Mardi 4 février 2025, ART & MARCHÉ reçoit Charlotte Chambers Farah (European clients manager, Art loss register)
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00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art & Marché, votre émission hebdomadaire
00:11consacrée au marché de l'art.
00:13Pour l'émission d'aujourd'hui, nous recevons Charlotte Chambers-Farrak, Global Art Fair
00:17Manager et European Clients Manager au sein de The Art Loss Register, une base de données
00:22d'oeuvres d'art volées qui participe notamment au processus de vérification d'authenticité
00:27des oeuvres présentes sur les foires d'art, qu'on appelle le vetting.
00:31Plus de détails tout de suite dans un instant dans Art & Marché.
00:38Alors que la foire d'art belge, la BRAFA, a fermé ses portes il y a quelques jours,
00:42je suis en compagnie de Charlotte Chambers-Farrak, Global Art Fair Manager et European Clients
00:47Manager au sein de The Art Loss Register, une base de données d'oeuvres d'art volées
00:52qui participe à ce qu'on appelle le vetting de la foire, c'est-à-dire la vérification,
00:57la conformité et la traçabilité des objets.
01:01Merci beaucoup Charlotte Chambers d'être avec nous.
01:02Merci à vous.
01:03Alors tout d'abord, est-ce que vous pouvez nous raconter la création de The Art Loss
01:07Register, c'est vrai que c'est une base de données assez particulière.
01:10Oui, en effet, on a été créé en 1990 par un groupe d'assurance qui ont voulu centraliser
01:17dans une base les objets qu'ils avaient indemnisés.
01:20Depuis 1995, on est indépendant de ces assureurs et donc Art Loss, c'est un service de diligence.
01:26Donc on fournit ce service de diligence pour les acteurs du marché de l'art, que ce soit
01:31les maisons de vente, les foires, les marchands, mais également les musées et les forces
01:35de l'ordre avec qui nous travaillons de manière gratuite.
01:37Nos données sont donc des oeuvres qui sont volées, spoliées, pillées, mais pas tous
01:45les enregistrements sont négatifs.
01:46On a aussi des enregistrements positifs, disons, donc on va bien au-delà des problématiques
01:52de l'oeuvre volée ou pillée, voilà, on opère vraiment sous ce thème de la diligence.
01:57Donc ça veut dire qu'il n'y a pas forcément, parce que j'ai vu qu'il y avait 700 000 objets
02:02qui sont présents sur cette base de données, ça ne veut pas forcément dire qu'il y a
02:04700 000 objets d'art qui sont perdus et volés sur cette planète.
02:08C'est ça, donc pas du tout.
02:09Il y en a quand même moins.
02:10Non, bien plus, bien plus, mais dans la base, en fait, on offre un service qu'on appelle
02:16des enregistrements positifs pour les copropriétaires d'oeuvres d'art, mais aussi pour les banques
02:21et pour les prêteurs d'art.
02:22Donc eux, ils peuvent enregistrer leurs intérêts de sécurité ou leurs intérêts de propriété
02:28pour s'assurer que quand l'objet apparaît à la vente au marché, c'est avec leurs accords.
02:32D'accord.
02:33Voilà, c'est vraiment sous ce thème de diligence.
02:37En tant que collectionneur aussi particulier, on peut mettre ces objets d'art dans la base
02:42de données ou c'est pas à destination ?
02:43Si on est copropriétaire, oui.
02:44D'accord.
02:45Il y a une grande différence entre être copropriétaire, d'avoir l'objet chez soi et quelque part
02:51d'autre.
02:52Et donc, pour assurer la diligence, on peut l'enregistrer.
02:55Comme ça, si jamais l'objet apparaît à la vente, on appelle l'autre partie et on
03:00s'assure qu'elles sont bien au courant, qu'ils ont leurs accords pour vendre l'objet.
03:04Et comment ça se passe au sein de la base de données ? J'imagine qu'il y a une manière
03:10de classer tous ces objets.
03:12Comment ça s'organise au sein de la base de données ?
03:15Oui, c'est une très bonne question puisqu'en ce moment, on est justement en train de travailler
03:18ce thème de catégorie.
03:19On a des équipes spécialisées, on a nos départements de montres, on a 5 à 9 coïncidences
03:27par jour.
03:28La semaine dernière, on en a eu 49.
03:31D'accord, c'est un département dédié aux montres, c'est parce que c'est l'objet
03:33qui se…
03:34Oui, parce que les vérifications sont complètement différentes puisque c'est le numéro de
03:37série.
03:38C'est un travail beaucoup plus dynamique et c'est des vérifications qui sont automatisées
03:42maintenant dans la base.
03:43Donc, on a un délai de deux minutes pour les montres alors que pour un tableau, c'est
03:48différent.
03:49Il y a des questions d'attribution, il y a des questions de… parce que c'est le
03:52même objet dans la base, on a des données qui sont plutôt historiques, donc des photos
03:56en noir et blanc, des enregistrements qui ne sont peut-être pas très clairs et donc
04:00ça prend un certain temps pour faire ses recherches et s'assurer que c'est bien
04:04le même objet.
04:05Est-ce qu'il y a une typologie qui est surreprésentée dans cette base de données ?
04:10C'est vrai qu'on peut s'imaginer tout de suite un tableau, etc.
04:15Mais est-ce que c'est vraiment un tableau d'art, de beaux-arts, qui est le plus représenté
04:21et qui est le plus volé ou qui manque le plus ?
04:23C'est vrai que le plus volé, je dirais, ce sont les livres et les manuscrits.
04:27Il y a énormément de vols dans les collections publiques, ce qui est nocif à l'intérêt
04:32général.
04:33Donc, c'est vrai que c'est un travail qu'on essaye d'entreprendre des enregistrements
04:37proactifs.
04:38Grâce à ce financement du côté privé, on peut entreprendre des grands projets d'enregistrement
04:45pour disposer d'un service pertinent pour chaque marché.
04:49Parce qu'en effet, on travaille à l'échelle internationale, donc c'est important pour
04:52nous, pour chaque maison de vente dans chaque pays, que c'est un service qui est pertinent.
04:57Parce qu'en fait, c'est aussi une base de données qui n'est pas mise à jour, ne sert
05:00pas à grand-chose.
05:01Et justement, est-ce qu'il y a des fausses évolutions en lien avec les nouvelles oeuvres
05:06d'art, peut-être, je ne sais pas, des cartes de collection, des collections qui se développent
05:13de plus en plus vers aussi des jeunes collectionneurs qui seraient plus intéressés par ce genre
05:18d'objet ? Je ne sais pas, est-ce que vous avez des nouvelles typologies que vous rentrez
05:21au fur et à mesure ?
05:22Oui, c'est une bonne question.
05:23En fait, comme on n'est pas sur le côté du marché, c'est vrai qu'on ne voit pas trop
05:27ce genre de...
05:28Parce qu'on travaille vraiment avec les acteurs du marché de l'art, plus que les collectionneurs.
05:31Mais c'est vrai que pour contourner, on a changé nos matières, nos manières de travailler
05:36avec, par exemple, l'archéologie.
05:37C'est vrai que quand on a commencé en 1990, c'était une question de si c'est sur la base
05:42oui ou non.
05:43Après, on mettait un certificat.
05:45Aujourd'hui, on sait très bien qu'un objet qui a été pillé d'une tombe, on n'était
05:51pas au courant que l'objet a été volé et donc il n'y a pas un registre de ces objets.
05:55Donc, on essaye de contourner ce problème par la provenance, assurer qu'un objet a la
05:59provenance, disons, correcte.
06:01Mais on a aussi une autre base de données qui s'appelle CHARGE, qui s'appelle The Cultural
06:05Heritage at Risk Database, qui a été commencé par quelqu'un qui s'appelle William Korner.
06:11Et c'est donc une manière proactive, en fait, c'est d'enregistrer les objets à péril,
06:17donc dans les pays à risque.
06:18On enregistre proactivement les objets qui sont dans les collections publiques, donc
06:22dans les musées, dans les bibliothèques, pour s'assurer que justement, si jamais cet
06:26objet réapparaît à la vente dans 5 ans, 10 ans, on peut dire que, disons, en 2025,
06:32cet objet était censé être dans le musée à Kaboul, par exemple.
06:35Et donc, on a eu plusieurs coïncidences, en effet, avec cette méthodologie.
06:39Donc, c'est une manière, pour nous, d'anticiper les problèmes.
06:43Et justement, j'imagine aussi tout un pan de votre travail destiné aux œuvres d'Ars
06:48Paulier.
06:49Ça a dû aussi être une nouveauté dans votre travail depuis 5-10 années.
06:53Oui.
06:54Oui, c'est une grande partie de notre travail.
06:56Donc, on a une équipe dédiée pour les œuvres d'Ars Paulier, donc pendant la période
07:021933-1945.
07:03Et voilà, il y a des informations qui viennent tous les jours à la lumière.
07:08Et c'est vrai qu'un objet qu'on a peut-être émis un certificat il y a 5 ans, c'est vrai
07:12qu'aujourd'hui, notre positionnement aurait pu changer.
07:14Est-ce que vous avez l'impression que de plus en plus, en tout cas, que les personnes
07:19sont de plus en plus intéressées par ces questions, se tournent de plus en plus vers
07:23vous ?
07:24Est-ce qu'il y a eu un changement, une évolution de l'intérêt de faire toute cette traçabilité,
07:28etc., depuis je ne sais pas combien de temps ?
07:30Carrément.
07:31Et je le constate justement dans les foires.
07:33On voit qu'il y a 5 ans, 10 ans, sur les accompagnements, disons les blobs, je ne sais
07:40plus quel est le mot en français, juste à côté des tableaux.
07:43Ah, les cartels.
07:45Les cartels, voilà.
07:46On voit qu'il y a 5 ans, 10 ans, il n'y avait pas de mention d'une restitution.
07:50Alors qu'aujourd'hui, on voit ça qui est très clairement expliqué.
07:54Et je pense que ça intéresse les collectionneurs de plus en plus, de savoir l'histoire de
07:59l'objet.
08:00Et donc justement, on a parlé de vetting dans le sommaire de cette interview.
08:05Le vetting, c'est un mot anglais très niche pour parler de cette commission qui est réalisée
08:15pour vraiment assurer la traçabilité de chaque objet dans une foire.
08:18Vous participez notamment à cette commission au sein de la BRAFA.
08:21Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ça se passe, cette commission ?
08:25Oui, bien sûr.
08:26Donc peut-être expliquer le vetting.
08:27Le vetting, c'est la période juste avant l'ouverture d'une foire.
08:30C'est un à deux jours où les experts et quelquefois les forces de l'ordre et donc
08:35Arklos sont invités pour analyser la qualité, l'authenticité et donc le titre de propriété.
08:40Et c'est là qu'Arklos intervient.
08:42Donc nous, on commence nos vérifications en amont, donc entre 6 et 4 semaines avant
08:46l'ouverture de la foire, les marchands nous envoient leur liste, ça nous donne le temps
08:51de confronter ces objets à la base de données et de résoudre un problème qui aurait pu
08:55surgir.
08:56Donc que ce soit un problème de provenance pour l'archéologie, chaque foire a des directives
09:01de vetting.
09:02Donc on respecte ces directives quand on fait nos vérifications.
09:06Donc voilà, on commence en avance, ça nous permet de résoudre un problème qui aurait
09:11pu se passer mais aussi enlever l'objet de la foire.
09:16Sauver aux marchands le coût de transport pour une pièce qui ne peut pas être exposée.
09:20Et donc c'est de cette manière que la foire entreprend sa diligence pour elle-même au
09:26nom de ses marchands.
09:27Oui parce qu'on dit qu'il y a des directives de la foire, ça veut dire que, par exemple
09:30la BRAFA, qu'est-ce que c'est ?
09:31Donc il y a des directives de vetting, donc chaque foire a un document qui a des conditions
09:37assez…
09:38Plus ou moins strictes ?
09:40Plus ou moins strictes, c'est vraiment foire par foire.
09:43Donc par exemple, Freeze Masters en Angleterre ont une directive de date de provenance 1970,
09:50qui correspond à la date d'UNESCO pour les pièces d'archéo.
09:53D'accord, donc ça veut dire qu'avant 1970, on ne va pas forcément aller chercher
09:56toute la traçabilité mais à partir de 1970, on va considérer que…
10:00Voilà, donc Freeze Masters exige qu'une pièce ait la provenance avant l'année
10:041970.
10:05D'accord.
10:06Ce qui est quand même assez strict.
10:07Les autres foires ont des exigences qui diffèrent, mais nous on prend vraiment ce document pour…
10:15Oui, comme ligne directrice.
10:17Qu'est-ce qui se passe si l'objet est incertain ? Parce que ça veut dire quoi ? Le galeriste
10:22va quand même venir sur la foire présenter d'autres objets, mais est-ce que ça vous
10:26arrive par exemple de considérer que cet objet est incertain ? Ça nuit quand même à la
10:31crédibilité de tout le galeriste.
10:33Oui, c'est un travail très délicat.
10:35En effet, le vetting… Il y a une période après le vetting qui s'appelle l'« appeals
10:41period » où ça donne l'opportunité aux marchands de se défendre.
10:46D'accord.
10:47S'ils ne sont pas d'accord avec un avis d'un des experts, ils ont quelques heures
10:52il me semble de pouvoir se défendre et montrer le cas et après c'est la décision de la
10:56foire si cet objet peut rester.
10:59Et ça, ça vous arrive ou c'est quand même extrêmement rare ?
11:03Écoutez, moi ça m'arrive, mais de mon côté c'est plutôt noir et blanc, parce
11:07que si jamais un objet est dans la base, en effet il n'y a pas grand-chose que…
11:11Oui, vous êtes juste là pour se défendre.
11:13Vous apportez vraiment votre vision par rapport à la base de données, vous n'apportez
11:17pas un point de vue en fait, parce qu'en fait soit c'est sur la base, soit c'est
11:22dans la base.
11:23Non, voilà, donc Artlass ne regarde pas les idées de qualité et d'intensité.
11:28Ça c'est pas notre domaine, c'est le domaine des experts qui sont invités pour
11:31le vetting.
11:32Nous c'est vraiment, bon après je dis l'authenticité, c'est vrai qu'on a un
11:35grand nombre d'enregistrements des forces de l'ordre, pour défaut, mais c'est
11:39vraiment une minorité.
11:41Nous quand on intervient dans des moments difficiles, c'est vrai que quand on estime
11:45qu'une pièce n'a pas assez de provenance, donc on estime qu'elle n'est pas à la
11:48hauteur des exigences de la foire, et c'est dans ces cas-là qu'en effet ça peut être
11:53compliqué, mais la décision ultime reste avec la foire.
11:57D'accord.
11:58Donc nous c'est vraiment, on apporte ce service de diligence, on informe la foire
12:02le degré de risque ou pas, et c'est à elle de prendre la décision.
12:06Et il nous reste quelques, enfin une dernière minute.
12:10Est-ce que vous avez une histoire, je ne sais pas, quelque chose d'assez extraordinaire,
12:14une histoire positive qui s'est passée autour des Artlass, un objet qui a été
12:17retrouvé peut-être longtemps après l'avoir cherché.
12:20J'imagine que vous en avez tous les jours, des belles histoires d'objets qui sont
12:23retrouvées.
12:24Oui, justement c'est des histoires que j'espère peuvent donner un peu plus de confiance
12:30pour le marché.
12:31Donc l'année dernière on a fait une restitution pour Chatsworth House, qui est une maison
12:35historique en Angleterre, qui s'était fait voler un tableau, et on l'a retrouvé
12:42l'année dernière sur le marché, 55 ans après la perte.
12:46Donc voilà, on espère que ce type d'histoire peut justement inciter les personnes à
12:52vérifier ces objets, mais également signaler leur perte.
12:56Si il n'y a pas de signalement, en tout cas, on ne peut pas le retrouver.
13:01Donc appelez-moi !
13:03Formidable, merci beaucoup Charlotte Chambers-Farah.
13:05Je rappelle que vous êtes Global Art Fair Manager et European Clients Manager au sein
13:10de The Artlass Register.
13:12Et c'était Arrêt Marché.
13:13Merci beaucoup de nous avoir suivis.
13:14A la semaine prochaine.