Anne Fulda reçoit Jean-Yves Le Borgne pour son livre «Coupable liberté» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Jean-Yves Leborgne, on est ravis de vous recevoir, vous êtes un avocat pénaliste bien connu, vous avez déjà écrit quelques livres,
00:08La garde à vue, un résidu de barbarie, Changer la justice ou Accuser, levez-vous, et vous publiez là votre premier roman qui s'appelle Coupable, Liberté, un livre qui est paru aux éditions Fayard.
00:19C'est un roman d'anticipation qui ébauche les contours d'un monde sous surveillance dans lequel le confort, la sécurité sont sacrifiés à la liberté.
00:29Alors déjà, première question, pourquoi avez-vous décidé de franchir le pas, de passer à la fiction ? Est-ce parce que vous pensez comme votre héros Théo qui dit,
00:39c'est ce que vous mettez entre guillemets, le roman c'est aussi l'irresponsabilité, l'immoralité gratuite, une forme de réalité donnée au fantasme, à tout ce que la vie interdit ?
00:48Tout à fait.
00:49Il résume ce que vous pensez ?
00:51Oui, c'est ce que je pense. Le roman est un lieu de liberté où on peut finalement imaginer tout et n'importe quoi sans avoir besoin d'expliquer que l'on a raison.
01:03Il est évident que quand on décrit ce que le monde pourrait être, pourra être, ce que je crains qu'il ne devienne, dans quelques décennies, je n'ai pas la preuve que ma crainte soit fondée.
01:17Aussi bien en la présentant comme un roman, je suis dispensé de justification, mais je pose néanmoins que je crois à cet avenir incertain.
01:28Alors, la liberté, c'est un peu le fil rouge, comme l'indique le titre de votre livre, qui se déroule à peu près en 2070.
01:37On y suit le cheminement de Théo, qui est le héros du livre, qui a perdu son père dans un accident d'avion qu'il pilotait.
01:45En fait, on n'a pas retrouvé le corps, ce qui est important pour la suite de l'histoire, mais Théo est un peu dépressif, maussade.
01:55Vous écrivez « En marge de ce deuil, il y avait autre chose que Théo avait du mal à admettre. Il avait toujours pensé que le monde dans lequel il vivait était le meilleur qu'on put imaginer.
02:03À ses yeux, l'histoire n'avait été qu'un long cheminement pour parvenir enfin, après de multiples soubresauts, à une sorte de perfection construite sur l'exemple négatif des errements du passé.
02:12Mais pourtant, il se sent emprisonné. »
02:14Vous savez, c'est précisément, je crois, la problématique de la liberté. Théo est un homme de son temps.
02:21Il n'a pas la réflexion de nous qui parlons en 2025.
02:25Il considère que la paix, la tranquillité, cette société paisible où tous les conflits, quelle qu'en soit la nature, les plus simples, les plus élémentaires, alors a fortiori les autres, sont interdits.
02:39Et malgré tout, il sent que dans cette sorte d'ordre de tranquillité, il a besoin d'autre chose.
02:48On peut peut-être penser que la liberté ne serait-ce que la liberté d'une pensée, la liberté d'une folie, la liberté de quelque chose qui n'existera jamais est une manière de mettre en cause cet ordre, c'est-à-dire cette paix.
03:05Au fond, comme s'il y avait une contradiction entre l'ordre et la vie et comme si l'ordre était à l'opposé de ce qu'est la liberté qui représente la vie.
03:17Alors dans cette société fictive dans laquelle il évolue, même l'amour est réglementé puisqu'il est amoureux d'une femme, d'une jeune femme qui s'appelle Léa.
03:27Il doit se marier mais le mariage a de drôles d'habits sous cette société que vous nous décrivez.
03:34Je pense que quand on a le souci peut-être comme politique ou comme responsable d'ensemble, parce que la notion d'homme politique ou de femme politique dans mon livre et dans cette époque n'a plus beaucoup d'intérêt,
03:46on se dit qu'il doit y avoir quelque part, quelque chose qui vous résistera toujours.
03:52C'est cette union du couple. On ne sait pas trop ce qui s'y passe, on ne sait pas trop ce qu'il faut en penser.
03:58Est-ce une manière de faire en sorte que les gens vivent tranquilles en s'occupant d'amour et pas d'autre chose ?
04:04Ou est-ce une façon de préserver un lieu qui soit celui où une sorte de révolte puisse trouver sa source ?
04:14Alors on imagine, on ne va pas dévoiler l'intrigue mais on se laisse prendre au fil des pages,
04:20que si vous avez choisi d'écrire autour de ce thème, c'est que vous craignez que l'on se dirige vers un monde où justement les libertés sont de plus en plus réduites.
04:29Est-ce que vous avez en tête quelques libertés qui aujourd'hui sont remises en question et qu'il faudrait justement protéger comme un trésor ?
04:40Vous savez, nous sommes les uns et les autres soucieux de tranquillité, de paix, d'ordre et je dirais que cette intention n'est pas critiquable.
04:52On peut l'admettre comme quelque chose de normal mais il faut faire, je pense, attention à l'évolution qui pourrait être celle de ce souci.
05:02S'il y a un moment où finalement toute nouveauté, toute anomalie, tout risque apparaissent à travers n'importe quel mot ou n'importe quelle attitude
05:14qui n'a pas été prévue, qui n'est pas organisée, qui n'est pas rangée dans un tiroir étiqueté, est un désordre,
05:20alors là cela veut dire que si nous parlons, si vous posez une quelconque question, vous pouvez peut-être ouvrir un tiroir interdit.
05:29Et je pense que la grande évolution qui devrait être, je l'espère, celle de notre société, c'est à la fois maintenir l'ordre et maintenir la capacité
05:39d'une sorte de semi-explosion qui est celle de la nouveauté et d'un esprit libre.
05:45Et la possibilité de s'échapper comme le fait le héros de votre livre.
05:49En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce roman, ça s'appelle donc Coupable Liberté, c'est paru aux éditions Fayard.
05:55Merci beaucoup Jean-Yves Leborne.
05:57Merci.
05:59Sous-titrage Société Radio-Canada