Anne Fulda reçoit Philippe Vilain pour son livre «Mauvais élève» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des livres, Philippe Villain, on est ravi de vous recevoir.
00:04Vous êtes romancier, vous avez écrit plus d'une dizaine de romans au temps d'essai,
00:08et là vous publiez un livre qui s'appelle Mauvais élève, un livre qui est paru chez Robert Laffont,
00:12et un livre qui est l'un des événements de la rentrée, on peut le dire,
00:15non seulement parce que c'est un beau livre, mais aussi parce que vous touchez à une statue de la littérature française,
00:23puisque vous y évoquez notamment l'histoire d'amour que vous avez eue avec Annie Ernaud.
00:29Ce n'est pas, vous le faites, son sentiment de vengeance avec justesse, équité,
00:35mais vous dressez un portrait d'elle qui est assez éloigné de l'image de reine des transfuges sociaux qu'on lui prête souvent.
00:44Alors avant tout, avant d'en venir à cette histoire qui vous a profondément marquée, façonnée,
00:49probablement ce que vous dites, ce que vous reconnaissez dans le livre,
00:52dans les premières pages vous racontez votre jeunesse et finalement votre trajectoire qui semble vous étonner vous-même,
00:57puisque vous vous présentez comme un miraculé social, quelqu'un que la lecture a vraiment sauvé.
01:03Ce n'est pas uniquement une formule.
01:06Oui absolument, la lecture a été véritablement l'instrument de ma rédemption sociale,
01:12de ma résurrection intellectuelle, culturelle et même morale d'une certaine façon,
01:18puisque je dérivais vers une forme de petite délinquance et j'étais vraiment assez mal parti.
01:26Sans parler du chaos qu'a été ma scolarité où j'ai remoblé en sixième, en troisième,
01:31j'aurais pu d'ailleurs quadrupler, à ce point-là ça n'avait plus du tout d'impact sur moi
01:37et la littérature est arrivée miraculeusement et elle m'a aussitôt ouvert un autre horizon,
01:47elle m'a reformé, instruit d'une certaine façon et elle m'a remis dans le droit chemin
01:55et j'ai repris la filière générale et suivi le cursus universitaire jusqu'au terme.
02:00Oui parce que vous aviez commencé un peu contre votre gré, une filière professionnelle,
02:05avec le métier de dactylo que vous deviez apprendre et qui ne vous convenait pas du tout
02:09et cette espèce de libération par la lecture arrive au moment de la chute du mur de Berlin,
02:13symboliquement c'est votre mur à vous qui tombe.
02:16Alors lire devient une passion bénéfique et constructive, écrivez-vous, vous dévorez les classiques,
02:20vous dévorez avec beaucoup de gourmandise Marguerite Duras qui est presque comme une sœur,
02:28vous trouvez chez elle les mots que vous cherchez, puis vous découvrez aussi un jour, un peu par hasard,
02:36un livre d'Agnès Ernaux, La Place qui lui aussi va être un livre très important pour vous, pourquoi ?
02:43Absolument parce que d'une part il parlait de la vie de son père, la vie d'ouvrier
02:49et évidemment ce sont des références qui me parlaient, c'est un texte qui m'a beaucoup beaucoup ému
02:56et qui en même temps m'a interrogé sur le positionnement social également,
03:01sur l'écartèlement des classes sociales que j'étais moi-même en train de vivre,
03:07en faisant des études supérieures évidemment, je commençais à me détacher un peu de mon milieu d'appartenance
03:13et tout ça dans ce livre était contenu et m'a bouleversé,
03:17et c'est grâce à ce livre que j'ai pu rencontrer Agnès Ernaux.
03:22Alors vous dites à un moment qu'elle est votre double réussie,
03:25donc vous lui écrivez, d'ailleurs dans le cadre de vos études dans un premier temps,
03:28vous vous rencontrez d'abord au Flore puis ensuite elle vous propose de venir chez elle à Cergy,
03:35elle vous lâche cette phrase lors de cette première rencontre où il y a déjà de l'ambiguïté,
03:39je n'ai pas encore décidé si je l'ai couché avec vous,
03:42alors c'est le début d'une histoire déséquilibrée,
03:44parce qu'elle c'est déjà une grande écrivaine reconnue,
03:49elle a 29 ans de plus que vous, mais vous y allez quand même.
03:53Oui oui oui, à l'époque je ne me posais pas du tout de questions,
03:56alors il faut remettre la rencontre dans son contexte,
03:59à la fin, au milieu des années 90, cette inversion de la domination dans un couple
04:05évidemment est assez mal perçue, aujourd'hui ce ne serait pas banal,
04:10mais en fait ça ne choquerait pas, ça ne choque pas du tout d'ailleurs,
04:13enfin beaucoup moins en tout cas, à l'époque c'était quand même quelque chose
04:16et je me sentais évidemment, en raison de ce déséquilibre conjugal si j'ose dire,
04:21je me sentais évidemment méprisé lorsque nous devions aller dans une soirée en public,
04:28dans des manifestations où c'était un petit peu compliqué, j'étais évidemment mal vu.
04:34Où elle ne vous assume pas complètement.
04:36Évidemment, parce que c'était malaisant pour tout le monde.
04:39Alors vous décrivez votre vie, vous l'accompagnez en voyage, à ses conférences,
04:44mais alors ce qui vous décide à raconter cette histoire,
04:48est-ce que c'est la publication de ce petit livre « Jeune homme » paru la même année
04:54que celle où Annie Ernaud reçoit le prix Nobel ?
04:56Parce que c'est dans ce livre qu'elle raconte votre histoire.
04:58Oui bien sûr, alors le projet date et est antérieur au « Jeune homme »,
05:03c'est quand même important de le signaler malgré tout,
05:05mais il est évident que la lecture du « Jeune homme » a nourri aussi ce texte.
05:08Alors évidemment, comme j'ai pu le lire dans certains articles,
05:11ce n'est pas du tout un règlement de compte, mais une réponse au texte du « Jeune homme »,
05:15mais également au texte précédent, « L'occupation », fragmenture de Philippe V.
05:19Et c'était un moyen pour moi d'abord de combler les omissions que j'avais pu constater dans son texte,
05:25et puis de me réapproprier ma propre histoire.
05:28C'était important de le faire, et j'ai essayé de le faire,
05:31mais en essayant de conserver mon objectivité.
05:37Alors c'est vrai qu'on terminera là-dessus, c'est tout sauf un règlement de compte,
05:41est-ce que finalement ce n'est pas l'histoire d'une méprise ?
05:44Je ne sais pas, c'est difficile de me faire le lecteur extérieur de cette histoire, je ne sais pas.
05:52Vous lui avez envoyé le livre ?
05:53Non.
05:55En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre, c'est un très beau livre,
05:59ça s'appelle « Mauvaises élèves », c'est paru chez Robert Laffont.
06:02Merci beaucoup.
06:03Merci beaucoup Anne Filda.