Avec le fonds Nature Impact de l'ONG WWF, les entreprises peuvent financer des projets de préservation de la biodiversité. En sélectionnant des projets au préalable, le but est de penser en priorité à la biodiversité avant de chercher à capter le carbone. Une initiative qui répond à un besoin de financement parfois oublié. Aurélie Pontal, directrice mécénat de WWF, nous présente ce fonds.
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00:00Générique
00:06Le Zoom de ce Smart Impact avec le WWF.
00:10Bonjour Aurélie Pontal.
00:11Bonjour Thomas Hugues.
00:12Bienvenue, vous êtes la directrice du pôle investissement et Messe la entreprise du WWF.
00:17En quelques mots, c'est une ONG mondiale.
00:22Mondiale, avec des bureaux en France.
00:24Depuis combien de temps ?
00:25Depuis plus de 60 ans au niveau mondial et depuis plus de 50 ans quand même en France.
00:29En France, on existe depuis longtemps aussi.
00:32Une ONG qui est basée sur la science et qui a cette spécificité de travail sur le terrain,
00:37avec des projets terrain et également avec le monde de l'entreprise.
00:41Oui, effectivement.
00:42Alors là, on va parler plus précisément d'un fonds qui s'appelle Nature Impact.
00:48On parle de quoi ? On parle de financement, de projet, de défense de la biodiversité ?
00:54On parle de financement, de projet à l'échelle, de projet de préservation des forêts.
00:59Le fonds Nature Impact, en fait, l'idée du fonds et notre idée,
01:03ça a été de mettre en place un mécanisme de financement pour la préservation
01:07versus ce qui existe beaucoup aujourd'hui sur les plantations d'arbres, la restauration.
01:11On s'intéresse moins à la préservation, c'est là où il y a des besoins de financement
01:15et notamment en France, les gens ne le savent pas, sur la forêt, pour les forestiers,
01:19pour qu'ils puissent mettre en place des pratiques.
01:22Quand on dit préservation, on dit parfois un manque à gagner
01:24parce que le forestier va sanctuariser une partie de sa parcelle forestière
01:29et donc va avoir un manque à gagner par rapport à la productivité de la forêt
01:33ou un coût direct de préservation pour acheter des équipements.
01:37Et donc, il y a ce vrai besoin de financement et en parallèle,
01:41les entreprises, nous, ça fait aussi plus de 20 ans qu'on travaille avec le secteur privé,
01:45avec certaines entreprises qui deviennent partenaires du WWF
01:49et il y avait ce besoin de démarches robustes scientifiquement,
01:53crédibles aussi par rapport à toutes les dérives qu'on a connues
01:57sur les mécanismes de crédit carbone qui financent la plantation
02:01et donc ils recherchaient ce type de démarches plus dans une logique
02:05de contribution que de compensation dans leur politique RSE.
02:10L'entreprise va développer une démarche de RSE, de responsabilité,
02:15qu'est-ce qu'elle peut apporter à la société, comment elle peut contribuer
02:19sur son territoire au-delà de son impact direct
02:23et c'est vraiment ça qu'on a cherché à mettre en place dans le fonds.
02:25Alors, on reparlera de cet aspect SBTI basé sur la science
02:28parce que je trouve que c'est une dimension vraiment intéressante
02:30mais ce fonds dédié, comment il fonctionne, d'où vient l'argent en quelque sorte ?
02:35Alors, comme le fonds, il est porté directement par la fondation WWF,
02:39il est alimenté par des financements d'entreprises sous forme de mécénat,
02:43mécénat défiscalisable, ça c'est une des particularités.
02:46On mutualise les financements, autre particularité par rapport à ce que font
02:50les associations de manière assez classique,
02:52une entreprise finance un projet donné,
02:55donc on mutualise pour avoir des volumes conséquents
02:58et nous, au WWF, on se charge avec une gouvernance partagée,
03:02d'ailleurs on a un comité technique, un comité de partie prenante,
03:06on n'est pas seul pour choisir les projets forestiers
03:09à travers un appel à projet,
03:11donc on en a déjà eu un premier en 2023, on a cinq projets,
03:15on en a lancé un deuxième, donc on est dans le tour de table de levée de fonds.
03:19C'est ça, c'est-à-dire que les fonds sont liés à un certain nombre de projets
03:23que vous avez déjà en tête, c'est ça ?
03:25Alors, on en a déjà cinq qui ont été sélectionnés dans le premier appel à projet,
03:28on est en pré-identification d'autres
03:31et qui vont être sélectionnés ensuite via l'appel à projet.
03:34Et donc, les financements des entreprises,
03:36ils passent par ce fonds et on les réalloue sur ces actions de préservation dans la durée.
03:41Ça, c'est très important aussi, c'est cette spécificité.
03:44On contractualise avec les forestiers, parce qu'on n'achète pas les forêts,
03:47mais ils sont engagés sur des durées qui peuvent aller jusqu'à 99 ans.
03:51Donc là, on est vraiment sur le temps de conservation qui est nécessaire en forêt.
03:55Ce qui donne de la visibilité aussi financière aux forestiers.
04:00Ils savent ce qu'ils vont avoir comme fonds grâce au WWF pendant des décennies.
04:05Exactement, et une garantie aussi aux entreprises.
04:08Parce que souvent, le travers des projets qu'on a observés,
04:10c'est qu'on finance un projet pendant 5 ans, 10 ans, puis après, qu'est-ce qui se passe derrière ?
04:14Donc ça, ça a été vraiment aussi un objectif pour nous.
04:17Et l'autre spécificité pour le fonds Nature Impact qui a intéressé les entreprises,
04:23c'est qu'on a un peu inversé cette logique de prisme carbone en premier.
04:27Je finance et je recherche comme impact, moi, pour mon entreprise à séquestrer des tonnes de carbone.
04:33Oui, notamment, il y a eu pas mal de dérives sur les plantations de forêt qui étaient faites,
04:38parfois, pas toujours, heureusement, mais un peu n'importe comment,
04:41pas forcément les bonnes espèces, etc.
04:43Et le crédit carbone, c'est uniquement un outil finalement qui peut être plus ou moins bien utilisé.
04:48Donc nous, on a développé cette logique avec un prisme d'abord biodiversité.
04:53Donc c'est parce qu'on préserve la biodiversité et c'est notre légitimité bien sûr au WWF
04:58qu'on va séquestrer du carbone dans la durée.
05:00Mais le carbone devient uniquement un co-bénéfice.
05:02Et pour ça, on a travaillé sur une logique, alors on n'a rien inventé,
05:06qui sont les paiements pour services écosystémiques.
05:09Donc on regarde, en fait, non pas la valeur d'un arbre, d'une espèce,
05:14mais la valeur de la pratique qui est mise en place par le forestier.
05:17On lui donne une valeur économique et c'est comme ça qu'on valorise les financements des entreprises.
05:23On leur délivre finalement des indicateurs d'impact, climat et biodiversité.
05:29On mesure vraiment les deux, on ne sépare pas les deux.
05:31À quel point les forêts françaises sont malades et ont besoin finalement d'un programme comme le vôtre ?
05:36C'est vrai qu'on a souvent l'habitude de penser en France que la forêt va bien,
05:40comparée à d'autres bassins forestiers sur lesquels on travaille par ailleurs.
05:43En fait, la forêt française, elle n'a pas un problème de quantité,
05:46on a un couvert forestier important, mais elle a un problème de qualité et de qualité écologique.
05:51La forêt, elle nous rend de multiples services écosystémiques gratuitement.
05:56Un service écosystémique, c'est le cycle de l'air, le cycle de l'eau, le cycle des sols,
06:02bien sûr la séquestration carbone qui a intéressé en premier les entreprises
06:06et qui nous permet de lutter contre le changement climatique.
06:09Elle a un problème de qualité parce qu'on a homogénéisé souvent les plantations,
06:15donc on a rendu les forêts pauvres en biodiversité.
06:19Le maintien de ces services écosystémiques est mis à mal par le changement climatique,
06:23les sécheresses, par bien sûr les parasites aussi.
06:27Donc il y a toute une multitude de facteurs qui font que la forêt française,
06:30en termes de qualité écologique, aujourd'hui, il y a une problématique.
06:34Et donc ça veut dire, si on prend certains des programmes que vous avez déjà lancés,
06:37qu'est-ce que vous faites concrètement ? Vous allez réintroduire de nouvelles espèces ?
06:42Alors non, pas du tout. Nous, on est vraiment sur préserver l'existant.
06:45Donc ce qui va nous intéresser, ça va être typiquement, concrètement, dans une parcelle forestière.
06:51On identifie des arbres-habitats, donc des arbres qui ont une valeur de biodiversité écosystémique très importante
06:59et qui sont du coup préservés, sanctuarisés.
07:02Le forestier peut, par ailleurs, dans certains projets, exploiter la forêt.
07:07Pour ça, on travaille d'ailleurs avec le FSC, le Forest Heritage Council,
07:11qui a mis en place d'ailleurs toute une procédure de certification,
07:15puisque là, c'est une certification sur les services écosystémiques.
07:19Et puis, on peut faire quand même un petit peu de restauration, mais c'est vraiment minime.
07:24Et on va avoir tout un suivi, et ça aussi un suivi dans le temps, de l'impact sur la qualité écologique de la forêt.
07:33Oui, mais alors je repose la question, parce que vous disiez qu'on a un peu uniformisé nos forêts.
07:39Est-ce que dans le cadre de ces programmes, il n'y a pas une possibilité ou une opportunité de réintroduire de la diversité ?
07:47Bien sûr, et de mélanger les essences d'arbres avec différentes couches,
07:50d'ailleurs différentes strates, différentes essences qui sont aussi plus résilientes.
07:53Ça, c'est un vrai sujet aussi pour nos forêts françaises,
07:56parce qu'on a des forêts anciennes dans les Pyrénées, par exemple,
07:59mais on a des forêts qui sont peut-être plus jeunes.
08:01Et du coup, il faut vraiment s'intéresser aussi à la capacité dans le temps de résilience de la forêt.
08:06On parlait de ces programmes basés sur la science SBTI.
08:11Quel rôle joue le WWF quand vous accompagnez une entreprise ?
08:17Alors, vous ne certifiez pas, c'est ça ?
08:20Non, on n'est pas un organisme certificateur.
08:22Mais vous conseillez ?
08:24Nous, on challenge.
08:26Avant tout, on accompagne, on guide l'entreprise sur le comment,
08:30parce que pourquoi la sensibilisation, la prise de conscience, elle est là.
08:33On a des entreprises qui travaillent avec nous depuis plusieurs années.
08:36La Banque Postale, par exemple, qui est un des premiers soutiens du Fonds Nature Impact.
08:39Le groupe BEL, des PME aussi, Ticamoune, Aigle.
08:43Et nous, ce qui nous intéresse dans une entreprise, quand on regarde son engagement,
08:47et une entreprise, elle vient nous voir parce que ce qui l'intéresse,
08:50c'est d'avoir un regard critique sur sa démarche, sur ses engagements.
08:53Quel est son niveau d'ambition ?
08:55Est-ce que pour une ONG comme le WWF, on est bien positionné ?
08:58Est-ce qu'il y a des trous dans la raquette ?
09:00Et donc, on regarde, comme vous le dites, à la fois la partie réduction de son impact
09:04sur des trajectoires de décarbonation,
09:07avec des méthodologies, des outils qui sont basés sur la science.
09:10Vous citiez SBTI pour le climat.
09:12On a aussi développé toute l'approche sur la biodiversité,
09:15sur l'empreinte biodiversité avec le réseau SBTN, Science Based Target Network.
09:20Et donc, on regarde la partie réduction d'impact,
09:22et la partie contribution positive à la société, à l'environnement,
09:27financement, finalement, à l'échelle.
09:29On a besoin des entreprises, surtout dans le contexte actuel,
09:32coupe de subventions publiques, on a besoin des financements.
09:35Est-ce que c'est aussi un moyen pour vous d'éviter de mettre le logo WWF
09:40à côté d'une entreprise qui fait semblant ?
09:43Vous voyez ce que je veux dire ?
09:44Alors, moi, je suis arrivée au WWF il y a plus d'une dizaine d'années.
09:47Et c'est vrai qu'il y avait encore cette logique d'association en termes d'image
09:51qui ne nous pose pas de problème.
09:53Mais en fait, elles sont vite découragées.
09:55Et d'ailleurs, souvent, les gens ne nous connaissent pas du tout
09:57pour notre travail avec les entreprises.
09:58On communique très peu, finalement.
10:00C'est très exigeant d'obtenir aussi, quand même, un partenariat avec WWF.
10:04Il y a toute une démarche d'évaluation de choix.
10:07Les gens sont souvent surpris.
10:09On n'a pas énormément de partenariat avec des entreprises.
10:12Il y a tout un travail de sélection pour s'assurer que c'est gagnant-gagnant,
10:15qu'il y a une valeur des deux côtés.
10:17On ne travaille pas forcément avec les plus exemplaires.
10:19Ça ne nous intéresse pas non plus parce que ce qu'on cherche,
10:21c'est d'avoir un impact.
10:22Donc, il faut qu'il y ait une vraie volonté, des engagements de base.
10:25Et après, c'est plutôt comment l'entreprise peut faire
10:29pour améliorer et progresser dans sa démarche.
10:34Et c'est là que c'est intéressant.
10:35Nous, on la guide, on la challenge.
10:37Mais sur la communication, on essaie de valoriser ce qui se fait de bien.
10:41Parce qu'il y a quand même, et surtout en France,
10:43on a la chance d'avoir des entreprises assez engagées
10:45qui ont mis en place des solutions, qui innovent,
10:48qui financent des alternatives.
10:50Et c'est aussi notre rôle, nous, au WWF,
10:52de mettre en lumière ces innovations.
10:54Merci beaucoup Aurélie Pontal et à bientôt sur BeSmart4Change.
10:58On passe à notre rubrique Startups tout de suite.