Anne Fulda reçoit Robin Nitot pour son livre «La plume et le tombeau : dix écrivains face à la mort» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Robin Nitto.
00:03Alors, vous êtes journaliste et vous venez d'écrire votre premier livre, bravo,
00:09un livre qui s'appelle La Plume et le Tombeau, 10 écrivains face à la mort
00:13et qui est paru aux éditions Salvatore.
00:15Alors c'est un recueil très intéressant, passionnant,
00:18dans lequel on découvre comment de grands auteurs,
00:21parmi lesquels Charles Péguy, Jane Austen, Arthur Rimbaud, Victor Hugo,
00:25Simone Weil, Lord Byron, ont appréhendé la mort,
00:28ont vécu lors d'un dernier instant.
00:30Alors évidemment, quand on vous voit si jeune en face de nous,
00:33on se dit mais pourquoi diable avez-vous choisi ce sujet ?
00:37Alors c'est vrai que ça peut avoir l'air un peu morbide dit comme ça,
00:40en réalité c'était un bon prétexte d'aborder différents auteurs,
00:44de faire différentes biographies sous un angle qui me paraissait novateur
00:48qui était comment eux en tant qu'écrivains ont abordé le sujet
00:51assez sensible de leur propre fin.
00:54Il se trouve que j'ai constaté que beaucoup d'écrivains
00:57avaient un rapport assez fort, parfois angoissé,
01:00parfois très philosophique vis-à-vis de la mort,
01:04et je me suis dit si on essaie de relire leur oeuvre
01:09à travers leurs derniers instants,
01:11est-ce qu'il n'y a pas quelque chose à tirer un peu de cet angle-là ?
01:15Oui parce qu'on peut se demander ce qu'il y a de commun
01:17entre Saint-Exupéry et Molière,
01:19Simone Weil et Marc Jacob et Arthur Rimbaud.
01:23Finalement vous avez choisi ceux-là,
01:26et est-ce que vous avez trouvé un fil, un point commun entre eux ?
01:30Le grand point commun c'est qu'ils sont tous morts déjà,
01:33et qu'ils écrivent.
01:36Il me semble que je n'ai pas eu de mal à trouver des sujets,
01:40parce que même si leur mort diverge complètement,
01:43leur façon d'écrire aussi,
01:45il y a un dramaturge, une philosophe avec Simone Weil,
01:49des poètes, des romanciers, etc.,
01:51à chaque fois ils se sont posé la question,
01:55et à chaque fois il y a eu une sorte de sursaut aux derniers instants,
01:59soit quelque chose de spirituel,
02:02où ils se remettent à se poser de grandes questions,
02:05ou alors un retour aux fondamentaux,
02:08et j'ai trouvé qu'on retrouvait beaucoup de leurs oeuvres
02:11et d'éléments et d'événements de leur vie dans leurs derniers jours.
02:15Vous écrivez « Chaque mort est une ultime signature de l'auteur ».
02:19Vous citez par exemple Charles Peggy,
02:24qui a écrit des vers qui sont prophétiques.
02:28Bien sûr, « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle »,
02:31ce sont des vers qu'on connaît tous.
02:33Il se trouve que le poème qui s'appelle « Ève » est extrêmement long,
02:35on connaît en général rarement ceux qui suivent,
02:37mais ils sont tout aussi beaux,
02:39et j'invite les téléspectateurs à le lire.
02:41Il a l'air prophétique, effectivement, ce poème,
02:44puisqu'il semble parler de sa propre mort un an plus tard,
02:47sur le front, au début de la bataille de la Marne,
02:50et ça semble couronner tout son parcours d'écrivain et de militant,
02:56puisque c'est un militant réfusard,
02:59patriote aussi, très anti-allemand,
03:03qui tend à la fin de sa vie vers le nationalisme,
03:05et puis surtout qui se cherche dans son rapport à la foi,
03:09qui cherche sa place dans l'Église,
03:12et qui semble le trouver dans les dernières semaines,
03:14juste avant sa mort.
03:15– Alors cette interrogation, si ce n'est religieuse, en tout cas spirituelle,
03:19c'est aussi peut-être un fil rouge que vous tracez
03:22entre ces écrivains si différents,
03:25et on découvre qu'en fait des personnes comme Molière,
03:30qui est pourtant pour tout le monde la figure de l'anticlérical,
03:33enfin peut-être aussi par réaction,
03:35puisqu'à l'époque les comédiens…
03:38– Ils n'avaient pas le bon mot.
03:40– Voilà, on va dire ça comme ça.
03:42– Alors vous faites allusion à Molière,
03:44qui même lorsqu'il est sur le point de mourir,
03:47souhaite être entouré d'un prêtre.
03:50– Oui c'est assez étonnant, à la toute fin de sa vie,
03:53il se fait entourer de deux religieuses qui prient à son cheveu,
03:56alors il sort d'une ultime représentation du malade imaginaire,
03:59au cours de laquelle il toussait beaucoup
04:01pour un malade qui aurait dû être imaginaire,
04:03et on comprend que c'est la fin,
04:05alors il fait vite guérir un prêtre,
04:07et espère abjurer le métier de comédien,
04:10ce qui paraît étonnant,
04:11parce qu'il passait trois soirs par semaine
04:13à se représenter devant le peuple et devant le roi,
04:16il a donné toute sa vie au théâtre,
04:18et tout ça pour à la fin abjurer,
04:20renoncer à tout ça, et se confesser.
04:23– Alors on a envie de vous demander finalement,
04:25dans cette sélection d'écrivain,
04:28quel est celui dont l'approche de la mort
04:31vous a le plus frappé ou touché ?
04:34– C'est peut-être Max Jacob,
04:36qui est assez méconnu,
04:38c'est un poète qui était juif et homosexuel
04:43au début du XXème siècle,
04:45et notamment sous l'occupation,
04:47qui s'est converti au catholicisme,
04:49et puis qui était dans une tension permanente
04:51entre son appétit religieux
04:54et ses soirées mondaines à Montmartre,
04:57la débauche, l'alcool, etc.
04:59– Oui, plus que le mondaine.
05:00– Oui, plus que le mondaine,
05:01et à la toute fin de sa vie,
05:03il meurt en déportation à Drancy,
05:05et ce qui est assez frappant chez lui,
05:07c'est que c'est là qu'il trouve sa place,
05:08c'est là qu'il a l'air d'être le moins angoissé
05:11par rapport à son propre schéma de vie,
05:14il est au milieu des déportés, au milieu des souffrants,
05:17et il a le sentiment d'être enfin là où il doit être.
05:20– En tout cas merci Robin Nitto,
05:22je vous conseille vraiment de lire ce livre,
05:24« La plume et le tombeau, dix écrivains face à la mort »,
05:27et c'est un livre qui est paru aux éditions Salvatore,
05:29merci beaucoup.
05:30– Merci Anne.
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