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Le psychiatre David Gourion livre dans "Le Secret des ados heureux" (Odile Jacob) ses conseils aux parents d'adolescents pour les aider à mieux aborder cette période cruciale de la vie de leurs enfants.

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Transcription
00:00Chers parents, on est au milieu du guet. Déjà une semaine de vacances passées, il en reste une et parfois la cohabitation n'est pas simple.
00:06Par exemple, avec nos ados, vous savez ces grands machins qui sont certainement encore en train de dormir à cette heure-ci.
00:11Plus des bébés mais pas encore des adultes avec toutes les questions que cela pose et que l'on va poser au docteur David Gourion.
00:18Bonjour, vous êtes psychiatre, vous exercez en libéral à Paris, docteur en psychiatrie et en neurosciences.
00:24Vous signez cet ouvrage « Le secret des ados heureux » chez Odile Jacob. Ça existe, des ados heureux ?
00:30Absolument, absolument et je voulais en parler parce que quand on nous invite les psys, on a beaucoup parlé de santé mentale et c'est une bonne chose
00:37et parfois sous un angle quand même dramatique parce que beaucoup d'ados vont mal.
00:42Et moi je voulais prendre un autre axe qui était aussi le fait que certains vont bien, voire très bien.
00:47Et ça m'intéressait beaucoup parce que ça fait quand même 25 ans maintenant, je me fais vieux, je vois beaucoup d'adolescents dans ma pratique clinique.
00:54Et je me suis intéressé à ça, qu'est-ce qui fait qu'un adolescent va bien ?
00:57Un adolescent peut aller bien, ce n'est pas un oxymore, un ado qui va bien.
01:02Il peut aller bien et puis surtout, et je crois que c'est un des grands messages centraux de ce livre, il n'y a pas de fatalité.
01:09On peut aller très mal à 14 ans et puis si des choses sont mises en place, aller beaucoup mieux quelques mois après.
01:15Je crois que pour les ados et pour les parents qui nous écoutent, c'est très très important aussi de savoir qu'on n'est pas ancré dans une fatalité dont on ne sortirait pas
01:22parce que l'adolescence, c'est justement l'âge de tous les possibles.
01:25Le terme consacré, c'est la crise d'adolescence. Dans votre livre, vous ne parlez pas de crise, vous n'aimez pas ce mot ?
01:30Je ne sais pas ce que c'est la crise d'adolescence parce que la problématique de mal nommer les choses, c'est qu'on sort de fourre-tout dans lequel on voit arriver parfois,
01:40les parents nous parlent de crise d'ado et on voit arriver des ados qui sont dans des situations de crise psychotique aiguë avec des hallucinations, etc.
01:48Et d'autres nous signifient des crises terribles alors que leur ado exprimait un mal-être très temporaire et passager.
01:56Donc moi, je ne sais pas bien ce que c'est que la crise d'ado.
01:59Je sais ce que c'est qu'un adolescent qui peut être en crise psychotique ou qui peut être en crise anxieuse ou qui peut être en crise existentielle.
02:07Mais attention à ce terme réducteur qui risque parfois de banaliser des situations qui ne devraient pas l'être et à l'inverse de dramatiser.
02:15Et là aussi, c'était un peu l'objet de ce livre que de dire à partir de quand doit-on s'inquiéter, à partir de quand doit-on se rassurer, quand faut-il consulter aussi.
02:22Vous écrivez au début, à l'adresse des parents, « Mes pauvres, quelle chance ! ». C'est vraiment une chance.
02:28C'est vraiment ça et je pense que…
02:29« Mes pauvres quand même ! » Les parents entendront la première partie.
02:35J'ai une autre casquette qui est que je suis moi-même parent et je pense qu'on se dit ça plusieurs fois dans une même journée avec un ado.
02:41Pour traverser ces quelques années, vous dites que tout est dans le style et vous, vous prenez le style ferme et chaleureux.
02:47C'est quoi le style ferme et chaleureux ?
02:50Ça, c'est une vaste question qui est qu'est-ce que c'est qu'un style éducatif qui va permettre à un adolescent d'aller bien et d'être heureux ?
02:57En fait, il y a eu beaucoup d'études scientifiques sur le sujet.
02:59Vous savez, ça fait partie de la santé mentale, c'est le sujet où tout le monde a l'impression de savoir.
03:03Si on vous interroge sur l'immunologie, vous écoutez les experts.
03:06Mais la santé mentale, un ado qui va mal, tout le monde a son avis sur le sujet, tout le monde sait.
03:10Eh bien non, en fait, il y a aussi de la recherche scientifique sur le sujet, des équipes qui font beaucoup de travail depuis longtemps
03:16et qui se sont intéressées à la façon, à l'ambiance qui règne dans un foyer,
03:20qui ont montré que l'ambiance qui règne dans un foyer est un des facteurs déterminants du bien-être d'un ado.
03:25Et qu'un parent, c'est une ligne de crête un peu étroite, il va falloir trouver, jongler et s'adapter,
03:30parce que c'est ça la grande difficulté d'un parent d'ado, c'est s'adapter à cet être en changement.
03:35On ne peut pas avoir les mêmes conduites parentales qu'avec un enfant de 8 ans, de 10 ans ou 11 ans.
03:39Il faut s'adapter, il faut changer avec lui, en même temps que lui, il nous offre cette chance incroyable de progresser avec eux, de grandir avec eux.
03:46D'avoir cette ligne de crête qui est à la fois de la fermeté des règles claires, logiques, qui tiennent bon, constantes,
03:53qui ne sont pas changeantes au gré de leur impulsivité, parce que eux ont besoin de ça et c'est très rassurant pour eux, ce cadre.
03:59Et de l'autre côté, quelque chose de très chaleureux et de très bienveillant, il faut que le foyer reste ce havre de paix.
04:05Ce qui est compliqué avec les ados...
04:06Ce qui est compliqué, oui, l'affection ça ne se limite pas aux bébés ou aux enfants, il faut continuer à faire des câlins, des bisous.
04:11Parfois ils n'en veulent pas quand même.
04:12C'est ça qui est très compliqué avec les ados, c'est qu'ils ont ce côté parfois non-chaland.
04:16On était leur dieu il y a 2-3 ans et là on est devenus des vieux, on ne s'appuie à rien.
04:20Ils nous regardent avec un certain mépris et en même temps, ils ont toujours énormément besoin d'affection.
04:26On dit beaucoup il faut 5 fruits et légumes, moi je dis il faut aussi 5 ego boosts par jour.
04:30Ils ont besoin de petits mots gentils, de petits câlins.
04:33Mais il faut le faire avec la juste distance.
04:35Il faut respecter aussi leur espace, ils grandissent, ils ont accès à la puberté, etc.
04:40Donc ce n'est plus tout à fait les mêmes règles dans la communication verbale, non-verbale, etc.
04:45Là encore, c'est un vrai job pour les parents que de s'adapter.
04:47Les 5 ego boosts dont vous parlez, c'est le premier des 5 secrets que vous dévoilez dans ce livre justement pour des ados heureux.
04:54Donc on a dit le premier, les 5 ego boosts par jour, des compliments, de la chaleur.
04:58Le deuxième secret, c'est le sens de l'effort.
05:00On n'a plus le sens de l'effort, on ne sait plus donner le sens de l'effort aux adolescents.
05:04C'est un vrai sujet, le sens de l'effort, parce qu'à la fois, c'est quelque chose qui est très valorisé et en même temps, on ne sait pas bien comment on fait.
05:10Et là, j'ai voulu essayer de donner des conseils très concrets sur la façon dont on motive un adolescent.
05:15Un adolescent motivé, là aussi, ce n'est pas un oxymore, ça existe.
05:19Et il y a des choses, alors déjà, ce qu'il ne faut pas faire.
05:22Je vais donner des conseils que je n'ai moi-même pas suivis, parce que je ne suis pas du tout...
05:27C'est rassurant de dire ce qu'on dit et ce qu'on fait.
05:30Mais brailler sur un ado, ça va défouler le parent sur l'instant, mais ça ne marche pas très bien pour les motiver, il faut bien le dire.
05:37Les engueuler, les menacer, les critiquer.
05:40Il y a des parents hyper critiques en permanence, etc.
05:42Ça ne marche pas très bien ou ça marche très temporairement.
05:44Puis surtout, ça baisse leur estime d'eux-mêmes, ce qui n'est pas un bon paramètre pour la motivation à plus long terme.
05:49Ce qui marche beaucoup mieux, c'est premièrement d'être soi-même un modèle.
05:54Si vous avez envie que vos enfants aillent dans des expos, ne leur demandez pas est-ce que vous avez envie d'aller voir un expo.
05:58Ils vont vous répondre non, on préfère jouer à la plaie.
06:01C'est prévu comme ça, on va le faire et montrer de l'enthousiasme.
06:04Et emmenez-les, accompagnez-les et montrez vous-même que vous avez la curiosité intellectuelle.
06:09La curiosité, c'est un super moteur de la motivation.
06:12Une des premières qualités des parents.
06:14Deuxièmement, je dis la critique, ça ne marche pas très bien.
06:17Il vaut mieux les encourager même sur des micro-choses.
06:20Un peu plus tôt que d'habitude, allez-y, faites-le à l'américaine, amazing, etc.
06:24Ça marche beaucoup mieux que tiens, une fois tu t'es enfin levé, ça ne marche pas du tout.
06:28Et puis, je crois aussi qu'il y a la question du sens.
06:32Les adolescents sont très sensibles.
06:34Proposez-leur des activités qui construisent, qui donnent du sens.
06:38On parle de deux types de plaisir en neurosciences.
06:40Le plaisir eudaimonique, qui est celui qui est lié au développement personnel.
06:47A quelque chose qui est une construction interne.
06:49Et puis le plaisir édonique, c'est ce qui fait plaisir tout de suite maintenant.
06:52On en a besoin tous, les ados aussi.
06:54Mais on est dans un monde qui propose aujourd'hui beaucoup plus,
06:57avec les écrans, la société moderne, du plaisir tout fait.
07:00C'est un peu comme les croquettes pour chats, c'est du prêt-à-consommer.
07:03Il n'y a pas beaucoup d'efforts à produire.
07:05Et ça, pour le cerveau, ce n'est pas très bon.
07:07Sur le sens de l'effort, vous mettez en cause aussi le système scolaire.
07:10Vous dites que notre système scolaire ne valorise pas cet effort-là.
07:13On valorise la performance.
07:15Un élève qui a 20, on va lui dire bravo, c'est super.
07:17Mais un élève qui a du mal et qui arrive à avoir 10, on ne va rien lui dire.
07:20On va lui dire oui, c'est moyen.
07:22C'est vrai et c'est très ancré.
07:23On a une culture française très évaluative, très dans le jugement.
07:26Très tôt, avec des notes, etc.
07:28On a essayé de bouger un peu, mais c'est difficile de stimuler
07:30le grand mameau de l'éducation nationale.
07:32Mais on a des notes très tôt, avec ce truc très évaluatif.
07:35Alors dans la culture, dans d'autres cultures, je pense.
07:38J'ai travaillé au Canada, j'ai vécu là-bas.
07:40Votre enfant dessine une vague patate, on va dire amazing.
07:44En France, c'est peu mieux faire.
07:46Typiquement, ce qui revient le plus, c'est peu mieux faire.
07:49Il a des capacités, des qualités, maintenant tous les gamins sont HPI.
07:52Mais peu mieux faire, c'est-à-dire au fond, c'est un gros paresseux.
07:55Et c'est terrible cette vision-là.
07:57Parce que ça n'est pas vrai.
07:59Chaque enfant est différent, chaque enfant s'adapte.
08:01Et c'est aussi le rôle des enseignants que d'apprendre à stimuler
08:05leur curiosité intellectuelle qui est le moteur, le vrai moteur de l'effort.
08:08Le troisième secret, ce sont les limites.
08:10Il faut poser des limites.
08:12Dans le style ferme et chaleureux, il y a ferme, il y a les limites quand même.
08:16Il faut savoir dire non.
08:17Et je ne sais pas si vous avez des ados, mais peut-être vous en aurez un jour.
08:20Et vous verrez que c'est un vrai challenge.
08:21Parce que quand ils avaient 8-10 ans, ils continuent à nous obéir.
08:24Et puis à un moment donné, on ne peut plus passer en force de façon aussi tranchée.
08:29Et pour autant, ils ont besoin de règles et de limites claires.
08:33Parce qu'on va discuter avec eux de sujets qui sont des sujets compliqués à l'adolescence.
08:37Ils peuvent être exposés aux drogues, à l'alcool, aux violences sexuelles,
08:41aux harcèlements, etc.
08:42Et le cerveau de l'ado est quand même un cerveau très particulier
08:46qui peut être extrêmement, de par sa configuration,
08:50il y a un prodigieux bouleversement à l'adolescence dans les neurones,
08:53peut-être à la fois très prudent et très réfléchi lorsqu'il discute avec nous, avec des adultes.
08:59Mais lorsqu'il est mis en bande avec ses pères PIRS,
09:02il peut développer une impulsivité, une excitation
09:05et prendre et avoir du mal à évaluer les conséquences de ses décisions.
09:10Et peut se mettre en danger de ce fait-là.
09:13Et donc pouvoir discuter avec eux de règles très claires et des conséquences,
09:17si ces règles ne sont pas respectées, de façon calme, sans cris.
09:22Vraiment, en fait, on l'a tous fait, mais ça ne marche pas.
09:25On perd juste du crédit, on est ridicule quand on crie.
09:27Donc il faut le faire de façon calme et ce qu'on appelle la communication ouverte qui est essentielle.
09:31Je reviens beaucoup dessus dans cet ouvrage.
09:34Ça consiste en quoi, la communication ouverte ?
09:36La communication ouverte, ça veut dire qu'on n'est pas dans le jugement.
09:39C'est vraiment discuter de tout avec son ado.
09:41Ça veut dire que le jour où votre ado a un vrai problème,
09:44il ne se dira pas « oh là là, j'en parle pas à mes darons, daronnes,
09:49ils vont pousser des hurlements, etc. »
09:51Ils savent qu'ils peuvent parler de tout avec nous, qu'on peut en discuter
09:54et qu'on va leur donner des conseils.
09:56Mais pas des conseils tout faits, tout simples.
09:58Parce que ça, c'est pas très bon avec les ados.
10:00D'abord, on les perd quand on leur fait la morale.
10:02Plus de deux minutes, c'est terminé.
10:04Soyez brefs et soyez courts dans vos messages.
10:06Et surtout, proposez-leur, plutôt que de leur apporter des solutions toutes faites,
10:09vous savez ce qu'on dit, plutôt que de donner du poisson à un pauvre,
10:12à prendre lui à pêcher, posez-leur les questions
10:14et demandez-leur d'évaluer leurs propres hypothèses
10:16pour sortir d'une situation un peu compliquée.
10:18C'est assez rigolo d'ailleurs, ils sont tellement amusants,
10:20beaucoup plus, j'ai un chapitre sur,
10:22ils sont quand même beaucoup plus intéressants que les séries Netflix.
10:25Ils vous sortent des trucs incroyables.
10:27Et amenez-les à élaborer leurs propres stratégies.
10:30Ils ont un cerveau incroyable, un cerveau d'explorateur,
10:33un cerveau stochastique, nous disent les recherches en neurosciences.
10:35Stochastique, ça veut dire ?
10:37Logique floue.
10:38Ça tombe au hasard, quoi.
10:39On ne sait pas le prédire, vous savez, on utilise des grosses machines
10:42d'imagerie cérébrale fonctionnelle,
10:44on prédit beaucoup mieux le cerveau de l'adulte
10:46et le cerveau de l'enfant.
10:47Le cerveau de l'adolescent est très imprédictible.
10:49On pourrait se dire, c'est parce qu'il est immature,
10:51ils font n'importe quoi les ados.
10:52Moi, je pense que Proust avait raison quand il disait
10:55l'adolescent, c'est le seul temps où l'on est appris quelque chose.
10:59C'est-à-dire, le cerveau de l'adolescent
11:01est un cerveau imprédictible d'explorateur.
11:04Et donc, faites travailler ces capacités
11:07très étonnantes et surprenantes.
11:09Ils apporteront des solutions, vous les aiderez à trouver les bonnes ensuite.
11:12Dans votre livre, vous dressez aussi le top 7
11:15des principaux défis sur lesquels il est possible d'agir
11:17pour mieux protéger nos ados.
11:19Et il y en a un qui intéresse tout le monde,
11:21ce sont les écrans.
11:22On va aller au standard tout de suite,
11:23puisque Anne nous a appelé.
11:25Bonjour, Anne.
11:26Oui, bonjour.
11:28Et justement, vous vouliez parler de votre ado de 17 ans, je crois.
11:31Oui, c'est ça.
11:33C'est ça, il y a une difficulté à la maison
11:35qui est effectivement le temps passé sur les écrans
11:38en rapport au temps passé à avoir un petit peu de travail personnel
11:42qui est important puisqu'il est en terminale.
11:44Voilà, donc c'est un vrai sujet chez nous.
11:47C'est un vrai plaisir pour lui d'être en jeu vidéo,
11:51connecté avec ses amis.
11:52Et c'est souvent source de conflits
11:54quand à un moment, il faut se mettre au travail
11:56et avoir des résultats.
11:58Voilà, donc j'ai des fois du mal à gérer ça.
12:00Ce n'est pas toujours facile de le gérer.
12:02Comme vous dites, dans la communication ouverte.
12:05Et voilà, si vous avez des conseils,
12:08je ne sais pas comment vous traitez la question.
12:09Vous n'êtes pas seule, je crois, Anne.
12:11Et justement, vous donnez plein de conseils et de cas pratiques.
12:13Il y en a plein de ce style-là dans votre livre, David Gourion.
12:16Merci, Anne, pour votre témoignage.
12:18Vous avez ouvert la boîte de Pandore.
12:19On s'arrache tous les cheveux parfois avec nos ados
12:21qui sont, je parle du signe de la moule,
12:24ils sont collés à leur smartphone.
12:26Alors, la grande question, c'est faut-il légiférer ?
12:28Alors, on a eu une commission gouvernementale
12:31sur le sujet, etc.
12:33Moi, j'essaie de revenir sur des choses de bon sens.
12:35Je pense que déjà, tous les ados ne sont pas égaux
12:37vis-à-vis des écrans.
12:38Certains se régulent finalement pas si mal que ça.
12:41Et d'autres sont vraiment des addicts.
12:43Addicts dans le sens où ça peut même donner
12:45une vulnérabilité pour d'autres addictions.
12:47C'est-à-dire qu'ils ont besoin, comme ça,
12:49de se stimuler en permanence avec une très forte
12:51intolérance à l'ennui.
12:53Or, l'ennui, c'est bon pour le cerveau.
12:54Ça permet l'apprentissage.
12:56On a des études qui le montrent.
12:57Alors, parfois, il faut légiférer.
12:58Quand on a un ado qui a des difficultés,
13:00il va falloir fixer des règles claires.
13:02Et on parlait de communication ouverte,
13:04il va falloir en discuter avec lui,
13:06proposer une sorte de contrat avec des règles.
13:08À partir de quelle heure ? Combien de temps ?
13:10Est-ce que le week-end ?
13:11On essaie de définir quelque chose,
13:13une sorte de plan.
13:14Moi, je propose de l'écrire avec l'ado,
13:15puis de le signer.
13:16Et puis, il y a des conséquences.
13:17Si le plan est respecté,
13:19qui peuvent être des récompenses,
13:20et puis, à l'inverse, si le plan n'est pas respecté,
13:22il peut y avoir des conséquences.
13:23Comme dans n'importe quelle société,
13:24ou au travail, si vous avez bien travaillé,
13:26vous avez un bonus.
13:28Il peut y avoir aussi des conséquences.
13:30Mais je crois qu'il faut le faire avec eux,
13:31plutôt que des règles.
13:32Il n'y a pas une même règle
13:33qui irait pour tous les ados.
13:34Je crois qu'il faut le faire au cas par cas,
13:36et dans le cadre d'une discussion.
13:40Le conflit, ça arrive aussi parfois,
13:41il faut tenir des positions fermes.
13:42Vraiment, je crois.
13:43Ils en ont besoin.
13:44Ils vont bouder.
13:45Ça, vous dites que c'est difficile.
13:46Ils boudent, ils essayent de négocier,
13:48ils font les yeux comme ça.
13:50Moi, je vous donne un petit conseil, Anne.
13:51Essayez la technique du disque rayé.
13:53Le disque rayé, c'est redire,
13:55se paraphraser en disant toujours la même chose,
13:57le nombre de fois qu'il faut,
13:59en étant de plus en plus gentil.
14:00Moi, je pense à ma fille qui me demandait
14:02parfois de sortir alors qu'elle avait des examens
14:04le lendemain.
14:05« Non, ma chérie, demain, tu ne peux pas. »
14:07Et puis, à la douzième fois,
14:08je répète toujours la même chose.
14:09« Ma petite princesse, j'adorais te faire plaisir,
14:11mais en fait, non, tu ne vas pas pouvoir sortir. »
14:13Et en fait, le disque rayé, c'est un mur.
14:15L'ado voit qu'il se heurte à quelque chose,
14:17et en plus, comme vous êtes de plus en plus gentil
14:18au fur et à mesure,
14:20il n'y a pas de problème, en réalité.
14:21Ça glisse.
14:22C'est lisse.
14:23Enfin, bon, je donne des techniques,
14:25chacun les siennes,
14:26mais il faut réussir à trouver
14:28des stratégies de négociation.
14:29Je redis, on ne peut plus passer en force.
14:31On ne peut pas confisquer les tablettes.
14:33Non, et puis, c'est des ultra-filous,
14:35ils sont tellement plus geeks que nous.
14:36Oui, vous racontez.
14:37Ils cachent des écrans,
14:38ils ont un deuxième écran caché, etc.
14:40Donc, c'est pour ça que je pense que l'art
14:42de la négociation est à travailler
14:44pour nos autres parents à ces âges-là.
14:45Il y a un rapport des autorités publiques
14:47qui donne des préconisations sur les écrans.
14:48Pas de téléphone portable avant 11 ans.
14:50Pas de téléphone portable avec Internet
14:52avant 13 ans.
14:54Pas d'accès aux réseaux sociaux avant 15 ans.
14:56Vous vous dites, ça semble complètement irréaliste
14:58avec nos ados aujourd'hui.
14:59Je reviens sur un principe très simple
15:00qui est, nous sommes les premiers modèles
15:02pour nos enfants, pour nos ados.
15:03Le nombre de parents qui sont,
15:05parce que leur travail leur impose,
15:07ou parce qu'ils ont même une petite addiction
15:09aux écrans, qui passent leurs soirées, etc.
15:11Moi, je dis, c'est compliqué d'être
15:13à la fois celui qui passe son temps sur l'écran
15:15et dire à un ado de 15 ans,
15:16pas de téléphone et pas de réseau.
15:18J'essaie de revenir à des choses plus simples
15:20qui sont des conseils pour toute la famille.
15:22Vous prenez beaucoup à témoin les parents.
15:24Posez votre téléphone, étayez la télé.
15:26Le nombre de parents, de familles qui me disent
15:28on a le repas, on reçoit les SMS, etc.
15:30C'est quoi un repas ? C'est 20 minutes ?
15:3230 minutes ? Vous pouvez là mettre une boîte
15:34où tout le monde met le téléphone ?
15:35Essayez de le faire, c'est l'occasion,
15:36ça va être la nouvelle année,
15:37on prend des bonnes résolutions.
15:39Les écrans, ça fait partie des 7 défis
15:42que vous pointez.
15:43Il y a aussi le sommeil.
15:44C'est un gros sujet le sommeil pour les ados.
15:47Vous expliquez qu'ils sont dans un autre chronotype,
15:50un chronotype de soirée.
15:51Qu'est-ce que c'est ?
15:52Ça veut dire que beaucoup d'adolescents
15:53ont tendance à se défaser, à s'endormir plus tard.
15:55Vous avez peut-être vu d'ailleurs,
15:56si vous regardez leur temps d'écran,
15:58je reviens au sujet d'avant,
15:59qu'ils ont peut-être regardé des séries.
16:00C'est lié tout ça,
16:01ils regardent les écrans de plus en plus tard.
16:02Exactement, mais même indépendamment des écrans,
16:04puisqu'on avait des données avant les écrans.
16:07Ce qu'on appelle un décalage de phase,
16:09une tendance à s'endormir un peu plus tard,
16:11parce que la mélatonine,
16:12cette hormone qui nous aide à nous synchroniser,
16:14à synchroniser notre horloge biologique,
16:16ce signal-là va se modifier au cours de l'adolescence.
16:19Et ça peut donner des vrais soucis des adolescents,
16:21et pas uniquement de la fatigue dans la journée,
16:23pas uniquement une baisse des résultats scolaires,
16:26mais parfois aussi des vrais troubles de santé mentale,
16:28des vrais problèmes d'anxiété, de dépression, d'idées noires.
16:31Donc préserver le sommeil, j'ai envie de dire,
16:33le sommeil chez l'adolescence est sacré.
16:35Il peut y avoir, évidemment,
16:37on ne va pas les transformer en moines
16:38et les coucher à 20h, ça ne marchera pas.
16:40Ça ne marchera pas, non.
16:41Mais essayer d'acquérir des bonnes habitudes,
16:43c'est plus facile à l'adolescence que plus tard.
16:45Le premier défi que vous pointez dans votre livre,
16:48c'est le stress.
16:49Notre monde, notre société,
16:50est-ce qu'elle est anxiogène pour les ados ?
16:52On parle beaucoup d'éco-anxiété,
16:53mais il n'y a pas que ça.
16:54Il y a les guerres.
16:55Les guerres, l'éco-anxiété,
16:57l'évolution de la société en général.
16:59Mais je crois que la première source de stress,
17:01et les études le montrent bien,
17:03c'est le stress académique.
17:04Et en particulier en France,
17:05les parents, avec beaucoup d'injonctions paradoxales,
17:09fais ce qui te fera plaisir,
17:10tu choisiras ce qui te plaît.
17:12Mais c'est quand même un job qui te permettra
17:14de pouvoir te payer un bon loyer, etc.
17:17C'est-à-dire que l'anxiété parentale,
17:18elle est toujours tapie derrière le discours.
17:21Et elle se répercute avec le stress académique.
17:23C'est-à-dire qu'on met très tôt en France,
17:25comparativement à d'autres pays,
17:27je le disais tout à l'heure des notes,
17:28mais aussi une pression parentale,
17:30une pression des professeurs sur la réussite académique.
17:33Non pas que je considère que la réussite académique
17:36ne fasse pas partie du bien-être de nos ados,
17:38ça en fait partie, c'est un critère.
17:40Mais quand ça devient une sorte de primum ovum,
17:43ça peut générer ce qu'on appelle de l'anxiété de performance
17:46et ça devient contre-productif.
17:48Beaucoup d'adolescents sont trop stressés par l'école.
17:51J'en vois certains qui travaillent 3, 4, 5, 6 heures
17:54leur devoir tous les soirs,
17:55qui font des sortes de burn-out de l'école.
17:58Et en arrière-plan, on a les parents qui disent
18:00« Non, mon ado fera ce qu'il voudra. »
18:01On a beaucoup de messages là-dessus ce matin
18:02sur le système éducatif,
18:03qui ne récompensent pas assez,
18:05qui ne félicitent pas assez.
18:06Non, le « peut mieux faire ».
18:07Je redis, la France est très axée autour du « peut mieux faire ».
18:10On part du principe que plutôt que de récompenser l'effort,
18:13moi je dis qu'un ado qui n'était pas très bon en maths,
18:15qui a eu 12,
18:16c'est pas normal qu'il ait 12,
18:17alors que celui qui est très fort en maths, il a 18,
18:19alors qu'il n'a pas fait d'effort.
18:21Il y a quelque chose, même d'un point de vue,
18:24et je pense les collègues qui font des neurosciences
18:26et qui savent ce que c'est que le système de récompense,
18:28la motivation et l'estime de soi ne me contrediront pas,
18:32il y a quelque chose qui est contre-productif
18:34à donner une mauvaise note à un ado qui a fait un gros effort
18:37versus donner une bonne note à un ado
18:39qui avait des facilités dans un domaine.
18:41Ce système-là ne fonctionne pas,
18:42il n'est même pas juste en réalité.
18:45Vous parlez également, parmi les défis,
18:48du harcèlement scolaire.
18:50On en parle beaucoup aujourd'hui,
18:52ça fait partie des défis.
18:53Qu'est-ce qu'on fait quand notre enfant
18:55est confronté au harcèlement scolaire ?
18:57Le harcèlement scolaire, c'est un sujet
18:59vraiment de société
19:01et un des facteurs de risque évitables
19:03qui peuvent permettre d'éviter
19:05des problèmes de santé mentale
19:06à beaucoup de nos enfants et nos adolescents.
19:08On en a beaucoup parlé,
19:10j'ai envie de dire que c'est une très bonne chose,
19:11mais ça n'est pas suffisant.
19:13Il y a eu cette grande campagne,
19:15il y a eu ce film sur le harcèlement
19:17du temps de Gabriel Attal,
19:19qui l'a vu ? Pas grand monde.
19:20Et qu'est-ce qui se passe derrière ? Je ne sais pas.
19:22Donc c'est très bien de parler de santé mentale,
19:24mais ça n'est pas suffisant
19:25et on a besoin que des actions concrètes
19:27soient mises en place.
19:28Et là, je me tourne vers nos décideurs.
19:30Alors c'est vrai qu'il y a eu beaucoup de changements
19:32et d'instabilités, ce qui ne favorise pas les choses,
19:34mais on a besoin de choses très concrètes
19:36au-delà de la communication.
19:38On l'entend dans votre discours,
19:40vous n'êtes pas du tout du côté du discours de fermeté
19:42qui pourtant revient beaucoup aujourd'hui.
19:44Alors on pense à Caroline Goldman
19:46et son time-out.
19:47Vous, ça pour vous c'est toxique.
19:49Vous, vous prenez le time-in
19:51plutôt aujourd'hui.
19:53Dire à un ado qui a fait une connerie
19:55ou qui est en crise,
19:57va dans ta chambre et passe-y trois heures.
19:59Sur le moment, ça peut marcher.
20:01Sur les quelques jours, sur les quelques heures, ça peut marcher.
20:03Mais en réalité, sur la durée,
20:05je pense qu'on ne va pas l'aider à construire quelque chose de son estime de soi.
20:07Surtout s'il va mal.
20:09Parce qu'il est peut-être enfermé dans sa chambre à faire des automutilations
20:11et à fomenter des idées de suicide
20:13ou à consommer du cannabis.
20:17Je pense à d'autres approches
20:19qui sont des approches qui nous viennent des pays d'Europe du Nord
20:21qui proposent le time-in qui est
20:23l'adolescent qui est en souffrance, qui est en crise,
20:25on va plutôt l'accompagner, on va plutôt l'entourer.
20:27On va plutôt essayer d'être là et d'essayer de comprendre et de l'accompagner.
20:29C'est comme une tempête, en fait,
20:31à une crise émotionnelle. L'adolescent ne sait pas toujours
20:33pourquoi il est en crise.
20:35Alors mon ado qui crie, qui pète les plombs d'un coup,
20:37il faut rester à côté de lui.
20:39Moi je préconise ça et ça peut donner d'excellents résultats.
20:41C'est pas facile, c'est beaucoup plus facile
20:43pour un parent de lui dire dans sa chambre
20:45et puis tu reviendras quand tu seras calmé.
20:47Mais l'accompagner,
20:49essayer de comprendre ce qui se passe et mettre des mots
20:51ou juste être là simplement de façon calme
20:53en disant je vois bien que tu es en colère,
20:55qu'est-ce qui se passe, explique-moi.
20:57Parfois l'aider de façon beaucoup plus puissante.
20:59Vous savez, on a l'impression quand on est,
21:01on s'occupe d'ados que c'est une sorte de long tunnel
21:03interminable. En réalité,
21:05c'est juste quelques années, ça va passer extrêmement vite
21:07et ils se souviendront pour toute
21:09leur vie de ce qu'on leur a dit,
21:11de ce qu'on a fait dans ces moments-là
21:13de grandes tensions émotionnelles.
21:15Et donc il est très important d'essayer
21:17de transmettre quelque chose qui vous
21:19ressemble vraiment, c'est-à-dire vous,
21:21vos valeurs, votre affectivité.
21:23On sait que vous les aimez vos ados. Dites-leur.
21:25Ils ont besoin de l'entendre.
21:27Il faudrait leur dire une fois par jour.
21:29Même quand ils sont infectes. Dites-leur à quel point vous les aimez.
21:31Vous misez davantage sur la connexion
21:33que sur la correction.
21:35Oui, parce qu'on est des êtres de lien
21:37et que, je redis, la fermeté
21:39c'est important, les règles c'est important,
21:41mais en même temps ça n'est pas suffisant.
21:43Le mode éducatif autoritaire,
21:45ça fait des adolescents obéissants,
21:47hyper anxieux qui iront beaucoup et longtemps
21:49chez le psychiatre quand ils seront adultes.
21:51Il y a cette question de Lucille sur l'appli France Inter
21:53qui dit que vos conseils sont très intéressants
21:55et qu'elle en voit même l'utilité avec
21:57ces enfants qui ont moins de 10 ans.
21:59Ces conseils pour les ados, effectivement,
22:01c'est que pour les ados ou on peut appliquer ça
22:03très très tôt ? Je pense qu'il y a une continuité
22:05dans ces conseils, évidemment.
22:07Et la connexion,
22:09on le sait tous,
22:11c'est dès le début de la vie,
22:13même dans l'utérus
22:15que les premières connexions s'établissent.
22:17Mais je redis, on est des êtres de lien
22:19et un enfant et un adolescent sont des êtres
22:21fascinés par l'amour qu'on leur porte,
22:23par l'affection qu'on leur porte. Sauf que
22:25les adolescents ont plus de difficultés
22:27à exprimer
22:29en retour. On dit souvent qu'ils sont ingrats,
22:31c'est pas qu'ils sont ingrats, c'est qu'ils ont
22:33des modalités de communication qui sont très différentes
22:35et qui ne sont plus celles que nous attendions
22:37d'eux lorsqu'ils étaient enfants.
22:39Et là aussi, ça implique pour les parents de les laisser grandir.
22:41Je pense à la chanson « Mes chers parents,
22:43je pars, je vole ». C'est difficile
22:45pour les parents aussi de les voir grandir et d'accepter ça.
22:47C'est un apprentissage pour tout le monde.
22:49Merci beaucoup, docteur David Gourion.
22:51Je recommande votre ouvrage « Le secret
22:53des ados heureux » par Huchet Odile
22:55Jacob. C'est très pratique,
22:57tous les parents s'y reconnaîtront.
22:59Merci à vous, bonne journée.

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