours au travers d'un réseau de partenaires distributeurs, de partenaires revendeurs, dont Quadrilater, avec qui on travaille étroitement.
01:40Ça veut dire que vous avez ce partenariat avec Tertio, avec d'autres entreprises qui proposent un peu la même chose ?
01:47Ou alors, c'est finalement assez rare d'avoir un fournisseur de sièges reconditionnés ?
01:52Non. Alors effectivement, il y a plusieurs acteurs sur ce marché-là. Nous, le but, c'est de conseiller des clients.
01:58Et on s'entoure d'un écosystème de spécialistes dans l'aménagement de bureaux.
02:03Donc ça passe par, effectivement, Tertio qui reconditionne des fauteuils de travail et bien d'autres choses aussi.
02:08Mais aussi, on a d'autres acteurs qui le font pour des pièces beaucoup plus spécifiques, qui peuvent aller du canapé à des bureaux.
02:15Aujourd'hui, on a par exemple un fabricant de tissus qui recycle ces tissus en fabriquant des plateaux.
02:21Donc c'est aussi des choses intéressantes. Donc voilà, on a tout un écosystème qui nous permet de conseiller au mieux notre client.
02:25Et comment réagissent vos clients quand vous leur proposez des sièges ou plus généralement du mobilier reconditionné ?
02:30Est-ce qu'il y a encore du scepticisme ? Est-ce que c'est difficile ? J'imagine qu'il y a toutes sortes de réactions.
02:36Faut être clair. Mais est-ce que c'est plus facile de convaincre aujourd'hui qu'avant ?
02:39Beaucoup plus facile aujourd'hui. Là, depuis 3 ans, il y a une vraie démarche d'achat responsable de la part de nos entreprises, de la part de nos clients.
02:46Et donc c'est une solution qui vient tout naturellement au moment où on parle d'aménagement durable.
02:54Et lorsqu'on fait la conception, puisqu'on les accompagne aussi sur leur conception et leur programmation,
02:58et si on propose cette solution, c'est tout de suite bien perçu.
03:01Il y a quelques années de ça, c'était plutôt non, c'est un projet, c'est une nouvelle identité, on veut tout changer, etc.
03:07Maintenant, aujourd'hui, on veut vraiment réemployer des choses existantes.
03:09Il y avait des freins psychologiques ?
03:10Il y avait des freins psychologiques, oui. Et ça, depuis maintenant, depuis post-confinement, on en parle maintenant régulièrement,
03:15beaucoup de barrières se sont levées et on arrive beaucoup plus maintenant à orienter et à accompagner nos clients dans ce type de décision.
03:21Alors ça démarre comment ? Ça suppose quoi ? D'identifier les pièces défectueuses ? Je mets les mains dans le cambouis, là, un petit peu.
03:27On peut y aller. En fait, ça va demander de regarder le gisement, concrètement, le stock de sièges qui sont à refaire, de faire un audit.
03:35Puisqu'on est capable de refaire, aujourd'hui, beaucoup de pièces. C'est-à-dire que, pour vous donner un ordre d'idée, en fait, sans utilisation de pièces neuves,
03:41on a un taux de réemploi de 92%. Donc, c'est-à-dire sur 100 sièges que vous nous envoyez, sans utiliser de pièces neuves, le fait de les reconditionner une à une
03:49nous permet de ressortir 92 sièges en état. Donc, c'est de la réparation plus ou moins importante. Il n'y a pas de pièces neuves, à ce moment-là ?
03:56Non, à 92%, il n'y a pas de pièces neuves. Après, on peut arriver à 100% via, effectivement, un achat de pièces neuves en travaillant avec les fabricants.
04:03Il y a des sièges irrécupérables qui ont été maltraités par leurs utilisateurs ?
04:07Il y a des utilisateurs très créatifs, en termes de dégâts sur les sièges. Mais alors, irrécupérables, non, puisqu'un siège, ça reste un ensemble de pièces détachées.
04:15Donc, dans le pire des cas, un siège sera démonté. Et puis, les pièces seront réutilisées pour aller réparer d'autres sièges.
04:20Pour bien comprendre votre modèle économique, vous ne vendez pas directement. Il faut que les architectes d'intérieur ou les sociétés concordières d'intérieur
04:29s'approprient finalement la démarche pour que ça marche ?
04:32Oui, c'est fondamental. C'est fondamental parce que, si vous voulez, le réemploi, c'est quelque chose qui tranche littéralement avec l'historique du métier.
04:41Auparavant, le métier d'aménageur, c'est sur configurateur. Comme on peut acheter une voiture neuve, par exemple, on va choisir sa couleur de bureau,
04:48choisir les dimensions, choisir les armoires, etc., type d'ouverture. Sur les sièges séparés, on va choisir les options, les accoudoirs, etc.
04:55Sur la partie réemploi, là où ça change, c'est qu'on vend plus de l'opportunité, c'est-à-dire qu'on va proposer au client ce qui est disponible.
05:03Donc, pour que ça se fasse de manière cohérente et que les aménagements soient faits de manière cohérente, il faut impérativement que le réemploi soit proposé par les designers eux-mêmes.
05:12Donc, il faut que ce soit proposé par les aménageurs. Nous, c'est pour ça qu'on a choisi le modèle indirect.
05:16Ça nous permet de venir vraiment insérer le réemploi de manière logique dans un aménagement et de manière cohérente.
05:22— Comment ça fonctionnait avant que vous n'arriviez sur le marché ? C'est-à-dire que c'était pas dans la grille de lecture en quelque sorte ?
05:30— Le réemploi ?
05:31— Oui, le réemploi. C'était rarissime.
05:34— Voilà. Il a toujours plus ou moins existé, sauf que pendant toutes les années qui ont précédé, on va dire, quasiment le confinement, le réemploi,
05:43c'était fait un peu sous le manteau. C'était quelques acteurs qu'on appelait des brokers et qui faisaient de l'occasion mais sans redonner un coup de neuf, sans rien du tout.
05:51Et c'était vraiment une partie infime du marché, parce qu'il n'y avait pas réellement de demande.
05:56C'était vraiment l'opportunité de quelques acteurs microscopiques.
05:59Aujourd'hui, c'est ce que disait Romain, c'est qu'il y a un changement qui est fait.
06:02C'est qu'aujourd'hui, pour des questions d'engagement RSE, pour des questions d'idéologie, pour des questions d'actualité,
06:09il y a tout un tas de raisons qui font qu'aujourd'hui, les entreprises souhaitent du réemploi, y compris dans les appels d'offres.
06:13— Pour des questions de coût aussi, c'est beaucoup moins cher, un peu moins cher que du neuf ?
06:20— Sur la partie siège, puisque c'est ce qu'on connaît le mieux, nous, chez Tercio, ce qu'on peut constater,
06:25c'est que pour le client final, puisqu'on est en indirect, donc on n'a pas toujours la vue sur la facture finale,
06:30pour le client final, l'économie, elle est située entre 30 et 50 % par rapport au prix neuf.
06:35— Oui, c'est une économie importante. Et donc cet argument du coût, c'est un bon argument, j'imagine, pour vous ?
06:39— C'est un bon argument, et c'est aussi l'argument du délai. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, vous partez sur un achat neuf de mobilier,
06:45vous avez des délais qui sont presque incompréhensibles, puisque les industriels travaillent en flux tendu, vous n'avez plus de stock.
06:50Donc aujourd'hui, maintenant, proposer du réemploi du mobilier existant de nos clients et de faire un peu du nettoyage
06:57ou de changer les pièces effectueuses ou alors d'aller chercher un mobilier qui est déjà présent, qui a déjà été reconditionné,
07:02on réduit considérablement les temps d'approvisionnement. Donc c'est un vrai argument pour nos clients.
07:07— Oui. Et donc vous disiez entre 30 et 50 %, donc là, c'est pour les sièges. C'est vrai pour d'autres matériaux aussi ?
07:13— Bien sûr. On peut le faire pour les armoires. Aujourd'hui, on en parlait avec un autre acteur. Il y a un chiffre qui est assez hallucinant.
07:20Il y a plus de 600 000 armoires qui sont sur le marché de la seconde main. Vendre des armoires à un client aujourd'hui est presque une aberration.
07:28On pourrait les réutiliser, les remettre au goût du jour, faire quelques améliorations. Mais voilà. Donc c'est des choses qui peuvent fonctionner
07:33sur du métal, sur de la mélamine, sur d'autres choses comme ça.
07:37— Si on revient à l'époque pré-Covid, et je pense que c'est encore vrai aujourd'hui, le renouvellement, une entreprise qui veut renouveler son mobilier de bureau,
07:49c'est quoi ? C'était une source. C'est peut-être encore une source de gâchis très importante ? C'est-à-dire qu'on détruisait, on balançait à la neige, etc.
07:59— Oui, oui, complètement. Il y avait des mises en baine, effectivement. Il faut savoir que la plupart des mobiliers de nos clients repartaient directement dans les baines
08:07mises en place par un organisme aussi qui a été mis en place par l'État, qui est Valdélia. C'était tout simplement et purement de la mise en baine, excepté
08:14quelques mobiliers où quelques acteurs un peu regardants connaissent un peu la valeur des choses et arrivaient à les récupérer pour ensuite derrière
08:20le remettre sur le marché. Mais la plupart de ces mobiliers-là partaient directement en baine.
08:24— Le gâchis, Greg Logan, il existe encore un peu ? Parce que tout le secteur s'est pas mis au circulaire, vous voyez ce que je veux dire ? Il est reconditionné.
08:31— Aujourd'hui, en fait, le réemploi, c'est à peu près 3,5% du marché. Donc il y a encore largement à faire. Les estimations... Je disais une étude d'un organisme d'études.
08:44Je sais pas si je peux le citer, donc je vais... — Allez-y. — Oui, Xerfi, pour le coup, qui disait que d'ici 3, 5 ans, c'est 30% de part de marché du réemploi.
08:52Donc il y a encore énormément d'évolution à venir sur la partie réemploi. Et ça passe par la démocratisation, ça passe par l'insertion, comme je disais tout à l'heure, dans les projets.
09:01— On recevait dans l'émission, l'invité, c'était Brune Poirson, ancienne ministre, à qui on doit la loi AGEC anti-gaspi pour une économie circulaire.
09:10Votre secteur d'activité, il est concerné par cette loi ? — Pleinement. Pleinement, il est concerné par cette loi.
09:18Alors aujourd'hui, la loi AGEC concerne une partie un peu marginale, on va dire, des entreprises, enfin les organismes d'État. La vision plus large encore,
09:28parce que ça, c'est une directive franco-française, la loi AGEC. On a les directives CSRD qui viennent au niveau européen, où là, ça appuie encore plus sur le bouton.
09:38Donc la loi AGEC, oui, a mis une impulsion extrêmement positive sur le marché du réemploi, tout à fait.
09:44— Romain Verne, le fait d'intégrer finalement du mobilier reconditionné, c'est aussi bon pour la marque employeure ?
09:50Je me mets un peu à votre place quand vous vous retrouvez face à un client. — Complètement. Complètement, c'est bon pour la marque employeure,
09:55parce qu'il faut savoir qu'il y a une part aussi de – j'allais dire – sentiment vis-à-vis des collaborateurs sur du mobilier. Il y a un fonctionnement,
10:01il y a tout un fonctionnement interne de l'entreprise qui est lié à ce mobilier présent dans les locaux. Donc effectivement, remployer quelque chose...
10:11C'est aussi ça, le mobilier durable. C'est remployer des choses qui fonctionnent et qui est à l'image de l'entreprise. Changer pour changer n'a plus de sens.
10:17Donc effectivement, on a des clients de plus en plus qui nous disent qu'ils tiennent à leur aménagement, qu'ils tiennent à leur mobilier.
10:23Maintenant, aujourd'hui, notre travail, c'est de savoir comment, dans la conception, on peut rendre ce mobilier encore plus durable
10:29et comment il s'intègre mieux au bâtiment de demain. — Un dernier mot. Malheureusement, il reste 30 secondes pour parler
10:34de la dimension inclusive de votre entreprise, parce que c'est un aspect important du projet.
10:39— Voilà. La dimension inclusive, c'est même un aspect fondamental du projet Tertio. C'est que, concrètement, pour faire simple,
10:47le reconditionnement n'existait pas avant. Donc quand j'ai mis au point toutes les techniques pour le reconditionnement,
10:52je trouvais important dans cette démarche qui suivait à la partie reconditionnement des meubles, en fait, d'emmener aussi des gens
10:59qui en avaient besoin. Donc l'idée, c'était vraiment de bâtir un process qui permette à des gens sans aucune qualification, éloignés de l'emploi,
11:06de pouvoir se réinsérer dans la vie. Aujourd'hui, c'est quelque chose qu'on fait couramment. C'est-à-dire que tout le monde est formé
11:12dans l'entreprise et qu'on va encore plus loin en permettant à des associations humanitaires également de mettre un pied dans le métier
11:19et en travaillant également avec l'univers carcéral pour leur confier une partie des actions.
11:23— Merci beaucoup. À tous les deux et à bientôt sur The Smart for Change, notre rubrique Smart Ideas tout de suite.