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Dans ses interviews, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, se met dans la peau des patrons...

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00:00Hubert Védrine, bonjour.
00:02Bienvenue dans Patron en question.
00:04Et c'est formidable parce que vous êtes extrêmement connu,
00:09vous avez été un homme politique très apprécié avec une véritable vision.
00:14Et là, je reçois le chef d'entreprise.
00:16Chef d'entreprise de Hubert Védrine Conseil.
00:18C'est la première fois qu'on m'invite à ce titre d'ailleurs.
00:19Mais oui, j'en suis très fier.
00:21Et quand j'ai vu ce que vous faisiez...
00:23Ça m'a motivé, c'est pour ça que j'ai décidé de venir.
00:25Alors que je suis ça depuis 20 ans.
00:27Très bien.
00:28C'est la première fois qu'on m'intéresse sous cet angle.
00:29Les gens n'ont rien compris.
00:31Alors Patron en question, on comprend tout.
00:32Alors ce qui m'intéresse beaucoup, c'est que je vois à peu près
00:36en quoi vous pouvez aider des chefs d'entreprise, mais vous allez me le dire.
00:39Mais autant je comprends que vous puissiez conseiller des gens du CAC 40,
00:44même du SBF 120, ceux qui travaillent à l'étranger,
00:49votre vision de géopolitique, etc.
00:51Mais expliquez-moi comment vous les aider.
00:55Et puis après, si vous pouvez aider des boîtes plus petites.
00:59Alors d'abord, je ne peux citer aucun nom puisqu'il y a une condition stricte
01:03de discrétion, voire de secret, ça dépend.
01:06Mais je peux montrer le mécanisme.
01:08En fait, j'ai développé ça depuis une vingtaine d'années.
01:11Parce que dans le monde de l'économie, les gens sont par nécessité réalistes,
01:14ce qui est très bien.
01:15S'ils ne sont pas réalistes, ils sont balayés.
01:17Mais ils sont confrontés à des événements géopolitiques
01:19qui les impactent même s'ils ne pensaient pas.
01:22Et d'autre part, à des décisions politiques, de leur point de vue, bizarres.
01:25Et moi, je fais l'interconnexion par rapport à ça.
01:28Donc, je suis disponible pour aider des chefs d'entreprise,
01:33gros ou petits, peu importe.
01:35Même un petit ? Donnez-moi l'exemple.
01:37Non, je n'ai pas besoin d'exemple précis.
01:38Non, mais une boîte de publicité, une assez grosse boîte de publicité,
01:42qu'est-ce que vous pouvez faire ?
01:43N'importe quelle boîte qui vous dirait, je veux aller en Afrique,
01:45comment on fait ?
01:46Ce n'est pas lié à la taille.
01:47Mais moi, je les aide à se protéger des alléages politiques
01:51et à profiter des opportunités géopolitiques.
01:54Qu'est-ce que c'est qu'un alléage géopolitique ?
01:56C'est, par exemple, l'enchaînement de la crise Russie-Ukraine,
01:59les conséquences sur l'énergie, les sanctions,
02:02l'évolution de la politique chinoise,
02:04les évolutions au Proche-Orient, donc énergie, etc.
02:07Et alors, comme j'ai quand même une expérience très longue,
02:09non pas de la politique, mais du pouvoir,
02:11que j'ai connue pendant 20 ans, y compris les cohabitations,
02:15et que je suis encore en relation avec des dirigeants dans le monde entier,
02:18ça m'aide à voir…
02:19Et pardon, je vous interromps, mais justement, vous dites ça,
02:22est-ce qu'il n'y a pas un conflit d'intérêts ?
02:24Non, pas du tout.
02:25En tout cas, ça m'aide à voir ce qui est conjoncturel,
02:27dans la politique d'un pays, et ce qui est structurel.
02:29D'accord.
02:30Donc je vais beaucoup plus vite que des gens qui n'auraient pas de recul.
02:33Il n'y a pas de conflit d'intérêts,
02:34mais s'il y a une boîte qui me demande, aidez-moi sur ce sujet,
02:37j'en ai eu d'autres, je dis non.
02:38Oui.
02:39Je ne peux pas travailler pour deux boîtes en même temps.
02:41Bien sûr.
02:42Ça serait en concurrence, ça se voit tout de suite par rapport à ça.
02:44Mais comme je n'ai pas de fonction publique,
02:46là, je ne suis pas candidat à quelque chose,
02:48il n'y a pas de conflit d'intérêts.
02:50Simplement, il faut être rigoureux dans la bonne compréhension des intérêts,
02:53parce que chaque boîte est particulière.
02:55Mais ce que j'adore, moi, dans le monde de l'économie,
02:57moi qui navigue entre la politique, la diplomatie,
03:00le monde intellectuel, les médias et compagnie,
03:02c'est donc cette perception de la réalité du monde.
03:04Alors la France, c'est un pays très chimérique, en fait,
03:07qui n'arrive pas…
03:08Vous auriez pu dire tout ça à tous les politiques que vous avez côtoyés.
03:11Donc je suis très à l'aise avec ce monde de l'économie.
03:14Simplement, ils sont confrontés à des risques imprévus
03:17et des décisions politiques à Paris, Berlin, Bruxelles, Washington, Pékin,
03:22ou Lagos, comme on veut, qui sont parfois bizarres.
03:25Donc j'essaie de faire le lien et de réduire l'incertitude.
03:28Ce qui est très intéressant, c'est que vous avez été…
03:30Mais je ne fais pas de lobbying, c'est de l'analyse.
03:32Bien sûr, j'ai bien compris.
03:33Après, ils font…
03:34Oui, pas du tout de lobbying.
03:35C'est eux qui décident.
03:36Mais comment… ça m'intéresse beaucoup.
03:38Ce n'était pas la même gauche.
03:39Vous avez été un homme de gauche.
03:40Un Mitterrandien.
03:41Un Mitterrandien.
03:42Je suis issu du Mitterrandisme.
03:43Absolument.
03:44Et vous avez…
03:45Mais j'avais inventé l'expression « gaulo-mitterrandisme »
03:48pour la politique étrangère.
03:50Et j'ai travaillé dans les trois cohabitations.
03:52Donc j'étais le ministre entre Chirac et Jospin.
03:55Donc dans ce que je dis, il n'y a aucun caractère partisan.
03:58Il n'y a pas de caractère partisan.
03:59Mais ce qui m'intéresse, c'est qu'aujourd'hui,
04:01je constate la méconnaissance et l'incompréhension des entreprises,
04:06de ce dont elles ont besoin.
04:07Je vois des hommes qui n'ont jamais mis les pieds dans une entreprise
04:10et qui décident des règles auxquelles nous devons obéir,
04:14y compris de rajouter des complexités
04:16ou de créer, je ne sais pas moi, une banque de la démocratie par exemple.
04:20Et donc, comment vous avez réussi à synthétiser,
04:24en dehors des positions politiques,
04:26pour être du côté de l'entreprise, entre guillemets, dans le bon sens du terme ?
04:29Non, je ne suis pas du côté de l'entreprise contre le pays.
04:32Je suis du côté de l'intérêt général.
04:33Je voudrais que la France se redresse.
04:34C'est ce que je veux dire.
04:35L'entreprise, c'est l'intérêt général.
04:37Beaucoup d'entreprises, ça dépend comment elles sont gérées,
04:40ça dépend des actionnaires, ça dépend de plein de choses.
04:42Ne soyons pas trop naïfs non plus.
04:44Mais globalement, on ne peut pas redresser ce pays
04:47sans une mobilisation de l'ensemble des forces économiques et d'entreprises.
04:51Il faut qu'elles jouent le jeu.
04:53Mais est-ce que ce ne sont pas plutôt les politiques qui doivent jouer le jeu ?
04:56Je n'ai pas vu de problème là-dessus.
04:58La plupart des chefs d'entreprise font pour le mieux par rapport à ça.
05:03Je vous dis, il y a la bataille interne sur
05:05est-ce qu'on privilégie l'intérêt des actionnaires cette année
05:08ou l'intérêt de l'entreprise dans cinq ou dix ans ?
05:10Il y a des choix.
05:11Parfois, c'est très compliqué.
05:13Surtout quand il y a des dimensions énergétiques qui sont très longues.
05:16Mais ce n'est pas ça qu'on me demande.
05:18Dans la situation actuelle, finalement,
05:20les entreprises sont bourrées de gens remarquables,
05:22très compétents, qui connaissent le monde.
05:25Simplement, à un moment donné,
05:27quand le grand patron numéro deux doit prendre une décision très lourde,
05:30il se dit qu'il faut que je confronte ma décision
05:32à quelqu'un qui a vécu là-dedans pendant des décennies.
05:35Est-ce que je ferai ça ou pas, finalement ?
05:37Mais ce n'est pas moi qui vais faire l'analyse
05:39du code des investissements en Malaisie, par exemple.
05:41Ce n'est pas moi.
05:42C'est la grande décision.
05:44Il est arrivé qu'au moment d'analyser le pays,
05:47le contexte géopolitique d'une entreprise qui voulait
05:50ne pas s'expatrier mais travailler à l'étranger,
05:53vous leur avez déconseillé ?
05:55Oui, ça m'arrive de dire...
05:57D'abord, si on me questionne sur des sujets
05:59que je maîtrise par cœur, ok, on y va.
06:01Sinon, je leur dis, donnez-moi un mois ou deux,
06:03je me rebranche.
06:04J'ai gardé des réseaux un peu partout.
06:07Je me rebranche et après, je vais accompagner la décision
06:11mais pas décider.
06:12Ce n'est pas ministre ou président.
06:14J'aide un chef d'entreprise à dire finalement,
06:18est-ce que je reste en Chine ou pas ?
06:20C'est des questions énormes comme ça.
06:22Et comme ils ont des contrats à long terme,
06:24vous intervenez comme conseil géopolitique ?
06:28Des fois, c'est très ponctuel.
06:30Des fois, on passe une demi-journée ensemble.
06:32Des fois, c'est un contrat d'accompagnement
06:34pour un an ou deux.
06:35Ça dépend des besoins des entreprises.
06:38Au moment de l'attaque de Poutine sur l'Ukraine,
06:42beaucoup d'entreprises me disent,
06:43mais qu'est-ce que ça change finalement ?
06:45Quelles sont les issues possibles ?
06:47Qu'est-ce que ça change concrètement ?
06:49Pour l'exportation des céréales,
06:51dans la longue durée pour l'Europe.
06:53J'ai pas mal travaillé pendant un an ou deux.
06:55Après, il n'y a pas besoin de continuer
06:56parce qu'on a donné les éléments de l'explication.
06:59Je ne suis pas une sorte de conseiller permanent.
07:02Ça dépend.
07:03Il y a quelques boîtes qui me demandent
07:04de les accompagner durablement.
07:06Mais beaucoup d'entre elles,
07:07il y a une conjoncture, une inquiétude.
07:09Il faut donner les clés d'analyse.
07:11En ce moment, on a vraiment besoin de vous.
07:13C'est le mot de la fin.
07:15Merci infiniment, Hubert Védrine.
07:18Merci de cette occasion.
07:20J'espère qu'on vous reverra.
07:21On en a besoin.
07:22Merci, c'est gentil.

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