Lundi 6 janvier 2025, 4GOOD reçoit Thomas Breuzard (Directeur permaentreprise, norsys & Coprésident, B Lab France) , Salomé Géraud (Cofondatrice, Le Drive tout nu) , Guillaume Capelle (Cofondateur, SINGA) et Elsa Da Costa (Directrice générale, Ashoka)
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00:00Bienvenue dans ce quatrième épisode de For Good, l'émission dédiée à la transformation
00:28de votre entreprise, un rendez-vous résolument concret, grâce au partage d'expériences
00:33de pionniers du business à impact, comme à chaque fois j'ai à mes côtés Thomas
00:38Brezard.
00:39Hello Thomas.
00:40Salut Alexia.
00:41Tu es le directeur permanent entreprise de Norsis, également le co-président du mouvement
00:45Bicorp en France.
00:47Et aujourd'hui nous avons le plaisir d'accueillir Elsa Dacosta, directrice générale de l'ONG
00:53HOK, la plus grande communauté d'acteurs de changement au monde.
00:56Bonjour Elsa.
00:57Bonjour Alexia.
00:58Bienvenue.
00:59Merci.
01:00Également avec nous sur ce plateau, Salomé Géraud, co-fondatrice du Drive tout nu, un
01:04réseau de supermarchés et de drive zéro déchet.
01:07Bonjour, bienvenue.
01:08Bonjour Alexia, merci.
01:09Et enfin, Guillaume Capelle est avec nous, entrepreneur social, co-fondateur de l'ONG
01:14Synga, et plus récemment il a rejoint Impact Partners pour développer le premier fonds
01:19d'investissement sur l'inclusion des réfugiés en Europe.
01:22Bonjour et bienvenue.
01:23Bonjour à tous.
01:25Bonjour à tous les trois et merci d'avoir répondu présent.
01:27L'entrepreneuriat social peut-il devenir la norme de demain ? S'il en a le potentiel ?
01:33Ce changement dépend de plusieurs facteurs et doit prendre en compte un panel de défis,
01:39qu'ils soient économiques, humains ou encore juridiques.
01:42C'est le thème de cette émission et avec nos invités, nous tâcherons d'apporter
01:46quelques pistes de réflexion.
01:48Dans cet épisode, vous retrouverez bien sûr notre séquence top et flop, deux exemples
01:52d'entreprises sociales pour illustrer le potentiel et les défis de ce secteur.
01:57Et puis, vous ne repartirez pas sans solution puisqu'il y aura, comme à chaque fois,
02:02notre séquence good to know for good.
02:04C'est parti.
02:10Et on commence cette émission avec ton édito Thomas.
02:13Face à la profonde crise que nous traversons, tu l'affirmes, l'économie sociale et solidaire
02:18doit sortir de sa niche et devenir la norme de demain.
02:22Oui Alex, alors plantons un petit peu le décor pour commencer si tu le veux bien.
02:26Ce qu'on appelle l'économie sociale et solidaire, aujourd'hui, c'est un écosystème
02:29d'organisation qui peut aller des coopératives jusqu'aux fondations en passant par les
02:33mutuelles et qui, globalement, fonctionne sur un principe qui est de contribuer à
02:37l'intérêt général, de répondre à des problématiques sociales et environnementales
02:40avant de penser à la profitabilité de leur activité.
02:43Aujourd'hui, c'est un point important de l'économie française et ça, parfois,
02:47c'est assez méconnu.
02:49On parle, par exemple, de 10% du PIB français, aujourd'hui, qui est porté par ces activités-là,
02:55de plus de 2,3 millions d'emplois qui représentent à peu près 14% de l'emploi privé en France.
03:00Ce n'est donc pas une petite niche, c'est d'ores et déjà un écosystème très large
03:04et qui répond à bien des besoins.
03:06Récemment, chaque année d'ailleurs, un baromètre est conduit sur l'entrepreneuriat
03:11social qui est très souvent lié d'ailleurs à l'économie sociale et solidaire et 66%
03:15des Français déclarent avoir déjà entendu parler de l'économie sociale et solidaire,
03:19ce qui représente une part significative de la population et bien plus importante d'ailleurs
03:23que celles et ceux qui répondent avoir entendu parler de l'entrepreneuriat social, seulement
03:2738%.
03:28Ou pour prendre un autre sujet qu'on a déjà évoqué dans l'émission, les sociétés
03:31à mission, seulement 14%.
03:32Alors aujourd'hui, on va surtout se concentrer sur l'entrepreneuriat social, c'est-à-dire
03:37celles et ceux comme Salomé, par exemple, avec le Drive to New, qui engage des projets
03:41entrepreneuriaux pour résoudre des problématiques sociales et environnementales, mais il faut
03:46surtout qu'on puisse illustrer avec des exemples.
03:48Quelques-uns, par exemple, le groupe SOS, qui est parfois méconnu mais qui est pourtant
03:53le plus grand groupe d'entrepreneuriat social en Europe, qui regroupe plus de 20 000 salariés,
03:59adresse des secteurs très différents comme la santé, l'éducation, l'insertion, l'hébergement
04:03d'urgence et aujourd'hui touche plus de 2 millions de bénéficiaires et pèse plus
04:07de 2 milliards de chiffres d'affaires, c'est donc un groupe important de l'économie sociale
04:11et solidaire.
04:12Il y a des structures plus petites qui oeuvrent dans d'autres domaines, je pense aux jardins
04:15de cocagne, c'est un réseau qui vise à développer des jardins et des potagers bio
04:21en faisant de l'insertion, donc qui traite à la fois la dimension écologique et la
04:24dimension sociale.
04:26Sur des thèmes assez actuels, on pourrait aussi évoquer des entreprises comme Phénix,
04:30qui a d'ailleurs œuvré dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris en revalorisant des
04:34repas et ils ont sauvé plus de 400 000 repas des déchets en les redistribuant à des associations
04:39pour aider à la solidarité et à la lutte contre le gaspillage, ou Lemon Tree qui propose
04:44des solutions de collecte, notamment de bouteilles ou de canettes en entreprise.
04:48On pourra aussi parler tout à l'heure du drive to nu que développe Salomé sur les
04:53sujets du VRAC.
04:54Est-ce que tu peux nous parler des principaux défis que tu identifies ?
04:57Alors aujourd'hui l'économie sociale et solidaire et l'entrepreneuriat social, pour
05:01rester concentrés sur celles et ceux qui œuvrent, sont dans une forme de paradoxe.
05:05C'est qu'à l'heure où les besoins n'ont sans doute jamais été aussi importants,
05:09parce que dégradations sociales et environnementales que l'on constate de plus en plus et donc
05:13besoin d'entreprendre différemment, les entrepreneurs sociaux sont face à des difficultés
05:17notamment de collecte pour financer leurs activités et puis pour trouver l'équilibre
05:22économique parce que même si on ne vise pas toujours de la profitabilité, il faut viser
05:26de la rentabilité pour pouvoir être pérenne.
05:28Et ça c'est essentiel aujourd'hui, dans d'autres enquêtes qui sont faites spécifiquement
05:33auprès des entrepreneurs sociaux, 44% de ces entrepreneurs disent avoir des difficultés
05:38à trouver les moyens financiers adéquats pour développer leur activité, 20% trouvent
05:43qu'il y a une baisse des financements publics à l'heure où ça ne touche malheureusement
05:47pas que ce secteur-là mais on en aurait besoin, et 18% évoquent un manque de partenariat
05:51avec des entreprises notamment privées de grande taille pour pouvoir passer à l'échelle
05:54les innovations qu'ils essaient de mettre en place.
05:56Par ailleurs, et ça c'est un chiffre qui est assez inquiétant, c'est qu'alors
06:01qu'en 2016, 93% des entrepreneurs sociaux voyaient favorablement l'évolution de leurs
06:06activités, aujourd'hui ne sont plus que 74%, on peut voir une forme de pessimisme
06:10donc sur les perspectives qui s'ouvrent à l'économie sociale et solidaire.
06:13Et des perspectives plus optimistes ? Alors oui, d'autres qui sont beaucoup plus
06:16intéressantes et notamment dans cette période que l'on a traversée post-Jose Olympique
06:21où justement il y avait des objectifs forts de mobilisation de l'écosystème des entrepreneurs
06:25sociaux pour répondre à des besoins liés à l'organisation de cet événement planétaire
06:29gigantesque.
06:30Et la bonne nouvelle c'est que par exemple plus de 500 entreprises sociales ont pu gagner
06:33des marchés dans le cadre des Jeux Olympiques pour pouvoir servir l'ambition quitte à
06:37faire les JO les plus environnementaux, enfin les plus écolos pour dire caricaturellement
06:41les choses de l'histoire et il y a eu plein de choses bien réussies sur ces Jeux Olympiques,
06:46je pense que ça en fait partie.
06:47Et puis des perspectives parce que de plus en plus d'acteurs du monde économique se
06:51rendent bien compte que les enjeux sociétaux deviennent fondamentaux pour pérenniser les
06:54activités économiques, c'est pour ça que quand bien même il y a des formes de pessimisme
06:58je pense qu'on peut encore voir positivement les choses et c'est ce dont on va essayer
07:00de débattre aujourd'hui.
07:01Merci Thomas.
07:02Je vous propose qu'on fasse un rapide tour de table et que chacun partage un enjeu clé
07:07quant à l'avenir de l'entrepreneuriat social.
07:10Qui veut commencer Salome ?
07:12Oui avec plaisir, donc moi je suis la co-fondatrice du Drive2New qui est un réseau de supermarchés
07:18et de drive zéro déchet.
07:19Nous on a commencé l'aventure en 2018 et c'est vrai que ça s'est assez rapidement
07:24répliqué puisqu'aujourd'hui on a 11 points de vente donc à Toulouse, à Lille et à Bordeaux.
07:28Et l'un des enjeux principaux effectivement, Thomas tu en parlais, il y a la question du
07:32financement quand même et aujourd'hui je pense que c'est très important d'arriver
07:37également à montrer, il y a cet enjeu de montrer que dans l'entrepreneuriat social
07:40et solidaire on peut avoir une rentabilité comme tu dis donc nous aujourd'hui on a réussi
07:47à prouver que dans notre modèle les unités de vente sont rentables donc ce sont les coûts
07:51de support qu'on a besoin de lever de l'argent mais la démultiplication des points de vente
07:54finira par écraser les coûts de support mais c'est important aussi d'avoir des boîtes
07:58et tu en as cité d'ailleurs quelques unes Thomas qui montrent qu'il y a un vrai potentiel
08:04économique, que ça fonctionne, que ça se pérennise et donc nous on a cet enjeu du
08:08financement bien évidemment de trouver les bons investisseurs, les bonnes personnes qui
08:13veulent nous suivre pour démultiplier le modèle maintenant plus rapidement parce que c'est vrai
08:18qu'il y a quand même une petite forme d'urgence écologique en tout cas et sociale aussi et puis
08:24il y a cette question aussi de la valorisation de l'impact de ce qu'on fait. Aujourd'hui c'est très
08:30peu standardisé en termes d'impact, il y a quelques approches de coups à éviter, il faudrait
08:35qu'on ait quelque chose qui soit plus institutionnalisé, plus standardisé et qui
08:40permette ensuite aux politiques publiques d'avoir des critères pour pouvoir accompagner nos
08:44entreprises, pour pouvoir leur permettre de mieux se répliquer, de mieux se développer et
08:48accompagner celles qui existent déjà et favoriser l'émergence de nouveaux modèles.
08:52Je crois qu'on n'a pas le choix en fait, quand on voit les défis sociaux environnementaux qu'on
09:01a face à nous, on a besoin que notre économie ne se fasse pas au détriment des équipes dans
09:09les entreprises, ne se fasse pas au détriment des parties prenantes, ne se fasse pas au détriment
09:13de la nature, de la planète. Donc on ne peut plus s'enrichir aujourd'hui en détruisant la
09:19biodiversité, on ne peut plus s'enrichir en piquant la moitié de la caisse par rapport au reste de
09:24l'équipe, on ne peut plus faire de l'entreprenariat comme ça. Donc on a besoin aujourd'hui qu'il y
09:30ait un entrepreneuriat qui se développe, qui soit beaucoup plus démocratique, c'est à dire que les
09:33parties prenantes aient aussi leur mot à dire dans l'évolution de l'entreprise et qui ne se fasse
09:37pas donc au détriment des plus vulnérables de la nature parce que sinon ce ne sera pas viable.
09:41Alors après je dis ça, ça me paraît loin dans le sens où aujourd'hui j'ai des conversations
09:48moi avec par exemple des gens dans des grandes entreprises qui me disent fièrement aujourd'hui
09:53on est à 2% d'activités responsables. Mais ils sont contents d'en être arrivé là parce qu'avant
09:58ils étaient à 0% et je me dis mais du coup il y a 98% d'activités irresponsables donc ça laisse
10:05quand même du chemin. Le premier pas qui est le plus dur à faire, il y aura une forme de dynamique
10:11tu vois, moi qui suis la désespérée optimiste. Peut-être que c'est exponentiel, en tout cas c'est
10:16vrai que je mesure qu'on a encore du chemin et que peut-être il y aura besoin de crise en fait pour
10:24que ça s'accélère et malheureusement en fait je ne sais pas exactement si on sera capable d'y aller
10:29de manière smooth en fait. Et c'est un peu ça moi qui m'inquiète personnellement. Après je pense
10:36qu'il y a une chose aussi qu'on oublie c'est qu'on a souvent entendu l'expression impossible n'est pas
10:41français. C'est Napoléon qui l'aurait dit pour vaincre en fait les espagnols à l'époque en
10:49envoyant en fait des chevaux polonais. Donc en réalité impossible n'est pas franco-polonais,
10:54n'est pas français, puisque impossible est bien un mot français mais ce n'est pas un mot
10:57franco-polonais. Et donc je pense que si on veut faire bouger notre économie il faut qu'on la lit,
11:03c'est à dire qu'il faut que les entreprises bossent avec le public, que le public bosse avec
11:07la société civile. Il faut qu'on n'essaye pas chacun de notre côté de transformer nos assauts
11:15ou nos entreprises mais qu'on bosse ensemble. Je vais compléter parce qu'évidemment je partage
11:20vos deux points de vue et je bois vos paroles. Je pense qu'il faut surtout beaucoup plus d'émissions
11:24comme celle-ci mais sur des chaînes qui soient des chaînes qui parlent d'économie traditionnelle
11:28beaucoup plus souvent en fait. Parce que c'est là aussi qu'il faut y brider si on veut faire en
11:32sorte d'avoir moins de difficultés économiques. Il faut évidemment parler de nos sujets et en
11:36parlant de nos sujets d'un seul coup on s'y intéresse et on peut faire venir des financeurs
11:39à ces endroits-là. Le sujet de la gouvernance c'est un sujet qui est éminemment stratégique
11:44pour l'économie sociale et solidaire qui peut expliquer à d'autres environnements comment
11:48gouverner différemment une entreprise mais sans pour autant être complètement un modèle aussi
11:52parce qu'il y a beaucoup de choses à revoir au sein de nos propres gouvernances d'économie
11:55sociale et solidaire. Et moi je dirais ce qui me frappe encore plus parce que ça fait entre
12:01guillemets que trois ans et demi que je suis dans ce secteur-là pour en avoir visité beaucoup
12:07des secteurs d'activité. Je trouve aussi que l'économie sociale et solidaire est beaucoup
12:11trop politisée et pas suffisamment politique. En fait c'est un projet de société, c'est le
12:16projet de société. T'as raison on n'a pas le choix et il y a un moment il faut se départir des
12:21conditions partisanes qui sont en fait dans cet environnement-là qui fait qu'on reste tanké à 10%
12:25parce que c'est 10% dont tu parlais du PIB. En fait moi ça fait dix ans que j'entends parler de 10%
12:31quoi alors je veux bien que le gâteau est augmenté et que finalement en valeur on augmente mais
12:35finalement en fait en proportion on est vraiment toujours au même endroit. Donc il y a un énorme
12:39sujet et l'autre chose c'est le sujet effectivement comme tu le disais très justement Guillaume de
12:44l'hybridation c'est-à-dire comment on est capable de dé-siloter chacune des approches économiques
12:48pour aller de plus en plus travailler avec des corporate. Et nous c'est ce qu'on s'emploie à
12:52faire avec les fellow Ashoka donc je suis très heureuse tu en as cité deux dont on est dit toi
12:55donc le groupe SOS. Complètement hasard on peut le dire c'était pas du tout un placement produit
13:02là on est d'accord parce que c'est pas l'ESS qui va sponsoriser en tout cas c'est pas une ASSO
13:06qui va sponsoriser l'émission malheureusement j'aimerais beaucoup le faire mais en tout cas
13:10donc le groupe SOS et puis les jardins de concagnes sont deux fellow Ashoka et on vraiment s'investit
13:15de façon très importante pour faire en sorte que les acteurs de changement qu'on accompagne et
13:20qu'on finance pendant trois ans et qui restent dans le réseau à vie chez Ashoka travaillent
13:24de plus en plus avec des groupes comme L'Oréal, comme EDF, comme SAGE, comme NJ non seulement parce
13:30que ça permet à ces groupes là de comprendre comment l'innovation sociale fonctionne mais ça
13:34permet aussi d'être beaucoup plus rapide dans le déploiement des solutions pour adresser les
13:37besoins sociaux et surtout tacler en fait les causes racines des problèmes parce que c'est
13:41ça qui nous intéresse et pas tant d'être dans le curatif il faut évidemment dans l'immigration
13:46en revanche faut vraiment penser à éviter de reproduire systématiquement les problèmes de
13:49société. Merci à tous les trois parce que qu'on parle de lien avec les acteurs publics, le monde
13:54de la finance ou les acteurs privés vous évoquez tous les trois en fait ce qui était le thème de
13:57la précédente émission sur la coopération donc le lien est fait on peut avancer. Et on peut boucler
14:01cette séquence et garder un peu de matière pour notre débat tout de suite on passe au top et au
14:06flop. Et c'est Elsa qui s'y colle vous nous parlez d'une même organisation qui a un top et un
14:18flop. Oui mais je vais faire une petite entorse à la règle Alix si vous me le permettez c'est-à-dire
14:23que pour réagir à ce qu'on vient d'entendre tout à l'heure j'avais envie de vous parler en super top
14:27pas forcément d'une organisation mais d'une structure qui s'appelle les joint ventures
14:32social. Alors qu'est-ce que c'est qu'une joint venture social ? C'est l'attelage formidable
14:36entre une entreprise corporate et une association dans le capital de cette entreprise là. L'association
14:42détient 51% du capital, l'entreprise 49% ce qui permet d'allier un côté lucrativité business
14:49pour que ça fonctionne et en même temps garder une mission sociale. C'est le cas pour Access,
14:53Access qui est une joint venture social du groupe Arès qui fait de l'insertion en fait pour les
14:59personnes en difficulté n'ayant pas d'emploi depuis extrêmement longtemps donc vraiment les
15:02grands précarisés de l'emploi et Accenture qui les forme en fait au nouveau métier notamment du
15:06numérique pour après c'est comme une espèce de chantier d'insertion professionnelle pour leur
15:10permettre ensuite d'avoir des carrières à d'autres endroits et parfois même chez Accenture directement.
15:15Donc je trouve que c'est vraiment un modèle qui intéresse je sais pas ce que vous en pensez tous
15:19les deux de voir à quel point on est même capable d'hybrider au sein des statuts en fait d'une
15:23entreprise de mettre quelque part le meilleur des deux mondes pour le bien commun. Est-ce que
15:27vous voulez réagir là dessus et après on passera à vos devoirs, à mes devoirs de vacances. Je me
15:32lance. Moi je trouve que c'est une super idée, en fait on a même essayé de faire ça à plusieurs
15:40reprises et en fait on n'a jamais abouti. Je pense que c'est en partie lié, c'est un peu notre faute
15:47dans le sens où souvent on met l'humilité aux mauvais endroits. Les entrepreneurs sociaux on a
15:52tendance à se présenter en fait comme des gens qui font simplement des choses simplement etc alors
15:59que parfois on est pionniers dans un secteur, on est en train de changer complètement, de
16:03révolutionner en fait un domaine d'activité et en fait en face on a des gens qui passent leur vie
16:07à vendre leurs expertises, leurs compétences et qui sont bien plus forts à dire nous on est les
16:13leaders de tel ou tel domaine. Et donc dans cette relation en fait parfois tu te fais complètement
16:18écraser. En fait j'ai l'impression que l'économie classique c'est je te vends ce que tu veux et
16:25l'économie sociale c'est plutôt je vous je prépare des choses dont vous avez besoin. Et en fait il
16:32manque un peu entre les deux quelqu'un qui facilite et qui rend juste la relation. Mais
16:38sinon je pense que c'est une bonne idée, simplement nous on a du mal à valoriser réellement ce qu'on
16:43fait. Salomé tu avais un commentaire ? Oui mais je trouve que en fait c'est une excellente idée mais
16:48après dans la mise en oeuvre très concrètement c'est pas toujours évident parce que c'est vrai
16:52qu'on est aussi très vite pris dans nos activités respectives qu'on a en tant qu'entrepreneurs
16:57sociaux. Moi je dis souvent l'entrepreneuriat social c'est pas l'autoroute de l'entrepreneuriat,
17:00c'est quand même la départementale, on ne se simplifie pas la vie quand même. Voir la communale,
17:04voire la piste, à vélo, sur les mains en arrière, sans roues.
17:11Non mais c'est donc c'est vrai qu'on est déjà aussi des fois tellement concentrés juste à
17:17faire vivre économiquement notre propre modèle et à prouver que ça peut marcher, que ça peut
17:21fonctionner, que la réflexion plus globale qui peut y avoir, enfin nous il y a tout un tas de choses
17:26auxquelles on réfléchit en termes de gouvernance, ce modèle dont tu parles est très intéressant,
17:31mais dans l'opérationnel quotidien, nous on est sur un métier très concrètement, c'est la
17:35distribution, on est face à des géants, c'est très concurrentiel, c'est un métier de centimiers,
17:39c'est la grande distribution, c'est très faible marge, on peut pas se rater et on a besoin d'avoir
17:42un professionnalisme qui soit au corps d'eau et donc c'est pas toujours facile de trouver et même
17:48avec beaucoup de volonté, on essaye déjà d'être garant de tous les indicateurs extra financiers
17:54qu'on suit et qui doivent servir le business de toute façon, parce que c'est bien ça le
18:00coeur de ce qu'on fait en fait, c'est d'avoir l'impact qui est au coeur du truc, faisant que
18:04quand on fait grandir notre chiffre d'affaires, finalement l'impact naturellement grandit avec
18:09avec la boîte, avec le chiffre, mais du coup c'est difficile par moments de trouver dans la
18:15réalité concrète du terrain des entrepreneurs, qui démarre en tout cas, après quand on arrive
18:19à un certain stade, je pense que c'est merveilleux d'arriver à pouvoir le mettre en place, nous on
18:24a souvent la réflexion et souvent on manque de temps d'implémentation et d'air pour l'implémenter.
18:30Est-ce qu'il y a des modèles, parce qu'au final, je pense que ça peut intéresser beaucoup de gens
18:35de faire ça, mais est-ce qu'on a des exemples aujourd'hui d'entreprises qui l'ont réussi,
18:40enfin de plusieurs et qu'on pourrait quelque part récupérer le modèle en fait.
18:45Ares le fait beaucoup en fait, c'est devenu presque un modèle établi d'Ares parce que
18:51historiquement, et ça marche effectivement à Raison Salomé, ça marche aussi parce que ce sont
18:55des grands groupes qui sont affectés. Vinci, c'est pareil, ils travaillent beaucoup avec Ares
18:59et ils ont développé une jeune venture avec eux, donc c'est parce que la manière de
19:04travailler avec l'associatif est devenue tellement pérenne qu'à un moment donné ils sont interrogés
19:08de se dire bon, est-ce que ça peut pas quelque part devenir aussi une filiale qui va permettre
19:12d'allier le meilleur des deux mondes. Mais c'est vrai qu'il faut partir d'une base suffisamment
19:16importante qui légitime qu'on puisse consacrer du temps à créer cette business unit spécifique
19:20avec ces deux associés. Ce qui serait génial c'est qu'ils en fassent un commun, c'est-à-dire
19:25que ce soit modélisé dans le sens lisible, compréhensible pour des acteurs comme nous et
19:31qu'on puisse en fait s'en emparer et faire la même chose, aller voir une grande entreprise
19:35et leur dire écoutez, en fait on a ça en tête, on le met en place. Mais je reviens sur ce que tu
19:40disais Guillaume que je trouve aussi hyper intéressant, c'est la question de la posture.
19:44Effectivement quand on allie deux têtes comme ça, deux mondes assez différents, parfois on peut
19:50être effectivement dans une forme d'humilité qui parfois va presque jusqu'à l'auto-dénigrement.
19:54Quand on est face à des géants comme ça, il y a ce travail à faire d'accompagnement pour chacun
20:00et d'essayer de parler la même langue parce qu'il y a une langue business et une langue
20:04en fait de l'innovation sociale et du bien commun un peu plus, même si aujourd'hui beaucoup
20:08d'entreprises s'interrogent sur leurs responsabilités presque démocratiques
20:11aujourd'hui face aux enjeux. Mais oui, il y a un vrai sujet d'accompagnement de ces entités-là.
20:16Mais je vais revenir sur mes lignes, j'ai bien compris, je voyais vos yeux, je me suis dit il faut que j'aille sur mes lignes.
20:21Il faut garder un peu de temps.
20:22Bien sûr, alors j'ai deux exemples, le premier c'est celui de Diane Dupré-Latour qui est donc la présidente des Petites Cantines,
20:30super belle association, je vois que vous vous opinez tous du chêne, vous connaissez bien les Petites Cantines et Diane.
20:37Donc les Petites Cantines, c'est une association qui permet de retisser du lien dans un quartier et de faire venir
20:44des gens pour déjeuner le midi, quelles que soient en fait leurs conditions sociales.
20:47Donc ça permet de mixer en fait tout un tas de personnes et de cuisiner ensemble, de travailler aussi le repas du midi et d'autres viennent.
20:54Donc c'est vraiment un fabricant, un tisseur de liens sociaux, en plus très présent à Lyon, donc ville des tisserands, de la soie.
21:01Donc on est vraiment sur du soyeux quand on tisse ce lien.
21:05Diane a publié récemment aux éditions Actes Sud un super ouvrage qui raconte justement la manière dont elle a tissé ce lien social
21:12au travers de son propre parcours réel et elle montre l'importance de ce à quoi on doit donner de la valeur et pas de la valeur de PIB uniquement,
21:19mais vraiment de la valeur invisible et qui est essentielle en fait pour les yeux, comme le disait le petit prince et Saint-Exupéry.
21:26Donc ça pour moi, c'est un super flop de voir, on parlait de récits tout à l'heure, de voir comment un entrepreneur social est capable d'apporter
21:33vraiment de la matière philosophique, de la matière sensible en fait pour penser les modèles économiques de demain et remettre un peu l'église au milieu du village.
21:42Le flop pour Diane, parce que j'ai voulu regarder aussi le côté, évidemment, donc le flop vraiment, parce que c'est comme ça qu'on appelle la rubrique,
21:50mais bon, le petit écueil dans lequel il ne faudrait pas tomber, pour le dire politiquement, de façon politiquement correcte,
21:57c'est qu'aujourd'hui, et c'est le cas de beaucoup d'entrepreneurs sociaux qu'on accompagne chez ACHOCA, se pose la question de la transmission,
22:03parce qu'on l'a bien compris, tu le disais tout à l'heure, ce n'est pas une route tranquille, c'est l'entrepreneuriat social,
22:11c'est extrêmement exigeant, exigeant psychologiquement, exigeant physiquement, exigeant dans le fait de battre en brèche ces doutes constants,
22:19donc il se peut qu'on ait envie de raccrocher les gambes à un moment donné, ou en tout cas de prendre une distance par rapport à son propre rôle d'instigateur et d'opérationnel,
22:27et se pose la question de la transmission, parce que finalement, ces sujets-là, c'est très intuitu personnel,
22:31et quand on va voir un financeur ou quand on est dans une émission de télévision, on parle en son jeu, et on est à l'origine, on est le fondateur.
22:39Donc comment on fait, quelles sont les bonnes questions à se poser aujourd'hui pour transmettre les clés du camion ?
22:44Alors Diane est toujours évidemment présidente des petites cantines, mais elle réfléchit à avoir un rôle avec plus de hauteur,
22:50donc à qui passer les clés des prochaines petites cantines très opérationnelles, pour que cette traction, cette philosophie qui est présente dans son livre,
22:58soit constamment en fait dans l'ADN même des petites cantines, et ça c'est valable pour Diane, mais c'est aussi valable pour d'autres entrepreneurs chez nous,
23:06je pense à Anne Charpy de Voisins Malins, qui s'interroge aussi, je pense aussi à Mathieu Dardaillon, que vous connaissez bien,
23:11qui lui a transmis quelque part aussi Ticket for Change à Joséphine.
23:15Mathieu qui sera là sur la prochaine.
23:17Encore un fellow à Chocard, mais c'est formidable cette émission, on adore !
23:20Je travaille vraiment partout, je le sais.
23:21Voilà, même avec Guillaume quand même, parce que Singa, fellow à Chocard, donc voilà.
23:25Est-ce qu'il y en a qui n'ont pas fait à Chocard ?
23:27Moi !
23:28Oui, mais après c'est une question de modèle économique, puisqu'on regarde les associations plus que les modèles lucratifs.
23:34Donc voilà, ça c'était pour Diane, sur ce sujet de la transmission, il est vraiment important,
23:38d'autant plus que moi j'ai le coutume de dire qu'un leadership durable, c'est un leadership éphémère,
23:44c'est-à-dire qu'il faut tout de suite, quand on monte sa structure, penser à la manière,
23:48surtout quand on est sur du bien commun et une transformation sociétale en fait,
23:52parce qu'on sait bien que les changements de système, ça ne dure pas cinq minutes,
23:55il faut parfois une génération, voire trente ans en fait, même plus, pour pouvoir y arriver,
23:59donc il faut qu'on soit capable de se dire qu'on est le maillon d'une chaîne.
24:01Oui, mais moi je peux, pardon.
24:03Oui, des réactions sur la transmission.
24:04Oui, mais je te rejoins complètement parce qu'il y a la question de la transmission,
24:07par volonté, parce que des fois, comme tu dis, c'est quand même très exigeant,
24:09donc on est fatigué émotionnellement, et puis même financièrement parfois,
24:15aussi pour certains entrepreneurs sociaux, mais il y a aussi la question de savoir,
24:18est-ce qu'on est les bonnes personnes, parfois en tant que fondateurs, pour faire passer à l'échelle ?
24:22Parce que moi je vois aujourd'hui, on a créé à Toulouse, ce qu'on a créé à Toulouse,
24:26la grappe elle est rentable, elle fonctionne, est-ce que c'est moi la bonne personne aujourd'hui,
24:30pour répliquer ça dans toute la France, et pour ne plus être dans cette phase de build,
24:33mais finalement le faire rentrer dans une phase de run, de réplicabilité, de scalabilité.
24:38Pas forcément, et donc ça c'est des vraies interrogations qu'on a aussi,
24:41de savoir à quel moment on sert et à quel moment on va desservir l'entreprise en tant que fondateur,
24:45avec notre courbe d'apprentissage aussi, donc il y a aussi ces questions-là qui se mêlent,
24:48et donc je trouve que cette question de la préparation, de à quel moment, quand, pourquoi,
24:52est-ce qu'on passe le flambeau, elle est hyper importante,
24:54et elle devrait être aussi mieux accompagnée par les fonds d'investissement,
24:58qui nous accompagnent, et qu'on soit un peu plus outillé là-dessus en tant qu'entrepreneur social.
25:04Ceci dit, tout ce que vous dites depuis tout à l'heure là-dessus,
25:06c'est très propre aussi au monde de l'entreprise au sens large,
25:10la légitimité, comment remplacer un leader très charismatique à l'origine d'un projet,
25:16et souvent d'ailleurs ça doit se faire par plusieurs personnes, sinon ça ne se passe pas super,
25:19ça se prépare, et dans le monde économique plus conventionnel c'est très très vrai aussi,
25:24la différence peut-être est que historiquement le modèle de réussite est quand même très calqué
25:28sur gagner sa vie, et bien gagner sa vie, que l'entrepreneuriat social n'est pas là pour ça,
25:33mais la bonne nouvelle à mon sens c'est que quand on voit la montée en puissance,
25:36notamment dans les cursus des grandes écoles, de nouveaux types de master,
25:39sur la transition écologique, la résolution des problématiques sociales,
25:43à mon avis on va voir aussi arriver de plus en plus de futurs leaders
25:46très envieux d'aller sur ce type de job, et donc de pouvoir demain venir compléter
25:51ce qu'a fait Salomé Attoulou sur d'autres territoires, des nouveaux fellows à Chauca,
25:54ou des super projets à soutenir pour des fonds à impact comme celui de Guillaume.
25:58Oui, Guillaume, une réaction ?
26:00Ça me touche ce sujet, puisque moi la transmission, j'ai dû passer la main en fait sur Synga,
26:07c'est Benoît Hamon, ancien ministre de l'économie sociale et solidaire,
26:12qui a notamment signé en 2014 la loi de l'ESS, qui a repris la direction générale de Synga,
26:20il y a tout un tas de sujets aussi sur la transmission d'une association,
26:23parce qu'en fait tu travailles pendant 12 ans,
26:25tu mets de l'argent à toi, perso, pour développer l'organisation,
26:30mais tu ne détiens rien, et lorsque tu pars, tu n'as rien,
26:34et en fait ça faisait partie du deal aussi au départ,
26:39et moi aussi la volonté que j'avais, comme on travaillait sur les sujets d'intégration,
26:45c'était de passer assez rapidement la main,
26:47notamment du conseil d'administration à des personnes qui étaient concernées par nos activités,
26:51donc rapidement ce sont des personnes exilées, réfugiées,
26:54qui ont pris la tête de l'organisation,
26:57mais c'est très bizarre d'être le visionnaire dans une organisation où on n'a pas le pouvoir,
27:01et donc parce que tout le monde a besoin de vous,
27:03et tout le monde vient vous voir pour savoir où est-ce qu'on va dans 10 ans,
27:06mais en même temps vous n'avez pas les leviers en fait pour actionner certaines choses,
27:09et donc ça c'est aussi des...
27:12et franchement je n'ai pas spécialement la solution,
27:15parce que je suis très content actuellement du parcours,
27:19et je pense que la création du fonds d'investissement que je suis en train de faire,
27:24en fait c'est la suite logique,
27:25parce que là je vais travailler avec une cinquantaine d'innovateurs,
27:30un peu comme nous il y a 12 ans avec Nathanaël Molle qui a fait le HOK,
27:35donc je vais les accompagner à lancer leurs innovations,
27:38mais c'est vrai qu'il y a une part de moi qui pense que le modèle n'était pas bon,
27:42en fait de notre transmission,
27:44il y a un truc un peu injuste,
27:45et on en reparlera sans doute dans le débat,
27:48mais moi j'ai une vision de l'entrepreneuriat social
27:50qui est un peu différente de celle qu'on entend actuellement.
27:54Salimé, je vous entends dire...
27:56Non, non, je comprends,
27:57mais je n'ai pas de réaction particulière à ce que dit Guillaume,
28:01mais je comprends le fait de cette question-là,
28:04d'être à la fois visionnaire, personne ressource pour tout le monde,
28:07et à la fois de ne pas forcément toujours avoir effectivement...
28:10les leviers doivent être un moment un peu compliqué.
28:13Et ce qui était voulu,
28:14ce qui était vraiment dans la logique de l'organisation,
28:17parce que justement on n'arrête pas de dire
28:18il faut que les organisations soient plus démocratiques,
28:21il faut qu'il y ait plusieurs voix,
28:23il faut que les hommes et les femmes soient à égalité,
28:25il faut que... voilà.
28:26Mais sauf que du coup au bout d'un moment,
28:27en fait on se rend compte qu'il y a à côté de nous
28:30des entrepreneurs qui eux jouent avec les anciennes règles,
28:33et ils ont tous les pouvoirs,
28:35ils gagnent dix fois plus d'argent,
28:37et on se dit mais quand même je ne suis peut-être pas...
28:39Est-ce que je suis le dindon de la farce en fait ?
28:41Pas tous, pas tous.
28:44Bon et on termine cette séquence sur ce mot,
28:46il est temps de passer au débat.
28:53Place à la discussion,
28:55l'entrepreneuriat social continue de se mettre
28:58au service de l'intérêt général.
29:00Il peine néanmoins à trouver son équilibre
29:03pour pérenniser des services pourtant essentiels.
29:07Est-il destiné à devenir un pilier de notre économie
29:10ou n'est-il voué qu'à rester un complément
29:12des modèles entrepreneuriaux traditionnels ?
29:15Tout d'abord, petite clarification,
29:18j'aimerais qu'on distingue l'entrepreneuriat social
29:21de l'entrepreneuriat classique.
29:23Guillaume, éclairez-nous.
29:25Je vais essayer.
29:27L'entrepreneuriat social,
29:28je pense qu'aujourd'hui dans les définitions qu'on trouve,
29:31on voit que c'est un entrepreneuriat qui a un impact
29:34social, sociétal ou environnemental,
29:37qu'on arrive à distinguer, qu'on arrive à mesurer,
29:41et qui généralement a aussi une approche démocratique
29:44de sa gouvernance,
29:45donc il n'y a pas qu'une seule personne qui décide,
29:47les parties prenantes ont leur place.
29:49Et c'est ce qui se distingue d'entreprises plus classiques.
29:53Après, on trouve plein d'entreprises
29:55qui ont depuis de longues années mis en place
29:58une responsabilité sociale
30:00qui partagent aussi la prise de décision.
30:05J'entends aussi beaucoup de l'entrepreneuriat social,
30:07ce serait quelqu'un qui met l'impact
30:09avant la recherche de rentabilité.
30:13Et ça, on le lit énormément.
30:16Et c'est là que moi, je ne suis pas tout à fait d'accord.
30:18C'est qu'en fait,
30:22ça ne me dérange pas personnellement de devenir millionnaire,
30:25mais je n'ai pas envie de le faire au détriment de la planète,
30:31pas envie de le faire au détriment des équipes,
30:33je n'ai pas envie de le faire au détriment
30:36aussi de personnes vulnérables.
30:38Donc je n'ai pas envie de vendre des produits et des services
30:40qui vont faire en sorte que des gens se trouvent isolés,
30:45que des gens se trouvent exclus de nos sociétés.
30:48Et en fait, c'est ça la différence.
30:51Je pense que l'entrepreneur social,
30:52c'est aussi quelqu'un qui en a un peu sa claque à mon avis,
30:56que la richesse aujourd'hui,
30:58on puisse la faire sur le dos des autres.
31:01Il y a beaucoup d'entreprises qui,
31:04si on comptabilisait leurs impacts négatifs
31:06sur la planète et sur la société,
31:09ne seraient absolument pas rentables.
31:12Et donc voilà, c'est juste ça la petite différence
31:15que je ferais par rapport à ce qu'on entend très régulièrement.
31:17Toujours on entend, oui, l'entrepreneur social,
31:19il n'a pas envie en fait de s'enrichir.
31:22Enfin moi, vraiment, je ne suis pas contre.
31:26La question, c'est est-ce que c'est souhaitable ?
31:28En fait, c'est surtout ça.
31:29Est-ce que quand on décide de résoudre un problème de société,
31:32ce qui est le cas de l'ADN de l'entrepreneuriat social,
31:35être millionnaire doit être, en tout cas s'enrichir.
31:38Parce qu'il y a être millionnaire et s'enrichir.
31:39Ce n'est pas tout à fait la même chose non plus.
31:41Je pense qu'il y a un curseur, tu vois, à placer.
31:43Mais est-ce que c'est souhaitable ?
31:45Parce que finalement, ça revient à sacraliser l'argent
31:48comme étant, non pas un outil pour faire les choses,
31:51mais en fait, la finalité d'une organisation.
31:55Donc ça questionne en fait, je trouve.
31:57Et puis surtout de se dire, comme tout ça, c'est systémique,
31:59on le sait bien, à la bonne école d'Ashoka,
32:02on le voit tout le temps,
32:03c'est d'où vient l'argent, comment il a été capté
32:06et pourquoi d'un seul coup, on décide de le reverser
32:09à des associations sous forme de philanthropie.
32:11C'est tout un cercle qu'il faut essayer de structurer, je pense.
32:16Mais c'est intéressant, en tout cas, ça ne veut pas dire
32:18que ce n'est pas parce qu'on est entrepreneur social
32:20qu'on doit bannir cette formule-là, c'est pour quoi faire.
32:24On parle de viabilité économique,
32:26on parle de rentabilité, etc. dans l'entreprise.
32:28L'objectif, c'est quand même que l'entreprise
32:33tourne, qu'en fait, éventuellement,
32:36si elle a un impact positif sur le vivant,
32:38elle grandisse.
32:40Et donc, pour moi, ça ne me choque pas que quelqu'un...
32:43Ce n'est pas s'enrichir, c'est pareil pour moi, en fait.
32:45Oui, mais en tout cas, moi, personnellement,
32:48je trouve que c'est ça qui donnerait aussi envie
32:51aux gens de se lancer beaucoup plus dans l'entrepreneuriat social,
32:53c'est de se dire qu'on pourrait aussi personnellement,
32:57si l'entreprise sociale qu'on crée a un impact très positif,
33:01s'enrichir personnellement et donc, du coup,
33:03avoir les moyens de s'offrir ce qu'on veut.
33:06Et donc, ce ne sera sans doute pas un 4-4,
33:08mais ça pourrait être des expériences.
33:11De vivre plus décemment qu'actuellement, c'est surtout ça.
33:15Oui, parce que je pense qu'aussi, ça part du fait
33:18qu'aujourd'hui, entrepreneur social,
33:21il faut quand même se rendre compte
33:22qu'en moyenne, tu n'es pas très bien rémunéré.
33:24Ça, c'est sûr.
33:25Donc, je pense que c'est aussi peut-être de là
33:27que moi, je démarre mon curseur.
33:29Oui, bien sûr.
33:32Je suis complètement d'accord avec ce que vous dites tous les deux,
33:36d'ailleurs, mais déjà, je pense qu'il y a quelque chose
33:40au milieu qui est finalement que ton driver principal,
33:43ça ne peut pas être l'argent finalement
33:44quand tu es entrepreneur social,
33:45même si tu n'es pas contre l'idée de t'enrichir,
33:47tout simplement parce que ça prend tellement de temps,
33:49tellement d'énergie et que c'est tellement compliqué
33:52qu'en fait, si tu n'as pas un sens très profond du pourquoi,
33:55si tu fais ce que tu fais, tu ne tiens pas la longueur.
33:58Le driver ne peut pas être l'argent.
33:59Après, effectivement, je suis d'accord sur le fait
34:01qu'il y a une espèce de tabou autour de la question de l'argent
34:03dans le milieu de l'économie sociale et solidaire
34:04qui est aujourd'hui cause de vrais problèmes.
34:07C'est vrai que nous, par exemple,
34:08on nous reproche constamment d'être une SAS.
34:11Nous, on est dans la grande distribution.
34:14Et alors, dès qu'on...
34:15Au tout début, maintenant, ça s'est bien acculturé
34:17parce qu'on a beaucoup travaillé en équipe en termes de culture.
34:20Mais au début, dès qu'on parlait de performance
34:23qui est haute que de la performance extra financière,
34:25c'était très compliqué.
34:28C'est aussi quelque chose
34:29auquel il a fallu énormément acculturer les équipes,
34:31la culture du chiffre, de la performance, des résultats.
34:36Et c'est aussi ce qui fait qu'on arrive à pérenniser la boîte
34:41pour qu'elle soit rentable.
34:42Après, la question, ce n'est pas l'argent,
34:43c'est comment, effectivement, on utilise l'argent derrière
34:47et comment on réinvestit.
34:50Je comprends aussi ce que tu dis
34:51autour de la définition du succès aussi, peut-être, à réinventer.
34:56Il y a un narratif autour de la définition
34:57de ce que c'est avoir du succès aujourd'hui en tant qu'entrepreneur
35:00qui est toujours axé sur la même chose et notamment l'argent.
35:04Donc, est-ce qu'aujourd'hui,
35:05on ne peut pas créer une autre définition de ça
35:07qui soit plus mesurée aussi ?
35:09Le rapport à l'argent, il dit tout de la différence
35:10qu'il peut y avoir sans doute aujourd'hui
35:11entre un entrepreneur classique,
35:14start-up nation qui ne pense qu'à un truc,
35:16c'est à aller très loin, très fort,
35:18et un entrepreneur dit social.
35:20D'ailleurs, je trouve que le terme ne va pas
35:21parce qu'en plus, c'est le terme historique,
35:23je pense, parce que ça s'est d'abord adressé
35:24à des problématiques sociales.
35:25Mais en fait, c'est un entrepreneur sociétal
35:27qui pense d'abord à son impact avant l'argent.
35:29Mais du coup, ça manque peut-être d'attractivité
35:31pour une partie de la population,
35:32alors qu'il y a plein de gens qui seraient prêts
35:33à relever des défis et qui ont les compétences pour le faire.
35:36Donc, il faut absolument qu'on arrive à déconstruire ce truc-là.
35:38Mais c'est lié en fait, c'est lié aussi.
35:39On revient sur le côté performance économique.
35:42Les salaires dans l'entrepreneuriat social
35:44sont extrêmement liés en fait à la lucrativité ou pas,
35:47en tout cas, à la rentabilité ou pas de ces organisations-là.
35:50Donc, il y a un énorme travail à faire aussi
35:52de rééquilibrage des salaires d'entrée
35:55parce que c'est aussi ce qui nous prive parfois de talent.
35:58C'est aussi ce qui fait qu'il y a une fuite de cerveau
36:00quand on a parfois des salariés dans les organisations
36:03qui sont usés aussi par ces rythmes
36:05parce qu'on parle du salaire à la fin du mois.
36:08Mais il y a aussi l'investissement en temps en fait
36:11parce qu'on va jouer sur des cordes sensibles très fortes
36:13en fait quand on est dans l'innovation sociale fortement.
36:16Donc, il y a vraiment un sujet autour de ça
36:17et c'est pour ça que c'est vachement intéressant
36:19de voir qu'en ce moment, on a beaucoup d'écoles de commerce
36:21qui commencent justement à aller sur le management associatif,
36:26l'hybridation des modèles économiques,
36:28l'innovation sociale au cœur de l'économie,
36:31et que sais-je, qui sont en train de former aussi
36:33ces générations de leaders business de demain
36:36pour justement montrer autre chose que,
36:38comme tu le disais très justement Salomé,
36:39que l'argent soit l'alpha et l'oméga en fait d'une entreprise aujourd'hui.
36:43Et donc, on entre au cœur du débat pour vous,
36:45c'est ce tabou autour de l'argent,
36:47c'est ce qui empêche l'entrepreneuriat social de devenir la norme ?
36:51Sans doute un peu, et Salomé le disait,
36:52à la NSAS, il se trouve que Nordsis en est une aussi,
36:54et ça n'empêche pas qu'on a dit
36:57qu'il y a un plafonnement des écarts de salaire.
36:59Déjà, il y a une parité hommes-femmes,
37:01femmes-hommes d'ailleurs, on le dit souvent maintenant chez nous,
37:03il y a un plafonnement des écarts de salaire,
37:05et si je prends l'exemple de l'année 2023,
37:07c'est 52% des bénéfices redistribués aux salariés,
37:10à la société civile, par une fondation, un fonds de dotation,
37:13et le reste est réinvesti.
37:14Il n'y a quasiment pas de dividendes, je dirais, pour des actionnaires classiques,
37:17quand bien même il y en a dans l'entreprise.
37:18Donc ça montre bien que maintenant on est en NSAS,
37:21à partir du moment où on a quand même envie de contribuer avant tout
37:23à l'intérêt général, on peut très bien fonctionner,
37:25finalement aussi bien, aussi efficacement,
37:28et avec quasiment le même niveau de décharge
37:31par rapport à l'argent qu'un entrepreneur social,
37:34alors qu'on a des salaires qui sont du coup peut-être un peu plus attractifs
37:36pour les équipes, etc.
37:37Donc moi je pense qu'il faut un peu péter les frontières,
37:39et se dire que de plus en plus de gens vont arriver
37:42avec l'envie de résoudre des problématiques sociales et environnementales
37:44parce qu'elles sont de plus en plus visibles,
37:45et que si on containt l'USS à des bas salaires,
37:48et il faut cravacher comme un malade pour arriver à sortir quelque chose de terre,
37:51ça ne pourra pas résoudre les solutions,
37:52enfin ça ne pourra pas permettre de trouver les solutions à grande échelle.
37:55Ça ne suffit pas en fait, tu ne peux pas,
37:56il faut faire fonctionner des salariés sur la recherche de sens pendant 15 ans.
38:01Tout le monde doit manger.
38:02Et puis c'est vrai, les gens qu'on récupère parfois en sortie d'études,
38:07ben après ils ont un enfant, ils ont deux enfants,
38:10ils achètent une maison, il faut qu'ils vivent aussi ces gens.
38:13Donc c'est important, cette attractivité des salaires elle est quand même un petit peu…
38:17Et plus loin même en termes de plaidoyer politique,
38:19je pense aux charges salariales par exemple dans le monde associatif
38:22qui sont calquées sur les charges salariales du monde économique traditionnel,
38:26ça pose un sujet en fait quand la finalité n'est pas la même.
38:29Donc il y a certainement, quand tu dis qu'il faut péter les frontières, casser etc.,
38:32je pense que tu as archi raison,
38:33il faut aussi le faire au sein même de l'innovation sociale,
38:37parce que souvent on se dit, il faut adapter plutôt le monde de l'entreprise,
38:41aller chercher de ce côté-là parce qu'on a l'impression que c'est plus massif,
38:43mais je crois aussi qu'il faut peut-être revisiter la manière dont on s'est structuré,
38:47surtout sur le champ associatif aujourd'hui, au regard des enjeux qui nous traversent.
38:52Dans le secteur ESS, aucun dividende n'est possible
38:54pour des personnes qui auraient pris le risque d'investir au départ,
38:57tu évoquais Cyril et Guillaume, et c'est peut-être là d'ailleurs qu'il y a un sujet,
38:59c'est que dans le cadre même de la loi,
39:01on ne peut pas récompenser la prise de risque d'un individu,
39:05qu'il soit lui-même le porteur ou le financeur du projet,
39:08et ça à mon avis c'est un des écueils sur lesquels il faudrait peut-être travailler,
39:11mais je sais que les gens qui portent le secteur ESS sont vent debout contre cette idée.
39:15Mais si tu ne peux pas le rétribuer,
39:17au moins que tu puisses gagner mieux ta vie que ce que tu gagnes aujourd'hui,
39:20notamment en limitant les charges salariales.
39:23Il y a d'autres mécanismes en fait intelligents,
39:25c'est une histoire de, tu sais, les vases communiquants quoi,
39:27parce que ce que tu dis en creux c'est ça, c'est s'enrichir mais pour vivre mieux,
39:33et capitaliser sur le fruit de son travail aussi,
39:36quand on a donné comme ça corps et âme,
39:38qu'on a transpiré sang et eau comme dirait Churchill à chaque fois,
39:42et bien on a peut-être envie aussi d'avoir une forme de rétribution qui existe.
39:46Donc est-ce que ça doit être au sein de l'organisation,
39:48ou est-ce que l'État doit penser à des mécanismes de ce type-là,
39:51ou à l'aune de la mesure d'impact,
39:53on est capable de donner une espèce de prime en fait,
39:56ça peut être ça aussi, parce que quelque part c'est des politiques publiques ce qu'on est en train de faire,
39:59on a une délégation de l'État donc on peut imaginer, enfin on peut créer des choses quoi.
40:03Mais il faudrait pour ça, pardon.
40:04Non vas-y je t'en prie après je dirais.
40:06Je trouve qu'il faudrait pour ça que l'évaluation de l'impact soit à minima standardisée,
40:13parce qu'aujourd'hui on n'est pas capable de standardiser ça dans l'économie sociale et solidaire,
40:18c'est un vrai sujet, et ça fait finalement, ça amène au fait que,
40:23demander des politiques publiques sur quels critères, comment, je trouve que c'est dommage,
40:28et de la même façon je trouve qu'il y a des politiques publiques d'incitation qui sont mises en place de la part de l'État,
40:36pour les entreprises innovantes d'un point de vue technologique,
40:39il devrait y avoir des mêmes mécanismes facilitants qui soient mis en place pour les entreprises innovantes socialement,
40:46et bonifier encore plus à l'aune l'impact.
40:49On va revenir sur la mesure de l'impact, mais une réaction d'abord Guillaume.
40:53Oui en fait je suis en train de réfléchir là à ce qui pourrait vraiment faire évoluer ça,
40:58parce qu'en fait la question de départ c'est comment en fait on le normalise,
41:03et je pense qu'en fait aussi dans l'entrepreneuriat social il y a plein d'entreprises très différentes,
41:07tu disais Thomas en fait qu'avec Nordsis en fait vous avez un fonctionnement très similaire à plein d'entreprises sociales,
41:16et vous n'avez pas besoin de vous transformer en coopérative ou prendre un modèle comme celui-là pour faire des choses bien,
41:23je pense que Salomé toi tu as aussi un modèle qui est,
41:28où tu as une clientèle qui est identifiée et qui a sans doute peut-être les moyens aussi d'acheter en fait les produits,
41:34mais je vois aussi plein d'acteurs de l'économie sociale qui entre guillemets s'occupent de gens qui n'ont pas les moyens de payer,
41:43donc en fait le bénéficiaire n'est pas le client,
41:46et donc là le seul moyen qu'on fasse évoluer ça c'est soit la commande publique évolue,
41:51donc ça veut dire que l'état arrête de financer certains trucs et les répartit beaucoup plus vers l'économie sociale et solidaire,
41:57soit, et c'est là qu'on rentre dans le truc des mentalités et que moi je voulais un peu aborder là au début de la séquence,
42:04c'est de dire il faut qu'on revalorise dans nos sociétés certaines choses qui aujourd'hui on estime qu'elles sont normales justement,
42:13mais en fait elles ont une valeur financière qui n'est pas comptabilisée,
42:17et c'est pour ça que je vous dis, ça ne me dérangerait pas d'être riche parce que j'estime qu'aujourd'hui je crée de la valeur qui n'est pas comptabilisée,
42:24et je dis moi mais je veux dire beaucoup beaucoup d'orgueil, c'est pas juste moi,
42:30ça a l'air de très vite,
42:33mais du coup tout ça pour dire que ces mentalités là par contre elles vont mettre,
42:38je pense qu'il faut les faire évoluer parce que ça passera par l'éducation et ça d'ailleurs c'est un des retours,
42:42j'ai fait une demande sur LinkedIn avant de venir à l'émission comment on fait évoluer les choses,
42:46et l'un des premiers retours que j'ai eu en fait c'est éduquer,
42:50éduquer dès l'école, éduquer à l'université, je sais que ça te tient beaucoup à coeur avec Ashoka,
42:55mais ça c'est du long terme, ça va prendre beaucoup de temps,
42:59et le levier qui me paraît le plus actionnable à court terme c'est quand même cette commande publique en fait,
43:04et donc du coup c'est quand même aussi que l'état en fait fasse bouger les choses.
43:08On voulait aussi aborder la question de la mesure de l'impact,
43:12et je pense qu'on peut là faire des liens notamment avec les cadres d'état qu'on pourrait mettre en place,
43:17et Elsa tout à l'heure tu l'as indirectement évoqué, moi je voudrais peut-être pour lancer la séquence là-dessus,
43:23parler du coût de l'absentéisme au travail.
43:27Aujourd'hui il y a des études qui montrent qu'un jour d'absence c'est 1000 euros par jour de coût pour la collectivité,
43:32de prise en charge, de soins, de manque à gagner pour les entreprises etc.
43:35Et moi je trouve ça hallucinant qu'on ne soit pas capable pour traiter le problème à la racine,
43:39je crois que c'est comme ça que tu l'as formulé tout à l'heure,
43:41davantage mettre le doigt là-dessus, et ça au niveau de l'état il y a des personnes qui sont tout à fait au fait de ces sujets-là.
43:46Moi je prends l'exemple de Norsis, c'est 3 jours et des brouettes d'absence par an par salarié,
43:53moyenne nationale 15 jours, vous êtes assez bon en maths,
43:56ça fait quasiment 10 à 12 000 euros d'économie de coût pour la collectivité sur les soins,
44:00et quand on connaît les petits sujets de budget qu'on a et de dette en ce moment,
44:05on doit pouvoir trouver des solutions quand même pour faire advenir un autre sens de la performance,
44:10y compris au niveau des instances gouvernementales,
44:13pour qu'après derrière il y ait des financements qui soient fléchés.
44:16Mais tu arrives à valoriser au bon prix tes services,
44:19parce que par exemple dans l'économie sociale et solidaire,
44:21je pense que si tu regardes les petits assos, le nombre d'absentéismes et de gens qui te font des burn-out,
44:26alors que pourtant ils travaillent sur des sujets,
44:29ils s'épuisent complètement parce qu'ils n'arrivent pas à se vendre au bon prix,
44:33et qu'ils sont en face aussi de tout un tas d'acteurs qui leur disent
44:39« nous on peut vous donner 20 000 euros pour faire deux incubateurs »,
44:43alors que l'incubateur vaut 300 000 euros,
44:45et en fait ils disent « bon, ça va servir à des femmes qui ne pouvaient pas entreprendre, donc je le prends »,
44:50mais sauf que du coup tu fais avec 10% de ce dont tu as besoin,
44:56et donc évidemment tes équipes explosent,
44:58et donc ça c'est un sujet aussi,
45:02moi je reviens à ce truc-là, d'arriver à valoriser les compétences de ce qu'on fait sur un territoire,
45:07ou de ce qu'on fait dans le secteur de l'économie sociale,
45:11mais je suis d'accord avec toi,
45:11en fait si déjà il y avait par exemple des impôts,
45:17enfin comment dire, moins d'impôts, une fiscalité adaptative,
45:22en fait du coup on emmènerait pas mal d'entreprises.
45:26Je ne sais pas toi, Salomé, sur des faits lois chocas,
45:29des façons de mesurer de l'impact,
45:30sur lesquelles aujourd'hui vous sentez une forme d'accroche ?
45:34Sur la façon de mesurer l'impact, moi aujourd'hui je trouve que ce qui est compliqué,
45:38c'est qu'on passe beaucoup par des approches de coûts évités,
45:40au lieu de passer par des approches de valeurs créées,
45:43et ça c'est un vrai souci aujourd'hui je trouve,
45:45parce que c'est pas du tout holistique de parler en coûts évités,
45:49on parle pas de ce qu'on amène à la société,
45:50et tant que ça ne sera pas pris en compte dans la façon dont on valorise les entreprises,
45:55et à la fois dans la fiscalité qu'on leur adapte,
45:56parce qu'il devrait y avoir une fiscalité adaptée absolument,
46:00mais aussi dans la façon dont les fonds valorisent,
46:03parce que moi je regrette aujourd'hui que même des fonds
46:05qui se réclament de l'économie sociale et solidaire,
46:08quand il s'agit de valoriser une entreprise,
46:11ils regardent l'ERR, le CA, la performance extra-financière,
46:17oui elle existe dans un tableau Excel à côté,
46:20ils s'en font plus ou moins les garants sur la sensibilité des fonds,
46:24mais ça ne rentre pas dans la valorisation de l'entreprise,
46:27or la valeur créée est là,
46:29et il y a des approches aujourd'hui qui permettent,
46:31comme les approches SROI, de mesurer ça,
46:33et je trouve que c'est dommage que ce ne soit pas plus popularisé.
46:37Quand on prend les contrats d'impact social,
46:38ça fait quand même quelques années maintenant que ça existe,
46:40quasiment personne n'a l'air de connaître ça,
46:42et de ce que j'en entends c'est très compliqué,
46:44enfin c'est le contenu urbain.
46:45Surtout le problème c'est que ceux qui les établissent
46:47n'ont jamais fait de mesure d'impact de leur revenu,
46:50donc il y a aussi un problème de connaissance de la commande publique
46:52sur la manière dont on fonctionne nous sur le champ de l'innovation sociale,
46:57mais la mesure d'impact, c'est sûr qu'on parle beaucoup de coévité,
46:59mais je reviens sur ce que disait Guillaume tout à l'heure,
47:01parce qu'en fait ce qui a de la valeur aujourd'hui
47:03est difficilement mesurable et quantifiable.
47:06Quand on parle de mesurer le lien social,
47:07je reviens sur Diane tout à l'heure,
47:10c'est quoi la mesure du lien social ?
47:12Et puis en plus il faudrait faire des études longitudinales,
47:14parce que ce n'est pas parce que quelqu'un te dit
47:17« vous avez changé ma vie »,
47:18qu'en fait six mois après on va encore la changer.
47:20Donc il y a vraiment un travail à faire sur aussi une forme de confiance,
47:24a priori, sur le terrain de l'économie sociale et solidaire
47:27quand on a des financeurs,
47:28et moi j'ai envie de responsabiliser aussi les financeurs,
47:31que ce soit les philanthropes ou les entreprises
47:33avec lesquelles on peut faire des partenariats,
47:35d'exiger dans le cadre justement de ces financements-là
47:39auprès notamment des associations,
47:41que la mesure d'impact fasse partie intégrante du projet
47:43et qu'on ne soit pas obligé une fois que le projet est terminé
47:46de se poser la question de la mesure d'impact quand c'est trop tard,
47:48quand on a besoin d'aller chercher de l'argent à nouveau.
47:51Donc ça c'est un vrai sujet et le sujet vraiment basique,
47:54mais à mon avis le diable se cache quand même souvent dans les détails,
47:57c'est qu'il y a une confusion monstrueuse
47:59entre ce qui est un rapport d'impact et un rapport d'activité en fait.
48:02Moi je l'ai vu un nombre de fois, pas possible,
48:04on me dirait « j'ai touché tant de personnes ».
48:06Oui, mais enfin, toucher X personnes dans le cadre d'une livraison d'un programme
48:10ne me donne aucune indication sur la performance,
48:14je dirais même, alors « performance » maintenant c'est un peu vulgaire,
48:16efficience, efficience du programme en question,
48:19donc il y a une culture vraiment à mettre en place là-dessus.
48:22Et puis parfois se dire que les choses essentielles,
48:25on est OK de ne pas les mesurer et on fait confiance aux entrepreneurs
48:28qui depuis 5 ans, 6 ans, 10 ans, 15 ans font le même métier
48:33et sont là en train de remplacer l'État à certains endroits.
48:36Et je ne dis pas que c'est la faute de l'État, ce n'est pas bien,
48:38c'est que l'État ne peut pas non plus tout faire
48:39et je trouve ça très bien qu'il y ait d'autres corps de métier qui s'en occupent.
48:42En revanche, il faut les regarder avec beaucoup plus souvent les yeux de chimène
48:45que des yeux de défiance.
48:47Vous le savez, c'est une émission 100% pratique
48:51et c'est bientôt la fin de ce débat.
48:53Non, ce n'est pas possible ça.
48:54J'aimerais qu'on termine par un petit tour de table.
48:59Quel conseil donneriez-vous à quelqu'un qui veut se lancer dans ce domaine ?
49:03D'aller voir Guillaume.
49:05Et Elsa et Salomé.
49:09C'était une vraie question ?
49:11Ce n'était pas une vraie réponse.
49:12Non, je plaisante, vous avez un effet de manche.
49:15C'est dur ça.
49:16On a trop l'ambiance de repartir avec des conseils et des outils.
49:19Moi, je pense, à la lumière de beaucoup de choses qu'on a pu se dire là,
49:21c'est évidemment, c'est formidable d'être animé par une mission sociétale,
49:26mais surtout pas occulter le caractère entrepreneurial,
49:29y compris économique.
49:31Si on veut se lancer aujourd'hui, une asso qui se lance sans penser
49:35à comment elle va développer des produits,
49:38étant peut-être un gros mot,
49:39mais des programmes qui se vendent,
49:41qui se vendent soit par le biais de financement, mécénat,
49:43mais en tout cas, qui sont pensés comme des produits
49:45et qui se vendent.
49:45Je pense que c'est un écueil qu'il faut réussir à éviter
49:49parce que derrière, si on fait que chasser du financement public, etc.
49:53Et ça, c'est tous les retours qu'on a de toutes les assos qu'on soutient.
49:56Ça devient de plus en plus compliqué.
49:58Oui, d'autant plus, Thomas, si je peux me permettre,
49:59c'est qu'au regard du paysage politique qui évolue à vitesse grand V,
50:04la contraction des financements publics va être évidente.
50:08Donc, ça va poser la question pour certaines associations
50:10qui travaillent justement à l'antipolarisation,
50:14à faire en sorte d'oxygéner notre démocratie,
50:16à avoir des pratiques pédagogiques alternatives,
50:18d'être beaucoup plus dans ces champs-là,
50:20à potentiellement douter de leur pérennité
50:23alors qu'on a besoin, pour un modèle de société du XXIe siècle,
50:26pour faire face à ces enjeux-là, de soutenir ces associations.
50:31Non, mais je rejoins complètement tout ce qui a été dit jusqu'à présent.
50:33Je pense que peut-être le conseil le plus important que je donnerais,
50:38c'est effectivement de décloisonner.
50:40On l'a bien dit aujourd'hui.
50:41Je pense qu'il ne faut pas avoir d'un côté les gros méchants,
50:44d'un côté les petits gentils de l'économie sociale et solidaire.
50:47C'est tous ensemble qu'on va y arriver de toute façon.
50:49Moi, très concrètement, quand je supprime...
50:52Enfin, je vais le faire à l'inverse.
50:54Si une ancienne de grande distribution supprime un sachet sur une de ses références,
50:59ils ont 50 000 fois plus d'impact que moi en tant que drive-to-mood.
51:03Donc, il faut croiser et il ne faut pas avoir peur de se faire parler les mondes.
51:07Je pense que c'est très important aujourd'hui
51:10pour sortir justement de l'entre-soi
51:12qu'il peut parfois y avoir dans l'économie sociale et solidaire et dont on doit...
51:17Alors, conseil très concret suite à ce que je viens d'entendre de la part de Salomé.
51:21Peut-être dire à un entrepreneur social,
51:23quand il intervient dans le cadre d'une émission, une interview,
51:26une table ronde ou que sais-je, un événement de visibilité,
51:29de venir avec toujours un exemple qui ne vient pas de sa propre organisation
51:32et de citer quelqu'un d'autre justement pour créer cette chaîne d'inspiration permanente
51:36et de montrer qu'on est vraiment un collectif.
51:38Voilà un conseil.
51:39Guillaume, le mot de la fin.
51:41Je pense que c'est un bon moment historique pour être entrepreneur social.
51:45On n'a que des problèmes.
51:47Il y a des problèmes climatiques.
51:49Avec le noir du pétrole.
51:50Non, mais je veux dire, le marché...
51:51Le mot de la fin, c'est Guillaume.
51:54Le marché...
51:55Jusqu'à présent, c'est Guillaume.
51:57Non, mais le marché est immense pour quand on est entrepreneur,
51:59c'est-à-dire quand on aime résoudre des problèmes.
52:01Donc, trouvez votre problème.
52:03Et après, rejoignez des écosystèmes comme Singa, comme HOK,
52:08Make Sense, Ticket for Change que vous allez recevoir la prochaine fois, etc.
52:12pour rencontrer d'autres personnes qui essayent de résoudre des problèmes.
52:15Et lancez-vous.
52:17En fait, à un moment donné, il faut oser et on a besoin de vous.
52:21Donc, allez-y.
52:22Voilà, c'était beau.
52:23Hyper concret.
52:24Votez Guillaume.
52:25Super.
52:26On passe à notre dernière séquence.
52:29C'est le Good to Know.
52:35Et on approche de la fin de cette émission.
52:37Il nous reste juste un peu de temps pour faire un focus sur un outil.
52:41C'est notre Good to Know.
52:42Et aujourd'hui, Guillaume, vous nous parlez d'un outil d'audit de l'inclusion en entreprise.
52:47Tout à fait.
52:48On a créé un outil avec Singa pour mesurer dans les entreprises à quel point elles
52:56sont inclusives depuis le recrutement jusqu'aux pratiques qu'elles peuvent avoir en interne
53:04et en tout cas, la fabrication de produits de service.
53:07Est-ce qu'ils sont dédiés à des publics particuliers ? Est-ce qu'ils sont accessibles ?
53:12Et c'est important parce qu'aujourd'hui, on fait des audits financiers, on fait des
53:18audits juridiques, on fait des audits techniques.
53:20Mais en fait, on n'audite jamais est-ce qu'une entreprise est sociale ? Est-ce qu'elle est
53:24respectueuse de l'environnement ? Est-ce qu'elle est inclusive ?
53:26Et donc, nous, on l'a fait très spécifiquement au départ avec Singa pour l'investissement
53:31dans un certain nombre d'entreprises en Europe.
53:33Mais ça peut servir à n'importe quelle entreprise aujourd'hui en France, des petits, des grands
53:38groupes.
53:39Et j'espère aussi que ces outils vont se développer parce que ce n'est pas forcément
53:44des outils de certification de label, c'est plutôt des outils aussi pour que l'entreprise
53:49arrive à mieux s'évaluer et qu'elle avance en fait sur le chemin de l'entreprise sociale.
53:56Ce qui devrait être le cœur finalement au départ de l'évaluation d'impact.
54:01On est censé au départ faire ça pour s'améliorer soi au sein de l'entreprise et pas forcément
54:05pour le valoriser à l'externe.
54:08C'est marrant parce que dans le cadre d'un programme qu'on a mené avec les jeunesses
54:11pour réfléchir à qu'est-ce que c'est que réussir ensemble au 21e siècle, une des
54:15mesures qui est ressortie, donc ça va un peu dans ce que tu disais Guillaume, c'était
54:18de créer un sociétoscore, un peu à l'image du Nutri-score, mais pour mesurer justement
54:24la manière dont une entreprise se mettait au diapason de tous ces critères.
54:28Et c'est des jeunes de 16 à 24 ans qui ont décidé de monter ça et ça les aidait
54:33potentiellement à décider d'aller travailler dans telle ou telle entreprise en fonction
54:36de son A, B, C, de son petit score sociétoscore.
54:39On a un index égalité qui pourrait peut-être être extrapolé ou en tout cas transformé
54:45dans cette perspective d'inclusion aussi.
54:47Et la seule chose que je dirais, que j'ajouterais à ça, c'est que parfois on parle de ces
54:52outils, ils sont vraiment très intéressants pour les entreprises, mais pour les entreprises
54:57qui sont grandes.
54:58Moi je vois, je connais aussi beaucoup d'artisans, de petits entrepreneurs, de TPE et on leur
55:03demande parfois des exigences de dingue sur les sujets environnementaux ou sociétaux
55:08et en fait ils font juste tourner leur boutique, parfois tout seul ou à deux ou trois personnes
55:13et en fait on ne peut pas leur demander la même comptabilité ou les mêmes exigences
55:16en fait sur cette mesure d'impact, parce qu'en fait ils n'ont juste pas la capacité
55:22de le faire.
55:23Et donc je pense qu'il y a aussi un peu un échalonnement à faire par rapport à la taille
55:26des entreprises, à quel moment on leur demande, ça devient une ETI, hop, il y a ces exigences-là.
55:31Mais il faut que ce soit progressif.
55:32Peut-être Alix pour conclure, tout à l'heure Guillaume terminait le débat en disant qu'on
55:37n'avait que des problèmes, mais c'était pour faire une ouverture sur les perspectives
55:43de sujets qui peuvent être adressés.
55:45Si je prends le verre à moitié plein, on pourrait aussi conclure en disant qu'on n'a
55:48que des solutions, il n'y a jamais eu autant de personnes qui ont envie d'entreprendre
55:52pour résoudre des problématiques sociales et environnementales.
55:54Il y a de plus en plus d'entreprises qui ont bien compris l'enjeu, que ce soit pour
55:58trouver des nouveaux salariés, pour attirer les talents, pour explorer des nouveaux modèles
56:02d'affaires.
56:03Donc ça veut dire aussi que par exemple par des JV sociales ou d'autres modèles qui
56:06sont assez innovants, on peut entreprendre différemment pour l'intérêt général.
56:09Donc allons-y.
56:10C'est beau.
56:11Merci Thomas.
56:12C'est la fin de cette émission.
56:13Merci à Elsa D'Acosta, directrice générale de l'ONG HOKA, Salomé Géraud, également
56:19co-fondatrice du Drive tout nu, Guillaume Capel, co-fondateur de Synga, et puis toi
56:24Thomas, bien sûr, Thomas Brezard, directeur permanent entreprises de Nordsis, également
56:28le co-président du mouvement Bicorp en France.
56:31Merci de nous avoir suivis sur Be Smart for Change.
56:34On se retrouve le mois prochain pour un nouveau numéro.