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00:00Je m'aperçois que je ne vous ai pas salué, il y a tellement d'émotions dans ce témoignage d'Esther Seuneau.
00:09Bonsoir mon cher Philippe, bonsoir Mathieu, on va revenir un peu sur justement cet épisode qui a réuni des dizaines de chefs d'Etat,
00:18des rescapés aussi, on a entendu un rescapé tout à l'heure qui est presque centenaire et qui a fait part de la montée de l'antisémitisme,
00:27c'est ce qu'il voit aujourd'hui dans le monde entier, c'est pas que chez nous, ici en France, mais il a profité entre guillemets de cette grande réunion
00:37devant tous les chefs d'Etat pour dire attention, l'antisémitisme est encore là. Sur la Shoah, sur la singularité de ce génocide,
00:48on en parlait à l'instant avec Mathieu Boqueté, Bernard-Henri Lévy hier au grand rendez-vous Europe Insight News Les Echos justement
00:54nous parlait de cette spécificité du génocide nazi. Sur la Shoah, il faut savoir et il faut dire et répéter que ça ne ressemble pas aux autres génocides
01:04pour trois raisons, c'est le seul génocide qui a été sans reste, on n'épargne personne, ni les vieillards, ni les enfants, c'est le seul génocide qui a été sans lieu,
01:20il n'y avait pas un lieu au monde où les juifs pouvaient se réfugier, où ils pouvaient échapper à la curée, à la battue, à l'Allahi mondial, ça c'est jamais arrivé,
01:31les autres génocides, il y a toujours en théorie un moyen de trouver un lieu du monde où on va... Les juifs, le plan nazi, c'était où que vous soyez, vous serez éliminés.
01:42Et puis troisièmement, c'était un génocide, et ça c'est ce qu'il a eu sans doute de plus singulier, qui se voulait sans trace, il ne devait rester aucun humain,
01:53mais il ne devait pas rester non plus la trace et le souvenir de la chose, c'était un crime blanc, c'était un crime sans mémoire. Donc ça c'est les trois choses,
02:06les trois éléments qui rendent cet événement absolument irréductible à tout autre.
02:12Voilà, la mémoire qui disparaît, c'est bien la chose qui nous hante tous, de savoir que peut-être dans 20 ans, 50 ans, 100 ans, 150 ans, 300 ans, les gens ne sauront plus, Mathieu, de votre côté.
02:24Mais pas dans 200, pas dans 50, pour aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il faut bien comprendre ce qui se joue en ce moment, vous faisiez référence à cette personne qui disait que l'antisémitisme est présent partout dans le monde aujourd'hui,
02:36et aussi en Europe, et moi je dirais paradoxalement, l'antisémitisme européen a été historiquement vaincu, et heureusement, au sortir de la seconde guerre mondiale,
02:46l'antisémitisme qui s'impose en Europe aujourd'hui, ce n'est pas un antisémitisme qui renaît, c'est un antisémitisme qui arrive, qui arrive, qui est indissociable des vagues migratoires que nous connaissons aujourd'hui,
02:58et ne pas vouloir, et moi je pense que c'est le paradoxe d'Abermas, vous connaissez vraiment ce philosophe allemand qui disait, la leçon d'Auschwitz, c'est qu'on ne doit plus avoir dans nos sociétés en Occident, de définition substantielle de l'identité,
03:12parce que dès qu'on a le début d'un nationalisme, ça peut culminer dans le nazisme et l'extermination, et ce qu'on ne comprend pas, c'est qu'en diabolisant depuis 50 ans tous les partis qui alertaient justement sur les changements démographiques et identitaires et culturels et idéologiques qui entraînaient l'immigration massive,
03:28et bien on a importé aujourd'hui cet antisémitisme qu'on avait vaincu chez nous, premier élément, et très brièvement pour le deuxième, je pense que ce qu'on voit aujourd'hui, c'est que la mémoire de l'Holocauste et ses paradoxales est aujourd'hui vue comme un symbole de l'hégémonie occidentale,
03:42parce qu'on nous dit pourquoi on ne parle que de ce génocide alors que d'autres groupes ont été victimes de massacres, donc autrement dit, c'est le renversement de l'Holocauste qui est vu aujourd'hui comme un symbole de l'hégémonie occidentale, et de ce point de vue, c'est une perversion absolue.
03:55Phil Guyver.
03:56Oui, j'ai eu un échec dans la transmission, et effectivement c'est pas...
03:59Je vous ai bu de ne pas être totalement d'accord avec ce que disait Mathieu.
04:02C'est effectivement pas dans 20 ans ou 30 ans qu'on doit redouter le retour de l'antisémitisme, je suis d'accord avec...
04:08Non, je ne disais pas ça, je disais que dans 20 ans ou 50 ans, il y aurait sans doute des gens qui n'étaient pas au courant de ce qui s'est passé à Auschwitz, c'est ça que je voulais dire.
04:19Oui, absolument, je comprends. Mais je suis d'accord avec Mathieu sur l'antisémitisme qui arrive, mais nous avons reçu un antisémitisme occidental, anti-occidental, est aussi né dans une partie des universités, dans une partie de la classe intellectuelle,
04:39et qui consiste à avoir, sous couvert d'un antisionisme radical et virulent, à voir en Israël la pointe avancée du colonialisme occidental, de l'hégémonie occidentale dont tu parlais,
04:53et qui fait que cet antisémitisme, il n'est pas d'importation, il est le fruit d'une pensée post-moderne poussée jusqu'à la détestation de soi, de ses valeurs, de la civilisation occidentale,
05:07et qui se retourne aujourd'hui en antisémitisme. Et ces deux antisémitismes nouveaux, celui qui arrive, et celui qui est en train de renaître sous d'autres formes, dans l'intelligentsia, se rejoignent et s'allient.
05:22Je suis d'accord, c'est une nuance nécessaire. En fait, l'antisémitisme qui revient, mais en Occident, c'est un antisémitisme dont on avait perdu la trace.
05:32Marc Rapaël, que je citais au grand rendez-vous, a écrit un livre très important à la fin des années 90 sur la gauche antisémite. Non, la gauche réactionnaire, mais dans l'intérieur, en tout cas, il parlait de la gauche antisémite.
05:41Et cet antisémitisme, autrefois, détestait, dans la figure du Juif, le point culminant du capitalisme. C'était le symbole du capitalisme. Il y a eu une conversion, en quelque sorte, où le Juif est ensuite détesté comme point culminant de l'Occident.
05:55Et Israël, étant le dernier État-nation qui prend au sérieux sa propre souveraineté, détestait Israël. C'est le point culminant, en quelque sorte, du décolonialisme.
06:04Donc, il faut bien voir. Et de ce point de vue, cet antisémitisme universitaire, on en a perdu la trace. Pourquoi ? Parce qu'on a voulu se convaincre que l'antisémitisme n'était que de droite, entre guillemets.
06:14Or, ça, c'est un antisémitisme de gauche. Et parce qu'on a cru que, fondamentalement, c'est une phrase de Fabien Roussel, quand on est antisémite, on n'est pas de gauche. Quand on est raciste, on n'est pas de gauche.
06:23Le fait est que l'histoire a prouvé que quand la gauche avait sa propre tradition antisémite, qu'elle est renaissante aujourd'hui, mais qu'on peine à nommer.
06:30Et si je peux me permettre, le concept d'antisionisme, pour moi, il n'est pas d'isthème d'antisémitisme. Ce n'est seulement qu'une expression parachevée.
06:38Parce qu'on conteste les politiques d'un gouvernement, on conteste le droit de ce peuple d'exister.
06:42On justifie un antisémitisme par son antisionisme, qui est encore plus terrible.
06:46Imaginez quelqu'un qui est très critique, par exemple, envers les politiques de la Norvège. C'est imaginable. Il ne va pas dire qu'on doit, pour cela, priver les Norvégiens d'État.
06:52On doit les priver d'existence nationale.
06:54Je m'attends à tout, vous savez, dans le monde actuel.
06:56Ce n'est pas impossible. Mais pour l'instant, on réserve ça sur le peuple juif.