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Vendredi 7 février 2025, LEX INSIDE reçoit Eric Delisle (Chef du Service des affaires sociales, des collectivités territoriales, du sport et de l'environnement, CNIL) , Juliette Schweblin (Associée, Jensen & Schweblin) et Lucile Borgne (Head of Marketing, Tomorro)

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00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de Lex Inside, l'émission
00:27qui donne du sens à l'actualité juridique. Du droit, du droit et rien que du droit.
00:31Au programme de ce numéro, on va parler de l'étendue du secret professionnel de l'avocat,
00:36ce sera dans quelques instants avec Juliette Schwebelin, associée chez Jensen & Schwebelin,
00:42également vice-présidente de la commission règles et usages du CNB. On évoquera ensuite
00:47les données qui peuvent être collectées par un recruteur avec Eric Delisle, chef du service
00:53des affaires sociales de l'ACNIL. Et enfin, on parlera des juristes de la French Tech avec
01:00Lucille Borgne, head of marketing de Tomorrow. Voilà pour les titres, Lex Inside, c'est parti.
01:16On commence tout de suite ce Lex Inside, quelles données peuvent être collectées par un recruteur,
01:22on en parle tout de suite avec mon invité Eric Delisle, chef des affaires sociales à l'ACNIL.
01:28Eric Delisle, bonjour. Bonjour Arnaud. Le processus de recrutement est devenu de plus
01:33en plus sophistiqué en s'appuyant largement sur la collecte et l'analyse des données. Quel est le
01:39cadre juridique général qui encadre la collecte de données lors d'un recrutement ? Alors le cadre
01:45juridique, il est double, ce qui n'est jamais forcément une bonne nouvelle, mais il est cohérent.
01:48Le code du travail d'une part, qui encadre les usages au travail des données qui peuvent être
01:54collectées avec une finalité, un objectif de collecte, apprécier la valeur du candidat,
01:58et des données, limiter les données qui peuvent être collectées, également des objectifs de
02:02transparence. L'autre cadre juridique, le RGPD, donc la protection des données, qui cette fois
02:06va avoir un champ un peu plus large et qui va traiter l'ensemble des données collectées par
02:12le recruteur. Donc il va mettre des principes qui sont, bonne nouvelle, exactement les mêmes que
02:15ceux du code du travail, de transparence, de minimisation, avec une finalité poursuivie qui
02:21doit être en lien avec le recrutement. Donc un cadre juridique double, mais simple à comprendre.
02:25Donc c'est des contraintes qui sont doubles pour les recruteurs ?
02:29Alors elles sont doubles, mais finalement comme elles sont exactement dans le même sens,
02:33elles vont exactement dans le même sens, alors il n'y a pas de difficulté, il n'y a pas une
02:36complexité à intégrer ces deux cadres juridiques. Est-ce qu'il y a des données qui sont
02:41spécifiquement interdites lors d'un processus de recrutement ?
02:45Oui, alors le principe déjà c'est que les données qui peuvent être collectées sont des données qui
02:49sont strictement en lien avec l'appréciation du candidat, de ses qualités, pour directement
02:55vérifier et pouvoir s'assurer si oui ou non il répond au poste qui lui est proposé. Donc ça
03:00c'est le principe. De là on en décline évidemment des interdictions, toutes les données qui ne sont
03:04pas en lien direct avec ces éléments. Donc on va prendre des exemples qui sont assez courants,
03:09le numéro de sécurité sociale est souvent demandé parce qu'il est nécessaire lorsque
03:12vous êtes embauché, lorsque vous intégrez l'entreprise, mais pas au stade du recrutement.
03:15Les coordonnées bancaires, des exemples également qui, force est de constater qu'ils continuent à
03:19être posés, des désirs d'enfants par exemple, ou des entourages familiaux que font vos parents,
03:23tout ça est peut-être très intéressant, mais néanmoins n'a rien à faire dans le cadre
03:26d'une appréciation d'un candidat et de ses compétences. Vous avez également un point
03:32d'intention majeur à porter sur les données, ce qu'on appelle sensibles, d'un point de vue
03:36protection des données. Quelles sont ces données ? Alors ces données touchent à tout ce qui touche
03:39la santé, les opinions philosophiques, religieuses, politiques, voilà donc tout ce qui touche un peu
03:45à l'intimité du candidat. Et ces données-là ne peuvent pas et ne doivent pas être demandées.
03:50L'un des exemples topiques, c'est la reconnaissance de la qualité de travail
03:54handicapé. C'est une donnée qui touche à la santé du candidat, qui peut vous être communiqué,
03:59vous recruteur, à la volonté du candidat. S'il ne souhaite pas vous le donner, il n'a pas à vous
04:04le communiquer. Et enfin, peut-être un autre exemple qui est un petit peu à cheval sur ces
04:09interdictions, ce sont certains postes particuliers. Typiquement, je vais vous prendre un exemple de
04:13mannequin. Lorsqu'on est mannequin, on peut, dans une certaine mesure, traiter des informations qui,
04:18dans un cadre général, ne pourraient pas être traitées. Typiquement, la taille, le poids,
04:23les mensurations, dans une certaine mesure, lorsque c'est justifié par la nature du poste,
04:27alors ça peut être. Mais le cas général, c'est que vous ne traitez pas ce type d'informations.
04:31Un autre sujet, c'est le casier judiciaire. Est-ce qu'un recruteur peut demander un extrait
04:38du casier judiciaire ? De plus en plus, on assiste aujourd'hui,
04:42avec les affaires de maltraitance potentiellement, soit sur des personnes vulnérables,
04:46donc personnes mineures ou personnes âgées, vous avez une volonté des recruteurs de vérifier les
04:50antécédents judiciaires des candidats. Il faut savoir que c'est possible lorsque le droit le
04:55prévoit. Ce sont des données qui sont particulièrement protégées, d'un point de vue
04:58protection des données, dès lors qu'elles touchent, encore une fois, à l'intimité du candidat,
05:01qui est son passé judiciaire. Le passé judiciaire est encadré par le RGPD, mais aussi par le code
05:06de procédure pénale, enfin bref, des textes, qui limitent l'usage de ces données. Pour un recruteur,
05:11vous avez de plus en plus de cas dans lesquels le législateur demande à ce que le recruteur
05:17vérifie les antécédents. Lorsque vous allez travailler, par exemple, pour la fonction publique,
05:20vous avez une vérification des antécédents judiciaires. Lorsque vous allez travailler
05:23dans le secteur bancaire, vous avez également des vérifications d'antécédents judiciaires,
05:27en lien évidemment avec le poste. Donc, d'une manière générale, vous ne pouvez pas le faire si
05:32le droit ne le prévoit pas. C'est ce qu'il faut retenir, mais le droit prévoit de plus en plus de
05:37cas dans lesquels le casier peut être demandé. Alors, un autre aspect intéressant, c'est que de
05:42plus en plus de candidats diffusent des informations sur Internet, sur les plateformes. Est-ce qu'un
05:49recruteur peut utiliser ces informations dans le cadre d'un processus de recrutement ? Alors,
05:56c'est un peu contre-nature, mais il faut bien avoir en tête que les données qui sont diffusées sur
06:00Internet ne sont pas libres d'accès, libres de réutilisation. Et ça, c'est quelque chose qui est
06:05assez difficile à expliquer. Ce n'est pas parce qu'un candidat a publié des informations qui
06:09concernent sa vie privée, ses loisirs, ses activités associatives, que le recruteur peut
06:14librement aller farfouiller sur Internet et réutiliser ces informations-là. Ces informations
06:18sont toujours couvertes par les règles du RGPD dans le cadre du recrutement. Et donc, le principe
06:23est encore une fois assez simple, même si mettre en œuvre, on sait très bien que c'est un peu plus
06:27compliqué. Utilisez uniquement les informations qui sont en lien avec l'activité professionnelle
06:32du candidat. Typiquement, le réseau professionnel, par exemple LinkedIn, pour ne pas le citer. Mais
06:37vous allez vous abstenir d'aller vérifier d'autres réseaux sociaux, à moins que, et ça c'est
06:42important, et c'est de plus en plus dans les pratiques, les candidats eux-mêmes vous fournissent
06:46les réseaux sociaux qu'ils souhaitent vous montrer. Typiquement, vous êtes, je ne sais pas,
06:50maquetteur ou faites du graphisme, vous avez envie de montrer votre bloc personnel au recruteur,
06:55vous allez l'indiquer dans le dossier de candidature. D'accord, si vous avez choisi de le
06:58montrer au recruteur à ce moment-là, il peut s'en servir pour sélectionner le candidat. Et il y a des
07:03risques également, à ne pas avoir justement cette étape préalable, il y a des risques d'homonymie.
07:08Et donc, vous pourriez tout à fait, puisque vous n'avez pas forcément de photos sur le CV,
07:12pourriez tout à fait partir sur une appréciation qui serait totalement erronée sur un candidat,
07:18en tout cas qui aurait des activités qui vous déplairaient, dans le cadre de son activité
07:21personnelle, et que vous porteriez un jugement sur ce candidat qui serait totalement faux.
07:27Alors, on va venir sur un sujet qui est de plus en plus au cœur du monde professionnel,
07:34c'est l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le cadre du processus de recrutement. Quel
07:39est le cadre juridique ? Alors, le cadre juridique, il n'est pas double, il est triple. C'est-à-dire
07:44que vous avez toujours ce socle droit du travail RGPD, mais ça c'est assez classique, et vous allez
07:50avoir une surcouche de droits qui va, encore une fois je vous rassure, à peu près dans le même
07:55sens, qui est le nouveau règlement sur l'intelligence artificielle, qui a été publié en mai 2024,
08:00adopté en mai 2024, et qui va rentrer en application de manière échelonnée. Et en matière travail,
08:06le règlement, notamment l'utilisation des algorithmes d'intelligence artificielle dans
08:10une finalité de recrutement, sont particulièrement encadrés, et sont ce qu'on appelle des
08:14intelligences artificielles à haut risque, et qui donc engendrent un certain nombre de garanties
08:20supplémentaires à apporter aux traitements, notamment des garanties de transparence de
08:25l'algorithme, et de vérification que la machine puisse avoir une supervision humaine. Et je vous
08:31disais que cet encadrement était cohérent avec le RGPD, parce que le RGPD lui-même, qui a été
08:36créé dans une optique de vérifier que les traitements mis en oeuvre par une machine ne
08:40portent pas atteinte aux libertés fondamentales, prévoit typiquement une interdiction de traitement
08:45des données qui prennent des décisions entièrement automatisées. Interdiction, il aime bien ça,
08:50avec des exceptions bien sûr toujours, et lorsque ces exceptions sont satisfaites, vous avez également
08:54les mêmes garanties qui doivent toujours s'appliquer. Donc lorsqu'une IA traite des informations sur un
08:58candidat, vous allez avoir une transparence, vous allez avoir une possibilité de réexamen par un
09:04humain de la candidature. Et encore une fois, il faut bien avoir en tête que beaucoup de cas dont
09:10on entend parler, peut-être outre-Atlantique, sur la gestion des émotions, la détection des émotions,
09:14tout ça géré par une intelligence artificielle, en France on aurait du mal à le mettre en oeuvre
09:18par rapport au cadre réglementaire. Pour terminer, rapidement, quelles sont les bonnes pratiques à
09:23avoir en tête pour les recruteurs dans la collecte des données ? Alors si je ne devais en citer qu'une,
09:30ce serait la transparence. Et on constate aussi avec les nouvelles générations qui interviennent
09:38dans le processus de recrutement en tant que candidat, ils ont un soin tout particulier,
09:42ils portent une attention au traitement tout simplement humain que leur apportent les
09:47entreprises dans lesquelles ils candidatent, sur la manière dont sont gérées leurs données,
09:51et également tout simplement sur la considération qu'ils leur portent. Et il est vrai que ne passer
09:56que par une machine dans le cadre d'un recrutement, ce n'est pas forcément ça qui témoigne d'une plus
10:01grande considération à l'égard des candidats. On va conclure là-dessus. Merci Eric Delisle d'être
10:05venu sur notre plateau. Je rappelle que vous êtes chef de service des affaires sociales au sein de
10:09l'ACNIL. Merci. Tout de suite, l'émission continue, on va parler des juristes de la tech.
10:15Quel est l'étendue du secret professionnel de l'avocat ? On en parle tout de suite avec
10:30mon invité Juliette Schweblain, associée au sein du cabinet Jensen et Schweblain,
10:35et également vice-présidente de la commission règles et usages du CNB. Juliette Schweblain,
10:40bonjour. Bonjour Arnaud. Nous allons nous intéresser au contenu du secret professionnel
10:45de l'avocat et on verra également ses limites. Mais tout d'abord, quel est l'étendue du secret
10:50professionnel entre l'avocat et son client ? Le secret professionnel de l'avocat est d'ordre
10:57public, il est protégé par la loi, il est général, absolu et illimité dans le temps. Il couvre tout
11:03d'abord le nom du client, toutes les données personnelles le concernant, évidemment les
11:07consultations établies par l'avocat à l'attention de son client, les échanges entre avocats
11:15concernant le dossier du client, les factures, notes d'honoraires, éléments relatifs au
11:19maniement de fonds CARPA et ce quel que soit le support matériel ou immatériel. L'avocat est
11:27soumis au secret professionnel mais doit s'assurer également du respect du secret professionnel par
11:31les personnes qui travaillent à ses côtés, les collaborateurs, c'est une évidence puisqu'ils
11:34sont avocats, mais également le personnel salarié ou des prestataires extérieurs auxquels il peut
11:38avoir recours dans le cadre de l'établissement d'un rapport d'expertise par exemple. Il est
11:43responsable disciplinairement en cas de difficulté donc il doit être très vigilant. Le client en
11:49revanche n'est pas soumis au secret professionnel. Est-ce que la confidentialité des échanges entre
11:54l'avocat et son client couvre également la confidentialité des échanges avec les proches
12:00du client ? Oui, dans certaines conditions. La jurisprudence de la Chambre criminelle de la
12:06Cour de cassation a évolué progressivement pour des raisons inhérentes à l'exercice des droits
12:13de la défense. Ce secret professionnel protège les échanges entre l'avocat et les proches du client
12:20même s'il n'est pas encore client, c'est-à-dire les échanges avec un tiers proche d'un potentiel
12:26client qui cherche précisément à identifier un avocat sont couverts par le secret professionnel.
12:32Évidemment la question se pose quand le proche en question est sur écoute typiquement. Mais
12:38également une fois que le client est effectivement devenu le client de l'avocat, l'avocat doit
12:44pouvoir s'appuyer sur les proches lorsque c'est nécessaire pour l'exercice des droits de la
12:50défense, la stratégie, réunir des éléments de preuve, etc. La jurisprudence de la Cour de
12:57cassation a écarté, étant constitutive d'une violation du secret professionnel, par exemple
13:02des moyens de preuve obtenus grâce à une géolocalisation qui avait été effectuée sur
13:06le véhicule de la compagne d'un client qui avait rendez-vous avec un avocat. Les enquêteurs ayant
13:11connaissance de ce rendez-vous puisque la compagne était sur écoute en ont profité pour placer un
13:15moyen de géolocalisation sur son véhicule. Un tel moyen de preuve a été écarté, déclaré comme
13:20nul. D'accord, on va s'intéresser maintenant à un autre aspect en matière pénale. Quelles sont
13:25les limites de la communication du dossier pénal par l'avocat à son client ? La communication du
13:32dossier pénal est là aussi strictement encadrée par l'article 114 du Code de procédure pénale.
13:38Ce que dit le texte, c'est que seuls les rapports d'expertise peuvent être remis en copie au client.
13:46Le client a accès au dossier par l'intermédiaire de son avocat, mais qu'il ne doit pas remettre de
13:51copie, et encore moins évidemment publier des éléments du dossier cela va de soi,
13:55sous peine d'enfreindre le secret de l'instruction, le secret de l'enquête,
14:00qui est un petit peu différent du secret professionnel, mais enfin ça se rejoint.
14:04Alors est-ce qu'on peut avoir des améliorations quant à l'accès au dossier pour le client ?
14:10Alors les améliorations, la question se pose essentiellement toujours dans le cadre de l'exercice
14:18des droits de la défense du client, puisque c'est vraiment ça la boussole pour l'avocat,
14:21c'est-à-dire est-ce que ces pièces sont nécessaires et utiles à la défense du client,
14:25notamment au plan civil par exemple. On peut imaginer qu'il y ait une procédure civile en
14:29cours dans le cadre de laquelle l'avocat peut avoir besoin de produire des pièces issues d'un
14:33dossier pénal. En principe, pendant que l'enquête est en cours, l'instruction en cours, ce n'est
14:37pas possible pour l'avocat d'une partie mise en cause. En revanche, pour l'avocat d'une partie
14:42civile, c'est possible. La partie civile n'est pas tenue au respect du secret. En tout état de
14:46cause, si l'avocat estime qu'il doit absolument produire des pièces, il doit idéalement demander
14:52l'autorisation au parquet, ce qui n'est prévu par aucun texte, et soit le parquet divu ne s'oppose,
14:59ce qui n'aura rassuré l'avocat qui pourra se dire qu'il évitera des poursuites pour violation
15:05du secret professionnel. Mais on est toujours un peu sur le fil, on va dire. Donc, vigilance et
15:11prudence pour les avocats. Comment la jurisprudence aujourd'hui traite-t-elle cette question de la
15:18confidentialité des échanges entre l'avocat, son client et ses proches ? Est-ce qu'elle est
15:22plutôt protectrice ? Oui, elle l'est tout à fait, puisqu'on voit que les arrêts de la Cour de
15:32Cassation, que j'ai évoqué tout à l'heure, datent de septembre-décembre 2022 et janvier 2023,
15:36donc c'est relativement récent, et on voit qu'il y a, c'est le cas d'ailleurs également un petit
15:42peu en matière civile, qu'il y a, je dirais, un assouplissement pour tenir compte du droit
15:47d'accès à la preuve, le droit d'accès à la défense, qui est pris en compte par la jurisprudence.
15:55Néanmoins, là encore, l'avocat devrait être très vigilant sur, je dirais, le risque de conflit
16:03d'intérêt, c'est-à-dire qu'il ne doit en aucun cas, en communiquant à des proches ou à des tiers,
16:07prendre le risque de communiquer à des personnes d'abord évidemment impliquées dans les faits,
16:10ce qui n'est pas toujours évident de savoir au début d'un dossier, et des tiers qui peuvent
16:16avoir des intérêts divergents avec le client. Donc là encore, prudence, il faut y aller pas à pas.
16:22Alors, un autre aspect intéressant, dans quel cas un avocat peut-il être délié du secret
16:27professionnel ? Alors, plusieurs cas possibles. D'abord, s'il est évidemment lui-même,
16:31je dirais, concerné par l'infraction pénale, malheureusement, ça peut arriver. En tout cas,
16:38s'il lui-même a commis une infraction pénale ou s'est rendu complice d'une infraction pénale,
16:42évidemment, il ne peut pas opposer le secret professionnel. Il est délié du secret professionnel
16:46également pour l'exercice des droits de la défense, de sa propre défense, si sa responsabilité était
16:51recherchée au plan civil ou au plan pénal. Ensuite, il y a évidemment les obligations qui
16:56découlent du code monétaire et financier. Donc, c'est traque-fin, c'est l'obligation de déclarer,
17:03alors pas dans l'exercice des droits de la défense ou lorsqu'il a une mission de représentation en
17:08justice, mais dans tous les autres cas de constitution de société, opérations,
17:13transactions immobilières, etc. Des déclarations de soupçons.
17:16Des déclarations de soupçons, effectivement, que l'avocat fait à son bâtonnier, qui ensuite
17:19décide s'il transmet à la cellule traque-fin. Et enfin, en cas de risque de commission ou
17:27d'aggravation d'une infraction pénale susceptible de porter atteinte aux personnes,
17:32c'est-à-dire physiquement, violence, enlèvement, violence sexuelle,
17:37l'avocat est délié du secret professionnel également.
17:40Est-ce qu'il y a un moyen de concilier à la fois le respect du secret professionnel que vous venez
17:45d'évoquer et la nécessité de communiquer certaines informations pour défendre son client ?
17:50Oui. Les principes de prudence qui doivent s'appliquer à l'avocat, c'est d'abord de
17:58déterminer précisément quels tiers, quels proches ont vraiment un rôle à jouer dans le cadre de
18:04l'élaboration de la stratégie de défense du client. Et ça, c'est important de le documenter au
18:09minimum. Il faut être capable de pouvoir rapporter la preuve et de justifier pour
18:12quelle raison l'avocat a enfreint le secret professionnel, le principe du secret professionnel
18:17auprès de telle ou telle personne. Ensuite, il doit évidemment attirer l'attention des tiers en
18:22question sur le nécessaire respect du secret professionnel pour éviter que les tiers ne
18:29divulguent des informations couvertes par le secret professionnel, le secret de l'instruction,
18:33le secret de l'enquête. Et donc, l'avocat, je pense, doit vraiment s'assurer si possible par
18:40écrit de ce qu'il a bien communiqué, ces informations d'abord à son client, mais
18:44également aux tiers qui sont susceptibles d'intervenir pour les besoins de l'exercice
18:49de la défense du client. Alors, on voit beaucoup d'avocats en matière pénale s'exprimer devant
18:55les médias. C'est parfois délicat d'avoir, de mettre le bon curseur pour bien protéger son
19:02client et ne pas enfreindre le secret professionnel. Tout à fait, c'est un exercice d'équilibriste que
19:10certains réussissent avec plus ou moins de talent, mais l'exercice est compliqué et on sait que
19:14parfois en matière pénale, le levier médiatique est utilisé à tort ou à raison pour parfois essayer
19:20de faire bouger un petit peu les lignes, en tout cas de faire, de débloquer des situations
19:25procédurales un peu compliquées avec des délais longs, etc. Et donc, l'avocat, dans l'exercice des
19:33droits de la défense, parfois a recours effectivement à des communications médiatiques,
19:38mais il doit le faire avec une extrême prudence et vigilance, parce qu'il n'est pas à l'abri non
19:42seulement de poursuites pénales, mais également de poursuites disciplinaires, pouvant aller jusqu'à la
19:45radiation. Donc, la vigilance est de mise. Merci Juliette Schwebelin. Je rappelle que vous êtes
19:51associée au sein du cabinet Jensen et Schwebelin, également vice-présidente de la commission règles
19:56et usages du CNB. Merci Arnaud. Tout de suite, l'émission continue. On va parler des données
20:01qui peuvent être collectées par un recruteur.
20:07On va parler des juristes de la French Tech avec mon invité Lucille Borgnes, Head of Marketing
20:20chez Tomorrow. Lucille, bonjour. Bonjour Arnaud. Nous allons faire le point sur les juristes de
20:25la French Tech. À l'aune de l'étude que vous avez menée, quelle est la place des juristes de la Tech
20:32dans l'entreprise ? Les juristes de la French Tech sont progressivement reconnus comme des acteurs
20:38stratégiques au sein de leurs entreprises, même si leur place reste limitée comparée à d'autres
20:45fonctions, comme par exemple la finance ou les RH. Après, il y a eu une nette amélioration comparée
20:51à l'année dernière sur les juristes siégeants au comité de direction. Donc, on est à 42% cette
20:59année. C'est 7 points de plus que l'année dernière. En revanche, la présence au board reste limitée.
21:06Donc, on est à 35% environ. Ensuite, c'est assez intéressant de regarder leur rattachement
21:12hiérarchique. Cette année, 42% uniquement des juristes de la French Tech sont rattachés
21:19directement au CEO. Donc, c'est un chiffre qui en baisse depuis ces deux dernières années. Et ça,
21:25c'est au profit d'un rattachement au CFO. Et là, ce qui est intéressant, c'est de comparer
21:32à d'autres pays, comme par exemple les États-Unis, où 81% des directeurs juridiques sont rattachés
21:37au CEO. Et ça, ça montre vraiment une différence de perception de la fonction, où en France,
21:43c'est encore vu comme une fonction experte technique, tandis qu'aux États-Unis, c'est
21:49plutôt perçu comme une fonction stratégique et business. Alors, vous l'avez dit, les juristes
21:55de la Tech sont très peu présents au board. Mais est-ce qu'ils ont quand même un rôle dans
22:00les décisions stratégiques de leur entreprise ? Oui. Alors, en effet, ils doivent encore renforcer
22:06leur influence dans les décisions stratégiques. Et il y a du progrès à faire. Ils doivent aussi
22:11casser certains clichés, comme par exemple celui d'être vu comme des empêcheurs de tourner en rond.
22:16Et ils doivent passer d'une fonction qui est perçue comme support, comme je l'ai dit,
22:21à un rôle de leader au sein des entreprises. Et là, leur objectif, ça va être de mieux
22:27comprendre les attentes du board, justement, d'anticiper les risques. Donc, c'est là où
22:32ils peuvent vraiment jouer un rôle sur les décisions stratégiques et donc guider le choix
22:39des leaders sur ces décisions stratégiques au sein des entreprises. Et ça, justement,
22:45les juristes de la French Tech ont bien compris qu'ils devaient renforcer ce positionnement. Et
22:51ils comptent bien, et ça, c'est beaucoup ressorti dans l'étude, se former en leadership, notamment
22:57via du mentoring ou via des formations, par exemple sur la prise de parole.
23:01C'est des choses que vous voyez déjà actuellement ?
23:04Oui. Cette étude, elle a été faite en collaboration avec FedLegal et Encolo,
23:12qui, justement, fait du mentoring auprès des directions juridiques. Et dans plusieurs
23:18réponses qui ont été données dans l'étude, on montre qu'il y a vraiment une volonté des juristes
23:24et des directeurs juridiques de se former et de devenir des leaders au sein de l'entreprise.
23:28Quel est le degré de maturité des juristes de la Tech en matière de transformation numérique ?
23:35Ils avancent d'année en année sur leur digitalisation. Dans l'étude,
23:40cette année, 75 % des juristes estiment leur niveau de digitalisation comme correct ou avancé.
23:47Et les outils qu'ils implémentent, ça va par exemple être des outils de gestion des contrats,
23:52donc des CLM. Donc, on a 60 % qui ont déjà mis en place un CLM ou qui sont en phase d'implémentation.
24:01Et là, c'est 10 % de plus que l'étude, pardon, 10 points de plus de l'étude qui a été menée par
24:07l'AFJE de l'année dernière où il y avait 50 %. Donc, c'est une étude globale qui a été faite sur
24:11tous les juristes. Donc, il y a une vraie tendance de fond sur ce sujet.
24:13Oui. Et justement, ça les aide, c'est au cœur de leur priorité pour gagner du temps sur les tâches
24:24qui peuvent être automatisables, de mieux gérer les risques et aussi d'autonomiser les équipes
24:30opérationnelles. Alors, vous avez évoqué une de leurs priorités. Quelles sont les autres
24:35priorités des juristes de la French Tech ? Alors, il y a plusieurs priorités. Dans l'étude,
24:40on a tout un chapitre qui est dédié à l'intelligence artificielle. 71 % des juristes
24:48utilisent l'IA générative au quotidien et près de la moitié l'utilisent quotidiennement.
24:54Donc, il y a une vraie tendance de fond à l'utilisation de l'intelligence artificielle
24:58ces dernières années. C'est ça. Et l'utilisation aujourd'hui,
25:01elle va être plutôt centrée sur de la rédaction de clauses, par exemple,
25:05la recherche juridique ou de l'automatisation de tâches répétitives. Après, cette utilisation,
25:13elle reste quand même assez simple et nous, on pense que le potentiel est encore sous-exploité.
25:18Pourquoi ? Ça peut être utilisé beaucoup plus profondément, par exemple, sur l'utilisation de
25:26la donnée, par exemple, sur les contrats pour gagner tout simplement du temps et également
25:32utiliser cette donnée derrière, par exemple, pour la gestion des risques, etc.
25:38Est-ce qu'il y a d'autres enseignements de l'étude ?
25:41Oui. Alors, j'en ai parlé, le renforcement en leadership. Donc là, ça va être pour
25:47s'imposer comme des leaders stratégiques. Et justement, l'IA en automatisant les tâches
25:54à faible valeur ajoutée, elle va permettre de libérer le potentiel des juristes pour pouvoir
26:01se concentrer sur les tâches plus stratégiques. Ensuite, il y a aussi l'optimisation des ressources.
26:07Donc, il y a encore cette année des contraintes budgétaires auxquelles les juristes doivent
26:13faire face. Et le dernier point, j'en ai parlé, c'est l'intégration de l'IA dans les processus.
26:18Est-ce qu'on a aussi une idée du regard des autres directions par rapport aux juristes de la French Tech ?
26:26Comme je vous l'ai dit, ça dépend évidemment des entreprises, mais il ne faut plus que les juristes
26:32soient vus comme une barrière, mais justement comme des leaders au sein des entreprises.
26:36Et ça, ça commence à évoluer de plus en plus.
26:40Donc, vous le dites, c'est aussi ce travail de mentorat, de formation, de développement
26:45de compétences qui va faire que le rôle des juristes va changer et peut-être être mieux
26:50accepté par d'autres directions au sein de l'entreprise ?
26:53Oui, c'est ça. Et comme par exemple le fait qu'ils soient non plus rattachés à la finance,
26:57mais directement au CEO. Et donc, il y a une vraie transformation culturelle qui doit s'opérer pour
27:04que justement les juristes ne soient plus uniquement perçus comme des experts techniques,
27:10mais également comme des partenaires stratégiques dans l'entreprise.
27:15Est-ce qu'il y a aussi un développement ? On parlait de développement des compétences.
27:20Est-ce qu'on sait quelles sont les compétences clés des juristes de la Tech ?
27:23Précisément sur la Tech, aujourd'hui, on recherche plutôt des juristes généralistes
27:32plutôt que spécialistes pour pouvoir gérer une multitude de sujets au sein des entreprises.
27:38Et ça, c'est ce qui ressort particulièrement sur les juristes de la French Tech.
27:42On va conclure là-dessus. Merci Lucille Born. Je rappelle que vous êtes Head of Marketing
27:47au sein de Tomorrow. Merci de votre fidélité. C'est la fin de cette émission. Restez curieux
27:54et informés. À très bientôt sur Bsmart4Change pour un nouveau numéro de Lex Inside.

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