Le gouvernement veut baisser de 33% le budget du sport, une baisse de plus de 134 millions d'euros. De nombreux sportifs ont signé une tribune pour protester à cette coupe budgétaire. Michaël Jeremiasz, quadruple médaillé paralympique de tennis fauteuil et chef de mission des Jeux Paralympiques de Paris 2024, a signé cette tribune. Il est l'invité de RTL Soir.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 22 janvier 2025.
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00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bouffillon.
00:03Il est 18h17, bonsoir Mickaël Jérémias.
00:06Bonsoir.
00:07Vous êtes quadruple médaillé paralympique de tennis fauteuil et vous avez été notre
00:10chef de mission des Jeux paralympiques l'été dernier.
00:13Plus de 5000 personnalités du monde sportif ont donc signé deux tribunes ce matin.
00:17Elles appellent à préserver l'enveloppe allouée au sport, le gouvernement veut la
00:21réduire de 33%, soit une baisse de 134 millions.
00:24On n'a pas le droit de faire des économies ?
00:25Si, on a le droit de faire des économies, d'ailleurs il faut faire des économies,
00:29on parle de 60 milliards je crois, simplement on n'a pas le droit de ne pas prendre en
00:34compte la santé physique et mentale des gens, on n'a pas le droit de mettre de côté l'éducation
00:41par le sport, on n'a pas le droit de mettre de côté un outil aussi puissant pour créer
00:45du lien social, pour réduire les inégalités et qui plus est, après ce qui s'est passé
00:50cet été en France, après une organisation extraordinaire des Jeux olympiques et paralympiques
00:54et des promesses qu'on s'est faites, que le sport était peut-être encore un des
00:57rares outils qui permettaient justement d'atteindre ces objectifs-là.
01:01Je ne doute absolument pas de ce que vous venez de nous dire et c'est absolument nécessaire
01:05notamment pour les enfants français, mais dans le contexte d'économies budgétaires
01:08à réaliser, on parle de 60 milliards d'euros à trouver, 60 milliards, le sport dans son
01:14ensemble ne peut pas être mis à contribution ?
01:15Si, peut-être aussi, mais quand vous avez un budget de 0,2%, c'est-à-dire qu'un budget
01:21de moins d'un milliard à l'origine, en année olympique et paralympique, on avait
01:24un budget de 900 millions, 0,2% du budget total de l'État, on l'ampute déjà au
01:29moment du gouvernement Barnier de 100 millions d'euros, dont une partie qui avait été
01:32utilisée pour les Jeux et là, le gouvernement Bayrou veut en amputer 34 millions supplémentaires.
01:37Ça a été rejeté unanimement par le Sénat il y a quelques jours, après notamment une
01:41pression de beaucoup d'acteurs du sport et pas uniquement du sport de haut niveau.
01:45Je vois que vous suivez la qualité, absolument.
01:48Je la suis bien et je travaille dessus, c'est un de mes sujets d'engagement, l'éducation
01:53par le sport et l'utilité sociale du sport, c'est un de mes combats.
01:57Aujourd'hui, c'est l'inverse qu'il faut faire, c'est-à-dire qu'on fait des économies
02:01à très court terme, mais ça coûte des milliards aujourd'hui d'avoir une population
02:05sédentaire.
02:06Ça coûte des milliards, on le sait, il y a des études qui nous le prouvent.
02:08Quand est-ce qu'on va, au lieu juste de travailler toujours dans l'urgence, se dire que ça,
02:12on n'y touche pas ? Parce que ça va nous permettre d'économiser à plus long terme
02:16de l'argent.
02:17Ce n'est pas une baisse de 10, 20 ou 30 %, c'est peut-être une des rares augmentations
02:21qu'on devait avoir pour travailler justement à plus long terme sur comment sauver la société.
02:25Ça va coûter une fortune de devoir composer avec une nouvelle génération qui est bien
02:29plus sédentaire que nous on l'était déjà.
02:31Et je ne parle pas uniquement des personnes décapées comme moi, je parle de la société
02:34dans son ensemble.
02:35Votre argument qu'on vient d'entendre, il est tout à fait sérieux, mais est-ce
02:38qu'il a été évalué en termes de chiffres ? J'ai envie de vous dire que c'est du bon
02:42sens, mais dans ce cas-là, on a besoin aussi de chiffrer ce genre de projections, non ?
02:47Ce n'est pas moi qui ai chiffré ces projections, je ne vous dis pas à la louche que c'est
02:5150 millions ou 100 millions, je vous parle de milliards, des effets directs d'une population
02:56et d'une nation sédentaire, dans le développement de toutes les maladies qui vont être liées
03:00justement à cette sédentarité.
03:02Faire du sport, ce n'est pas juste divertir les Français tous les 100 ans à l'occasion
03:07des Jeux Olympiques et Paralympiques, ce n'est surtout pas ça.
03:09Et la mobilisation des sportifs de haut niveau, ce n'est pas pour leur petite pomme.
03:12En l'occurrence, notamment les grands noms du sport ne sont pas les premiers concernés.
03:15Même si, si demain l'agence nationale du sport n'est plus financée en partie par
03:20la ministre des Sports, ils seront aussi touchés.
03:21Mais on parle de Monsieur et Madame Tout-le-Monde, on parle du sport à l'école, on parle du
03:24sport dans les clubs, dans les associations sportives, on parle du sport périscolaire,
03:28on parle du sport du week-end.
03:29C'est de ça dont on parle.
03:31Je vous le dis autrement, est-ce qu'on imagine qu'il y a certaines fédérations plus riches
03:35que les autres ? Spontanément, je vous dirais le foot, le tennis, le judo, qui dépendent
03:39moins de l'argent public.
03:40Celles-là, elles ne peuvent pas faire un effort et en effet, on continue de s'occuper
03:43de nos gamins à l'école.
03:45On le fait déjà, chacun le fait, chacun le fait à son niveau.
03:48Mais là, on n'a pas une fédération qui est riche à milliards et qui peut mettre
03:51dans le pot commun en disant, nous, on est très très riches et donc on va mettre un
03:55petit peu pour vous.
03:56La réalité, c'est qu'aujourd'hui, on va manquer d'encadrants, on va manquer de
03:59formateurs, on va manquer d'équipements, notamment parce que les Jeux ont suscité
04:02cette envie et ce besoin de faire du sport.
04:04Je ne sais pas si vous vous souvenez, pendant le Covid, les gens inventaient même le fait
04:06d'avoir des chiens ou les emprunter à leurs voisins, à leurs voisines, pour pouvoir aller
04:10faire une petite activité physique et se dépenser.
04:12Pas juste parce qu'ils se faisaient chier, mais parce qu'il y avait ce besoin psychologique
04:16profond de bien-être, d'aller juste faire un effort physique, une activité physique.
04:21Et donc, il est là l'enjeu.
04:22Évidemment, vous avez moins entendu la Fédération française de tennis ou la Fédération française
04:26de foot se plaindre de potentiels coupes budgétaires, parce que oui, elles sont beaucoup plus indépendantes.
04:31Mais ça, c'est l'arbre qui cache la forêt.
04:32Vous le savez comme moi que le sport, il est essentiellement amateur et qu'il vit et
04:37survit grâce aux subventions publiques et aux bénévolats, parce que la plupart des
04:40éducateurs qu'on voit le week-end sur les terrains de sport pour qui s'occupent nos
04:43enfants sont des bénévoles.
04:44Donc, aujourd'hui, on a une obligation morale de trouver une solution.
04:50Donc, on n'est pas en train de dire « attendez, tout le monde fait des efforts et nous donnez-nous
04:53des milliards pour qu'on aille vous ramener des médailles ». Ce n'est pas de ça dont
04:55on parle.
04:56Ce n'est surtout pas de ça.
04:57C'est continuer à préparer l'avenir et à préserver l'avenir de vos enfants et de
05:01la société dans son ensemble.
05:02Donc, vous nous dites, c'est du matériel en moins, des gamins dont on ne pourra pas
05:05s'occuper et des emplois supprimés, je vous ai bien compris.
05:08Entre autres choses, oui, exactement.
05:10Et aussi, mais ça reste aussi un sujet parce qu'on les a mis sur un piédestal il y a quelques
05:15mois, c'est aussi énormément d'athlètes qui sont amateurs qui vont se retrouver sans
05:18l'accompagnement qui leur a permis de continuer et d'être des athlètes professionnels.
05:22Alors, vous allez me dire « oui, c'est marginal au global ». C'est pour ça que je ne vous
05:24en ai pas parlé jusqu'à présent, mais c'est dans une problématique globale.
05:28Quel est le traitement qu'on veut donner ? Quelle place on veut donner au sport ?
05:31Aujourd'hui, on nous dit, depuis des mois et des années, le fameux débat « est-ce
05:34qu'on est une nation de sport ? ». Non, quand vous avez un budget de 900 millions
05:37d'euros et qui représente 0,2% du budget total de l'État et que vous voulez le baisser
05:41de 30%, vous n'êtes pas une nation de sport, vous n'avez pas compris l'utilité politique
05:45et sociale de cet outil-là.
05:47Le jour où on le comprendra, on s'organisera collectivement pour donner les moyens à nos
05:52éducateurs, à nos clubs, à nos associations sportives, pour justement s'en servir du
05:56mieux possible.
05:57Et vous verrez qu'on vivra dans une société beaucoup plus fraternelle, en meilleure santé,
06:01physique et morale.
06:02Et moi, j'y crois profondément.
06:03Et là, c'est le sport amateur dont je vous parle.
06:05Je ne parle pas du sport de niche qui nous divertit à la télé le week-end.
06:08J'ai bien compris.
06:09Moins de sport, tout d'abord pour la jeunesse, c'est aussi peut-être plus d'obèses,
06:14de malades et d'adultes en mauvaise santé, non ?
06:15Quand je vous parle d'enjeux de santé publique, le coût pour la sécurité sociale, c'est
06:20ça.
06:21C'est-à-dire qu'aujourd'hui, la sédentarité, le développement des maladies cardiovasculaires,
06:24vous parlez de l'obésité, évidemment, ça va coûter des milliards.
06:27Le sport, aujourd'hui, sur tout l'aspect social, on en a parlé, mais juste sur la
06:32prévention d'énormément de pathologies, on le sait qu'une personne qui fait une
06:37activité physique régulière, c'est des recommandations de l'Organisation Mondiale
06:40de la Santé.
06:41Et aujourd'hui, on ne le fait pas.
06:42Donc, aujourd'hui, on a ce qu'il faut faire.
06:43Ne serait-ce que pour cette raison-là, c'est déjà largement suffisant pour qu'on ne
06:47continue pas à faire les mêmes erreurs, depuis la nuit des temps, en France, sur
06:50le traitement et la place du sport.
06:52Visiblement, le Président de la République vous soutient.
06:54Alors, je ne sais pas si c'est pour des raisons politiques, au sens péjoratif du
06:57terme, mais en tout cas, il a publié un communiqué aujourd'hui.
07:00Certains nous expliquent que les investissements des Jeux profitent aujourd'hui au sport français.
07:04J'ai envie de vous dire, ce n'est pas faux.
07:05Et on a donc dépassé beaucoup d'argent pour faire quelque chose d'exceptionnel,
07:10ne serait-ce que les infrastructures.
07:11Ça ne vous convainc pas ?
07:12Non, ça ne me convainc pas.
07:14Et puis, ces infrastructures, elles sont utilisées.
07:15Mais je veux dire, les infrastructures, on n'a quasiment rien construit.
07:18C'était aussi une des forces de la candidature de Paris 2024.
07:21Il n'y a quasiment aucune nouvelle construction, à part une piscine et un village qui déjà
07:25sert des milliers de résidents.
07:27Donc, non, il y a eu des rénovations, évidemment, mais aujourd'hui, on a besoin de milliers
07:31d'équipements.
07:32Mais quand on parle d'équipement, je ne parle pas de créer un zénith, je parle d'équipements
07:34locaux de proximité.
07:35Et puis, encore une fois, cet accompagnement, le Président gère d'une certaine manière,
07:40heureusement, qui soutient ce mouvement-là et cette prise de parole-là.
07:44C'est toutes les discussions qu'on a depuis dix ans sur pourquoi on organise des Jeux,
07:48sur l'héritage des Jeux, sur l'importance que les Jeux et que le sport servent.
07:52Une fois qu'ils sont terminés, on a parlé énormément d'héritage, mais moi, je veux
07:55plus que ça.
07:56C'est lui qui a nommé son Premier ministre, c'est le gouvernement Bayreau qui veut aujourd'hui
08:00nous amputer de 34 millions de plus que les 100 millions déjà ponctionnés par Barnier.
08:05Donc, à un moment, c'est d'être plus influent, de taper le plus dur sur la table.
08:08Nous, on va se mobiliser, demain, il y a une audition, une conférence de presse à l'Assemblée
08:13nationale.
08:14On va aller voir les parlementaires, les sénateurs, on fait ce travail-là.
08:15Mais à un moment, il faut que chacun prenne ses responsabilités et soit aussi rigoureux
08:20par rapport à tout ce qui a été promis et dit depuis des années.
08:23En tout cas, votre énergie fait beaucoup de bien à entendre.
08:25Et donc, je rappelle qu'une délégation de médaillés olympiques, paralympiques et
08:29représentants de fédérations se rendent demain à l'Assemblée nationale.
08:33Un dernier mot avant de nous séparer.
08:34C'est l'avenir de la jeunesse qui est en jeu, si je comprends bien tout ce que vous
08:37nous dites depuis le début de cette interview.
08:39Je dirais même plus large, c'est l'avenir de notre société et du monde dans lequel
08:43on a envie de vivre.
08:44Et aujourd'hui, faire du sport en société, c'est vital, vraiment.
08:48Merci infiniment, Mickaël Jérémias, quadruple médaillé paralympique de tennis-fauteuil.
08:53Dans un instant, les toutes dernières informations dans notre journal de 18h30.
08:57Puis à 18h40, nous reviendrons sur la traque du Yalta.
08:59Vous savez, ce navire russe détecté dans la Manche par la marine britannique est suspecté
09:04d'être un navire espion.
09:05La Royal Navy a menacé très clairement Vladimir Poutine.
09:08A tout de suite.