• avant-hier
Mercredi 5 février 2025, LEX INSIDE reçoit Xavier Matharan (Associé fondateur, Parme Avocats) , Victor Champey (Associé, Bérénice Avocats) et Nathalie Wolff (Maîtresse de conférences en droit public, UVSQ)

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de Lex Inside, l'émission
00:27qui donne du sens à l'actualité juridique, du droit, du droit et rien que du droit.
00:32Au programme de ce numéro, on va parler du devenir des titres d'une société dans
00:37le cadre d'une succession avec Victor Champet, associé chez Berenice Avocat.
00:42On parlera ensuite de la justice selon Kafka avec Nathalie Wolf, maîtresse de conférence
00:48en droit public à l'université Versailles-Saint-Quentin et enfin, on parlera numérique et territoire,
00:55quels sont les défis pour les collectivités territoriales avec Xavier Mataran, associé
01:01chez Parmavoca.
01:02Voilà pour les titres, Lex Inside, c'est parti !
01:05On commence tout de suite ce Lex Inside et on va parler du devenir des titres d'une
01:20société dans le cadre d'une succession avec mon invité Victor Champet, associé
01:25au sein du cabinet, Berenice Avocat, Victor Champet, bonjour !
01:28Bonjour Arnaud !
01:29La transmission des titres d'une société soulève de nombreuses questions juridiques
01:34dans le cadre d'une succession, on va tout d'abord aborder les aspects du droit des
01:39sociétés.
01:40Pour commencer, quelles sont les problématiques relevant du droit des sociétés qu'on retrouve
01:45le plus souvent dans le cadre de l'ouverture d'une succession ?
01:48Alors Arnaud, en fait, ce qui frappe d'emblée, c'est un paradoxe.
01:53Il y a 1,6 millions de SAS en France, il y a 1,6 millions de SARL, le nombre de SAI
02:00a doublé en l'espace de 10 ans et de manière assez étonnante, au moment de l'ouverture
02:05d'une succession, la problématique du droit des sociétés est souvent absente et elle
02:10pose naturellement des problématiques qui sont extrêmement prégnantes pour les associés,
02:16pour ce existant et ce avenir, les héritiers, et donc assez régulièrement, quand on passe
02:21la porte de Bérenice, on se retrouve avec des problématiques qui sont essentiellement
02:26liées d'abord à la première étape qui est celle de l'agrément, c'est-à-dire que la
02:31personne est décédée, vous êtes son ou ses héritiers, et se pose le problème de
02:36savoir est-ce que vous êtes ou pas associé dans la structure dans laquelle le décujus
02:42était lui-même associé.
02:44Et là, d'emblée, il faut prendre connaissance des statuts, regarder ce qui était prévu
02:49par les statuts, est-ce que les héritiers en ligne directe sont associés ou pas, automatiquement,
02:54c'est possible, ou alors est-ce que rien n'est prévu.
02:57Et c'est là où les difficultés s'amoncèlent assez rapidement, puisque vous vous retrouvez
03:03dans une situation où vous êtes dans une situation étrange, quand vous êtes héritier
03:08de quelqu'un qui était porteur de parts ou actionnaire, puisque vous n'avez droit
03:12à rien, tout en étant héritier de ses parts.
03:16Alors comment fait-on ?
03:17Alors vous êtes, avant de faire, il faut observer qu'on n'a pas le droit de voter
03:24et on n'a pas le droit aux dividendes.
03:25Donc comment fait-on ? On va solliciter son agrément auprès des associés existants.
03:31Et donc c'est souvent un processus qui est prévu par les statuts, et donc on va solliciter
03:36auprès des associés existants le fait d'être agréé ou pas.
03:40Donc de deux choses l'une, soit les choses se passent bien, vous êtes agréé, et vous
03:44vous retrouvez dans les chaussures de celui auquel vous héritez, et vous reprenez le
03:49cours normal de la vie de la société, mais, et ça arrive relativement souvent, vous n'êtes
03:54pas agréé.
03:55Et là va se poser toute une série de problèmes qui vont être entraînés par l'absence
04:01d'agrément, et notamment…
04:02Quels sont les principaux problèmes ?
04:04Alors notamment le fait que, celui de la valorisation en fait, c'est le premier problème
04:10qui apparaît.
04:11Vous n'êtes pas agréé, et donc du coup les associés existants ou la société doivent
04:17vous racheter, mais à quelle valeur ? Et là on arrive très rapidement à des problématiques
04:22qui sont récurrentes, qui sont notamment celles par exemple de l'écart entre la
04:27déclaration de succession, où on va avoir tendance à déclarer la valeur des parts
04:32au nominal par exemple, et puis la valeur réelle de cette société qui n'a pas vraiment
04:37été analysée dans l'espace de six mois qui s'écoule entre le décès et le dépôt
04:42de la déclaration de succession.
04:44Or souvent, la problématique de l'agrément est totalement oubliée, et on peut se retrouver
04:49après des années, et après avoir déposé la déclaration de succession, avec des problématiques
04:53de valorisation des parts qui doivent être rachetées à ceux qui ne sont pas agréés.
04:58Comment se détermine la valorisation des parts ?
05:01Alors le mieux, c'est évidemment l'amiable, souvent en impliquant l'expert comptable
05:07de la société qui la connaît bien, et il y a une discussion qui va s'engager sur
05:11la valorisation.
05:12Si on est bloqué et si on n'y arrive pas, vous avez le recours à des procédures qui
05:17sont spécifiques, qui permettent de désigner un expert, en premier et dernier ressort,
05:22qui va valoriser les titres de la société.
05:24Alors on va s'intéresser à un autre aspect, comment peut-on anticiper au mieux les effets
05:31du décès sur la vie sociale ? Est-ce qu'il y a certains points de vigilance à avoir
05:35en tête ?
05:36Alors, il faut voir qu'on est dans une problématique très particulière qui est celle du temps
05:41long.
05:42Souvent, en droit, quand on fait du corporate, en droit et société, on est dans un temps
05:46immédiat.
05:47Là, on est sur la vie, la vie comme elle va, avec ses évolutions.
05:53Si on prend l'exemple typique d'une SCI, dans laquelle on va loger un bien immeuble,
05:58ce qui est quand même la classique structuration en droit français, vous pouvez vous retrouver
06:05avec une situation où, quand vous avez fondé la SCI, il y avait beaucoup de dettes, vous
06:11avez remboursé l'immeuble avec les loyers, et puis, 20 ans plus tard, il n'y a plus
06:14de dettes.
06:15Et donc, la manière dont les statuts ont été rédigés il y a 20 ans, et si vous entendez
06:19faire une donation à vos enfants, la valorisation a changé, vous avez peut-être un conjoint
06:25que vous désignez avec un démembrement, et donc, il faut constamment se reposer la
06:29question de la modification des statuts au regard du changement de situation.
06:34C'est essentiel d'avoir en tête ce temps long, et c'est là où, par exemple, le rôle
06:37du notaire est extrêmement important, qui suit la famille, qui suit le mouvement, et
06:42qui attire l'attention sur ces problématiques spécifiques.
06:47Bon, il n'en reste pas moins que l'outil le plus efficace, c'est les statuts, dans
06:52lesquels il faut prévoir et se projeter au maximum, pour couvrir le maximum d'hypothèses,
06:58hypothèses qui correspondent à votre vie telle qu'elle est, au nombre d'enfants,
07:01à votre conjoint, etc., etc.
07:03Donc, anticiper au maximum ?
07:05Anticiper et se souvenir.
07:06Alors, une autre question importante, c'est l'émergence d'un contentieux et le recours
07:13aux juges, qui sont souvent vécus comme un échec, est-ce que vous partagez cette vision ?
07:18Alors, pas du tout.
07:19Pas du tout, d'abord parce qu'en réalité, le contentieux, c'est souvent la manière
07:25de cristalliser le différent, c'est-à-dire que souvent, vous avez beaucoup d'engueulades,
07:31beaucoup d'incompréhensions, qui va durer très longtemps, avec la création de fantasmes
07:36autour des droits de chacun, de la manière dont on se souvient des choses, et donc l'avantage
07:42d'assigner, c'est de cristalliser les problématiques qui nous opposent.
07:48Et c'est l'avantage aussi du contentieux, c'est que vous avez des actions qui sont
07:52extrêmement circonscrites, qui sont rapides, qui permettent de purger des problématiques
07:57sur lesquelles on n'arrive pas à s'entendre.
08:00Typiquement, ce dont on parlait tout à l'heure, la valorisation des titres, vous avez une
08:04procédure spécifique qui est prévue par le Code civil, qui vous permet de désigner
08:09un expert, qui sera désigné par le tribunal, qui est donc un tiers indépendant des partis,
08:14et qui va appliquer des méthodes de valorisation pour dire combien valent ces titres sur lesquels
08:19on s'écharpe.
08:20Et donc, une fois que sa décision est rendue, vous avez souvent réglé 80% du problème,
08:25qui est celui de la valorisation.
08:26En d'autres termes, on va pouvoir trouver des solutions là où on avait justement des
08:32questionnements pendant de nombreuses années.
08:34C'est exactement ça, et avec en plus cet effet bénéfique du contentieux, qui est
08:39relativement nouveau, qui est celui de la médiation.
08:42Aujourd'hui, de manière quasi systématique, en matière successorale mais dans d'autres
08:47matières également, le juge va inviter les partis à médier.
08:51Et donc, vous avez la désignation d'un tiers qui va entendre la totalité des intervenants
08:58et commencer à tuer les fantasmes, et à permettre de reprendre une parole qui souvent
09:05est très perturbée par les acrimonies des uns et des autres.
09:10Et donc, ce nouvel outil, qui est utilisé de plus en plus devant les juridictions, permet
09:16d'apaiser la situation.
09:18Alors, elle ne va peut-être pas fonctionner la première fois, et vous allez reprendre
09:21votre contentieux, mais vous aurez déjà avancé sur beaucoup de points, on se sera
09:25reparlé, ce qui souvent dans les successions et en plus sur les problématiques sociétales
09:31est absolument majeur, et on pourra commencer à sortir par le haut d'une situation enquistée.
09:39Et souvent, c'est une solution qui est privilégiée par rapport au contentieux, j'imagine ?
09:43Ah mais bien sûr ! Si, évidemment, si on peut sortir d'une situation en discutant,
09:48en médiant avec l'aide d'un tiers, on la préféra toujours à un contentieux long
09:53et pénible.
09:54On va conclure là-dessus, merci Victor Champet, je rappelle que vous êtes associé au sein
09:58du cabinet, Bérénice Avocat.
10:00Merci Arnaud.
10:01Tout de suite, l'émission continue, on va parler de la justice selon Kafka.
10:09On continue ce Lex Inside et on va parler de l'ouvrage « La justice selon Kafka »
10:22avec Nathalie Wolff, maîtresse de conférence en droit public à l'université Versailles-Saint-Quentin
10:29qui assure la direction scientifique de cet ouvrage.
10:32Nathalie Wolff, bonjour ! Bonjour, merci de votre invitation.
10:36A l'occasion du centenaire de la mort de l'écrivain Franz Kafka, vous avez réuni
10:42dans cet ouvrage universitaires, magistrats, traducteurs, éditeurs et artistes qui sont
10:49réunis pour analyser le regard sur l'œuvre de Franz Kafka, son regard sur la justice.
10:57Quels sont les principaux thèmes de cet ouvrage ?
11:00Comme vous venez de l'indiquer, on a un livre qui est un livre collectif et ce livre est
11:06d'abord le fruit d'un colloque qu'on a mené l'année dernière au Centre culturel
11:10tchèque de Paris.
11:12On a voulu réunir un certain nombre de voix pour pouvoir rendre compte de la multiplicité
11:18des facettes de cette œuvre, de cet auteur avec une personnalité extrêmement complexe.
11:23Comme vous l'avez dit, des éditeurs, notamment de chez Gallimard, Blanche Cerchiglini qui
11:28nous a expliqué pourquoi il fallait republier, retraduire Kafka, des universitaires, des
11:35juristes bien sûr, des magistrats notamment du tribunal administratif de Paris qui ont
11:39un club de droit et littérature, avec son ancien président Jean-Christophe Duchondoris,
11:45également des traducteurs comme Stéphane Pénel et tout un ensemble de voix qui sont
11:50venues tirer le fil de la justice avec trois thèmes, d'abord la langue de la justice
11:56parce que chez Kafka, tout commence par la langue évidemment, cette langue qui est
12:00transparente, qui est sobre mais qui en réalité va ouvrir, donner lieu à des vertiges très
12:06très grands.
12:07D'ailleurs Stéphane Pénel, qui est donc l'un des traducteurs en pléiade et également
12:11en folio, nous explique que Kafka va recourir à un lexique juridique fondamental sans jamais
12:18aller dans le jargon d'experts, vous voyez.
12:21Alors la langue chez Kafka, c'est une langue, il parle allemand, c'est un tchèque qui est
12:27de religion juive et qui vit dans cette Mitteleuropa où on est dans un millefeuille d'espaces,
12:32de langues, donc vraiment le travail sur la langue était important et quelque chose d'intéressant
12:37aussi à noter, c'est qu'il y a à partir de l'œuvre de Kafka un adjectif, l'adjectif
12:42kafkaïen pour décrire une institution, un pouvoir qui est labyrinthique, qui est opaque,
12:49qui est gangrénant.
12:50Et donc c'est le deuxième thème qu'on a voulu tirer dans ce livre, c'est analyser
12:55cette justice kafkaïenne avec toute cette monstruosité qui la caractérise et puis
13:00dernier thème, on s'est intéressé à la question de l'individu, l'individu justiciable
13:06qui n'est pas toujours aussi soumis et résigné qu'on le croit, qui est complexe, contradictoire,
13:12le consentement kafkaïen, il est mu par à la fois une volonté de se soumettre à la
13:16loi et en même temps de chercher le libre arbitre.
13:19Donc c'est un livre qui, si vous voulez, s'interroge sur cet esprit du procès, comme
13:26le disait un autre grand écrivain qui s'appelle Milan Kundera, et un questionnement sur l'absurde.
13:31Donc un livre pour parler bien sûr du sérieux de Kafka, mais aussi pour montrer, parce que
13:36c'est aussi ça Kafka, et on ne le sait pas toujours, c'est pas que l'être souffroteux
13:39et angoissé, c'était un homme très gai qui jouait au tennis, il aimait nager, il
13:45était drôle, il faisait des blagues, c'était un artiste et donc on a voulu aussi dans ce
13:49livre faire ressortir tout ce côté artistique de Kafka en invitant un certain nombre d'artistes
13:57et on peut voir dans le livre par exemple de très beaux dessins, portraits, qui ont
14:01été faits et offerts par Pancho, dessinateur de presse au Canard Enchaîné.
14:05Donc un livre que j'espère gai dans ces thématiques aussi.
14:07Donc on voit qu'effectivement toutes les facettes de Franz Kafka, on va revenir sur
14:13évidemment la justice kafkaïenne, comment la justice est-elle représentée chez Kafka ?
14:21Alors d'abord, ce qu'on peut dire c'est qu'elle est présente dans une grande partie
14:26de son œuvre et ça c'est quand même un premier paradoxe parce que Kafka c'était
14:29un juriste, il travaillait dans un office public d'assurance le jour et la nuit il
14:34écrivait et Kafka il déteste le droit, il dit même, il compare le droit à des sillures
14:40de bois mâchées avant lui par des milliers de gueules, donc vous voyez, c'est assez
14:44fort comme image.
14:45Voilà, c'est assez fort comme image, donc Kafka déteste le droit et pourtant le droit
14:50est vraiment très très présent, par exemple dans Le Procès, ce roman très célèbre
14:55qui raconte l'histoire de Joseph K qui est cet homme sans visage et sans histoire et
15:00qui est arrêté on ne sait pas pourquoi et puis il ne va pas du tout comprendre l'engrenage
15:04judiciaire dans lequel il va être pris, le droit est présent dans la colonie pénitentiaire
15:09avec cette machine monstrueuse, vous vous souvenez, qui grave la sentence des prisonniers
15:14dans leur chair et il est présent aussi le droit dans beaucoup d'œuvres beaucoup plus
15:18méconnues, par exemple dans Défenseurs, un homme qui cherche un avocat parce qu'il
15:22a toujours besoin d'un avocat pour être défendu, enfin bref, le droit est partout,
15:26la justice est omniprésente, elle est écrasante, elle est monstrueuse, elle est labyrinthique
15:33et deuxième paradoxe, alors que la justice est omniprésente, que le droit est partout
15:37et bien la justice est nulle part, elle est insaisissable, elle est inaccessible pour
15:41tous les personnages qui se présentent à elle et chez Kafka la justice est cette machine
15:50absolument écrasante où tous les hommes sont sans cesse coupables de ce qu'ils ont fait
15:56mais de ce qu'ils n'ont pas encore fait et de ce qu'ils vont faire, on peut dire que
16:00la responsabilité est innée et que la culpabilité est ontologique donc on a chez Kafka une machine
16:06judiciaire qui est un monstre qui toujours attrape les hommes.
16:09Alors on va essayer de se replonger maintenant dans les temps modernes entre guillemets,
16:13quelle est la pertinence de Kafka pour la réflexion juridique contemporaine ?
16:18Oui Kafka réfléchit sur les insuffisances, sur les défaillances du droit donc la justice
16:26dans la fiction kafkaïenne bien sûr nous conduit à analyser notre propre justice et
16:32c'est le pouvoir de la littérature et notamment des grands classiques que de venir en permanence
16:37interroger notre société, poser un regard sur la façon dont fonctionne notre monde et parfois la
16:44littérature anticipe aussi le droit. Alors évidemment avec l'oeuvre de Kafka et avec
16:50ses grandes oeuvres il y a quelque chose d'intemporel qui vient toucher le contemporain
16:56et donc ça c'est la première chose qu'on peut dire sur Kafka et sur ses textes par
17:01exemple si on prend un texte qui s'appelle l'étrange tribunal qui n'est pas du tout
17:04connu, un fragment comme ça, deux pages, qui raconte l'histoire d'un homme qui est condamné
17:08à mort, il va se faire exécuter et il explique à son bourreau pourquoi c'est absurde. Et bien ce
17:13texte il nous touche beaucoup plus je crois qu'un grand discours, que des démonstrations, ce qu'avait
17:19fait Victor Hugo avant avec le dernier jour du condamné, il nous touche dans notre chair, c'est
17:23ça le pouvoir de la littérature et deuxième pouvoir de la littérature et pouvoir chez Kafka
17:28et bien c'est de nous conduire à travailler notre esprit critique. De quelle manière ? Alors par
17:35exemple il y a un texte dans le procès, un passage où on est devant la loi, il y a un
17:42gardien et il y a un homme qui se présente, un homme de la campagne qui veut entrer et le gardien
17:47l'en empêche peut-être plus tard. L'homme attend, il attend, il vieillit, il vieillit encore, il est
17:53proche de la mort et à ce moment-là le gardien lui dit pourquoi tu n'es pas rentré ? Voilà c'est ça
17:58un condensé des textes de Kafka, je crois que tout est là pour nous dire au fond et bien qu'il
18:05faut toujours se méfier de ce qu'on croit comprendre, il faut se déprendre de soi-même, c'est très
18:11difficile et toujours garder cet esprit critique sur la façon dont on fait le droit, dont on fabrique
18:16la loi. Kafka, il est cet éclaireur qui va pousser sous nos yeux les injustices, mettre sous nos
18:26yeux les structures cachées, alors c'est pas un combattant des droits de l'homme, c'est pas ça,
18:29mais il a, en partant du réel, il réussit à nous obliger, nous juristes, à faire œuvre
18:38d'imagination pour peut-être fabriquer une justice plus juste. On va conclure sur ces beaux mots,
18:45merci Nathalie Wolff, je rappelle que vous êtes maîtresse en droit public à l'université Versailles
18:51Saint-Quentin. Merci beaucoup. Tout de suite on poursuit l'émission, on va parler numérique
18:57et territoire, quels sont les défis pour les collectivités territoriales ?
19:01Numérique et territoire, quels sont les défis pour les collectivités territoriales ? On en parle
19:17tout de suite avec mon invité Xavier Mataran, associé au sein du cabinet Parmavoca. Xavier
19:22Mataran, bonjour. Bonjour. On assiste actuellement à un mouvement de déréglementation aux Etats-Unis
19:29concernant le numérique et parallèlement l'Europe multiplie les réglementations. Comment
19:36les collectivités territoriales françaises peuvent-elles s'adapter à ces divergences
19:41croissantes entre déréglementation aux Etats-Unis et multiplication des réglementations en Europe
19:48dans le domaine du numérique ? Vous l'avez dit, il y a deux logiques qui s'affrontent. Vous avez
19:52la logique américaine, très clairement, qui est une logique de dérégulation, voire, vous avez
19:59raison, de déréglementation, et puis des logiques européennes qui sont fondées sur le droit, sur la
20:05règle de droit, sur la norme et sur la protection. Les deux sont incompatibles. Mais il se trouve que
20:12l'Europe n'a pas de grands champions dans le domaine du numérique et donc l'Europe va devoir
20:18s'adapter. Vous savez, ce que l'on dit, c'est que quand le loup est libre, l'agneau meurt et il va
20:24falloir que l'on retrouve des marges de manœuvre. La place des collectivités publiques est essentielle
20:31dans ce domaine-là parce qu'elles produisent de la donnée, parce qu'elles sont le siège de la
20:38donnée et donc elles vont devoir, elles aussi, trouver ces espaces de compromis avec les grands
20:44acteurs du numérique. La taille fera beaucoup. Alors, on va aborder un autre sujet. Des collectivités
20:52territoriales, à la suite de la métropole de Rennes, ont érigé la gestion de leurs données en
20:58service public. Quel est l'avenir de ce type d'initiative ? Alors, pour nous, c'est un grand
21:04avenir. Pourquoi ? Il y a trois manières de réagir par rapport à la production de données publiques.
21:10Vous produisez des données publiques, notamment dans les transports, dans le domaine social, dans
21:15le domaine environnemental, et ces données-là sont des données, au sens juridique du terme,
21:21publiques. Elles appartiennent aux collectivités qui l'ont générée. Et donc, vous avez trois
21:27types d'attitudes. Première attitude, la confrontation. Je garde les données. Pour moi,
21:32c'est impossible. Aujourd'hui, en l'État, une collectivité qui garderait ses données par devers
21:37elle, perdrait sa substantifique moelle. Vous avez une logique de soumission. Je n'en fais rien,
21:43je la donne. Et puis, vous avez une logique de conciliation. C'est un exemple très intéressant,
21:49c'est Waze. Je ne sais si vous le pratiquez. Oui, tout à fait, je connais cette application qui
21:54permet d'avoir, justement, les itinéraires pour voyager. C'est ça, optimal. Mais ces itinéraires
22:00optimales peuvent passer devant une école, peuvent passer devant un hôpital. Et donc,
22:09des collectivités locales françaises, Lyon par exemple, Bordeaux, ont passé des conventions
22:14avec Waze pour lui dire, OK, pour vous donner de la donnée, des travaux, des choses comme ça,
22:22mais de grâce, ne passez pas devant les écoles. Voilà, cette logique contractuelle est, à mon
22:27avis, une logique pleine d'avenir. Et les collectivités ont vraiment un poids face à ces
22:31plateformes du type Waze ? Alors, elles ont le poids de leur territoire. Il est certain que si
22:39vous avez votre collectivité à quelques centaines d'habitants, ce n'est pas la même chose que si
22:43elle a quelques millions d'habitants. C'est pour ça qu'il faut s'allier. C'est pour ça que la
22:47métropolisation dans le domaine des données est quelque chose d'essentiel. On va aborder
22:52une autre question. Les collectivités territoriales sont également soumises au RGPD depuis son entrée
22:57en vigueur le 25 mai 2018. Comment les collectivités territoriales françaises respectent-elles le RGPD ?
23:06Là, c'est une des rares bonnes nouvelles, si je puis dire, dans notre domaine où tout de même
23:13la force prime. C'est que ce règlement général sur la protection des données, qui date de 2016,
23:19est déjà très ancien, a été appliqué par les collectivités locales et publiques de manière
23:25générale françaises. C'est désormais un modèle pour l'Europe. Le RGPD, c'est trois choses. Première
23:32chose, ne récolter que des données nécessaires. C'est ce qu'on appelle le principe de finalité.
23:37Deuxième chose, c'est la transparence dans la collecte et dans l'utilisation. Trois, c'est
23:43l'exercice du droit des personnes. Les collectivités locales françaises, dans ces trois domaines-là,
23:48l'État aussi, évidemment, ont fait des innovations, l'ont appliqué, je dirais, pour le plus grand
23:58bonheur des citoyens. Et pour revenir à votre première question, c'est ça que les États-Unis
24:04souhaitent déréguler, et ce à quoi nous sommes tout de même attachés. Quelle peut être la
24:08réponse de l'Europe par rapport à tout ça, justement ? Alors, la réponse de l'Europe,
24:12c'est le rapport Draghi. C'est, d'une part, investir. Il est clair qu'il faut que nous
24:18investissions. On a loupé le coche du numérique, on a loupé le coche de l'intelligence artificielle,
24:24il n'est pas possible de louper le coche de cette nouvelle régulation. Et quelle place
24:29des collectivités ? Il est majeur, il est majeur, parce que c'est elles qui produisent de la donnée.
24:33C'est elles qui, sur leur territoire, ont cette donnée, ce qu'on appelle le nouveau pétrole,
24:42si vous voulez. Et donc, il faut absolument qu'elles le protègent. Non, la place des
24:48collectivités locales, et la place donc du droit des collectivités locales, est essentielle. Vous
24:54avez la loi à ériger la gestion des données en service public. Donc, certaines collectivités,
25:00vous avez fait allusion à Rennes, très très justement, ont érigé cette activité-là en
25:07service public. Ce n'est pas pour protéger, pas du tout, c'est pour pouvoir arriver en force dans
25:12la discussion, voir la négociation. On va parler d'un autre sujet, du plan France Très Haut Débit,
25:18qui a un très beau succès, un plan qui visait à fibrer en très haut débit les territoires. Quelle
25:26sera la suite en matière de contenu ? Le plan Très Haut Débit, qui comme vous le dites,
25:32très justement, a visé à fibrer le territoire en très haut débit, que vous soyez en zone dense,
25:39que vous soyez en zone moins dense, ou que vous soyez en zone rurale. Il avait deux objectifs,
25:44ce plan. Premier objectif, c'est l'égalité des territoires. Où que vous soyez en France,
25:49vous devez avoir accès au Très Haut Débit. Deuxième élément, c'est créer une filière économique
25:55propre à la France. Le deuxième est une formidable réussite, puisque nous exportons ce savoir-faire,
26:04notamment en Allemagne, qui se lance maintenant dans la fibre sur l'ensemble de son territoire.
26:10Sur le plan, c'est une réussite. Il s'agit maintenant de passer à l'étape 2, qui est
26:17l'étape du contenu, et nous en revenons à notre sujet principal, qui est le sujet de la donnée,
26:23qui est le sujet de ce qui va passer à travers les tuyaux des télévisions, des télévisions
26:30juridiques, pourquoi pas. Ce plan Très Haut Début est une formidable réussite pour notre pays.
26:36Pour terminer, comment vous voyez le développement des territoires sur le numérique ?
26:41Il y a malheureusement, mais c'est ainsi, une très grande inégalité des territoires. Vous avez des
26:48territoires qui ont laissé passer, qui laissent passer malheureusement leur chance et qui laissent
26:54faire le marché. Et puis, vous avez des territoires qui prennent en main le sujet. Donc, comment je
27:00vois les choses ? Je vois les choses d'un œil optimiste, mais réaliste à la fois. Il y a une
27:06très grande inégalité territoriale. Or, quand vous êtes à la pointe du sujet numérique, comme ce que
27:13nous venons de décrire, vous attirez les cadres, vous attirez les écoles, vous attirez les
27:21universités, vous attirez les chercheurs et vous êtes dans un phénomène cumulatif.
27:25Ça veut dire, pour finir, qu'il faudra des investissements. On sait qu'on est dans une période qui est assez
27:30difficile, mais sans investissement, il n'y a pas de développement du numérique.
27:34Oui, mais regardez, je suis d'accord avec vous, mais regardez le plan Très Haut Début. C'est une formidable
27:38récit de ce qu'on appelait les partenariats publics privés, des financements privés. Et il y a des
27:44financements privés, notamment des financements issus des fonds de pension, des fonds d'investissement
27:53qui sont venus s'investir pour le plus grand bonheur de cette politique publique.
27:58On va conclure là-dessus. Merci Xavier Mataron d'être venu sur notre plateau. Je rappelle que vous êtes associé
28:02chez Parmavoca. Merci beaucoup. Merci à toutes et à tous pour votre fidélité. Restez curieux et
28:08informés. À très bientôt sur Bsmart4Change pour un nouveau Lex Inside.

Recommandations