Lundi 6 janvier 2025, 4GOOD reçoit Thomas Breuzard (Directeur permaentreprise, norsys & Coprésident, B Lab France)
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00:00Et on commence cette émission avec ton édito Thomas, face à la profonde crise que nous
00:10traversons, tu l'affirmes l'économie sociale et solidaire doit sortir de sa niche et devenir
00:16la norme de demain.
00:17Et oui Alex, alors plantons un petit peu le décor pour commencer si tu le veux bien.
00:21Ce qu'on appelle l'économie sociale et solidaire aujourd'hui, c'est un écosystème d'organisation
00:25qui peut aller des coopératives jusqu'aux fondations, en passant par les mutuelles,
00:29et qui globalement fonctionne sur un principe qui est de contribuer à l'intérêt général
00:32de répondre à des problématiques sociales et environnementales avant de penser à la
00:36profitabilité de leur activité.
00:38Aujourd'hui c'est un point important de l'économie française et ça parfois c'est
00:42assez méconnu.
00:43On parle par exemple de 10% du PIB français aujourd'hui qui est porté par ces activités-là,
00:50de plus de 2,3 millions d'emplois qui représentent à peu près 14% de l'emploi privé en France.
00:55Ce n'est donc pas une petite niche, c'est d'ores et déjà un écosystème très large
00:59et qui répond à bien des besoins.
01:01Récemment, chaque année d'ailleurs, un baromètre est conduit sur l'entrepreneuriat social qui
01:06est très souvent lié d'ailleurs à l'économie sociale et solidaire et 66% des Français
01:11déclarent avoir déjà entendu parler de l'économie sociale et solidaire, ce qui représente
01:15une part significative de la population et bien plus importante d'ailleurs que celles
01:19et ceux qui répondent avoir entendu parler de l'entrepreneuriat social, seulement 38%.
01:23Ou pour prendre un autre sujet qu'on a déjà évoqué dans l'émission, les sociétés
01:26à mission, seulement 14%.
01:27Alors aujourd'hui, on va surtout se concentrer sur l'entrepreneuriat social, c'est-à-dire
01:32celles et ceux comme Salomé par exemple avec le Drive to New qui engage des projets entrepreneuriaux
01:37pour résoudre des problématiques sociales et environnementales, mais il faut surtout
01:41qu'on puisse illustrer avec des exemples.
01:42Donnez-nous des exemples justement.
01:44Alors quelques-uns par exemple, le groupe SOS qui est parfois méconnu mais qui est
01:48pourtant le plus grand groupe d'entrepreneuriat social en Europe, qui regroupe plus de 20
01:52000 salariés, adresse des secteurs très différents comme la santé, l'éducation,
01:56l'insertion, l'hébergement d'urgence et aujourd'hui touche plus de 2 millions
02:01de bénéficiaires et pèse plus de 2 milliards de chiffres d'affaires.
02:03C'est donc un groupe important de l'économie sociale et solidaire.
02:06Il y a des structures plus petites qui oeuvrent dans d'autres domaines.
02:09Je pense aux jardins de cocagne.
02:10C'est un réseau qui vise à développer des jardins et des potagers bio en faisant
02:17de l'insertion, donc qui traite à la fois la dimension écologique et la dimension
02:20sociale.
02:21Sur des thèmes assez actuels, on pourrait aussi évoquer des entreprises comme Phénix
02:25qui a d'ailleurs oeuvré dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris en revalorisant
02:29des repas et ils ont sauvé plus de 400 000 repas, des déchets en les redistribuant à
02:33des associations pour aider à la solidarité et à la lutte contre le gaspillage ou Lemon
02:38Tree qui propose des solutions de collecte, notamment de bouteilles ou de canettes en
02:42entreprise.
02:43On pourra aussi parler tout à l'heure du drive to nu que développe Salomé sur les
02:48sujets du vrac.
02:49Est-ce que tu peux nous parler des principaux défis que tu identifies ?
02:52Aujourd'hui, l'économie sociale et solidaire et l'entreprenariat social, pour rester
02:56concentré sur celles et ceux qui œuvrent, sont dans une forme de paradoxe.
03:00C'est qu'à l'heure où les besoins n'ont sans doute jamais été aussi importants,
03:04parce que dégradation sociale et environnementale que l'on constate de plus en plus et donc
03:08besoin d'entreprendre différemment, les entrepreneurs sociaux sont face à des difficultés
03:12notamment de collecte pour financer leurs activités et puis pour trouver l'équilibre
03:17économique.
03:18Parce que même si on ne vise pas toujours de la profitabilité, il faut viser de la
03:21rentabilité pour pouvoir être pérenne.
03:23Et ça, c'est essentiel.
03:24Aujourd'hui, dans d'autres enquêtes qui sont faites spécifiquement auprès des entrepreneurs
03:29sociaux, 44% de ces entrepreneurs disent avoir des difficultés à trouver les moyens financiers
03:34adéquats pour développer leur activité.
03:3520% trouvent qu'il y a une baisse des financements publics à l'heure où ça ne touche malheureusement
03:42pas que ce secteur-là, mais on en aurait besoin.
03:44Et 18% évoquent un manque de partenariats avec des entreprises notamment privées de
03:47grande taille pour pouvoir passer à l'échelle les innovations qu'ils essaient de mettre
03:51en place.
03:52Par ailleurs, et ça c'est un chiffre qui est assez inquiétant, c'est qu'alors qu'en
03:562016, 93% des entrepreneurs sociaux voyaient favorablement l'évolution de leurs activités,
04:01aujourd'hui ne sont plus que 74%, on peut voir une forme de pessimisme donc sur les
04:05perspectives qui s'ouvrent à l'économie sociale et solidaire.
04:08Et des perspectives plus optimistes ?
04:09Alors oui, d'autres qui sont beaucoup plus intéressantes et notamment dans cette période
04:13que l'on a traversée post-Jose Olympique, où justement il y avait des objectifs forts
04:17de mobilisation de l'écosystème des entrepreneurs sociaux pour répondre à des besoins liés
04:22à l'organisation de cet événement planétaire gigantesque.
04:24Et la bonne nouvelle, c'est que par exemple plus de 500 entreprises sociales ont pu gagner
04:28des marchés dans le cadre des Jose Olympique pour pouvoir servir l'ambition qui était
04:32de faire les JO les plus environnementaux, enfin les plus écolo pour dire caricaturellement
04:36les choses de l'histoire et il y a eu plein de choses bien réussies sur ces Jose Olympique,
04:41je pense que ça en fait partie.
04:42Et puis des perspectives parce que de plus en plus d'acteurs du monde économique se
04:46rendent bien compte que les enjeux sociétaux deviennent fondamentaux pour pérenniser les
04:49activités économiques.
04:50C'est pour ça que, quand bien même il y a des formes de pessimisme, je pense qu'on
04:53peut encore voir positivement les choses et c'est ce dont on va essayer de débattre
04:56aujourd'hui.
04:57Merci Thomas.
04:58Je vous propose qu'on fasse un rapide tour de table et que chacun partage un enjeu clé
05:02quant à l'avenir de l'entrepreneuriat social.
05:05Qui veut commencer Salome ?
05:06Oui, avec plaisir, donc moi je suis la cofondatrice du DriveTenue qui est un réseau de supermarché
05:13et de drive zéro déchet.
05:14Nous on a commencé l'aventure en 2018 et c'est vrai que ça s'est assez rapidement
05:19répliqué puisqu'aujourd'hui on a 11 points de vente à Toulouse, à Lille et à Bordeaux.
05:23Et l'un des enjeux principaux, effectivement Thomas tu en parlais, il y a la question du
05:27financement quand même et aujourd'hui je pense que c'est très important d'arriver
05:32également à montrer, il y a cet enjeu de montrer que dans l'entrepreneuriat social
05:35et solidaire on peut avoir une rentabilité, comme tu dis, donc nous aujourd'hui on a réussi
05:41à prouver que dans notre modèle les unités de vente sont rentables, donc ce sont les
05:45coûts de support qu'on a besoin de lever de l'argent, mais la démultiplication des
05:49points de vente finira par écraser les coûts de support, mais c'est important aussi d'avoir
05:52des boîtes, et tu en as cité d'ailleurs quelques unes Thomas, qui montrent qu'il
05:57y a un vrai potentiel économique, que ça fonctionne, que ça se pérennise.
06:02Donc nous on a cet enjeu du financement, bien évidemment de trouver les bons investisseurs,
06:07les bonnes personnes qui veulent nous suivre pour démultiplier le modèle maintenant plus
06:11rapidement, parce que c'est vrai qu'il y a quand même une petite forme d'urgence écologique en tout
06:16cas et sociale aussi, et puis il y a cette question aussi de la valorisation de l'impact
06:22de ce qu'on fait. Aujourd'hui c'est très peu standardisé en termes d'impact, il y a quelques
06:28approches de coups à éviter, il faudrait qu'on ait quelque chose qui soit plus institutionnalisé,
06:33plus standardisé, et qui permette ensuite aux politiques publiques d'avoir des critères pour
06:38pouvoir accompagner nos entreprises, pour pouvoir leur permettre de mieux se répliquer, de mieux se
06:42développer, et accompagner celles qui existent déjà, et favoriser l'émergence de nouveaux modèles.
06:46Je crois qu'on n'a pas le choix en fait, quand on voit les défis sociaux environnementaux qu'on a
06:56face à nous, on a besoin que notre économie ne se fasse pas au détriment des équipes dans les
07:04entreprises, ne se fasse pas au détriment des parties prenantes, ne se fasse pas au détriment
07:07de la nature, de la planète. Donc on ne peut plus s'enrichir aujourd'hui en détruisant la biodiversité,
07:14on ne peut plus s'enrichir en piquant la moitié de la caisse par rapport au reste de l'équipe,
07:20en fait on ne peut plus faire de l'entrepreneuriat comme ça. Donc on a besoin aujourd'hui qu'il y ait
07:25un entrepreneuriat qui se développe, qui soit beaucoup plus démocratique, c'est-à-dire que les
07:28parties prenantes aient aussi leur mot à dire dans l'évolution de l'entreprise, et qu'ils ne se fassent
07:32pas donc au détriment des plus vulnérables de la nature, parce que sinon ce ne sera pas viable.
07:36Alors après je dis ça, ça me paraît loin dans le sens où aujourd'hui j'ai des conversations moi
07:43avec par exemple des gens dans des grandes entreprises qui me disent fièrement aujourd'hui
07:48on est à 2% d'activités responsables, mais ils sont contents d'en être arrivé là parce qu'avant
07:53ils étaient à 0% et je me dis mais du coup il y a 98% d'activités irresponsables, donc ça laisse
07:59quand même du chemin. Le premier pas qui est le plus dur à faire, peut-être qu'il y aura une forme de
08:06dynamique, moi qui suis la désespérée optimiste. Peut-être que c'est exponentiel, en tout cas c'est
08:11vrai que je mesure qu'on a encore du chemin et que peut-être il y aura besoin de crises
08:18en fait pour que ça s'accélère. Et malheureusement en fait je sais pas exactement si on sera capable
08:23d'y aller de manière smooth en fait. Et c'est un peu ça moi qui m'inquiète personnellement. Après
08:30je pense qu'il y a une chose aussi qu'on oublie, c'est qu'on a souvent entendu l'expression
08:34impossible n'est pas français. C'est Napoléon qui l'aurait dit pour vaincre en fait les Espagnols
08:43à l'époque en envoyant en fait des chevaux polonais. Donc en réalité impossible n'est pas
08:48franco-polonais, parce qu'impossible est bien un mot français mais ce n'est pas un mot
08:52franco-polonais. Et donc je pense que si on veut faire bouger notre économie, il faut qu'on la
08:58lit, c'est-à-dire qu'il faut que les entreprises bossent avec le public, que le public bosse avec
09:02la société civile. Il faut qu'on n'essaye pas chacun de notre côté de transformer nos
09:09assos ou nos entreprises mais qu'on bosse ensemble. Je vais compléter parce qu'évidemment je partage
09:14vos deux points de vue et je bois vos paroles. Je pense qu'il faut surtout beaucoup plus d'émissions
09:19comme celle-ci mais sur des chaînes qui soient des chaînes qui parlent d'économie traditionnelle
09:23beaucoup plus souvent en fait. Parce que c'est là aussi qu'il faut y brider si on veut faire
09:27en sorte d'avoir moins de difficultés économiques. Il faut évidemment parler de nos sujets et en
09:31parlant de nos sujets d'un seul coup on s'y intéresse et on peut faire venir des financeurs
09:34à ces endroits-là. Le sujet de la gouvernance c'est un sujet qui est éminemment stratégique
09:39pour l'économie sociale et solidaire qui peut expliquer à d'autres environnements comment
09:43gouverner différemment une entreprise mais sans pour autant être complètement un modèle aussi
09:47parce qu'il y a beaucoup de choses à revoir au sein de nos propres gouvernances d'économie
09:50sociale et solidaire. Et moi je dirais ce qui me frappe encore plus parce que ça fait entre guillemets
09:56que trois ans et demi que je suis dans ce secteur-là pour en avoir visité beaucoup des
10:02secteurs d'activité. Je trouve aussi que l'économie sociale et solidaire est beaucoup trop politisée
10:07et pas suffisamment politique. C'est un projet de société, c'est le projet de société, t'as
10:12raison on n'a pas le choix. Et il y a un moment où il faut se départir des conditions partisanes qui sont
10:17en fait dans cet environnement-là qui fait qu'on reste tanqué à 10% parce que c'est 10% dont tu
10:21parlais du PIB. En fait moi ça fait dix ans que j'entends parler de 10%. Alors je veux bien que le
10:26gâteau est augmenté et que finalement en valeur on augmente mais finalement en fait en proportion
10:32on est vraiment toujours au même endroit. Donc il y a un énorme sujet. Et l'autre chose c'est le
10:36sujet effectivement comme tu le disais très justement Guillaume de l'hybridation, c'est-à-dire
10:40comment on est capable de dé-siloter chacune des approches économiques pour aller de plus en plus
10:44travailler avec des corporate. Et nous c'est ce qu'on s'emploie à faire avec les fellow à Shoka
10:48donc je suis très heureuse tu en as cité deux dans ton édito. Donc le groupe SOS, complèt hasard
10:54on peut le dire, c'était pas du tout un placement produit, là on est d'accord. Parce que c'est pas
10:59l'ESS qui va sponsoriser, en tout cas c'est pas Inasso qui va sponsoriser l'émission malheureusement.
11:03J'aimerais beaucoup le faire. Mais en tout cas donc le groupe SOS et puis les jardins de
11:07Concagne sont deux fellow à Shoka et on vraiment s'investit de façon très importante pour faire
11:13en sorte que les acteurs de changement qu'on accompagne et qu'on finance pendant trois ans et
11:16qui restent dans le réseau à vie chez Shoka travaillent de plus en plus avec des groupes
11:20comme L'Oréal, comme EDF, comme Sage, comme Engie. Non seulement parce que ça permet à ces groupes là
11:26de comprendre comment l'innovation sociale fonctionne mais ça permet aussi d'être beaucoup
11:30plus rapide dans le déploiement des solutions pour adresser les besoins sociaux et surtout
11:33tacler en fait les causes racines des problèmes. Parce que c'est ça qui nous intéresse, c'est pas
11:37tant d'être dans le curatif, il faut évidemment dans l'immédiateté, en revanche faut vraiment
11:41penser à éviter de reproduire systématiquement les problèmes de société. Merci à tous les
11:45trois parce qu'on parle de lien avec les acteurs publics, le monde de la finance ou les acteurs
11:49privés. Vous évoquez tous les trois en fait ce qui était le thème de la précédente émission sur
11:53la coopération donc le lien est fait, on peut avancer. Et on peut boucler cette séquence et
11:57garder un peu de matière pour notre débat. Tout de suite on passe au top et au flop.